Eugène Pottier au Père Lachaise

La Commune d’hier et d’aujourd’hui au Père Lachaiseceux qui l’ont vécue et ceux qui s’en sont inspirés au XXème siècle, visite guidée

 

À l’origine de la Commune, la guerre

En 1870, la Prusse envahit la France mais n’entre pas dans Paris. Elle laisse le soin de la reddition des parisiens au gouvernement provisoire d’Adolphe Thiers (au PL). En 1871, les « communeux » ne veulent pas se rendre, être dominés en l’état actuel de la République autoritaire qui veut les désarmer. Ils veulent une république sociale, telle qu’elle sera inscrite plus tard et officiellement dans l’article premier de notre Constitution.

La fin de la Commune au Père Lachaise

La Commune se termine dramatiquement dans le vingtième arrondissement. C’est au Père Lachaise qu’auront lieu les derniers combats de la Commune, et les traces de balle restent encore aujourd’hui bien visibles. Trois monuments nous rappellent la guerre contre les prussiens, à l’origine de la défaite de la France et avec ses nombreuses conséquences : la fin de l’Empire, le gouvernement provisoire, ses décisions, et enfin la Commune de Paris (sans oublier celles de la province moins médiatisées), qui finira dans le sang jusqu’aux exécutions sommaires devant le Mur des fédérés.

C’est à travers les tombes des personnalités et les différents monuments du cimetière que nous aborderons localement cette partie, tragique encore dans nos souvenirs. Cette page d’histoire est toujours commémorée -chaque année au mois de mai devant le mur des Fédérés- par les organisations syndicales, les partis politiques de gauche et les francs-maçons.

Que reste-t-il aujourd’hui de la Commune 

Au bout des 72 jours de combat, ils s’agit d’une défaite militaire des parisiens (qui ne sont pas véritablement militaires), mais une mémoire historique des français qui y font toujours référence aujourd’hui. Une évocation toujours d’actualité avec de nombreuses sources d’inspiration artistiques et des chansons populaires comme le temps des cerises, interprétées dans le monde entier… et par Mouloudji et Yves Montand, enterrés au Père Lachaise.

Les précisions sur la visite :

Date : dimanche 21 mai 2023

Heure de rendez-vous : 10h00

Durée : 2 heures

Cette visite guidée est proposée par Philippe Gluck, président de l’AHAV. Elle est réservée aux adhérents et sur inscription à ahav.paris20@gmail.com. Le lieu de rendez-vous vous sera précisé en retour.

PS : la mairie du 20ème commémore chaque année la Commune de Paris. Cette année, la cérémonie aura lieu :

📅 Dimanche 28 mai
🕒 à 11h30
📍 au cimetière du Père-Lachaise, devant le Mur des Fédérés

École en conflit dans le 20e

Ambroise Croizat père de nos retraites

Notre système de retraite est à la une de l’actualité. Le projet présenté en janvier a provoqué de nombreuses réactions et fait encore beaucoup parler de lui : vote à l’Assemblée et au Sénat, grèves, manifestations, tentatives de rencontres, appel au Conseil Constitutionnel, et toute cette actualité qui rebondit chaque jour … Mais revenons aux sources pour mieux comprendre de quoi nous parlons actuellement avec ce projet de loi.

Quelle est la véritable origine de notre système de retraite actuelle ? En quelle année a été imaginé puis élaboré le système de répartition ? Et qui est Ambroise Croizat dont si peu de gens se souviennent malgré l’immense ouvrage qu’il laisse à l’ensemble des Français, aujourd’hui au centre des préoccupations ? Qui prononce encore son nom en 2023 alors que se joue aujourd’hui ce qui fut mis en place après-guerre ?

L’origine de la construction « des Jours Heureux »

En mai 1944, le journal Libération pour la zone Sud publie sous le titre « Les Jours Heureux » le programme du Conseil national de la résistance (CNR). Il commence par ces mots : 

« Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. »

Croizat sur le quai du métro

Plaque en hommage à Ambroise Croizat, Métro Porte d’Orléans [s.d.]

En 1944-1946, concernant la sécurité sociale et l’assurance vieillesse, telle qu’elle était nommée à l’époque, l’ordonnance sur l’assurance vieillesse du GPRF – Gouvernement provisoire de la République française – met en place ce qui constitue encore aujourd’hui le socle du système de retraite. Changement majeur, le système repose non plus sur la capitalisation, mais sur la répartition, principe déjà mis en place en 1941 où l’allocation pour les vieux travailleurs était déjà financée par les cotisations versées par les actifs en vue de leur pension. Et déjà des débats avaient lieu sur l’âge de la retraite : « Nous risquons donc de voir arriver le moment où les travailleurs actifs ne pourront nourrir les vieillards. »

L'idée da retraite par cotisation début 20e siècle

Publicité comparative pour le système de retraite par obligation, années 1910-1920

Il y a en effet à la Libération un consensus politique, une aspiration commune entre gaullistes et communistes sur les questions économiques et sociales qui n’ont jamais eu d’autre équivalent dans l’Histoire contemporaine, correspondant à une vraie attente de la part de ceux qui étaient nés vers 1900, et avaient vécu la première et la seconde guerres mondiales, de construire un monde meilleur, plus juste et plus égalitaire. D’où le passage d’une logique d’assurance, où chacun cotise pour soi, à une logique de transfert social, où l’on cotise pour les autres, ceux dans le besoin.

« Jamais le problème des retraites ne s’est posé avant autant d’acuité qu’à présent », lit-on en août 1945 dans Forces nouvelles, journal du Mouvement républicain populaire (MRP), alors que se prépare la réforme de « l’assurance vieillesse ». « Autrefois, le “vieux” terminait ses jours entre ses enfants. Aujourd’hui, parce que sa famille est dispersée et que l’exiguïté des salaires permet à chacun seulement de s’entretenir, le “vieux” doit compter sur lui et se garantir contre les mauvais jours. Seulement, dans la plupart des cas, il est incapable de réaliser seul les économies nécessaires pour la constitution d’une retraite même modeste. […]. C’est pourquoi l’assurance-vieillesse collective s’est largement développée : elle est devenue un problème national ».

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 donnent un cadre légal à la Sécurité sociale souhaitée par le CNR. L’application de ces ordonnances est donc la conjugaison fructueuse de deux gaullistes et d’un communiste. D’abord préparées par Alexandre Parodi, gaulliste, entre septembre 1944 et octobre 1945, elles vont être mises en place par Ambroise Croizat, son successeur au Ministère du travail et de la Sécurité sociale, communiste, et par Pierre Laroque pour sa mise en place, gaulliste.

Le bilan du PC en avant

Ambroise Croizat sur l’affiche électorale du PC après guerre

L’application concerne, outre la retraite par répartition :

  • la mise en place de la Sécurité sociale,
  • le doublement des allocations familiales,
  • l’augmentation de 50 % des heures supplémentaires,
  • la suppression de l’abattement de 10 % sur les salaires féminins,
  • l’amélioration du droit du travail français en renforçant les comités d’entreprise,
  • l’organisation et la généralisation de la médecine du travail,
  • le statut du travail des mineurs.

La question de la pauvreté des vieux travailleurs avait commencé à se poser dès la fin du XIXe siècle.

Le parcours engagé d’Ambroise Croizat

Ambroise Croizat nait à Briançon en 1901 dans une famille de « métallos ». Dès 1914, alors âgé de 13 ans, il commence à travailler en usine lorsque son père est appelé sous les drapeaux. Apprenti métallurgiste, il devient ouvrier ajusteur-outilleur dans la région lyonnaise. Il s’engage alors dans l’action syndicale. En 1917, à peine âgé de 16 ans, il s’inscrit aux Jeunesses socialistes et adhère en 1918 à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), il anime alors les grandes grèves de la métallurgie lyonnaise. Il entre ainsi au Parti communiste dès sa fondation en 1920 et en est l’un des dirigeants des Jeunesses communistes de 1920 à 1928. De 1929 jusqu’à sa mort en 1951, il restera membre du comité central, puis membre du Bureau de la Fédération de la jeunesse.

"Les conquis sociaux" - Ambroise Croizat

“Ministre des travailleurs” – extrait de CGTAFPA

Du syndicalisme à l’action politique

En 1936, au moment où se réalise l’unité syndicale, il devient secrétaire général de la Fédération unique des métallurgistes CGT. Élu député communiste de Paris à l’heure où Léon Blum devient président du Conseil des ministres, il participe activement aux grands acquis sociaux du Front Populaire : congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives, entre autres. Il est en particulier négociateur de la convention de la métallurgie parisienne, rapporteur sur la loi des conventions collectives à la Chambre.

Arrêté et incarcéré en 1939, puis libéré en 1943, trois mois après le débarquement allié en Afrique du Nord, il est nommé par la CGT clandestine à la commission consultative du gouvernement provisoire d’Alger (GPRF).

Ambroise Croizat est nommé successivement ministre du Travail, du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946 par Charles de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République, puis ministre du Travail et de la Sécurité sociale du 26 janvier au 16 décembre 1946 et du 22 janvier au 4 mai 1947.

Il mènera jusqu’au bout une vie de militant « pied à pied », avec une envie de changer le monde. L’influence de son action au service des Français est cependant à l’époque sous-estimée, et reste jusqu’à aujourd’hui très peu connue. Il meurt d’un cancer du poumon le 11 février 1951.

Ambroise Croizat au Père Lachaise

Organisées par le Parti communiste français, les obsèques d’Ambroise Croizat, qui ont lieu le 17 février, sont à la mesure de l’œuvre qu’il laisse derrière lui. Son corps est exposé à la Maison des métallurgistes (aujourd’hui Maison des métallos) puis au siège de la CGT. Un million de personnes accompagnent en silence sa dépouille jusqu’au cimetière du Père Lachaise, ce « peuple de France qui l’avait aimé et à qui il avait donné le goût de la dignité » écrira-t-on le 18 février 1951 dans L’Humanité.

Les nombreuses couronnes 70 ans après

Tombe d’Ambroise Croizat au Père Lachaise en 2021 (Anniversaire des 70 ans de sa mort)-PG

 

Pour les membres de l’AHAV, un article plus complet est disponible dans l’espace adhérent : L’invention sociale ou la croisade d’Ambroise Croizat
(Merci de vous connecter dans Mon espace adhérent / Connexion avant de cliquer sur le lien pour y accéder)

À une jeune comédienne qui lui disait  : «Moi, je n’ai jamais le trac sur scène»,  Sarah Bernhardt lui aurait répondu: «Ne vous inquiétez pas ma petite, ça vous viendra avec le talent».

Sarah Bernhardt, la première « mégavedette internationale » comme l’intitule aimablement  Radio Canada, est morte il y a cent ans,  le 26 mars 1923. Un hommage national lui est rendu tout prochainement sous différentes formes, avec en particulier une exposition ouverte au Petit Palais jusqu’au 27 août 2023.

De notre côté, plus modestement, nous reproduisons ici notre article paru le 11 juin 2021.

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Sarah Bernhardt : la presse, les ondes et Vénus

Elle est née « officiellement » le 25 septembre 1844. En tout cas, d’après son état civil reconstitué, les archives de l’Hôtel de Ville ayant été brûlées lors des derniers jours de la Commune.

Elle est la première actrice de théâtre à avoir fait des tournées dans le monde entier

Elle a atteint des sommets de sa célébrité… au point même que son nom est choisi en 1985 désigner un cratère sur Vénus.

Et enfin, elle reste encore ces mois-ci d’actualité, on ne sait pas pourquoi. Ainsi, dans son numéro de juin, L’ami du 20e lui consacre deux articles : celui dans sa série sur le Matrimoine du Père-Lachaise (extrait du livre le Matrimoine de Paris), et le second à propos du square du 20e qui porte son nom… et des arbres qui y sont abattus.

Le matrimoine de Paris, un itinéraire dans le 20e

Le matrimoine de Paris, éditions Bonneton

Autre support, ce 9 juin 2021 sur France Culture, dans son émission le cours de l’histoire, Sarah Bernhardt fait l’objet d’une émission entière à propos de son éloquence, d’un autre temps, avec comme titre : « Sarah Bernhardt en faisait-t-elle trop ? ». Nous pouvons y entendre un court extrait de sa voix enregistrée à cette époque.

Dans leur lettre d’information daté de mai 2021, nos amis de la Société historique du VIe arrondissement nous parlent aussi d’elle, dans le cadre du Paris assiégé en 1871, avec comme sous-titre : Quand Sarah Bernhardt joue les infirmières. Nous y apprenons, en détail et au quotidien, son rôle premier et son implication dans la transformation du théâtre de l’Odéon en hôpital.

Enfin -mais cette fois-ci pour mémoire- lors de ses funérailles similaires à celles des funérailles nationales, cinq chars ont défilé, couverts d’un ensemble de gerbes et de couronnes.

cortège lors du décès Sarah Bernhardt

Début de cortège lors du décès Sarah Bernhardt, bnf

Obsèques de Sarah Bernhart

La foule lors des obsèques de Sarah Bernhart, bnf

Le quotidien Le Siècle, daté du 31 mars 1923, avance le fait que « de l’église (Saint-François-de-Sales) au cimetière, l’on a évalué à plus d’un million le nombre des assistants… Au coin des rues, des marchands de cartes postales vendaient le portrait de la grande artiste. » Au Père Lachaise, des milliers de personnes l’attendaient.

 Enterrement de Sarah Bernhardt au Père Lachaise

Enterrement de Sarah Bernhardt au Père Lachaise, bnf

 Père Lachaise tombe de Sarah Bernhardt

Au Père Lachaise, en attendant le cercueil de Sarah_Bernhardt, bnf

Tombe de Sarah Bernhardt au Père Lachaise en 2021

Tombe de Sarah Bernhardt au Père Lachaise, PG

Molière et ses statuettes

Cette année 2023 correspond au 450ème anniversaire de la mort de Molière, décédé le 17 février 1673 et enterré le 21 février suivant.

À cette occasion, nous reproduisons ci-dessous notre article paru le 19 janvier 2022, et qui aborde son parcours pour le moins mouvementé après sa mort.

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Molière enterré, un parcours en 4 actes

 

400 ans après sa naissance, la mémoire de Molière -mort à 51 ans- est toujours bien présente dans notre vie publique. La Comédie-Française est appelée communément la Maison de Molière, l’ancien billet de 500 NF est à son effigie, chaque année les Molières récompensent le monde du théâtre… et actuellement la Poste et la Monnaie de Paris lui rendent hommage.

Molière sur le billet de banque

Molière sur le billet de 500 nouveaux francs en 1964

Aujourd’hui encore, avec celle de La Fontaine à ses côtés, la sépulture de Molière fait partie des tombes du Père Lachaise les plus visitées. Du point de vue patrimonial, sa tombe est protégée par un arrêté ministériel du 21 mars 1983, mais quel parcours avant d’en arriver là !

 

Le comédien et l’église

Tout d’abord au moment de sa mort, l’église entre en scène. Depuis le concile d’Elvire, en Espagne au IVe siècle, elle refuse aux comédiens le droit d’être enterré chrétiennement. Le concile mettait alors au même niveau l’acteur et la prostituée.

C’est dans ce contexte religieux toujours respecté en France que le 17 février 1673 à Paris, rue de Richelieu, Molière demande à ses proches un prêtre pour recevoir les derniers sacrements. Deux d’entre eux -les abbés Lenfant et Lechat- refusent de se déplacer pour un comédien et le troisième arrive trop tard, alors que vers 22h Molière vient de mourir.

Les conditions de l’enterrement de Molière

Pas de confession, pas de sacrement : quid de son enterrement ? Molière faisait partie de la paroisse Saint Eustache et son curé va refuser en conséquence son inhumation chrétienne. Alors sa veuve, Armande Béjart, intervient en écrivant à l’archevêque de Paris, puis en allant voir Louis XIV.

Molière, 1er lieu d'enterrement

Le cimetière rue du Croissant, premier lieu d’inhumation de Molière. Wikipédia

Elle finira par obtenir son enterrement dans le cimetière de la chapelle de Saint-Joseph (attachée à la paroisse Saint-Eustache) accompagné par deux prêtres, mais de nuit et sans cérémonie. Trois ecclésiastiques ont placé Molière dans une bière en bois et c’est ainsi que Molière sera enterré le 21 février 1673.

 

Les différents transferts du corps

À peine inhumé vers 21h, conformément aux vœux du roi et dans les conditions prescrites par l’archevêque, tout conduit à penser qu’ensuite son corps a été déplacé. Où exactement ? Dans la partie non consacrée du même cimetière, celle réservée aux suicidés et aux enfants mort-nés.

Marie-Christine Pénin, historienne et spécialiste des lieux de sépulture, nous en donne toutes les précisions dans son article sur la mort et les transferts de Molière. Elle nous rapporte ensuite plus particulièrement, l’aventure malheureuse en 1792 des restes supposés de Molière et La Fontaine. Il se trouve que les squelettes des deux personnages sont réunis au musée des Monuments français et :

« plusieurs éléments concordent pour penser qu’à un moment les deux squelettes, sortis de leur caisse, (ont été) réintégrés dans le désordre ».

Ils seront transférés ainsi 25 ans plus tard au cimetière du Père-Lachaise.

 

Tombe de Molière dessinée en 1875

La Fontaine et Molière au Père-Lachaise en 1875. Dessin de Deroy

 

L’arrivée au Père Lachaise

En effet, au moment où le musée des Monuments français doit fermer ses portes en 1816, notre cimetière de l’Est parisien (créé en 1804 hors de Paris), est en déficit de notoriété et surtout de fréquentation. L’opportunité est donc là pour le musée de se défaire des deux prestigieuses caisses et permettre au Père Lachaise de faire sa publicité en y intégrant nos deux célébrités.

Le Journal de Paris daté du 28 février 1817 transcrit ainsi cette décision :

S. Exc. le ministre de l’intérieur a chargé M. le préfet, de la Seine de faire retirer du jardin attenant à ces bâtimens les deux sarcophages qui renferment les restes de Lafontaine et de Molière, et de les transférer dans le cimetière qui a remplacé celui de Saint-Joseph. Le préfet a pris des dispositions pour que ce transport s’effectue avec tous les égards religieux dus à la mémoire de ces hommes célèbres. Ces monuments seront placés dans le cimetière du Père Lachaise, et dans l’endroit le plus convenable à recevoir les mausolées de deux de nos plus grands poètes.

 

L’endroit retenu se situe à la 25ème division, dans la partie romantique du cimetière. Cette partie sera ensuite classée comme site remarquable au titre de la loi du 2 mai 1930 sur les Monuments naturels et les sites, précisée plus tard par arrêté ministériel du 17 décembre 1962.

En 1817, nous sommes sous la Restauration, et avec Louis XVIII l’influence de l’Église est de retour. Dans cet esprit, on pouvait lire dans le journal La Quotidienne daté du 11 mars 1817 :

La translation des cendres de ce grand homme occupe tous les esprits jaloux de la gloire nationale, et ses restes enlevés à une sépulture profane vont recevoir dans le cimetière du père Lachaise les honneurs funèbres de l’église.

Et c’est ainsi que le dernier voyage d’outre-tombe de Molière a lieu le 6 mars 1817, avec sa place définitive le 2 mai 1817 telle que nous la connaissons aujourd’hui : sa sépulture réunie avec celle de La Fontaine et entretenue par les jardiniers de la Ville de Paris.

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Sépulture de Molière au Père Lachaise en 2022

Sépulture de Molière en janvier 2022 PG

L’inscription sur son tombeau date de 1818

Ossa L.B. (JB) Poquelin Moliere Parisini, comoediae principis, hic translata et condita anno salutis MDCCCXVII curante urbis praefecto comite Guilberto Chabrol de Volvic. Obiit anno salutis MDCLXXIII aetatis LI

Traduction en français : les ossements de JB (Jean-Baptiste) Poquelin Molière de Paris, prince de la comédie, transférés et inhumés ici l’an du salut 1817 sous le préfet de la ville Gilbert comte Chabrol de Volvic. Il mourut l’année du salut 1673 à l’âge de 51 ans. 

 

Vrai et faux sur la fin de Molière

La mort de Molière, panneau de la BNF Richelieu, exposition jusqu’au 15 janvier 2023-PG

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À écouter sur France Inter, l’émission L’INVITÉ DU WEEK-END du samedi 15 janvier 2022 :

400e anniversaire du baptême de Molière : « Il a été l’ancêtre des stand-uppers » selon Georges Forestier

23 mn avec Georges Forestier, historien de la littérature et biographe de Molière, Éric Ruf administrateur de la Comédie Française et et Philippe Collin, producteur des podcasts « Molière, le chien et le loup ».

Premier escalator à Paris

L’escalator du métro Père Lachaise, une première

le 14 mars 2023, La RATP « met en ligne » un service nouveau : la connaissance en direct de l’état des ascenseurs, des escalators et des trottoirs roulants : https://www.ratp.fr/node/3581

L’occasion de nous intéresser plus particulièrement au premier escalator installé dans le métro.

Le 25 février 1909, une grande première à la station Père Lachaise

La station Père Lachaise est en effet la première station du métro parisien à bénéficier d’un escalier mécanique, inauguré il y a 114 ans, et plus précisément le 25 février 1909.

Le Figaro daté de ce jour-là nous en restitue l’événement, en attribuant, pour le moins un peu rapidement, l’invention de l’escalator à l’ingénieur chargé de son installation :

Dans quelques jours on inaugurera, à la station métropolitaine du Père-Lachaise, un escalier mécanique qui recevra les voyageurs à la descente des trains et, sans secousse ni fatigue, les déposera à la sortie du métropolitain. Ce nouveau système est dû à M. Hocquart, ingénieur des arts et métiers et de l’École centrale. L’escalier, composé de 64 marches, dont 30 seulement sont apparentes, sera toujours en marche, fera gravir aux voyageurs deux étages en 25 secondes et pourra transporter 5000 voyageurs à l’heure.

Le préfet de police, M. Lépine, accompagné du directeur et des hauts fonctionnaires du métropolitain, ainsi que du commandant Cordier, du régiment des sapeurs-pompiers, s’est rendu à la station du Père-Lachaise et s’est fait transporter par le moyen du nouvel escalier, du fond du souterrain jusqu’à la sortie. M. Lépine a vivement félicité la Compagnie et M. Hocquart, dont l’invention rendra bientôt de singuliers services à la population parisienne.

Une invention datant de plus de 130 ans

 

Photo de Jesse W. Reno, inventeur de l’escalier mécanique

Quand il était étudiant à l’université de Lehigh, l’ingénieur américain Jesse Wilford Reno (1861-1947) devait monter 300 marches pour rejoindre le lieu d’une association dont il était membre.

D’un caractère très inventif, il imagine, en 1891, le premier escalator qu’il va appeler «l’ascenseur incliné». Il fait breveter son invention le 15 mars 1892 et la première construction est installée comme attraction dans le parc de Coney Island de New York.

 

Dessin de l'escalator en marche

Le premier escalator à Coney Island

Elle consiste alors en un escalier mobile qui élève les passagers sur un tapis roulant à un angle de 25 degrés. L’escalier mécanique, installé à l’Exposition de Paris de 1900, a remporté le premier prix.

Quant à l’escalator tel que nous le connaissons aujourd’hui, il a été conçu par un autre inventeur américain, Charles Seeberger (1857-1931). En collaboration avec la société Otis Elevator, le premier escalier mécanique commercial en 1899 est construit à l’usine New Yorkaise d’Otis.

Charles Seeberger a créé le nom « escalator » à partir du mot « scala », qui signifie marches en latin et du mot « ascenseur » ; en 1910, Charles Seeberger vend son brevet à la société Otis Elevator qui achète également l’année suivante le brevet de Jesse Reno. Otis domine alors, et pendant longtemps, la production des escaliers mécaniques et en améliore ses différents modèles.

inventeur du mot Escalator

Charles D. Seeberger

Confort et sécurité : la solution technique

À l’origine, les premiers modèles font massivement usage de bois. Toutefois, à l’occasion d‘un incendie dans le métro de Londres, on se rend compte que les escalators peuvent provoquer un embrasement général, ce qui va conduire à l’abandon de l’utilisation du bois.

Tout a été pensé pour le confort et la sécurité des utilisateurs et, sur certains modèles, les personnes transportées étaient assises, mais cette idée sera vite abandonnée.

Il est bon de souligner en pratique que grâce à son mécanisme constitué par des marches articulées, le départ d’un escalator est d’abord horizontal pour permettre une bonne stabilisation des passagers et de leurs bagages éventuels. Il va ensuite s’incliner en une courbe jusqu’à 30 degrés, avec deux rampes de maintien gauche et droite, appelée « main courante ».

Aujourd’hui, certains escalators sont dotés d’un détecteur de présence, permettant ainsi, en cas de non-utilisation, à ce que l’escalateur tourne au ralenti ou s’arrête, puis redémarre progressivement à l’arrivée d’un nouveau passager.

Le plus long escalier mécanique serait un escalier extérieur en quatre parties, situé dans un parc d’attraction à Hong Kong. Il mesure 227 mètres, pour un dénivelé de 115 mètres, soit l’équivalent de 38 étages.

Plan de l'Escalator

Escalator, le modèle présenté à l’Exposition universelle de 1900

 

Les escaliers mécaniques dans le métro parisien

A Paris, les escaliers mécaniques ont plus particulièrement été installés à partir des années 1970 quand les travaux étaient facilement réalisables, mais plus de cent stations de métro n’ont ni ascenseur ni escalator. L’accessibilité du métro de Paris reste donc médiocre ou impossible pour les personnes handicapées, les personnes avec une poussette ou chargées de bagages et les personnes âgées.

Seule la ligne 14 (9 stations) peut être empruntée par des personnes en fauteuil roulant. Par comparaison, l’accessibilité est assurée dans 71 des 270 stations du métro londonien. La loi de 2005 sur le handicap ne fixe aucune date limite pour l’accessibilité du métro du fait de travaux difficiles sur les lignes anciennes.

En fait, rendre les 309 stations du métro accessibles à tous reviendrait à plusieurs milliards d’euros et dans beaucoup de cas serait techniquement difficile, en conséquence la RATP ne se presse pas de faire ces travaux. L’accessibilité est en revanche pleinement intégrée aux critères de conception des nouvelles stations.

Paris reste donc l’une des grandes villes du monde où le réseau de métro est le moins accessible, loin derrière les modèles que sont Los Angeles ou Washington (100 % d’accessibilité) d’une construction pour autant plus récente.

Dans notre métro historique, « on ne peut pas faire en six ans et demi ce qui n’a pas été fait en 100 ans » souligne Lambis Konstantinidis, responsable des sujets paralympiques à Paris 2024.

Indispensable pour nous au quotidien, La RATP est aussi partie prenante d’une destination incontournable pour les touristes et les congrès.

Le métro par Hector Guimard

Le métro Père Lachaise en 2023-PG

Père-Lachaise avant le Panthéon ?

En ce 8 mars 2023, Emmanuel Macron doit présider à 14 heures au Palais de Justice un hommage national à Gisèle Halimi. Pour mémoire, sa pathéonisation reste  toujours  en suspend depuis ces deux dernières années. L’initiative actuelle du président de la République était prévue à l’origine dès 2020.  Elle avait été repoussée, mise en cause dans sa forme. Elle fait actuellement l’objet de divisions quant à l’opportunité du moment et les différents rebondissements qui l’ont précédé. 

 

L’article particulièrement documenté,  lisible sur Franceinfo ce 8 mars, nous en fournit toutes les précisions. L’occasion pour nous de reproduire notre article sur Gisèle Halimi et le procès de Bobigny, paru le 5 octobre 2022.

 

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 Bobigny, automne 1972, le procès qui a tout changé

 

Au moment où la Cour Suprême des Etats-Unis, en révoquant le droit constitutionnel à l’IVG, nous rappelle que les droits des femmes ne sont jamais définitivement acquis, faisons retour sur le procès de Bobigny qui s’est tenu il y a tout juste 50 ans, à l’automne 1972.

Cinq femmes y ont été jugées pour pratique et complicité d’avortement. Ce procès, dont la défense fut brillamment assurée par l’avocate Gisèle Halimi (enterrée au Père-Lachaise), eut des retentissements énormes et contribua à faire considérablement évoluer les esprits.

Les faits

Marie-Claire, 16 ans, enceinte à la suite d’un viol, refuse de garder l’enfant et demande à sa mère de l’aider. Michèle Chevalier, qui élève seule ses trois filles, est une modeste employée de la RATP, qui gagne 1 500 francs par mois.

Un avortement pratiqué par un médecin français agissant « discrètement » coûte alors 4 500 francs, soit trois mois du salaire de Mme Chevalier. C’est hors de ses moyens et elle décide de recourir à ce qu’on appelait alors une « faiseuse d’anges ». Finalement, l’intervention est pratiquée clandestinement pour 1 200 francs.

Quelques semaines plus tard, le violeur de la jeune fille, soupçonné d’avoir participé à un vol de voitures, est arrêté par la police. Et, espérant se dédouaner, il dénonce Marie-Claire. La police se rend alors chez Mme Chevalier et la menace de prison pour elle et sa fille si elle n’avoue pas. Marie-Claire, sa mère et les trois femmes qui les ont aidées sont mises en examen.

Le procès de la loi de 1920

En ce début des années 1970, en matière d’avortement, la France vit encore sous le régime de la loi du 31 juillet 1920 qui désigne le crime d’avortement comme passible de la cour d’assises. Depuis 1967, avec l’adoption de la loi Neuwirth, la contraception, enfin autorisée, est sortie du champ répressif, mais l’avortement en revanche reste hors-la-loi. Même si les tribunaux se montrent plus cléments dans les peines prononcées, les procès demeurent monnaie courante.

L’avocate Gisèle Halimi accepte de défendre les cinq inculpées. Avec Simone de Beauvoir, alors présidente de l’association féministe Choisir la cause des femmes, elles décident de mener un procès politique dénonçant l’avortement, sa répression et l’injustice sociale découlant de celle-ci : loin de reconnaître une culpabilité, la défense attaquera l’injustice de la loi de 1920. Les Françaises aisées se font avorter à l’étranger, dans des pays où l’avortement est légal comme la Suisse ou la Grande-Bretagne, tandis que les autres doivent le faire en France dans le secret et dans des conditions mettant souvent leur santé en danger.

Conférence de presse Gisèle Halimi tribunal de Bobigny

Gisèle Halimi devant le tribunal de Bobigny

Marie-Claire étant mineure, elle est jugée devant le tribunal pour enfants de Bobigny, à huis clos, le 11 octobre 1972. Gisèle Halimi évoque la foule qui, alors qu’elle plaidait, scandait à l’extérieur des slogans comme « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres ! ». Une manifestation du Mouvement de libération des femmes (MLF) et de Choisir a été brutalement réprimée par la police quelques jours plus tôt. La presse, témoin des brutalités, lui donne un large écho et on commence à parler du procès de Bobigny.

343 "salopes" pétitionnaires

Le manifeste des 343, histoire d’un combat

Après le huis clos du procès, le jugement est rendu en audience publique. Marie-Claire est relaxée, comme ayant souffert de « contraintes d’ordre moral, social, familial, auxquelles elle n’avait pu résister ». Pour Gisèle Halimi, « c’était à la fois courageux, tout à fait nouveau sur le plan de la jurisprudence et suffisamment ambigu pour que tous les commentaires puissent aller leur train ».

Pour le second volet du procès (les adultes), l’audience se tient le 8 novembre 1972, toujours à Bobigny. Des centaines de manifestants, dont des célébrités aussi diverses qu’Agnès Varda ou Aimé Césaire, se pressent dehors. A la barre, c’est un défilé de personnalités : Simone de Beauvoir, le prix Nobel de médecine Jacques Monod… Le professeur Paul Milliez, médecin et catholique fervent, déclare que, dans une telle situation, « il n’y avait pas d’autre issue honnête ». Mais le clou, c’est la plaidoirie de Maître Halimi, une plaidoirie magistrale – souvent même qualifiée d’« historique ».

La victoire est éclatante. Michèle Chevalier est finalement condamnée à une amende de 500 francs avec sursis et les autres femmes sont relaxées.

Apparition des personnalités publiques

Procès de Bobigny au moment du verdict

Qu’a changé le procès de Bobigny ?

On s’en souvient, le procès de Bobigny a suscité de nombreux débats. Le lendemain du procès, France-Soir publie à sa « une » la photo du professeur Milliez avec en titre « J’aurais accepté d’avorter Marie-Claire… ». Des centaines d’articles, de flashes ou d’émissions sur les chaînes de radio et de télévision sont consacrées à l’affaire. Le greffe de Bobigny reçoit dans les jours qui précèdent le procès, des lettres, pétitions et télégrammes demandant la relaxe des inculpées. Le ministre de la Santé publique, ancien garde des Sceaux, le très rigoriste Jean Foyer, s’insurge dans Ouest France : « Si on admet que l’avortement est une chose normale et licite, il n’y a plus de raison de s’arrêter… et il n’y a pas de raison pour qu’on n’en arrive pas aux extrémités qu’avec juste raison on a considérées comme étant les plus odieuses sous le régime hitlérien. » Le Figaro fait sa « une » sur « l’avortement en question ».

Le 9 janvier 1973, le président de la République Georges Pompidou, questionné sur l’avortement lors d’une conférence de presse, admet, tout en déclarant que personnellement l’avortement le « révulse », que la législation en vigueur est dépassée. Il demande l’ouverture d’un débat sur la contraception et l’avortement avec les représentants de la société.

Le mouvement Choisir la cause des femmes publie juste après le procès, en édition de poche, Avortement. Une loi en procès. L’affaire de Bobigny. Ce livre est une transcription intégrale de l’audience. En quelques semaines et sans publicité, plus de 30 000 exemplaires sont vendus.

Le retentissement médiatique du procès de Bobigny est considérable. Il a contribué à accélérer l’évolution des mentalités et des mœurs qui aboutit, en France, à la loi du 17 janvier 1975, dite Loi Veil, sur l’interruption volontaire de grossesse.

Et l’avortement en France aujourd’hui : on en est où ?

Selon les données du ministère des Solidarités et de la Santé, en 2018, 224 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France, dont 209 500 auprès de femmes résidant en métropole.

Le taux de recours s’élève à 15 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans en métropole et à 27,8 dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), son niveau le plus élevé depuis 1990. Les femmes de 20 à 29 ans restent les plus concernées, avec 27 IVG pour 1 000 femmes sur l’ensemble du territoire. L’indice conjoncturel d’avortement atteint 0,56 IVG par femme en 2018.

"A qui appartient le ventre de cette femme ?"

Affiche du MLF vers 1971

Les écarts régionaux perdurent, les taux allant du simple au double selon les régions : de 10,9 IVG pour 1 000 femmes en Pays de la Loire à 22 IVG en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans les DROM, ils sont plus élevés et atteignent jusqu’à 38,5 en Guadeloupe. 55 800 IVG ont été réalisées hors d’une structure hospitalière, soit 25% du total des IVG. À l’hôpital, la part des IVG instrumentales continue de décroître et s’élève à 40%, soit 30% du total des IVG.

Gisèle Halimi, une figure de la lutte pour les droits des femmes

Née en 1927, à La Goulette (Tunisie), et décédée le 28 juillet 2020, à Paris, Gisèle Halimi a été avocate, militante féministe et femme politique. Elle a trouvé sa dernière demeure au cimetière du Père-Lachaise (49e division).

Avocate, à partir des années 1950, elle défend des militants de l’indépendance algérienne, dont des membres du Front de libération nationale (FLN). À partir de 1960, elle assure la défense de l’activiste et militante Djamila Boupacha, accusée de tentative d’assassinat puis torturée et violée en détention.

Gisèle Halimi au moment du procès de Bobigny

Figure du féminisme en France, elle est la seule avocate signataire du « Manifeste des 343 », publié par Le Nouvel Observateur en avril 1971, qui réunit des femmes, célèbres ou non, déclarant avoir déjà avorté et réclamant le libre accès à l’avortement. Dans la foulée, elle fonde le mouvement Choisir la cause des femmes, avec Simone de Beauvoir et Jean Rostand. En 1972, au procès de Bobigny, son action comme avocate de femmes accusées d’avortement illégal permet l’acquittement de trois des accusées et un sursis pour la quatrième, et contribue à l’évolution des esprits vers la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, en 1975.

De même, sa défense médiatisée de deux femmes victimes d’un viol collectif, jugé en 1978, contribue à l’adoption d’une nouvelle loi en 1980, distinguant clairement l’attentat à la pudeur et le viol et permettant de reconnaître ce dernier comme un crime (au lieu d’un délit comme il l’était auparavant en droit français).

Proche de François Mitterrand, elle est députée en 1981-1984. Militant pour la parité en politique, elle obtient en 1982 le vote d’un article de loi autorisant des quotas par sexe aux élections (annulé par le Conseil constitutionnel). Avec Robert Badinter, elle est à l’origine de la loi abrogeant la distinction de la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels. À partir de 1985, elle occupe plusieurs fonctions successives à l’UNESCO, puis à l’ONU. Elle est en outre l’une des fondatrices de l’association altermondialiste ATTAC, en 1998.

Pour en savoir plus :

Gisèle Halimi, préface de Simone de Beauvoir, Le procès de Bobigny : Choisir la cause des femmes, Gallimard, nouvelle édition 2006, avec un texte inédit de Marie-Claire Chevalier.

Jean-Yves Le Naour, Catherine Valenti, Histoire de l’avortement, XIXe-XXe siècle, Paris, Aubier, 2003.

Catherine Valenti, Bobigny : Le procès de l’avortement, Paris, Larousse, 2010.

Le Manifeste des 343 : https://www.nouvelobs.com/societe/20071127.OBS7018/le-manifeste-des-343-salopes-paru-dans-le-nouvel-obs-en-1971.html

Visite guidée au Père Lachaise des monuments de la Guerre de 1870-1871

et des tombes des maréchaux du Ier Empire

En cette année 2022, nous avons abordé par une conférence les maréchaux d’Empire et Paris,

Et puis, avec son spectacle  hors les murs intitulé « Boulevard Davout », le Théâtre national de la Colline nous a donné l’occasion de présenter le maréchal qui lui a donné son nom.

Nous terminons ce cycle au Père Lachaise avec cette sortie principalement liée à la partie militaire du cimetière.

Grégoire Vialaret, président du Souvenir Français (Comité du 20e), abordera dans un premier temps les monuments commémoratifs des combattants des guerres mondiales. Il nous fera ensuite découvrir ceux de la guerre de 1870/1871 et terminera la visite par les sépultures des grands maréchaux de l’Empire.

        • Date : dimanche 4 décembre 2022
        • Heure de rendez-vous : 10h30
        • Lieu : entrée Gambetta du cimetière
        • Durée : 90 mn

Cette visite gratuite sur inscription est réservée aux adhérent-e-s. Pour vous inscrire, cliquez ici.

Différentes vies de Proust

Proust du temps de sa vie et au-delà

Le dernier chapitre de la vie de Proust se trouve au Père Lachaise, son passage du temps perdu vers le temps éternel. Décédé le 18 novembre 1922 à l’âge de 51 ans, ses funérailles ont lieu trois jours plus tard, notamment avec les honneurs militaires en tant que chevalier de la légion d’Honneur.

Le hasard fait que tout près de la tombe familiale se trouve enterré Pierre GRIMBLAT, résistant puis producteur/créateur des séries télévisées comme Navarro ou l’instit. Tous les deux sont nés d’une mère juive, et si Marcel Proust décède en 1922, Pierre GRIMBLAT naîtra cette année-là.

Centenaire au Père Lachaise

La tombe de Marcel Proust le 18 novembre 2022-PG

Le nom de Marcel Proust est connu du monde entier et au Père Lachaise, et il arrive très souvent que des étrangers viennent demander où se trouve sa tombe. Le nom, un nom, le sujet de sa citation : « Un nom, c’est bien souvent tout ce qui reste pour nous d’un être, non pas même quand il est mort, mais de son vivant ».

Vie privée, reconnaissance publique

Tout le monde connaît en premier lieu sa vie recluse d’homme à la santé fragile, comme en témoigne sa dernière gouvernante Céleste Albaret.

En ce qui concerne les faits de son temps, en 1898 Proust assiste au procès de Zola. Lui et son frère Robert signent la pétition de l’Aurore et « l’affaire Dreyfus » entrera à différentes reprises parmi les personnages de son œuvre.

Fin 1919, le prix Goncourt lui est décerné pour son livre À l’ombre des jeunes filles en fleurs.

Souvenir d'enfance - Proust

Marcel Proust, timbre de 1966 devant Illiers-Combray

Le 24 novembre 1920, son frère Robert Proust -lui-même officier de la Légion d’honneur- le « fait » chevalier de la Légion d’honneur avec l’accolade protocolaire… mais sans lui remettre l’insigne, cette croix bien matérielle mais sans doute oubliée ou perdue ce jour-là.

Proust - Timbre

Proust timbre portugais

Proust aurait pu mourir plus tôt

Autre événement de sa vie privée mais qui devient publique : dans le Journal daté du 3 février 1897 et à propos de la parution du livre Les Plaisirs et les jours, Jean Lorrain (sous le pseudonyme de Raitif de la Bretonne) évoque ainsi de manière à peine voilée la relation intime de Marcel Proust avec Lucien Daudet :

« Marcel Proust obtiendra sa préface de M. Alphonse Daudet, de l’intransigeant, M. Alphonse Daudet lui-même, qui ne pourra la refuser, cette préface, ni à Mme Lemaire ni à son fils Lucien. »

Compte tenu de la morale de l’époque, Marcel Proust alors âgé de 25 ans se voit contraint de « laver son honneur » et doit provoquer en duel Jean Lorrain, ce critique littéraire redoutablement connu comme « chroniqueur du vice parisien ». Le duel a lieu Le 6 février dans le bois de Meudon, les duellistes tireront volontairement vers le bas et l’incident se terminera ainsi.

Le public informé du duel - Proust

Duel de Proust in  » Le Siècle » du 7 février, 1897

La mort de Marcel Proust

Proust meurt à son domicile parisien le 18 novembre 1922. On peut voir son lit de mort au musée Carnavalet. Ce jour-là, son frère Robert (médecin) était venu le soigner.

Trois jours plus tard ont lieu les funérailles, soit au même moment où à l’hôpital Tenon Robert devait inaugurer le nouveau service de radiumthérapie en tant que « patron ». Il se fait donc représenter et lui et sa famille se rendent aux funérailles de son frère, en l’église Saint-Pierre de Chaillot puis au Père Lachaise.

Marcel Proust sur son lit de mort

Marcel Proust sur son lit de mort, par DUNOYER DE SEGONZAC-Musée du Louvre

Sur sa tombe familiale en marbre noir, une croix « pattée » a été sculptée comme signe religieux. Marcel Proust s’en était libéré par avance dès 1896 dans sa lettre en réponse à Robert de Montesquiou : « si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive. Vous comprendrez que c’est une raison assez forte pour que je m’abstienne de ce genre de discussions ».

 

L’attentat sur sa tombe

Sa tombe se trouve à la 85ème division. Elle n’est pas celle d’origine et on a pu souvent raconter que celle qui s’y trouve actuellement l’a remplacé à la suite d’un attentat à l’explosif. Il y a eu effectivement un acte manqué puisque cette bombe artisanale a eu simplement pour effet de déplacer légèrement la dalle et d’y laisser une trace de poudre rouge.

Stéle avec le père de Proust

Proust et la tombe familiale d’origine-BnF

Mais en fait, si l’explosion a bien eu lieu le 9 novembre 1978, comme le rapportent une dépêche AFP puis les différents quotidiens nationaux, la pierre tombale actuelle était déjà installée comme le prouve la photo illustrant l’article paru dans l’Aurore. À l’arrière du monument, on peut y voir encore aujourd’hui en surface le léger impact de l’explosif qui faute d’accrochage sur le marbre, serait finalement parti en l’air comme un feu d’artifice.  

La version plus vraisemblable est que cette première tombe avait été endommagée lors de la deuxième guerre mondiale et elle a été remplacée par la suite, sans que nous en connaissions pour autant la date précise… mais en tout cas bien avant cet incident de 1978.

Sa famille au Père Lachaise

Dans la sépulture familiale on y trouve sa mère Jeanne Weil Proust et son père Adrien Proust. Sur la stèle on pouvait y voir le portrait en bronze du père, neurologue et professeur à la faculté de médecine, portrait sculpté par Marie Nordlinger. Cette oeuvre a été ensuite récupérée pour être apposée sur le mur de la maison natale du père, à Illiers-Combray.

En 1935, Robert Proust sera le dernier à rejoindre la tombe familiale. Par ailleurs, deux sépultures de la famille maternelle de Proust -également riche d’histoire- se trouvent dans l’ancien enclos juif de notre cimetière.

Enfin en 2021, la Société des amis de Marcel Proust et des amis de Combray reçoit un chèque de 400 000 euros du Loto du Patrimoine, montant qui lui permet de rénover le musée qui porte son nom.

La France invite les volontaires garibaldiens

Le maréchal Pétain présent à l’inauguration

le jour de l’attentat à la bombe derrière le monument 

Chaque 11 novembre, le maire du 20e dépose -avec d’autres institutions représentatives- une gerbe devant tous les monuments au Père Lachaise dédiés aux combattants étrangers morts pour la France.

Parmi eux se trouve celui à la mémoire des garibaldiens et des volontaires italiens de la Grande guerre. Il a été inauguré le 27 mai 1934 en présence du Maréchal Pétain, alors tout nouveau ministre de la Guerre depuis le 9 février 1934.

Première cérémonie militaire au Père Lachaise

Inauguration en 1934 du monument garibaldien-extrait du journal L’Illustration

Pétain à l’Hôtel de Ville la veille de l’inauguration

Entré pour la première fois dans un gouvernement, le maréchal Pétain est nommé ministre de la guerre le 9 février 1934.

Sa désignation fait suite aux émeutes sanglantes place de la Concorde le 6 février 1934, lors d’une manifestation de droite/extrême droite-. Il acceptera ce portefeuille  en y mettant une condition : « Je suis à la disposition de la France. Mais je n’ai jamais fait de politique et je ne veux pas en faire »…

Une contre-manifestation des partis de gauche  aura lieu le 12 février avec comme lieu de rendez-vous, l’angle de la rue des Pyrénées et du cours de Vincennes.. L’Excelsior nous en rend compte en première page :

1934 deux ans avant le front populaire

Manifestation de la Gauche en réaction à celle du 6 février-Excelsior 13 février 1934

Une partie de la colonne, désirant remonter vers Belleville et Ménilmontant, se dirigea vers la place Gambetta où, depuis de longues heures déjà, deux pelotons de gardes à cheval tournaient en rond afin d’empêcher tout rassemblement. A quelques centaines de mètres avant d’arriver à la place, les manifestants rencontrèrent un barrage d’agents et de gardes mobiles. Aucune bagarre ne se produisit cependant, grâce à la présence d’esprit des éléments du service d’ordre.

… Et pourtant Pétain, dès le 26 mai 1934 à l’Hôtel de Ville lors de la cérémonies anniversaire offerte en l’honneur des garibaldiens invités par la France, il en appelle au rapprochement des deux nations. Mussolini est alors à la tête de l’Italie depuis octobre 1922… et très exactement cent ans plus tard, son nom reste toujours d’actualité, comme la référence d’extrême droite revendiquée par Giorgia Meloni, sa toute nouvelle première ministre.

La cérémonie juste après l'attentat

L’inauguration. En bas, des garibaldiens à l’endroit de l’explosion et  le suspect, Ange Frascoya- Excelsior du 28 mai 1934

L’attentat au Père Lachaise juste avant la cérémonie

Ce 27 mai 1934 tout est prêt pour inaugurer le monument sur le terrain concédé par la ville de Paris

AUX GARIBALDIENS DE L’ARGONNE ET VOLONTAIRES ITALIENS

MORTS POUR LA FRANCE 1914 ET 1918

DANS TOUS LES COMBATS POUR LA LIBERTÉ

Et c’est alors que sur place juste avant la cérémonie, une bombe artisanale explose. Le journal La République daté du 28 mai 1934 nous fait part du témoignage d’un fossoyeur présent au moment de l’explosion :

Voici le récit qu’a fait de l’attentat un fossoyeur, M. Ange Perruche, qui, avec un de ses collègues, fut légèrement blessé par des éclats et des graviers :

« À 9 heures 30, ce matin, a déclaré M. Perruche, j’en avais terminé de mon travail, ainsi que plusieurs camarades — le dimanche d’ailleurs nous nous livrons à des travaux de cantonniers — et tranquillement nous nous dirigions vers la sortie du cimetière donnant du côté de la place Gambetta lorsque, soudain, au moment où nous approchions de l’estrade dressée pour la cérémonie et du monument qui lui fait face, nous fûmes arrêtés sur place, saisis, à demi étourdis, par une détonation semblable à un coup de canon.

Une fumée intense enveloppait le monument. Moi et mon camarade Robin étions atteints par plusieurs éclats de la bombe et par des graviers. En vérité, nous n’avions rien vu. Ce n’est qu’après que nous aperçûmes un homme qui s’enfuyait derrière un talus et un rideau de fusains »

Ange Perruche. âgé de 35 ans, demeurant 21, rue Carmen, à Bobigny, et Eugène Robin, âgé de 32 ans, domicilié 2. rue de la Sablière. à Drancy(…) ont pu, après pansement, regagner leur domicile.

L’enquête et l’arrestation du suspect

Après l’explosion de l’engin, très peu de dégâts matériels sont constatés : « quelques branches de fusains cassées, une petite excavation derrière le monument et des éclats dans les troncs d’arbres voisins. » selon le même journal.

Portrait du suspect

Ange Frascoya, le suspect de l’attentat

De son côté, le Matin daté du 28 mai 1934 nous apporte cette précision :  » Selon les enquêteurs du laboratoire municipal (…) l’appareil pensent-ils était muni d’un mouvement d’horlogerie, qui devait provoquer l’éclatement une heure plus tard, durant la cérémonie d’inauguration. »

Cela dit, huit fossoyeurs et jardiniers ont tout de même été blessés par l’explosion.

Enfin le jour-même, un suspect sera arrêté : Ange Frascoya, aide-monteur de son métier, lui-même né en Italie. Il sera conduit au commissariat du Père Lachaise place Gambetta, puis interrogé pendant 23 heures durant lesquelles il persistera à nier les faits :

« J’étais venu là en curieux, a-t-il déclaré aux enquêteurs, je n’avais aucune raison d’en vouloir aux garibaldiens. D’ailleurs, j’appartiens à une ligue fasciste et je ne lis aucun journal politique. »

Et finalement, nous n’en connaîtrons pas le mobile.

L’inauguration du monument garibaldien

À la suite de cet attentat heureusement sans trop de conséquences, le monument a pu être inauguré comme prévu, en présence du maréchal Pétain, et à ses côtés l’ambassadeur de Mussolini en France.

Monument vue d'angle gauche

Monument garibaldien avec à gauche une flamme avec la mention »Justitia »-PG

Rappelons la signification du monument dédié « AUX GARIBALDIENS DE L’ARGONNE ET VOLONTAIRES ITALIENS ». Dans le discours M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux anciens combattants nous remémore en 2015 les événements de 1915 en Argonne, région naturelle située près du département de la Meuse.

« Dès 1914, des volontaires italiens viennent combattre aux côtés de l’armée française. Parmi eux, 6 des petits fils de Giuseppe Garibaldi formeront alors le régiment des garibaldiens… En 1915, 2 200 soldats dont 1 800 volontaires garibaldiens sont engagés sous le commandement de Peppino Garibaldi (petit-fils de Giuseppe Garibaldi). L’Argonne nous raconte aussi l’histoire de tous ceux qui n’en revinrent pas. 590 Garibaldiens sont morts sur cette terre. »

Lors de la cérémonie, les représentants italiens ont fait le salut fasciste, y compris Ezio Garibaldi. Il faut dire qu’il existait alors trois associations garibaldiennes concurrentes, comme nous le rappelle Le Monde daté du 10 septembre 2014 :

« l’une fasciste, l’autre mémorielle et la troisième antifasciste. Cette dernière fournit de forts bataillons aux Républicains espagnols puis de nombreux Résistants. Cette mouvance était incarnée par un autre petit-fils de Garibaldi, Sante, qui se battit dans l’Argonne, s’engagea à nouveau dans l’armée française en 1940 puis devint résistant, fut déporté à Dachau et s’éteignit près de Bordeaux »

Cette cérémonie a lieu devant une troupe en armes, « une première dans un cimetière parisien » comme nous le précise le site de la ville de Paris.

Cérémonie annuelle au Père Lachaise

Devant le monument aux garibaldiens et italiens le 11 novembre 2022-PG

Le monument en lui-même

Il s’agit du monument en granit sculpté par Alberto Cappabianca,  un statuaire italien installé à Paris et qui a réalisé deux autres œuvres au Père Lachaise : celle du lieutenant d’escadrille Albert Rapilly, et du buste de la tombe Devé et Gautier.

Sur le socle au-dessus de l’épitaphe, un vers d’Edmond Rostand avait été gravé : LA FRANCE S’AGENOUILLE AUPRÈS DE LUI, REGARDE ET GRAVE, SE RELÈVE EN DISANT, IL MEURT BIEN

La sculpture elle-même représente un Garibaldien dévêtu, allongé et la tête posée sur les genoux d’une Marianne. Elle s’inspire de la pietà de Michel-Ange, à la basilique Saint-Pierre du Vatican, celle de la vierge Marie tenant le corps du Christ. La religion du Vatican liée à la laïcité française sans doute. 

Sur le socle du mémorial, nous pouvons également lire l’inscription « Justitia » à gauche et « Libertas » à droite.

Haussmann et les cimetières : le faux départ du Père Lachaise pour Méry-sur-Oise

Au moment de la Toussaint, il est bon de nous rappeler qu’au 19ème siècle notre cimetière a failli disparaître. La fermeture du Père Lachaise n’a finalement pas eu lieu, mais la bataille aura été longue. Rappelons brièvement les faits.

En 1804, le décret des sépultures signé par Napoléon oblige les nouveaux cimetières à être créés hors la ville. Paris était alors composé de 12 arrondissements et le Père Lachaise avait été créé cette même année au village de Charonne. Mais en 1860 le passage de 12 à 20 arrondissements a pour conséquence de faire entrer les cimetières « hors la ville »… dans la ville.

Une idée déjà creusée dès 1859

Qu’à cela ne tienne, et la veille de son extension à 20 arrondissements, le préfet Haussmann prévoit de fermer les trois grands cimetières -Père Lachaise, Montmartre et Montparnasse- en passe d’être rattachés à la ville. Son projet dans sa globalité implique également la fermeture de tous les cimetières devenus parisiens avec toutes ses conséquences : déplacer les corps déjà inhumés et par ailleurs transférer directement ceux des nouveaux décédés.

Fermer les trois cimetières, oui, mais pour quelle solution alternative ? en 1863, Haussmann a l’idée de créer un énorme cimetière à vocation régionale, disposant d’une surface évaluée à environ 1000 ha. À titre indicatif, le Père Lachaise, pourtant le plus grand des trois grands cimetières, ne dispose encore aujourd’hui que de près de 44 ha.

Et là, la nécropole de Londres va servir de modèle à Haussmann, celle qui a vu le jour en 1849 au cimetière de Brookwood, à 40 km de la capitale.

Méry or not Méry pour Paris ?

En 1874, comme le dira M. Salier à son conseil municipal, , « c’est de haut qu’il faut envisager la question des cimetières parisiens ».

Et donc quel pourrait être le lieu choisi ? Justement en haut de Paris, très exactement à Méry-sur-Oise, un bourg de 1500 habitants. L’espace est disponible, il se trouve à une vingtaine de kilomètres de Paris, donc pas trop loin pour y accéder, mais suffisamment éloigné pour ne pas voir s’étendre la ville jusque-là pendant longtemps. Son projet est soumis à l’enquête publique en 1867.

l'arrivée des trains de Paris

Le projet de gare funéraire à Méry-sur-Oise en 1859

Les arguments en sa faveur sont nombreux :

  • La surpopulation des corps dans les trois cimetières devenus parisiens
  • l’hygiène dans Paris
  • la cohabitation des morts et des vivants de la ville, déjà interdite en 1804 sous Napoléon
  • la disponibilité de nouveaux terrains à Paris ! Ils sont bon marché tout autour des cimetières, au moment du projet … et deviendront certainement une excellente perspective offerte aux spéculateurs immobiliers.

Et dans cette campagne d’opinion, il y aussi Léon Vafflard, l’entrepreneur des pompes funèbres de Paris, qui alerte sur l’indécence des fosses communes. Dès 1867, il argumente ainsi en faveur d’Haussmann :

« la terre de ces divers cimetières, saturée de matières organiques, ne suffit plus à la consumation des corps». « … l’un des projets les plus importants de notre époque ; une prompte solution est urgente, car les places se font de plus en plus rares dans nos cimetières : la mort va vite et les morts ne peuvent attendre ».

 

Vafflard favorable au projet de Méry

Livre de Léon Vafflard sur les « champs de Sépultures » à Paris

 

Les arguments des opposants à Méry sur Oise se font par rapport à l’éloignement bien-sûr, jusqu’à parler du projet en terme de colonisation d’une terre étrangère. Sans oublier les coûts supplémentaires du transport… mais aussi critiques face à la politique de Napoléon III : « contre l’exil des morts après celui des ouvriers déplacés à la périphérie ».

En tout cas, l’Administration qui veut supprimer la fosse commune comme déjà prévu dès 1804, a déjà fait l’acquisition d’une surface de 823 ha, soit une étendue comparable à celle du bois de Boulogne.

Le train funéraire comme mode de transport

Le projet poursuit donc sa route et dans cette perspective quatre « gares reposoirs » sont prévues pour être construites indépendamment des « gares ordinaires » : une tout près des trois cimetières parisiens, et la gare d’arrivée : celle de Méry sur Oise.

Chacun des trois cimetières disposera donc d’une gare spéciale dont les wagons -adaptés suivant les classes de pompes funèbres choisies- partiront vers la gare de Montmartre, la seule à être reliée à celle de Méry, avec un départ toutes les heures vers Méry. Durée du trajet : 20mn à grande vitesse.

Et comment qualifier ces trains spéciaux par rapport aux trains dits « ordinaires » ? L’ingénieur Albert-Charles-Théodore Bassompierre-Sewrin, en charge du projet, propose de le nommer tout simplement « convois mortuaires». De son côté, le public plus contestataire retiendra plutôt l’expression des « trains de la mort ».

Les critiques sur ce mode de locomotion

Dans ce projet un peu bousculé, même le train en tant que mode de locomotion y est particulièrement critiqué. D’où l’idée en 1866 du docteur Favrot, de rendre le transport « humanisé » et même « rendu grâcieux au familles », grâce à l’attribution de billets gratuits, aller-retour naturellement.

En plus de la controverse globale, il y a également les contestations locales sur le passage prévu par le futur train traversant les terres de la région.

Ainsi, la princesse Mathilde Bonaparte, cousine de Napoléon III, est propriétaire d’un château à Saint-Gratien. Elle voit évidemment d’un mauvais œil ce projet pour la partie qui la concerne, puisque prévu pour passer par Saint-Gratien. En bout de ligne, Haussmann restera persuadé de l’influence de la princesse qui incite le ministre de travaux publics à étudier rapidement la modification du tracé.

La solution alternative : les cimetières périphériques

Arrive la guerre de 1870 / 1871, Paris est victime des prussiens puis des versaillais, et là leur perception du « culte des morts » s’exacerbe davantage. Pour autant, le projet d’Haussmann continue son chemin de recherche et l’architecte Alfred Feydeau, inspecteur général du service des cimetières, finalisera son rapport détaillé qu’il remettra en 1872.

Ce projet qui n’en finit pas sera ensuite rejeté deux fois par le conseil municipal de Paris, en 1879 et en 1881 pour voir finalement notre cimetière parisien conservé avec les deux autres.

Opposition au cimetière de Méry

Les critiques du conseil de Paris sur le projet Méry, extrait d’article daté du Petit Journal du 16 aout 1874

La solution retenue à ce problème réel pour autant, aboutira simplement à compléter en périphérie de la ville, les espaces indispensables aux futurs enterrements : les cimetières de Bagneux et Pantin seront ouverts en 1886,  puis plus tard celui de Thiais en 1929.

Et c’est ainsi que les cimetières parisiens seront sauvegardés.

Finalement et « en bout de ligne » s’agissant du baron Haussmann lui-même, son histoire se terminera comme elle avait commencé, à Paris : malgré lui mais à notre avantage, il sera enterré au cimetière du Père Lachaise.