L’Ukraine, la Russie et le Père Lachaise
Si en ce mois de juin 2023, une nouvelle page se tourne dans la guerre en Ukraine, les conflits entre les deux pays ne datent pas d’aujourd’hui. La contre-offensive ukrainienne actuelle et à haute intensité, entamée sur leur territoire occupé, nous donne l’occasion de reproduire ici notre article paru le 21 avril 2022. Un rappel, à travers notre arrondissement et le Père Lachaise, des conflits russes liés à l’Ukraine… et à la France au 19ème et 20ème siècle.
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L’Ukraine, la Russie et le Père Lachaise
L’Ukraine est un État indépendant qui a fait partie des membres fondateurs de l’ONU en 1945. Dans son histoire, elle a vécu plusieurs conflits militaires avec la Russie. Rappelons également qu’au 19ème siècle la France avait fait face à la Russie à pusieurs occasions.
À travers le Père Lachaise, nous pouvons en retracer quelques liens, y compris celui des russes et de l’URSS comme alliés lors de la seconde guerre mondiale. En voici la chronologie.
Le tsar envahit Paris
Déjà en 1814, la France napoléonienne est attaquée par la Russie avec la majeure partie des forces européennes coalisées. Une guerre qui se terminera par la bataille de Paris : le 31 mars, le tsar Alexandre 1erentre pour la première fois dans la capitale à la tête de huit troupes alliées.
Cette guerre atteindra le haut de la colline de Charonne. Les élèves des écoles militaires de Polytechnique et d’Alfort (école vétérinaire) se retranchent dans le cimetière du Père Lachaise et perdront cette bataille. Plus globalement, cette guerre aboutira quelques jours plus tard à l’abdication de Napoléon.
Balzac a vécu deux ans en Ukraine
Au Père Lachaise, la tombe d’Honoré de Balzac fait partie de celles qui sont les plus visitées du cimetière. Balzac a passé deux ans de sa vie en Ukraine, au village de Verkhivnia. Il a rejoint la noble polono-ukrainienne Eve Hanska et tous deux finiront par se marier dans ce pays. À Paris, il nous reste aussi la Maison de Balzac, petit musée ouvert au public et qui propose des. expositions temporaires.
L’empire français et la Crimée
Quarante ans après son oncle conquérant, Napoléon III se retrouve avec le même ennemi russe, mais cette fois-ci en Crimée et seulement en soutien. En 1853, la guerre de Crimée est déclarée contre l’empire russe et sa volonté d’expansion territoriale, avec les anglais venus aussi protéger l’empire ottoman contre l’envahisseur.
Cette même année à Paris, à la faveur de ce soutien français, l’ambassade ottomane négocie l’ouverture d’un carré musulman au sein du Père Lachaise. Le conseil municipal du 17 juin 1853 en autorise sa création qui sera validée trois ans plus tard par un arrêté du préfet de la Seine Haussmann « pour l’inhumation des personnes décédées à Paris professant la religion mahométane ».
Deux communards liés à la Russie
Puis en 1871 arrive la Commune de Paris dont nous avons commémorée le 150ème anniversaire l’an dernier. Et pour mémoire, une célèbre militante féministe russe, Élisabeth Dmitrieff, était venue ici y participer activement. Cette révolutionnaire s’ était engageé auprès des communards et, avec Nathalie Lemel, avait fondé l’Union des femmes pour la Défense de Paris et les soins à donner aux blessés.
Au Père Lachaise, un autre acteur de la Commune : Adrien Lejeune. Né à Bagnolet, il a brandi à Belleville le drapeau rouge et a été par la suite considéré comme le dernier d’entre eux à avoir vécu aussi longtemps après la Commune. Il finira sa vie en URSS, depuis son arrivée en 1928 jusqu’à sa mort en 1942. Il était alors agé de 94 ans.
À Moscou, un monument à la gloire d’Adrien Lejeune a été érigéautour du kremlin. Enfin, à l’occasion du centenaire de la Commune, le Parti communiste français fait rapatrier ses cendres au Père-Lachaise le 23 mai 1971.
Nestor Makhno, de l’Ukraine à Paris
Au columbarium, nous trouvons la case où se trouve l’urne de Nestor Makhno, célèbre communiste libertaire ukrainien qui a dû fuir son pays. En 1918, Makhno rencontre Lénine à Moscou et s’allie avec les bolcheviques contre les armées blanches ukrainiennes.
Lui-même était parvenu à lever une « armée insurrectionnelle d’Ukraine » de 50 000 hommes, appelée la Makhnovtchina (1), et après leur victoire commune sur les russes blancs, l’armée rouge se retourne contre lui. Nestor Makhno doit alors se résigner à fuir en traversant l’est de l’Europe. Il finira par arriver à Paris en avril 1925, affaibli et pauvre en ayant travaillé un temps comme ouvrier chez Renault. Il est décédé en 1934 au pavillon des tuberculeux de l’hôpital Tenon.
Les Combattants russes et soviétiques alliés à la Résistance Française
À l’occasion du 60ème anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, un monument a été inauguré à l’entrée Gambetta du Père Lachaise le 3 mai 2005, en hommage aux soldats russes et soviétiques ayant combattu dans la Résistance française.
Voici un extrait de la déclaration ce jour-là de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants :
Enfin, comment oublier les 4 000 citoyens soviétiques, russes, mais aussi ukrainiens, géorgiens, arméniens, tadjiks ou azeris qui désertent la WEHRMACHT, dans laquelle ils avaient été enrôlés de force, pour rejoindre les rangs de la résistance française… Au total, 35 000 combattants russes ou issus des ex-républiques soviétiques ont lutté à nos côtés contre les Nazis. 6 000 d’entre eux sont tombés au combat.
Ce monument de maquisard en bronze a été réalisé à Moscou par le sculpteur Vladimir Sourovtsev.
Le camps de Rawa Ruska
Toujours au Père Lachaise et près du mur des fédérés, le 14 octobre 2016 a eu lieu l’inauguration de la stèle en hommage à « Ceux de Rawa-Ruska« . Il s’agit du camp de déportation en Ukraine tout près de la frontière polonaise. Le monument est dédié à la mémoire des résistants déportés français et belges en Ukraine.
Catherine Vieu-Charrier, adjointe à la Mairie de Paris, chargée de la Mémoire et du Monde combattant, a pris la parole ce jour-là en y soulignant plus spécialement le lien de cet emplacement avec l’histoire de notre arrondissement :
Le choix de ce lieu et de cet emplacement n’est pas anodin : c’est même tout un symbole.
Un symbole d’abord, parce que nous nous trouvons dans le XXe arrondissement, et que l’un de ses anciens Maires ne fut autre que Raymond Bossus, déporté́ et rescapé de Rawa Ruska. À travers cette figure emblématique, Paris et le XXe arrondissement ont donc un lien très fort avec l’histoire du « camp de la goutte d’eau et de la mort lente », et portent en héritage le message de Résistance de ceux qui y furent déportés et qui, malgré́ la faim, la soif, et l’emprisonnement, ont continué de lutter contre la barbarie.
De ces événements passés dont il nous reste la trace… nous pensons surtout aujourd’hui à l’histoire immédiate : ce que vivent chaque jour actuellement les ukrainiens dans cette guerre qu’ils subissent.
(1) » Il est à noter qu’à l’origine le diminutif « tchina » est péjoratif. Cette formulation dépréciative est par exemple utilisée par Trotski en juin 1919. Elle sera retenue par l’historiographie soviétique. » in https://wikirouge.net/Arm%
L’Ukraine, la Russie et le Père Lachaise
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