Monument funéraire pour le cœur de Gambetta au Panthéon - Wikimedia Commons

 

Le destin posthume entre Gambetta et le soldat inconnu a été lié dans les années 1920. Ce 11 novembre 2023 correspond au centième anniversaire de la flamme du Soldat inconnu. Trois ans auparavant jour pour jour, une cérémonie en grande pompe avait eu lieu sous l’Arc de Triomphe pour y transférer le corps du Soldat … accompagné à cette occasion par le cœur de Gambetta. Nous reproduisons ci-dessous notre article paru le 13 novembre 2021, année du dépôt réel des restes du Soldat inconnu. Une histoire peu connue, à rebondissements et d’ampleur nationale.

 

100 ans de ravivage de la Flamme

Logo du centenaire de la Flamme sous l’Arc de Triomphe

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Gambetta et le Soldat Inconnu : destins croisés

Nous sommes en 1920 et la IIIe République a officiellement 50 ans, depuis l’invasion de la France par les prussiens. Comme le pays vient à peine de sortir de la Grande Guerre contre l’Allemagne, les deux évènements se croisent cette année-là pour un même anniversaire voulu par nos parlementaires.

À l’initiative de plusieurs députés, allant du centre-gauche à la droite, une campagne de presse est organisée pour que ce 11 novembre Gambetta et le soldat inconnu puissent entrer ensemble au Panthéon.

L’objectif : rassembler les français sur des valeurs communes 

Dès le mois de juillet 1920 à la Chambre, un budget de 3,5 millions de francs est proposé pour fêter le cinquantenaire de la République. S’ajoutera un projet de loi pour transférer le cœur de Gambetta au Panthéon. Cette loi sera votée le 1er septembre 1920. 

Non sans mal puisque l’année précédente les passions politiques avaient divisé les personnes publiques sur ce projet : au camp des enthousiastes s’oppose celui du refus partiel ou total.

Glorification du Soldat Inconnu : transfert du Cœur de Gambetta. Le Défilé des Chars funèbres sous l'Arc de Triomphe. Cinquantenaire de la République. Anniversaire de l'Armistice, 11 Novembre 1927

Le char de Gambetta derrière celui du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe
Bibliothèque municipale de Nancy-Wikimedia

Controverse à propos du Panthéon pour le Soldat inconnu

Considérant le Panthéon comme inapproprié pour le soldat inconnu, le cardinal Amette a justifié sa position dès 1919 en écrivant :

Je suis bien désireux de favoriser tout ce qui pourrait être un légitime hommage à nos chers morts de la guerre, mais il ne m’est pas possible de m’associer à la pensée que vous m’avez communiquée. Le soldat inconnu dont vous voudriez faire porter les restes au Panthéon pourrait être un soldat catholique, et il ne serait pas conforme aux sentiments d’un soldat catholique ni de sa famille que sa dépouille fût portée dans une église désaffectée et dans une cérémonie qui ne pourrait avoir aucun caractère religieux.

Et dans son édition datée du 16 septembre 1919, L’Action française ajoute :

Les catholiques n’ont pas le droit d’oublier dans quelles conditions le Panthéon a été enlevé au culte.

L’opposition à voir entrer Gambetta au Panthéon

Quant à Gambetta, le directeur de L’Intransigeant -journal tiré à 400 000 exemplaires- écrit dans son édition du 25 octobre 1920 :

Personne ne se dissimule que la fête du 11 novembre promet d’être dépourvue à la fois d’éclat et d’émotion. On s’est battu les flancs pour inventer un symbole propre à regrouper les diverses classes de la population dans un sentiment commun. Ce n’est pas le transport du cœur de Gambetta qui saura réaliser ce but ».

Cérémonie de transfert de l'urne contenant le cœur de Léon Gambetta au Panthéon de Paris

Le cœur de Gambetta porté au Panthéon par un ancien combattant
Auteur inconnu-Wikimedia

Et dans la continuité, l’Action française va plus loin dans la polémique en traitant Gambetta d’« anticlérical patenté » et même de « métèque ».

L’idée du lieu pour le soldat inconnu et pour Gambetta est donc particulièrement controversée : le soldat inconnu sera finalement inhumé le même jour que Gambetta mais là où nous le connaissons aujourd’hui, à savoir au pied de l’Arc de Triomphe.

Gambetta au cœur de la République

Pourquoi seulement le cœur de Gambetta au Panthéon ? Gambetta est décédé le 31 décembre 1882 à la suite d’une blessure mystérieuse depuis la fin novembre.  Au cours de son autopsie, son cœur est placé dans un coffret à l’intérieur de sa maison des Jardies à Sèvres (92) acquise quatre ans avant sa mort. Avant lui, Honoré de Balzac avait habité cette même maison et celle-ci est devenue actuellement le musée Gambetta, propriété de l’État.

Une cérémonie commune en deux lieux

Le cœur de Gambetta et le corps du Soldat inconnu se rejoignent ce 11 novembre 1920 pour former un même cortège depuis la place Denfert-Rochereau, sous le Lion de Belfort, symbole de la guerre de 1870. Puis, direction le Panthéon.

Le cœur de Gambetta à Denfert-Rocherreau le 11 novembre 1920 - Les fêtes du cinquantenaire de la République - Carte postale ancienne 1920

Le cœur de Gambetta à Denfert-Rochereau, lieu de départ commun du cortège avec le Soldat Inconnu-Carte postale AP

Au Panthéon, Alexandre Millerand, président de la République, prononce un discours en l’honneur de Gambetta, du Soldat inconnu et de la République. Une fois le discours et la cérémonie au Panthéon terminés, le cœur de Gambetta n’y reste pas pour autant :  il repart pour accompagner le Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, lieu de la seconde cérémonie… où le Soldat inconnu ne sera par ailleurs réellement déposé qu’au mois de janvier 1921. Quant au cœur de Gambetta, il était retourné au Panthéon le jour-même de la cérémonie  de 1920.

 Gambetta et le 11 novembre 1920

Le char du cœur de Gambetta traversant Paris-Carte postale LL

Les plaques commémoratives du 20e arrondissemznt

 

Quand les murs racontent l’histoire de la guerre 

Bulletin n°80 – Les plaques commémoratives du 20e arrondissement

 

Le 25 août 1944 marque la fin de l’occupation de Paris par les troupes allemandes commandées par le régime nazi. Depuis l’arrivée de l’occupant le 14 juin 1940, Paris a été le théâtre de nombreux drames dont les murs témoignent.

Riche d’environ 150 plaques commémoratives, le 20e arrondissement continue largement à raconter cette histoire : mémoire de la Résistance, notamment communiste, mémoire de la persécution des populations juives implantées dans cet arrondissement populaire, en particulier des enfants, mais aussi traces de l’insurrection pour la libération de Paris.

Céline LARGIER VIÉ, Maître de conférences en linguistique allemande et française à Sorbonne Nouvelle, nous avait présenté l’histoire de cette période, à travers ce que nous disent les plaques, et l’histoire de ces dernières, lors d’une conférence le 19 janvier 2023 à la mairie du 20e.

Retrouvez cette histoire dans notre nouveau bulletin qui vient de paraître.

Les bulletins sont envoyés gratuitement sous format papier à nos adhérents au fur et à mesure de leur parution.
Vous pouvez commander en ligne ce bulletin et tous les bulletins déjà parus,
sous format imprimé ou sous format pdf

Pavillon de l’Ermitage, lieu à restaurer

Pavillon de l’Ermitage, du sauvetage aux projets

Entretien avec Claire Goffaux-Espejo

 

Les 16 et 17 septembre 2023, ont lieu les Journées européennes du patrimoine, et cette année pour le 20e, le Pavillon de l’Ermitage est en pleine actualité. Claire Goffaux-Espejo nous en parle.

 

Claire Goffaux-Espejo, vous êtes déléguée auprès du maire du 20e en charge du tourisme et du patrimoine. Vos deux missions sont liées mais plus précisément de quelle manière ?

Nous travaillons actuellement à faire connaître différemment nos quartiers, le Père Lachaise et certains autres points du 20e, comme le Pavillon Carré de Baudouin… et ce fameux Pavillon de l’Ermitage que l’on cherche à restaurer, l’unique pavillon de l’époque Régence de Paris.

En ce qui concerne mes délégations, le regroupement du patrimoine et du tourisme dans une même délégation est une nouveauté bienvenue, à l’initiative du maire.

Claire GOFFAUX déléguée au patrimoine

Claire GOFFAUX dans son bureau en août 2023-PG

Le 20e dispose d’un patrimoine modeste si on le compare aux arrondissements du centre de Paris. Pas facile de le valoriser pour faire venir les touristes ?

C’est vrai au niveau du bâti par exemple. Mais de notre côté, nous avons une offre différente à proposer et ma tâche c’est de valoriser notre originalité, à l’intérieur de cette jonction de plusieurs anciens villages. Deux exemples à propos de nos lieux : nous savons proposer une autre approche du Père Lachaise à travers sa biodiversité et nous disposons de l’une des plus belles vues de Paris au niveau du belvédère du parc de Belleville.

À nous ensuite de le faire savoir, en proposant en plus des circuits touristiques. C’est le cas tout récemment avec « Le temps des cerises », un choix de plusieurs parcours autour de la Commune de 1871, rassemblés sous forme d’un bulletin tout récent et disponible notamment à l’accueil de la Mairie.

À propos de notre patrimoine local, quelles missions vous ont été plus spécialement confiées ?

Tout d’abord et dès mon arrivée, notre maire m’a demandé de m’occuper de la restauration du pavillon de l’Ermitage et de l’utiliser dans le cadre d’un projet d’activités.

Et puis d’une manière générale, j’ai pour mission de développer le tourisme en donnant une image différente du 20e. Il s’agit dans notre patrimoine, non seulement du bâti mais aussi de ceux  qui l’ont construit à travers l’histoire. Les hommes mais aussi les femmes (d’où le titre : Journées du matrimoine et du patrimoine dans le 20e) dont l’importance a souvent été oubliée dans le passé. D’ailleurs actuellement, des projets de balades sont à l’étude dans tous les arrondissements pour raconter l’histoire de Paris à travers les femmes.

Vous intervenez actuellement pour préserver le pavillon de l’Ermitage. Quelle est l’importance à vos yeux de ce pavillon dans l’arrondissement ?

Franchement j’en suis devenue amoureuse, au point d’y vouer une véritable passion. Il faut dire que ce pavillon dispose de plusieurs atouts dans sa manche : il s’agit bien sûr de l’histoire du 20e, ce qui reste du château de Bagnolet, mais il fait aussi partie de l’histoire de France à travers ce dernier bâtiment Régence de Paris. Tous ceux qui viennent le voir sont charmés, il est unique en son genre et bien situé dans le parc public particulièrement fréquenté. Et à l’intérieur, nous pouvons y admirer plusieurs anciennes peintures murales.

Votez pour sauver le pavillon de l'Ermitage

Flyer pour le vote participatif en faveur du Pavillon de l’Ermitage

Quelles sont les étapes à franchir pour la réussite de votre mission au pavillon de l’Ermitage, et où en sommes-nous actuellement ?

En premier lieu, il faut savoir que pour l’instant ce pavillon appartient au Centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP). Cela dit, même si aujourd’hui elle n’en est pas légalement propriétaire, la mairie peut déjà intervenir – à l’initiative de l’Hôtel de Ville – pour faire effectuer des premiers travaux de sauvegarde. Le pavillon est actuellement fermé et n’est pas sécurisé pour le faire visiter.

Au niveau financement, on attend le résultat du budget participatif. Nous espérons un vote positif en nombre : son résultat est particulièrement important dans la validation de ce projet, non seulement par l’apport financier qu’il propose bien sûr mais surtout à travers le nombre de votants, l’importance de l’attachement exprimé par les habitants.

En attendant, une première somme a été mise à notre disposition, et l’architecte de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville est venu plusieurs fois contrôler l’évolution de son «état de santé». Le pavillon continue de se dégrader lentement et nous avons pu en faire lister le coût des travaux, estimé actuellement à deux millions d’euros.

Parallèlement, nous arrivons à la fin d’une longue négociation avec le CASVP pour pouvoir acquérir le Pavillon au nom des habitants du 20e. Avec l’Hôtel de Ville comme troisième interlocuteur.

Dans quel délai pensez-vous finaliser votre action ?

Une fois la négociation de transfert de propriété terminée et le résultat du vote participatif, si tout va bien donc, les travaux pourront commencer dans un an. Mais sans attendre, nous avons déjà préparé la suite, un projet où les enfants pourront entrer avec des propositions qui répondent à leurs curiosités, et où tout sera gratuit.

Ils pourront venir depuis le parc et choisir de voir une expo, un reportage… Nous mettrons à disposition ce que l’on appelle les « micro-folies », une réalisation conçue et supervisée par La Villette à partir des choix de la mairie.

Le catalogue de La Villette est riche de 3000 propositions et notre responsable du pavillon Carré de Baudouin s’est déjà chargé des acquisitions. Pour l’instant, nos « micro-folies » sont itinérantes, et prêtées actuellement au centre Louis Lumière.

Concrètement, chacun pourra choisir son sujet, consultable à l’aide de projections vidéo, de tablettes et de casques de réalité virtuelle.

Ajoutons dans nos projets, une buvette mobile, un atelier d’artistes au premier étage. En résumé, un lieu dédié à l’art, la culture et le divertissement. Un lieu interactif et familial.

Y a-t-il d’autres actions liées au patrimoine, engagées dans nos quartiers ?

Un comité de réflexion travaille actuellement sur la signalétique du Père Lachaise qui va être entièrement refaite, en accord avec le conservateur et validée par l’Hôtel de Ville.

Nous travaillons aussi sur d’autres circuits thématiques, des balades spécifiques sur le patrimoine du 20e. Elles seront ensuite consultables sur le site de la Mairie.

Enfin, une carte interactive est en cours de réalisation. Vous êtes dans la rue, vous pourrez cliquer sur un lien et découvrir tout ce qui existe aux alentours, qu’il s’agisse de commerces, ou de lieux remarquables.

Madeleine Riffaud témoigne avec force

 

La bataille de Paris a lieu à la fin du mois d’août 1944 et elle aboutit à sa libération. À la gare de Ménilmontant, une retentissante action de résistance a été engagée, avec à sa tête la toute jeune Madeleine Riffaud. Nous reproduisons ici notre article paru pour la première fois le 24 août 2021.

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Les mille vies de Madeleine Riffaud,

l’héroïne du 23 août 1944

Résistante à 18 ans, poétesse, reporter de guerre, militante anticolonialiste et pacifiste, amie d’Éluard, d’Aragon, de Picasso, de Vercors et de Hô Chi Minh, Madeleine Riffaud a vécu mille vies et a survécu à toutes.

Résistante à 18 ans

Née le 23 août 1924 dans la Somme, elle est encore mineure quand elle s’engage dans la Résistance à Paris, en 1942, sous le nom de code Rainer, « ce nom d’homme, de poète et d’Allemand », en hommage à Rainer Maria Rilke, et participe à plusieurs coups de main contre l’occupant nazi.

Responsable d’un triangle du Front national des étudiants du Quartier latin, elle entre dans les FTP en mars 1944. Elle obéit au mot d’ordre d’intensifier les actions armées en vue du soulèvement de Paris d’août 1944 : le 23 juillet 1944, en plein jour, elle abat de deux balles dans la tête un officier allemand sur le pont de Solférino.

« Neuf balles dans mon chargeur / Pour venger tous mes frères / Ça fait mal de tuer / C’est la première fois / Sept balles dans mon chargeur / C’était si simple / L’homme qui tirait l’autre nuit / C’était moi. »

Prenant la fuite à vélo, elle est rattrapée et emmenée au siège de la Gestapo, où elle est torturée. Elle garde le silence et est condamnée à mort. Promise à la déportation à laquelle elle échappe, sauvée par une femme qui la fait sauter du train, elle est à nouveau arrêtée et bénéficie finalement d’un échange de prisonniers pour être libérée, le 19 août 1944. Elle reprend alors immédiatement son combat dans la Résistance où elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d’aspirant lieutenant.

L’attaque gare Ménilmontant

Sa nouvelle mission, avec seulement trois résistants sous ses ordres, consiste à l’attaque du train arrivant aux Buttes-Chaumont (gare de Ménilmontant) qui aurait pu prendre à revers les résistants, engagés dans les batailles parisiennes.

Lorsqu’ils arrivent sur place, le train est déjà là et ils prennent les caisses d’explosifs qui n’avaient pas encore été utilisées pour les combats de rue. Installés de part et d’autre de la voie, ils envoient l’ensemble d’un coup et lancent des fumigènes et des feux d’artifice dans le tunnel où le train se retranche. La garnison se rend ; elle contribue donc à la capture de 80 soldats allemands et récupère des fusils et des munitions. Nous sommes le 23 août 1944, jour où Madeleine Riffaud fête tout juste ses 20 ans.

 

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

 

Mais pour elle, pas de trêve : le 25 août, toujours à la tête de sa compagnie, elle mène l’assaut du tout dernier bastion allemand, la caserne de la place de la République.

Poétesse, écrivaine, journaliste, correspondante de guerre

Madeleine reçoit de l’État-major des FFI son brevet de lieutenant, mais son engagement s’arrête à la fin des combats pour la Libération de Paris, car l’armée régulière ne l’accepte pas comme femme et mineure. Ses camarades de la compagnie Saint-Just continueront la lutte contre les nazis au sein de la brigade Fabien jusqu’à la victoire finale. Madeleine reçoit alors une citation à l’ordre de l’armée signée De Gaulle.

Devenue majeure en 1945, elle épouse cette année-là Pierre Daix, chef de cabinet du ministre Charles Tillon, dont elle se séparera en 1947 puis divorcera en 1953.

Après 1945, elle travaille pour le quotidien communiste Ce Soir. Elle rencontre Hô Chi Minh, lors de sa visite officielle en France, en 1946, pour la conférence de Paix de Fontainebleau, avant de partir en reportage en Afrique du Sud et à Madagascar.

Madeleine Riffaud journaliste

Madeleine Riffaud avec l’homme d’Etat Vietnamien Hô Chi Minh

Elle reçoit ensuite régulièrement jusqu’en 1949, chez elle, rue Truffaut, Tran Ngoc Danh, membre de la délégation vietnamienne, et rêve d’y partir en reportage, désapprouvée par son mari qui la trouve « gauchiste ». Elle se déclare fermement « ouvriériste », en couvrant les grèves des mineurs, écrit des textes sur l’Indochine en 1948 et milite contre l’emprisonnement de Trân Ngoc Danh, député de la République démocratique du Viêtnam.

Elle passe à La Vie Ouvrière, organe de la CGT, avant les campagnes de l’Appel de Stockholm du 19 mars 1950. Cet hebdomadaire publie ses poèmes dès 1946, tout comme Les Lettres françaises, de 1945 à 1972. Très proche de Hô Chi Minh et du poète Nguyen Dinh Thi, qu’elle a rencontrés à Paris et à Berlin en 1945 puis 1951, elle couvre la guerre d’Indochine, épisode relaté dans Les Trois guerres de Madeleine Riffaud (film de Philippe Rostan, diffusé en 2010). Elle deviendra la compagne de Nguyen Dinh Thi, futur ministre de la Culture.

Grand reporter pour le journal L’Humanité, elle couvre la guerre d’Algérie, au cours de laquelle elle est gravement blessée dans un attentat organisé par l’OAS.

Aussitôt guérie, elle couvre la guerre du Viêt Nam pendant sept ans, dans les maquis du Viêt-Cong sous les bombardements américains. À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien, expérience dont elle tire son best-seller, Les Linges de la nuit.

Elle ne fera publiquement part de son engagement dans la Résistance qu’à partir de 1994, pour les 50 ans de la Libération, pour ne pas laisser tomber dans l’oubli ses « copains » morts dans les luttes qu’ils partagèrent.

Elle est titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme (citation à l’ordre de l’armée), décernée pour ses activités de résistance contre l’occupation nazie (6 août 1945), chevalier de la Légion d’honneur (avril 2001) et officier de l’ordre national du Mérite (2008).

Elle laisse une très riche œuvre publiée tant en poésies, contes qu’essais et de très nombreux reportages (Tunisie, Iran, maquis du Viêt-Cong et Nord-Viet Nam).

BD Madeleine résistante

BD Madeleine résistante, sortie le 20 août 2021. © Dominique Bertail Editions Dupuis.

Cette femme de caractère, dont la vie et l’action ont largement dépassé les limites de notre arrondissement, mérite que nos édiles se souviennent par un hommage public que Madeleine Riffaud y fit une des premières démonstrations de son courage et de sa détermination, à la Gare de Ménilmontant, un 23 août 1944, il y a 77 ans…

Pour en savoir plus :

Tramway parisien ligne 89

L’aller-retour du tramway parisien

Nos transports en commun sont à l’ordre du jour depuis quelques mois avec notamment les travaux d’extension du métro pour les tous prochains jeux olympiques. Ils viennent également de faire l’objet, en urgence,  de décisions politiques du fait des toutes récentes émeutes à Paris : ce 4 juillet 2023, tout le trafic RATP a dû être interrompu dès 22h.

Il en a été ainsi ce jour-là de notre tramway qui, depuis 2006, roule sur le boulevard des Maréchaux avec un grand succès. L’occasion de revenir sur l’histoire plus générale du tramway parisien.

L‘origine des premiers tramways

Les premiers tramways, alors tractés par des chevaux, sont apparus aux États-Unis. La première ligne est ouverte par John Stephenson en 1832, à New York, entre Manhattan et Harlem.
Pour cette raison, le mot anglais « tramway », qui signifie tout simplement « ligne de pièces de bois guidant les roues des chariots des mines et voies », sera utilisé en France. Vingt ans plus tard, en 1855, une première ligne de tramway est mise en service à Paris entre le rond-point de Boulogne et le pont de l’Alma. Le tramway va ensuite se développer très rapidement.

Tramway hippomobile Gare du Nord – Bd de Vaugirard. CGO

Le cheval pour tracter les tramways

En 1880, on compte des milliers de chevaux à Paris pour tracter les tramways. Tous les soirs, les chevaux rejoignent leurs dépôts parisiens qui servent de greniers à fourrage, de remises de voitures, d’écuries et d’ateliers. Une multitude de métiers (palefreniers, cochers, bourreliers, maréchaux-ferrants etc.) travaillent autour de ce mode de locomotion. Très vite on se rend compte des inconvénients de la traction animale, le crottin dans les rues, le coût élevé de l’exploitation, la nécessité d’avoir des étables dans la ville, et on recherche d’autres solutions. La traction animale des tramways prend fin vers 1914.

De la traction animale à la traction mécanique

Pour remplacer la traction animale, dès 1873, on essaye la traction à vapeur, puis à air comprimé et enfin la traction électrique à partir de 1881 (présentation de la traction électrique par Siemens à l’Exposition Internationale d’Electricité de Paris).

La traction électrique des tramways est finalement retenue, de loin la plus souple et la plus économique, mais la grande difficulté réside toutefois dans l’alimentation électrique des moteurs.

Courte vie du tramway à air comprimé

Tramway à air comprimé Gare de l’Est vers 1900-wikipedia

L’alimentation par catenaire et fil aérien apparait comme la plus simple et la plus économique en installation et en utilisation. Elle est utilisée en banlieue parisienne mais refusée à Paris pour des questions d’esthétique, car les fils d’alimentation se situent à la hauteur du premier étage des immeubles.
L’alimentation par batteries est aussi essayée, mais elle ne donne pas non plus entière satisfaction à cause du poids des batteries, de leur puissance insuffisante et de la longue durée du rechargement.
La solution retenue consiste à faire passer le courant par des rails électrifiés encastrés dans le sol. Bien entendu, il faut en conséquence éliminer le risque d’électrocution des piétons ; le système Diatto à plots, donc sans catenaire, est utilisé sur certaines lignes à Paris.

Tramway à catenaire, ligne de Saint-Denis

Tramway à catenaire-Wikipedia

Il consiste en un ensemble de plots, installés entre les rails et alimentant le tramway. Ces plots se lèvent verticalement de quelques centimètres au passage du tramway et sont en contact avec la prise de courant située sous le tramway. Le système Diatto disparaît vers 1905, à la suite de dysfonctionnements et de la lourde infrastructure qu’il exige.

Les tramways parisiens à leur apogée

À la fin du 19ème siècle, la région parisienne est desservie par neuf compagnies, chacune ayant sa billetterie et des modes de transport différents.
On trouve de la traction à vapeur, à accumulateur, animale, avec catenaire, à air comprimé etc.

En 1890, le tramway a transporté 72 millions de voyageurs sur 17 lignes.
Vers 1910, une fusion s’impose entre toutes ces compagnies d’autant plus que le métro, est venu faire son apparition, ainsi que les autobus.

En 1925, on compte 122 lignes transportant des centaines de millions de voyageurs.
Ce sera le point culminant du tramway parisien.

122 lignes de tramway en 1923

plan des tramways dans le 20e en 1923- extrait STCRP

 

Le tramway funiculaire de Belleville

Un tramway particulier a été créé à la fin du 19ème siècle, celui aboutissant à Belleville.
Il avait pour but de desservir le quartier grâce à une ligne tirée par un câble. La tête de ligne se situe place de la République et doit affronter les pentes de la colline atteignant près de 8% par endroit.

Maquette avec câbles

Le funiculaire de Belleville, coupe

Le tram emprunte la rue du Faubourg du Temple et finit à l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. La ligne a une longueur de 2000m à voie unique, compte tenu de l’étroitesse de la rue de Belleville.

Il s’agit-là d’un système hybride entre le tramway et le funiculaire, similaire au célèbre « cable car » de San Francisco. Le « tramway funiculaire » est mis en service en 1891 et il devient rapidement un succès. En 1902 il a transporté plus de 5 millions de voyageurs et il fonctionnera jusqu’en 1924.

La fin des tramways parisiens

À partir des années 1920, la voiture prend une place de plus en plus importante et les lignes de tramway constituent une gêne pour les automobilistes. Les autobus, beaucoup plus souples d’utilisation, ainsi que la concurrence du métro, conduit à partir des années 1930 à décider le remplacement des tramways parisiens par des autobus.

Embouteillage parisien début 20e siècle

Encombrement de tramways place du Châtelet vers 1920-Wikimedia

En huit années, de 1930 à 1938, ce sera chose faite : dans Paris et sa banlieue, des centaines de kilomètres de lignes de tramway disparaissent et le dernier tramway parisien arrêtera son service le 14 mars 1937.
Les dépôts de tramways sont alors transformés en dépôts d’autobus et c’est la fin provisoire du tramway à Paris.

Le renouveau du tramway à Paris

La politique du tout automobile triomphe dans les années1960-1970, au point que la ville envisage dans un premier temps de construire une autoroute nord–sud en empruntant le tracé du canal Saint Martin.

L’accroissement constant du nombre d’automobiles crée des problèmes de stationnement et de circulation insolubles. Face à cela, la politique d’élargissement des rues et la création de parkings souterrains n‘a pas suffisamment permis de faciliter la fluidité dans les rues. Bien au contraire, ces divers aménagements ont entrainé l’arrivée de plus en plus de véhicules et la circulation -pour les autobus comme pour les voitures- est devenue très difficile. Pour les bus, la mise en place des premiers couloirs réservés parviendra à leur faire obtenir quelques résultats significatifs.

D’une manière générale, lorsque le choc pétrolier de 1973 arrive en France, il entraîne une réflexion générale sur la politique des transports. Le maire de Paris, Jean Tiberi, appuyé par les Verts, défend l’idée du retour du tramway.

La concrétisation du projet

Tout d’abord, la ville envisage d’utiliser la voie de la « petite ceinture », et puis après beaucoup de débats cette solution va finalement être abandonnée.

Il faut attendre janvier 2001 pour que le Conseil de Paris valide le lancement d’une concertation préalable en faveur de la réalisation du tramway que nous connaissons, celui mis en place sur les boulevards des Maréchaux.  L’avantage de la largeur des boulevards permet aux tramways de leur créer deux voies centrales réservées, avec une alimentation par catenaire et fil.

Et dans la continuité, le nouvel exécutif parisien élu en mars 2001 autour du maire Bertrand Delanoë, reprend à son compte le projet : la concertation préalable se déroule entre mai et juillet. L’enquête publique entre février à avril 2003 aboutit deux mois plus tard à un avis favorable. Les travaux débutent en 2003 et les aménagements s’achèvent en octobre 2006.

Un mois plus tard, après soixante-neuf ans d’absence, la ligne T3 marque le grand retour du tramway à Paris. Elle est inaugurée le 16 décembre 2006 par Bertrand Delanoë. Elle sera, six ans plus tard, prolongée et scindée en deux lignes, T3a et T3b.

Le succès de fréquentation

Le nombre de passagers atteindra un niveau très supérieur aux prévisions, mais avec par ailleurs deux points noirs : la vitesse moyenne de circulation qui était prévue de 20km /heure n’est pas atteinte et sa régularité n’est pas encore jugée satisfaisante.

Actuellement, le prolongement du tramway T3 est envisagé pour aller de la Porte de Vincennes à la place de la Nation. Ce prolongement pourrait offrir une correspondance avec des lignes de métro ainsi qu’avec la A du RER.

Signalons enfin qu’un passager en tramway consomme, à trajet égal, environ 15 fois moins d’énergie qu’un passager dans une voiture ce qui, compte tenu du réchauffement climatique, n’est pas négligeable.

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Pour en savoir plus :

https://trainconsultant.com/2021/02/28/quand-paris-avait-vraiment-beaucoup-de-tramways/

https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2007-1-page-11.htm

 

 

Rafle du Vel d'hiv dans le 20e

La rafle du Vel d’hiv dans le 20e en 1942

Comme tous les ans, la « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France »  a été commémorée ce dimanche 16 juillet 2023 dans notre arrondissement.

Une vingtaine de personnes y participait, une fréquentation plus modeste que l’an dernier évidemment due, au même moment cette année, à la cérémonie nationale  devant le monument de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Nous reproduisons ci-dessous notre article sur les 80 ans de cette rafle, paru le 18 juillet 2022.

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Comme chaque année, ce samedi 16 juillet 2022 a eu lieu la cérémonie rappelant à notre mémoire la rafle du Vel d’hiv des 16 et 17 juillet 1942. Il s’agit de trois endroits de nos quartiers où ont été arrêtés et regroupés les juifs par la police française sous l’occupation.

Leurs plaques commémoratives ont été successivement fleuries après la prise de parole des survivants qui se souviennent de ces jours-là.

Une cinquantaine de personnes était rassemblée à la Métairie, puis à la Bellevilloise et enfin devant l’ancien commissariat intégré dans le bâtiment de la Mairie du 20e. Par ailleurs la cérémonie finira square Édouard Vaillant où un large panneau nous rappelle la longue liste des enfants qui n’en sont jamais revenus.

Cérémonie du Cel d'hivernal dans le 20e

La cour de la Métaierie devant la plaque mémorielle de la rafle de 1942. 16 juillet 2022-PG

Lieux de drame, lieux de mémoire

Devant la cour de la Métairie, lieu de mémoire tout près du métro Pyrénées, nous pouvons voir sur la photo ci-dessus le maire du 20e, Éric Pliez avec de dos à sa droite Jean-Michel Rosenfeld notre ancien maire adjoint . Jean-Michel Rosenfeld -lui-même survivant de la Shoah- a toujours gardé sur lui son étoile jaune ; cette étoile, il finira par nous la montrer en la sortant de sa poche -lentement et dignement- au cours de cette matinée, après nous avoir rapporté ce qu’il a vécu. Il a 8 ans lorsqu’il va vivre et survivre à cette rafle, alors que moins de deux mois avant cette date, le port de l’étoile venait de devenir obligatoire dès l’âge de 6 ans.

 

port de l'étoile juive dès 6 ans

Ordonnance du chef suprême des SS sur le port étoile juive dès 6 ans, extrait du 28 mai 1942- PG

Simplement parce qu’ils étaient juifs

Déjà en 1941 à Paris, une grande rafle avait été effectuée du 20 au 24 août, au cours de laquelle 4 232 hommes juifs ont été arrêtés. Simplement parce qu’ils étaient juifs.

Mais en juillet 1942, les autorités allemandes ordonnent plus largement l’arrestation d’hommes et de femmes juifs en âge de travailler, c’est-à-dire âgés de 16 à 60 ans (55 ans pour les femmes). La France de Vichy va plus loin encore dès le 13 juillet : dans la circulaire d’application de la Préfecture de Police n°173-42 -dactylographiée « secret »- elle va prendre l’initiative d’ajouter cette courte phrase dans un nouveau paragraphe :

« les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents ».

Pas un seul soldat allemand n’a pris part à cette rafle, seule la police française était à la manœuvre sous l’autorité du régime de Vichy. Nos témoins survivants seront victimes de cette circulaire, ils avaient alors bien moins de 16 ans.

De la Bellevilloise jusqu’au square Édouard Vaillant

Ainsi, devant la Bellevilloise, Rachel Jedinak -rescapée à l’âge de 8 ans- se souvient devant nous de ce qu’elle a vécu :

« À la Bellevilloise, « nous étions peut-être plusieurs centaines. Nous étions serrés comme des sardines ». Elle souligne ce qui l’a marqué à vie : « ma mère m’a demandé de partir, je voulais rester avec elle, et elle a fini par me gifler… sur le coup je n’ai pas compris mais plus tard j’ai su que par cette gifle, elle m’avait sauvé la vie ».

Rachel Jedinak témoigne devant la Bellevilloise

Les témoignages de Rachel Jedinak et Ginette Kolinka à sa droite, devant La Bellevilloise le 16 juillet 2022-PG

Puis dans l’ancien commissariat de la Mairie du 20e, Rachel sera enfermée dans la cave et elle nous montrera sur place d’un geste de la main le soupirail où elle se trouvait, cet endroit donnant sur le trottoir fermé par des barreaux.

Ses mots sont simples, sa voix posée appuyant doucement et bien distinctement sur chacun d’entre eux, l’ensemble de ses paroles décrit très précisément les faits, comme le témoignage d’une enfant abordant calmement et intensément ce qu’elle venait de subir. Rachel tient d’ailleurs chaque année à témoigner régulièrement devant les élèves des écoles, tout comme à ses côtés Ginette Kolinka survivante du camp d’Auschwitz-Birkenau et passeuse de mémoire.

Et puis derrière la Mairie, la dernière étape de cette matinée : à l’intérieur du square Édouard Vaillant un grand panneau de novembre 2004 rappelle  la liste des jeunes victimes avec en préambule ce texte en majuscules :

 

Arrêtés par la police du gouvernement de Vichy, complice de l’occupant nazi – Plus de 11 000 enfants furent déportés de France de 1942 à 1944 – Et assassinés à Auschwitz parce qu’ils étaient nés juifs – Plus de 1000 de ses enfants vivaient dans le 20e arrondissement – Parmi eux 133 tout-petits n’ont pas eu le temps de fréquenter une école – Passant, lis leur nom, ta mémoire est leur unique sépulture. Ne les oublions jamais.

suivent les noms de chaque enfant avec leur âge

Stèle des enfants déportés derrière la Mairie du 20e

Square Edouard Vaillant à la mémoire des enfants juifs déportés du 20e – PG

« Ils n’avaient pas de sépulture mais un nom et un âge » rappelle Pascal Joseph, chargé de la Mémoire du 20et du Monde Combattant, avant que chaque volontaire lise chacun successivement cinq noms d’enfants, jusqu’à la fin de la liste.

Enfin plus globalement à l’échelle de notre arrondissement, l’historien Michel Dreyfus présente ainsi dans les Cahiers de la mémoire vivante du 20e datée de 2002, le bilan macabre de ce génocide.

« Le 16 juillet 1942 la plaque dans l’entrée de la mairie le rappelle, 3500 habitants du 20e, dont 1000 enfants, ont été « raflés », par la police parisienne. Déportés, la quasi-totalité d’entre eux n’est jamais revenu, n’ayant pas dépassé, à la fin des trois jours d’un terrible voyage en wagons à bestiaux, le quai des sélections de Birkenau, camp de la mort. Au lycée Hélène Boucher a été inauguré, il y a quelques années, une des premières plaques posées dans un établissement scolaire parisien. Elle porte le nom de 14 lycéennes juives déportées. Le souvenir des enfants est commémoré sur les murs de plusieurs écoles. »

  • À écouter également  le témoignage d’Esther SENOT sur le site de la ville de Paris, une jeune fille de 14 ans qui habitait passage Ronce, dans le 20e avec sa famille et sa communauté d’immigrés polonais. Elle a échappé à la Rafle mais a été prise et déportée quelques mois plus tard à Birkenau, dont elle est malgré tout revenue (lire ici les marches de la mort).

Elle a écrit un livre de souvenirs, « la Petite fille du passage Ronce » (Editions Grasset). 

 

Témoignage d'Esther Senot

Esther Senot, rescapée de la rafle du Vél d’Hiv, témoigne-Photo Ville de Paris

https://www.paris.fr/pages/80-ans-apres-la-rafle-du-vel-d-hiv-le-temoignage-d-esther-senot-21524

https://memoiresdesdeportations.org/personne/senot-esther

Façade de la Bellevilloise rénovée en 1977

La Source des coops dans le 20e

Dans le 20e, les initiatives sociales perpétuent une tradition de 150 ans de partage et de solidarité.

Il en est ainsi aujourd’hui notamment de l’épicerie coopérative la Source. Elle a pour vocation d’offrir aux habitants au faible pouvoir d’achat une gamme de produits sains et durables, à moindre coût. Son modèle économique s’appuie sur le travail bénévole des membres qui assurent en rotation les tâches quotidiennes.

Ouverte il y a deux ans, elle compte plus de 900 sympathisants et 150 adhérents. Actuellement en grande difficulté financière, elle risque de fermer ses portes définitivement. Endettée à hauteur de 37 000 euros, son unique salariée dit attendre au moins une partie des 300 000 € obtenus en 2021 en tant que lauréate du budget participatif municipal.

Cette «Épicerie Participative Autogérée» comme elle se définit elle-même, se situe aujourd’hui au 4 rue Félix Terrier. Un beau projet selon la mairie du 20e, mais finalement mal situé selon elle… pour être viable, en rappelant qu’une première subvention de 70 000 € lui a déjà été versée. Son avenir dépend maintenant de l’Hôtel de ville. L’occasion pour nous de rappeler que dans le passé, notre arrondissement a été riche de ces implantations, une réponse aux crises économiques qui se sont succédé.

Les coop, une longue tradition de l’Est Parisien

Dans l’Est parisien notamment, aux lendemains de la Commune, dans les XIXe et XXe arrondissements de Paris encore meurtris par la répression, les coopératives existent déjà en grand nombre. Elles se proposent d’acheter au meilleur compte et de revendre au prix coûtant l’alimentation, les vêtements et les produits nécessaires au chauffage qui sont indispensables pour vivre. La clientèle de ces institutions était composée des ouvriers du fer, du bois, du bâtiment qui descendaient chaque jour à leur travail dans le centre de Paris.

S’il fallait définir l’entreprise coopérative en un seul principe, il s’agirait de celui de « un homme, une voix ». Issue des penseurs socialistes du XIXᵉ siècle, Saint-Simon (au Père Lachaise) et Charles Fourier entre autres, et plus précisément du Britannique Robert Owen.

Les bénéfices qui ne sont pas investis sont partagés entre les sociétaires. Ce mode coopératif, pour la consommation ou la production, a alors le vent en poupe dans un mouvement ouvrier qui « souffle lui-même sa propre forge » contre un modèle capitaliste qu’il dénonce et concurrence. Il ne s’agit donc pas seulement de « nourrir la classe ouvrière », mais aussi de porter un « projet émancipateur » en lui offrant les bases d’une éducation populaire par des cours, des formations, des cercles de discussion voire des bibliothèques.

Pour en savoir +

Petite histoire des coop’ en France

Les premières « associations ouvrières » naissent dans la clandestinité au début du XIXe siècle, les ouvriers cherchant à défendre leur droit au travail et leur autonomie. Elles sont créées de façon clandestine, la loi Le Chapelier de 1791 interdisant toute association entre personnes d’un même métier et « toute coalition ouvrière ».

Pendant la Commune de Paris, des coopératives ouvrières rouvrent dans les ateliers abandonnés par leurs patrons, mais cette reprise ne dure que le temps de la Commune.

En 1879, le Congrès Ouvrier est défavorable aux coopératives. Et en 1884, l’appartenance aux « associations ouvrières » est à nouveau abandonnée à cause d’une loi interdisant aux associations d’avoir une activité commerciale. Les coopératives qui se constituent sont presque toutes animées par des militants syndicalistes. Une vingtaine de sociétés coopératives cherchent à se regrouper et à se faire reconnaître publiquement.

Dans la foulée, l’École de Nîmes (sous la houlette de Charles Gide) voit le jour. Elle constitue pendant des dizaines d’années le haut lieu de la pensée coopérative en France.

Dans le 20e … La Bellevilloise

L’AHAV a publié un bulletin à ce sujet.

Fondée en 1877 aux lendemains de la Commune, La Bellevilloise a pour projet de permettre aux gens modestes, outre l’accès aux besoins de base, l’accès à l’éducation politique et à la culture. De 1910 à 1949, la Bellevilloise joue un rôle de premier plan dans la vie économique et culturelle de l’Est Parisien.

C’est en janvier 1877 que tout commence. Vingt ouvriers, parmi lesquels dix-huit mécaniciens, fondent la troisième coopérative de Belleville, un petit dépôt d’épiceries ouvert deux soirs par semaine et où, à tour de rôle, après leur journée de travail, ils assurent la vente.

A la veille de la Grande Guerre, avec ses 9 000 sociétaires, elle fait figure de modèle national. A cette époque, dans « La maison du Peuple de la Bellevilloise », tandis que Jean Jaurès tient des rassemblements politiques au 1er étage, on expérimente au rez-de-chaussée la première version du « commerce équitable » suivant les principes de Joseph Proudhon, s’appuyant sur une devise qui allait marquer l’histoire des échanges : « du producteur au consommateur ».

La majeure partie du bâtiment est affectée à des salles de réunion, les activités commerciales se limitant à la boutique en façade et au café contigu.

En 1906, pic du nombre de grèves du début du siècle, 10 000 kilos de pain et 2 000 litres de lait sont distribués aux grévistes. Mais ce n’est pas tout ! L’association se préoccupe aussi de la santé des travailleurs, elle ouvre une pharmacie et offre des consultations médicales gratuites dans son dispensaire.

Vers 1910, en plus d’une dizaine de magasins (qui désormais salarient du personnel), la Bellevilloise compte une chorale (la Muse Bellevilloise), un patronage pour les enfants des sociétaires, une bibliothèque riche de plus de 5 000 titres, une université populaire (la Semaille). On peut aussi y suivre des cours de théâtre, de musique, d’espéranto. Une caisse de solidarité est créée pour fournir des secours aux accidentés du travail, aux veuves et aux orphelins.

Salle du café de la coopérative "La Bellevilloise" vers 1905

Le café de la Bellevilloise, vers 1905. (Photo Coll. Kharbine-Tapabor)

Pour en savoir +

Aujourd’hui dans le quartier …

Dans cette continuité, d’autres initiatives ont vu le jour et continuent à fleurir. Un autre exemple du quartier :

Saveurs en partage, situé au 38 boulevard Mortier. Relativement récent, Saveurs en partage a ouvert ses portes en juin 2020.

Comme exprimé sur la page « projet » de leur site, Saveurs en Partage est une initiative portée par un collectif de femmes entrepreneures et offre une double-tarification qui permet aux personnes à bas revenus de bénéficier de 70% de réduction sur tous les produits du magasin. L’épicerie est « locavore », c’est à dire qu’elle se fournit en produits locaux comme ceux de la ferme urbaine de Charonne soutenue entre autres par Le Paysan Urbain, située rue Stendhal

C’est aussi un lieu de rencontres et de mixité sociale avec à des ateliers participatifs.

Autre coopérative aux mêmes vocations : les Marmoulins de Ménil’, créée en 2015 et également engagée dans les enjeux d’inégalités sociales et les problématiques environnementales. Les Marmoulins sont répartis sur trois lieux : « Le local »  au 4 rue Place Henry Matisse, « L’équipe de Belleville » à la Maison du Bas Belleville, 5 rue de Tourtille, et à la boutique BMG, « le comptoir du vélo »  au 10 rue Sorbier.

Cet article est collaboratif 

Venez contribuer en faisant connaitre les coopératives et lieux de partage que vous connaissez, nous les ajouterons au fur et à mesure.

 

L'enceinte de Thiers (Paris)- la muraille, le fossé, le talus de défense, et des petits zonards faisant paître leurs chèvres

 

Du périph vers une ceinture verte

 

« Une ceinture grise que nous voudrions voir transformer en ceinture verte ». C’est ainsi que le 18 mai 2023 Anne Hidalgo, maire de Paris, a présenté son projet de mutation du périphérique parisien. Rappelons qu’actuellement un million de voitures et camions y circule à 35 km/h en moyenne chaque jour.

La maire de Paris (PS) propose de réserver l’une des voies aux bus, taxis et autres transports en commun; face aux nécessités exprimées de davantage de nature, elle envisage également de faire planter environ 50 000 arbres sur le terre plein central, sur les bretelles et partout où cela est possible.

L’ensemble du projet avec en ligne de mire les jeux olympiques de 2024, avec temporairement une « voie olympique » réservée aux participants. Il est vrai que l’approche de ces jeux olympiques accélère le passage de l’idée de transformation d’un ouvrage, face aux nombreux projets mis sur la table depuis tellement d’années.

La mairie de Paris envisage ainsi de revenir, très modestement, à l’idée qu’avait eue en 1880 Adolphe Alphand de transformer par une ceinture verte les terrains de l’enceinte de Thiers.

 

Future ceinture verte incluant une zone de 500 mètres de part et d'autre du Périph'

Projet 2023 de ceinture verte élargie du Périph – Apur

Histoires avortées d’une ceinture verte

 

Il faut dire que l’intérêt de l’enceinte de Thiers avait été déjà critiqué dès sa construction en 1840. Les progrès de l’artillerie vont dans ce sens et dès 1882, son inutilité pour la défense de Paris est devenue manifeste, au point d’y envisager son démantèlement. Finalement déclassées par la loi du 19 avril 1919, les fortifications seront progressivement détruites jusqu’en 1929.

Que faire de cet immense espace en bordure de Paris qui, dès 1890, est occupée par des barraques en bois servant de domicile à des miséreux ? Près de 30 000 personnes y vivent dans des conditions désastreuses.

Le projet d’Adolphe Alphand

 

 

Portrait d'Alphand en 1888, par Alfred Roll

Portrait d’Adolphe Alphand, 1888, par Alfred Roll – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

Adolphe Alphand (enterré au Père-Lachaise) a été appelé en 1855 par le baron Haussmann (également au Père-Lachaise) pour diriger le nouveau service municipal des Promenades et Plantations. C’est à lui que nous devons la création de nombreux parcs et squares à Paris. Il reste en service sous Thiers et aurait voulu réaliser une grande ceinture verte entourant Paris, avec des hôtels et des lieux d’amusement. Ce projet ne verra pas le jour.

De nombreux projets de ceinture verte

 

Enceinte de Thiers - Porte de Bagnolet

Porte de Bagnolet. Fortification. Enceinte de Thiers, 1919 – Musée Carnavalet

Plus tard, entre 1900 et 1914, de multiples projets ont été étudiés et discutés pour l’utilisation des terrains après le démantèlement de l’enceinte, nous n’en citerons que quelques-uns.

Dans un rapport de 1908 au conseil municipal, Ambroise Rendu écrit :

« Créer des parcs et des places de jeux devenues nécessaires dans les quartiers périphériques surpeuplés, les réunir par une suite non interrompue de promenades et de monuments, tel est le but qui doit guider l’État dans sa décision au sujet des terrains militaires des fortifications désaffectées ».

Il propose de

« créer dans un délai de cinq ans sur leur emplacement, neuf parcs d’une contenance moyenne de 15 hectares sans qu’aucun d’eux puisse être d’une surface inférieure à 10 hectares; d’aménager dans l’intervalle, des places de jeux ayant au moins un hectare et relier l’ensemble par une large avenue dont les dispositions pourront être variables, mais dont la largeur ne sera pas inférieure à 70 mètres ».

D’autres projets sont étudiés comme celui de Dausset qui veut transformer la zone en parcs et jardins, la grevant d’une servitude non plus « défensive » mais « hygiénique ». Pour créer un mouvement d’opinion à l’appui de son projet, Louis Dausset suscite la création d’une « ligue pour les espaces libres et les sports ».
Celle-ci préconise la création d’une ceinture verte de 210 hectares et d’un chapelet de onze parcs de 370 m de largeur moyenne.

Le projet de Louis Dausset en 1913 - Nord de Paris

Le projet de Louis Dausset en 1913 - Est de Paris

Projet d’espace vert sur les fortifications par Louis Dausset en 1913

 

Le 1er juillet 1908, Jules Siegfried propose la création de quatre grands parcs sur la Ceinture. Entre 1910 et 1912, Eugène Hénard présente un plan global d’aménagement en proposant, comme Jules Siegfried, des grands parcs au lieu d’une ceinture verte continue.

En Allemagne, le remplacement des fortifications de Francfort par un anneau de promenade est un sujet de discussions passionnées. Un journaliste, Jules Huret, ironise en 1907 sur l’amour de la nature des Français

« En France quand on démolit des remparts on cherche immédiatement à faire de l’argent avec le prix des terrains » alors qu’en Allemagne « on pense tout de suite à y tracer des promenades et à y planter des arbres et l’on bâtit plus loin ».

Tout ces projets avorteront.
Les problèmes de circulation à une époque où la voiture devient reine, le besoin de logements sociaux après la guerre de 14-18 feront que ces projets ne seront que très partiellement réalisés : on bétonnera la zone en construisant le boulevard des Maréchaux, puis une ceinture de logement en brique (les HBM) et enfin le boulevard périphérique.

Les projets de 2023 tournent en rond

Aujourd’hui, on est très loin des ambitions d’hier et les discussions sont animées entre, d’une part, la ville, qui veut construire des logements sociaux et des bureaux sur une partie des terrains disponibles, et, d’autre part, les écologistes qui refusent toute nouvelle construction.

Le projet de l’aménagement de la porte de Montreuil en est un exemple : la mairie propose un projet comprenant un chapelet de huit immeubles en bordure de la zone, avec, entre autres, des bureaux et un hôtel. Les écologistes présentent un contre-projet sans construction nouvelle.

Et les discussions animées restent toujours en cours.

Porte de Bagnolet éclairé

50 ans après, le périph parisien a-t-il encore un avenir ?


Il a un demi-siècle exactement, le 25 avril 1973, le boulevard périphérique parisien – vite rebaptisé en « périph » – bouclait la boucle (35 km) en signant la fin de près de vingt ans de travaux. Balayés « les fortifs » et « la zone »… et les rêves hygiénistes de la « ceinture verte ». En ce temps-là, la voiture toute puissante dominait tout et Pierre Messmer, premier ministre de Pompidou, saluait « la grande œuvre [qui devait] améliorer la circulation » des Parisiens et de leurs voisins. Mais, après l’euphorie des premiers temps, on déchanta vite… et aujourd’hui le périph parisien s’interroge sur son avenir.

Porte de Bagnolet - bretelle d'entrée du boulevard périphérique

Entrée du périphérique à la porte de Bagnolet

Un coup d’œil dans le rétro

Vers 1840-1843, le gouvernement de Thiers fait édifier tout autour de la « petite banlieue » mitoyenne de Paris, qui sera annexée en 1860, une enceinte militaire défensive destinée à protéger la capitale de toute menace d’invasion.

Faite de murailles imposantes, elle est doublée à l’intérieur d’une route militaire ou rue Militaire, large de 40 mètres, qui dessert les fortifications, et, à l’extérieur, côté banlieue, de fossés et d’un large glacis, zone non aedificandi de 250 mètres, sur laquelle sont strictement interdites toutes installations pérennes en dur. Ces fortifications créent une profonde rupture dans le tissu urbain entre Paris et sa banlieue. Mais, les techniques de la guerre évoluant, ces fortifications ne serviront jamais, sauf peut-être contre les Parisiens, pendant les sièges en 1870-1871.

Dans les années 1920, on en décide le démantèlement et on urbanise les terrains situés à l’extérieur des boulevards des Maréchaux. On y construit notamment les immeubles sociaux en briques rouge des « habitations à bon marché » (HBM) et des équipements publics, installations sportives et espaces verts, comme, dans l’Est parisien, le square Séverine ou le parc de la Butte du Chapeau Rouge.

Porte de Bagnolet vers 1900

Bagnolet, barrière et fortifications, vers 1900

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, alors même qu’il fête son demi-siècle, le périph est devenu synonyme d’embouteillages (1,1 million de véhicules l’empruntent quotidiennement) et de nuisances, de bruit et de pollution qui impactent la santé et les conditions de vie des milliers de Parisiens et de résidents de la métropole vivant à ses abords.

Une réflexion menée depuis 2019 par la Ville de Paris (APUR) sur le devenir du périphérique parisien a abouti à la rédaction d’un « Livre blanc » prônant 40 mesures qui visent à transformer cette autoroute urbaine en boulevard urbain à l’horizon de 2030. Objectifs : réduire la pollution sur l’ensemble de la métropole et permettre aux plus de 500 000 Franciliens concernés de vivre mieux et en meilleure santé. Les transformations se dérouleront en plusieurs phases, avec des échéances à 2024 puis à 2030.

Porte de Bagnolet en 1966, construction de l'échangeur

Porte de Bagnolet en 1966, construction de l’échangeur 

Déjà quelques aménagements ont été livrés, comme notamment la couverture du périph à la porte des Lilas.

Mais, à quelques mois de l’ouverture des JO 2024, dans la logistique desquels le périph est appelé à tenir une place déterminante, le mouvement s’accélère et déjà une concertation a été lancée autour de la pérennisation d’une voie du périph réservée au covoiturage/bus/taxis.

Et d’ici 2030, les choses vont s’intensifier avec la transformation de certaines portes de Paris en places vertes (22 au total), la végétalisation large des abords du périph et l’optimisation et la prolongation des réseaux de transports en commun.

Ainsi continue de s’écrire la longue histoire du périphérique parisien.

Porte de Bagnolet avec les Mercuriales au fond

Porte de Bagnolet avec les Mercuriales au fond. Wikimedia.

Pour en savoir plus :

https://www.paris.fr/pages/de-la-ceinture-grise-a-la-ceinture-verte-comment-le-peripherique-va-se-metamorphoser-21145