L’Ami du 20e fête ses 70 ans - novembre 2015




L’AMI passe le cap des 800 numéros

 

Notre journal local l’AMI du 20e a fini son année 2023 avec la publication de son numéro 800. Au point d’en avoir fait sa « une ». Ce mensuel vendu en kiosque dans notre arrondissement est le plus ancien journal local de la région parisienne. Créé avant 1939, il a survécu à la guerre puis à la « boboïsation » de nos quartiers.

 

Une du numéro 1 de l'AMI de Ménilmontant, novembre 1945

Numéro 1 de l’AMI de Ménilmontant, novembre 1945 – PG

 

À l’origine, un bulletin devenu journal

Avant la deuxième guerre mondiale, la paroisse de Notre Dame de la Croix de Ménilmontant publiait son bulletin sous le titre de l’Ami de Ménilmontant, bulletin qui va se saborder en juin 1940 après avoir publié 107 numéros. Il reparaît en novembre 1945, une nouvelle aventure animée par l’abbé Meuillet et un militant chrétien, Jean Simon.

Le changement est marqué sous forme d’un numéro 1, et il devient à la fois un journal chrétien comme l’indique le sous-titre « Courrier de la Chrétienté Paroissiale », journal militant et journal d’informations locales :

 

  • Un journal chrétien

Comme l’exprime l’éditorial du numéro 1 écrit après-guerre par l’abbé Meuillet, il s’agit d’abord d’un journal chrétien :

Dans le quartier, chaque jour ou presque un enterrement […….]. L’administration dira du disparu : « il est décédé ». Le concierge dira autour d’elle, rondement : « il est mort », le voyou gouailleur : « crevé », l’église elle dira : « le défunt »[…….] Pour nous chrétiens, la mort n’est pas le trou noir sans espérance. Ce n’est pas le néant. C’est la porte mystérieuse qui donne sur la vie éternelle.

 

  • Un journal militant

L’Ami de Ménilmontant s’engage aussi dans les actions locales. Le 20e est un quartier très populaire où les taudis sont nombreux après-guerre, les personnes âgées livrées à elles-mêmes et le logement précaire. Le journal informe et lance des actions de solidarité pour récolter charbon, nourriture, vêtements. Il aborde les problèmes de santé, de travail. Il enquête sur les maladies infantiles dans le 20e. On trouve également dans le journal une rubrique dédiée aux personnes en grande difficulté à aider dans le 20e. De nombreux jeunes travailleurs chrétiens bénévoles, souvent membres de la CFTC, vont participer à ces actions solidaires.

 

  • Un journal d’informations locales

Le journal s’ouvre aux actualités du quartier pouvant intéresser les habitants.

Et puis en mai 1947, la paroisse de Charonne rejoint l’équipe et le journal devient « L’Ami de Ménilmontant et de Charonne », avec comme sous-titre « courrier de la chrétienté du 20e ».

Jean Simon et Jean Vanballinghem, fondateurs de l'AMI en 1945

Jean Simon et Jean Vanballinghem, parmi les fondateurs de l’AMI en 1945 – PG

 

Dernier changement de titre : L’AMI du 20e

L’année suivante, l’administration du journal déménage et toutes les paroisses de l’arrondissement rejoignent le journal. Le titre change et devient en 1948 « l’Ami du 20e » avec comme sous-titre « Journal chrétien d’information locale ».
Ce titre ne changera plus, mais son sous-titre est aujourd’hui devenu « Journal d’informations locales, culturelles et chrétiennes ».

Outre les informations locales et paroissiales, le journal continue des actions de solidarité comme les « brouettes de l’Ami » pour récolter et distribuer aux personnes âgées dans le besoin des vêtements, du charbon et des biens alimentaires.

Son action sociale menée par de jeunes chrétiens bénévoles durera près de 10 ans; par exemple, en mars 1955, il promeut une campagne pour aider les enfants à partir en vacances. L’action religieuse reste aussi très présente, par exemple, en novembre 1960, le journal lance une souscription pour financer le voyage de malades à Lourdes.

 

La crise financière de l’AMI en 1990

Progressivement, le quartier s’embourgeoise et les actions sociales mobilisent beaucoup moins les lecteurs, au point que celles-ci seront progressivement réduites : les lecteurs ont tendance à s’intéresser davantage aux problèmes de propreté et de sécurité, moins à l’aide aux plus démunis.

Le journal lui-même entre dans de grandes difficultés financières en 1990, et doit en conséquence réduire le nombre de pages. En réponse à ces difficultés, une souscription est lancée en septembre 1991 et permettra de réunir les fonds nécessaires à la survie et à la relance du journal.

Une du numéro 800 de l'Ami du 20e

Une du numéro 800 de l’Ami du 20e-PHD

 

L’AMI du 20e d’aujourd’hui

Issu d’un bulletin paroissial et du mouvement ouvrier chrétien, le journal conserve une relation forte avec les paroisses du 20e et trois pages restent consacrées à la vie religieuse.
Le journal informe de tous les grands et petits évènements du quartier, en particulier ceux concernant les travaux d’aménagement et de transport. Il dispose de représentants dans les conseils de quartier dont il relate régulièrement l’activité. Plusieurs pages sont dédiées à la vie culturelle. Quant à la page « histoire », elle est rédigée par un membre de l’AHAV et expose chaque mois un sujet lié au 20e : il peut s’agir d’un lieu, un évènement ou une personne.

 

L’an prochain l’Ami fêtera ses 80 ans. Souhaitons-lui longue vie !

Affiche de la conférence Foot et résistances s

Groupe Manouchian, foot et Résistance

Conférence à la mairie du 20e

Nous commémorons cette année le 80ème anniversaire de l’exécution des 23 résistant(e)s  du groupe Manouchian (Francs-Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée). En leur mémoire, ce 21 février 2024 est l’occasion de voir entrer au Panthéon leur chef Missak Manouchian et sa femme résistante, Mélinée Manouchian.

 

La Dépêche, 22 février 1944

La Dépêche, 22 février 1944

 

Plus localement, l’association l’Affiche Verte Manouchian organise, en partenariat avec la Mairie du 20e, une conférence exceptionnelle :

 

Foot et Résistance(s)  « Rino Della Negra et Sócrates, deux footballeurs résistants »

 

📅 Samedi 9 mars 2024

🕒 À 13h45

📍 À la Mairie du 20e arrondissement, salle des Fêtes

  Entrée gratuite sur préinscription via Helloasso

QRcode HelloAsso

 

 

Rino Della Negra. Footballeur et partisan (éd. Libertalia)

Rino Della Negra. Footballeur et partisan-éd. Libertalia

Football et politique au Brésil

La démocratie portée par le football populaire au Brésil-Le Comptoir

 

 

Déroulé prévisionnel

  • Introduction d’Éric Pliez, maire du 20e, des élus, et des organisateurs Affiche Verte Manouchian
  • Première partie : Rino Della Negra Footballeur et partisan du Groupe Manouchian

Avec :

      • Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne Franche-Comté,
      • Dimitri Manessis, docteur en Histoire,
        • auteurs de « Rino Della Negra Footballeur et partisan » Edition Libertalia (2022)
      • Un responsable du Red Star FC, ancien footballeur international français, conseiller du président au Red Star FC.
Dimitri Manessis et Jean Vigreux

Dimitri Manessis et Jean Vigreux

  • Intermède : Diffusion de l’épisode du film d’Éric Cantona « les rebelles du foot » consacré à Sócrates
  • Seconde partie : Sócrates, la démocratie corinthiane face à la dictature au Brésil
Raí Souza Vieira de Oliveira

Raí Souza Vieira de Oliveira

      • Avec Raï Souza Vieira de Oliveira (frère cadet de Sócrates) emblématique ancien capitaine de la Seleção remportant le Mondial 1994 et du Paris Saint Germain (1993-1998) dont il a été élu meilleur joueur de tous les temps
      • Animation : Chérif Ghemmour,  journaliste et fondateur du magazine So Foot
  • Buffet convivial et dédicace des ouvrages

Contacts organisation Affiche Verte Manouchian : affichevertemanouchian@gmail.com 

Programme autour de Missak et Mélinée Manouchian dans le 20e :  https://mairie20.paris.fr/pages/il-etait-une-fois-le-20e-la-rue-du-groupe-manouchian-20448

Photo d'un soldat kabyle en uniforme au restaurant Ramus - PG

Au restaurant « Le Ramus », portrait du grand-père en uniforme qui s’est battu pour la France-PG

L’arrivée des kabyles au XXème siècle

 

Après Idir et les kabyles dans le 20e et Les kabyles en 1871, une histoire « Commune », nous terminons notre enquête sur les kabyles et le 20e arrondissement en prenant connaissance de leur arrivée en France au XXème siècle.

À l’origine de leur venue, la guerre et le manque de main-d’œuvre. Les autorités françaises vont alors se tourner vers leur recrutement depuis les colonies.

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Square Édouard Vaillant à Paris 20e



Édouard Vaillant, une conférence proposée par

Histoire et Patrimoine du 12e

 

L’association Histoire et Patrimoine du 12e organise une conférence sur

 

Édouard Vaillant, par Claude Pennetier, chercheur au CNRS,

le jeudi 8 février 2024 à 18h30,

à la salle des fêtes de la Mairie du 12e arrondissement

130 avenue Daumesnil, 75012 Paris

 

Vous retrouverez la présentation de cette conférence sur le site de l’association Histoire et Patrimoine du 12e :

https://www.histoireetpatrimoinedu12.fr/edouard-vaillant

L’inscription préalable est obligatoire : histoire.patrimoine.12@gmail.com

 

 

Portrait du député Edouard Vaillant

Édouard Vaillant © Assemblée nationale

Né en 1840 à Vierzon et décédé en 1915, villa du Bel Air dans le 12e arrondissement, ingénieur des Arts et Manufactures, militant blanquiste, Édouard Vaillant a été l’un des acteurs importants de la Commune de Paris, notamment en tant que délégué à l’instruction publique dans la commission exécutive. Il a formé, avec Jean Jaurès, Jules Guesde et Jean Allemane, le quatuor majeur du socialisme français de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle.

Les liens d’Édouard Vaillant avec le 20e arrondissement 

  • Édouard Vaillant est conseiller municipal en 1884. Cette année-là, il est élu simultanément conseiller municipal à Vierzon, sa ville natale, et dans le 20e arrondissement. Il opte pour ce dernier mandat qui lui sera renouvelé en 1887 et qu’il n’abandonnera qu’après son élection à la Chambre des députés.
  • Le 3 septembre 1893, il est élu député de la Seine  dans la 2ème circonscription du 20e arrondissement, et y sera régulièrement réélu jusqu’à sa mort en 1915.
  • Le square situé entre la mairie du 20e et l’hôpital Tenon porte le nom d’Édouard Vaillant.
Édouard Vaillant mur des Fédérés Cimetière du Père Lachaise Paris 20e

Édouard Vaillant devant le mur des Fédérés inauguré le 24 mai 1908-BnF

Jacques Delors en conférence de presse lors d'une visite d’Édouard Balladur à Bruxelles en 1993



Enfant de Ménilmontant, Jacques Delors nous a quittés

 

Jacques Delors vient de mourir ce 27 décembre 2023 et la presse nationale et européenne s’en est émue. Elle a rappelé son parcours d’homme politique arrivé jusqu’à la présidence de la Commission européenne entre 1985 et 1995. Jacques Delors, le favori des sondages aux présidentielles de 1994 et qui a pourtant décidé de « ne pas y aller ».

Sans doute plus anciens, son engagement religieux et son action syndicale ont été moins abordés, et tout commence dans le 20e. Son engagement en tant que chrétien social l’a poussé à vouloir déconfessionnaliser la CFTC. Avec d’autres responsables, il a participé à la création de la CFDT en 1964, ainsi laïcisée, c’est-à-dire en toute indépendance de l’Église.

Le mensuel le Pèlerin cite son proche collaborateur, Jérôme Vignon, qui se souvient d’un échange à Bruxelles en 1985 entre Jacques Delors et le pape : « Le pape lui en a voulu de laisser tomber la CFTC. Pour lui, il fallait revendiquer de manière visible sa foi chrétienne ».

Un riche parcours européen et français, celui d’un jeune qui avait déjà commencé à s’engager  dans nos quartiers.

Le jeune catholique pratiquant dans le 20e

Plus localement donc, Jacques Delors est né à Paris en 1925 et c’est un enfant de Ménilmontant, là où habitaient ses parents. Ses grands parents tenaient un restaurant bar, maintenant disparu, dans le 20e.

Élève brillant d’une école du quartier, il obtient son certificat d’études avec la mention « très bien », et puis il poursuit ses études au lycée Voltaire.

Jacques Delors avec ses parents en 1933

Jacques Delors avec ses parents en 1933 – Institut Jacques Delors

Ses parents étaient des catholiques pratiquants et Jacques Delors allait à une église catholique située au 130 rue Pelleport, Notre-Dame-de-Lourdes. L’église qu’il fréquentait a été détruite pour raison de sécurité et à sa place, une nouvelle église sera construite et bénie en 1980. Comme beaucoup d’enfants du quartier, il allait au patronage les jeudis et dimanches.

 À cette époque, deux patronages catholiques se partagent la rue de Ménilmontant :

– La « Jeanne d’Arc de Ménilmontant » dans le haut de la rue, créée en 1899 et liée à la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes,

– Les « Ménilmontagnards » dans le bas de la rue, créée en 1898.

Ces patronages permettaient aux jeunes de pratiquer du sport et des activités culturelles.
Lui a fréquenté « La Jeanne d’Arc de Ménilmontant » et joué au basket. Il était considéré comme un bon joueur mais préférait le football, et allait, avec des camarades, taper le ballon dans les terrains vagues du 20e.

Sa jeune vie de cinéphile à Ménilmontant

L’une de ses passions était le cinéma ; il a créé le « Ciné-club de la Jeanne d’Arc » dans les locaux du patronage et, sous l’œil attentif du curé, projeté des films qui lui plaisaient. Il louait un projecteur de 16mm et un film. Lors de la séance, il présentait le film puis, après la projection, il animait une discussion. Ses préférences allaient aux films du néoréalisme Italien, aux films français comme « La règle du jeu » et au cinéma américain, en particulier les films d’Orson Wells et de John Houston dont la « philosophie de l’échec » l’intéressaient beaucoup. Sa mère l’a d’ailleurs inscrit à l’école du cinéma l’IDHEC, mais il cède finalement à la pression de son père et renonce à y aller. Dans une interview il disait « on devrait avoir plusieurs vies ».

Voilà pour sa jeunesse dans nos quartiers, mais sa modestie sans doute ne nous a pas permis d’en savoir davantage.

Livre "Jacques Delors" de Gabriel Milesi

Jacques Delors par Gabriel Milesi paru en 1985

 

Après Idir et les Kabyles dans le 20e, nous poursuivons notre série d’articles sur les kabyles dans le 20e. Nous abordons cette fois-ci l’origine de leur venue, le lien entre deux événements historiques parallèles qui finiront par se rejoindre. 

La troisième et dernière partie sera consacrée à L’arrivée des kabyles au XXème siècle.

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1871, une histoire «Commune»

 

Azziz El Haddad est mort le 22 août 1895, juste en face du Père Lachaise. Figure emblématique de la révolte kabyle de 1871, il habitait au 45 boulevard de Ménilmontant chez son ami et compagnon de déportation Eugène Mourot.  Il est le fils du Cheick de la Rahmaniya, et a été recherché par toutes les polices à la suite de son évasion de Nouvelle-Calédonie.

La rencontre des déportés en Nouvelle Calédonie

Azziz El Haddad est une des deux figures de proue du groupe de déportés en Nouvelle-Calédonie. Il a rencontré ses compagnons d’infortune dont Louise Michel, et Eugène Mourot, tous deux anticolonialistes, ce qui était rare à l’époque… même chez les communards. Dans ses mémoires, Louise Michel écrit :

« Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces orientaux, emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux étaient simples et bons et d’une grande justice ».

1871 Maison Carrée, Alger - Départ des forçats pour la nouvelle Calédonie

1871 Départ des forçats d Alger pour la nouvelle Calédonie – Photo J. Geiser

Puis, l’amnistie générale est déclarée en juillet 1880 pour « tous les condamnés pour faits relatifs aux insurrections de 1871 et à tous les condamnés pour crimes ou délits relatifs à des faits politiques ». Tous sauf les algériens qui, au contraire des parisiens, sont maintenus en résidence en Nouvelle-Calédonie. Azziz El Haddad, lui, décide alors de s’enfuir via l’Australie.

De son côté, Eugène Mourot, devenu conseiller municipal de Nouméa et vice-président de l’Union démocratique de propagande anticléricale, préférera ne rentrer en France qu’en 1884.

C’est ainsi que, fidèle aux amitiés nouées en captivité, à son retour en France, Eugène Mourot offre l’hospitalité à Azziz El Haddad. Celui-ci mourra en 1895, le jour-même où quelques rares survivants de la « Commune kabyle » enfin graciés, embarquaient à Nouméa pour rentrer au pays.

Une collecte effectuée parmi les anciens communards déportés a permis le rapatriement du corps du défunt en Algérie.

À l’origine,  les décisions coloniales

En Algérie, plusieurs mouvements de révolte préludent à la grande insurrection. La politique française tend à morceler les tribus et à diminuer l’influence des grandes familles. Avant tout autre, les notables se sentent menacés par la promesse de mesures telles que la libération des khammès (métayers qui recevaient le cinquième de la récolte contre leur force de travail), la confiscation de leurs terres ou des impôts considérables.

Peu à peu la révolte nobiliaire enfle précédant de peu la révolte populaire, celle des djouad ou noblesse d’épée qui possède souvent des terres [1].

Outre celles déjà citées, plusieurs causes à cette révolte dont une famine et un appauvrissement des foyers kabyles à la suite d’un hiver rigoureux en 1868-69. Et surtout, c’est la fin des « bureaux arabes », ces structures administratives mises en place par la France après la conquête de l’Algérie en 1830. Ceux-ci sont remplacés par un régime civil qui allait coûter cher aux populations locales, par une domination accrue des colons, et une aggravation de la spoliation de leurs terres.

1871, la mobilisation forcée des spahis contre la Prusse

Cette insurrection de 1871 va prendre son essor dans l’Est du pays, particulièrement dans les régions berbérophones de Kabylie. Cette révolte provient d’abord de l’échec de la politique française depuis 1830 notamment sous le Second Empire.

Le premier mouvement éclate le 20 janvier 1871, il est sans doute le plus significatif.

Il met en cause une institution, celle des spahis (régiment de cavalerie algérien), qu’on veut faire venir en France pour faire la guerre contre la Prusse, alors qu’il était entendu que ceux-ci ne devaient pas quitter leur pays.

La révolte de Soukaras - 24 février 1871

Révolte des spahis à Soukaras in Le Petit Moniteur universel – 24 février 1871

En février, d’autres révoltes apparaissent, et l’autorité française semble incapable de maintenir l’ordre, ce qui encourage un homme, comme le bachaga Mokrani, à déclencher la grande révolte.

Le 15 mars, la révolte est menée depuis le massif montagneux des Bibans en Kabylie par le cheikh El Mokrani et son frère BouMezrag, tous deux rejoints par le cheikh El Haddad. Elle soulève environ 250 tribus, soit un tiers de la population de l’Algérie. El Mokrani se retrouve à la tête de 120 000 combattants (200 000 selon les chiffres de l’Armée française).

La répression est terrible. Après en avoir fini avec les communards, des troupes françaises arrivent en renfort fin mai 1871. Le 30 juin, le fils Aziz al-Haddad se rend et le 13 juillet le cheikh al-Haddad est capturé. L’insurrection ne prend définitivement fin qu’après la capture de BouMezrag, le 20 janvier 1872.

Outre une contribution de guerre de 36,5 millions de francs-or imposée aux tribus insurgées, 446 000 hectares de terres sont séquestrés. Les kabyles sont rejetés vers les montagnes, les principaux chefs sont déportés en Guyane française ou en Nouvelle-Calédonie.

Les défenseurs de Paris - Spahis au Cours-la-Reine en février 1871

Spahis à Paris in Le Monde illustré – 18 février 1871

Il faudra attendre 1928 pour que le régime de l’indigénat français soit modifié. Ce régime, appliqué dans les territoires du second empire colonial, finira par être aboli en 1946. Un aboutissement après une demande du mouvement des Jeunes-Algériens de la suppression de ce code d’exception en 1908 et 1912, suivie d’une autre de la Ligue des droits de l’homme lors de son 20ème Congrès, en 1924.

[1] Avec les lignages maraboutiques, cette classe sociale constitue l’une des deux castes aristocratiques de la société algérienne traditionnelle

 

Prochain article : L’arrivée des kabyles en France, de la guerre 1914-1918 aux années 1950

 

Pour les membres de l’AHAV, un article long est disponible dans l’espace adhérent : Les Kabyles du XXe
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1973, les événements du 20e il y a 50 ans

1973, c’est notamment l’année de l’opération foncière au quartier Saint-Blaise. Mais tout d’abord survolons les événements parisiens de cette année-là avant d’aborder ceux du 20e arrondissement. 

Que s’est- il passé à Paris en 1973 ?

Dans la ville, les Halles de Paris sont entièrement démolies, la tour Montparnasse est inaugurée.

Au Centre de Conférence International, la signature des accords de paix annonce la fin de la guerre au Vietnam. Le journal Libération est créé, la Ligue communiste et l’Ordre Nouveau sont dissouts à la suite de leurs violents affrontements.

La chanteuse Sheila se marie, le film « Le dernier tango à Paris » sort en salle, le réalisateur Jean-Pierre Melville est décédé.

Au niveau des droits des femmes, trois mois après le procès de Bobigny et l’action de Gisèle Halimi, enterrée au Père Lachaise,  Georges Pompidou demande le 9 janvier l’ouverture d’un débat sur la contraception et l’avortement. Selon l’historienne Michelle Perrot : « 1973 est une année charnière pour les droits des femmes ».

Plus près de nous, dans le 19e, deux élèves mettent le feu à leur collège Édouard Pailleron, un bâtiment récent construit à la hâte et hautement inflammable. Bilan, 20 morts.

… et enfin à la RATP, le nouveau ticket de métro magnétique met fin au métier de poinçonneur.

Ticket RATP avant sa magnétisation

Ticket RATP poinçonné-Capture d’écran sur France TV

Il y a 50 ans dans le 20e

Côté logement et urbanisme, la ville fait disparaître les taudis en achevant 19 opérations foncières soit 64 ha, et en entamant 170 ha dont le Marais. Plus près de nous, la place des Fêtes et dans le 20e, Saint Blaise et Belleville sont également concernés.

Aux élections législatives du 4 mars, Hélène Goldet se présente à Charonne sous la bannière trotskiste, pendant que sa mère, Cécile Goldet, en fait de même mais au quartier latin et en tant que candidate socialiste. La fille : « Ma mère et moi, nous ne parlons jamais politique ». Et la mère, déjà candidate auparavant dans cette circonscription aux législatives de 1967, d’ajouter « Avant ma fille, qui a commencé à militer très jeune, n’hésitait pas à me contredire en public ». Aucune d’entre elles ne sera élue cette année-là.

Le 25 avril, le « périph » est enfin terminé avec l’inauguration du dernier tronçon par le Premier ministre, Pierre Messmer. Celui entre la porte du Pré-Saint-Gervais et la porte de Montreuil avait déjà été achevé en décembre 1969.

Le 16 mai, dans la crypte de l’église Notre-Dame-de-la-Croix cinquante-six travailleurs immigrés, dont une jeune femme tunisienne, ont fait la grève de la faim pour obtenir  » la carte de travail dès l’embauche  » et l’ abrogation de la fameuse circulaire Fontanet. Dix français les ont rejoints par solidarité pendant trois jours. Ils suspendent leur mouvement, après avoir reçu le 12 juin, un engagement écrit de la direction départementale du travail, faisant suite au feu vert de son ministère.

Maurice Dekobra est décédé le 1er juin. Enterré au Père-Lachaise, il est l’écrivain français le plus lu de l’entre-deux-guerres.

Rue Fernand Raynaud à Paris 20e

Plaque de la rue Fernand Raynaud-Wikipédia

Fernand Raynaud est mort le 28 septembre à la suite d’un accident de la route. La rue qui porte son nom lui a été dédiée par arrêté municipal du 31 janvier 1994.

Le 10 octobre, Le Monde publie un article qui fait suite aux effets  de la guerre du Kippour dans nos quartiers :

« BELLEVILLE EST CALME, MAIS… » Quand ils se battent là-bas, ici, ce n’est plus comme d’habitude  » .

Face au métro Belleville, un car bleu de la gendarmerie mobile. Un peu plus loin, vers Ménilmontant, un car gris de la police municipale… Dimanche soir déjà, trois hommes sont venus, dans une voiture, tirer une dizaine de balles de revolver dans un bar fréquenté par les Nord-Africains, au passage de la Brie, dans le dix-neuvième arrondissement.

L’acteur Noël Roquevert, est décédé le 18 novembre. Il s’était marié à la mairie du 20e le 2 février 1926 et a habité avec sa femme au 19 rue du Soleil.

Le 7 décembre, deux jeunes militants du Groupe insoumission de Paris (GIP) se sont enfermés, dans le clocher de l’église Notre-Dame-de-la-Croix. Ils « exigent la libération de Bruno Herail et des milliers de déserteurs et d’insoumis en prison ». Huit jours plus tard, une quinzaine d’adolescents sont venus les soutenir à l’extérieur « tract et guitare à la main ». Ils ont été dispersés et arrêtés par une centaine de policiers.

Enfin, en 1973, l’entreprise artisanale Oustry SMTD s’installe au 17 VILLA RIBEROLLE à l’emplacement d’anciennes écuries de Napoléon. Il s’agit d’une des dernières entreprises industrielles de sablage de verre et de métal de la capitale. Elle est dirigée par Jean Oustry et a reçu en janvier 2015 le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV).

Quant au Père Lachaise cette année-là, le prix d’une concession à perpétuité de 2 m2 « en première ligne » vaut 9 643 F. Convertis aujourd’hui en euros et en tenant compte de l’inflation, l’équivalent s’élèverait  à 9 399 €… bien en dessous du tarif actuel, mais c’était il y a 50 ans.

Madeleine Riffaud témoigne avec force

 

Madeleine Riffaud, victime mais toujours battante.

Ce 19 décembre 2023 doit avoir lieu le procès pour escroquerie contre l’aide-soignante de Madeleine Riffaud. Notre héroïne, âgée de 99 ans,  avait porté plainte le 7 février dernier.

Mais d’où vient toute l’énergie de Madeleine Riffaud malgré le temps qui passe ?

Déjà, Le 4 septembre 2022 elle avait écrit une lettre ouverte au directeur de l’AP-HP, affirmant être « restée 24 heures sur un brancard, sans rien manger, dans un no man’s land ».

Cette fois-ci, il s’agit de son aide à domicile de 66 ans qui est soupçonnée d’abus de confiance pour un préjudice de plus de 140 000 €. Il faut savoir que Madeleine Riffaud est devenue aveugle en 1962 victime d’un attentat à Oran, et est alitée depuis 12 ans.

L’accusée sera jugée au tribunal correctionnel de Paris, mais Madeleine Riffaud est dans l’incapacité de financer sa défense. Son entourage l’aide et a ouvert une cagnotte en ligne pour la soutenir

Soutien de Madeleine Riffaud en 2023

Madeleine Riffaud, l’appel à don sur leetchi.com-capture d’écran PG

Nous reproduisons ci-dessous notre article paru pour la première fois le 24 août 2021.

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Les mille vies de Madeleine Riffaud,

l’héroïne du 23 août 1944

Résistante à 18 ans, poétesse, reporter de guerre, militante anticolonialiste et pacifiste, amie d’Éluard, d’Aragon, de Picasso, de Vercors et de Hô Chi Minh, Madeleine Riffaud a vécu mille vies et a survécu à toutes.

Résistante à 18 ans

Née le 23 août 1924 dans la Somme, elle est encore mineure quand elle s’engage dans la Résistance à Paris, en 1942, sous le nom de code Rainer, « ce nom d’homme, de poète et d’Allemand », en hommage à Rainer Maria Rilke, et participe à plusieurs coups de main contre l’occupant nazi.

Responsable d’un triangle du Front national des étudiants du Quartier latin, elle entre dans les FTP en mars 1944. Elle obéit au mot d’ordre d’intensifier les actions armées en vue du soulèvement de Paris d’août 1944 : le 23 juillet 1944, en plein jour, elle abat de deux balles dans la tête un officier allemand sur le pont de Solférino.

« Neuf balles dans mon chargeur / Pour venger tous mes frères / Ça fait mal de tuer / C’est la première fois / Sept balles dans mon chargeur / C’était si simple / L’homme qui tirait l’autre nuit / C’était moi. »

Prenant la fuite à vélo, elle est rattrapée et emmenée au siège de la Gestapo, où elle est torturée. Elle garde le silence et est condamnée à mort. Promise à la déportation à laquelle elle échappe, sauvée par une femme qui la fait sauter du train, elle est à nouveau arrêtée et bénéficie finalement d’un échange de prisonniers pour être libérée, le 19 août 1944. Elle reprend alors immédiatement son combat dans la Résistance où elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d’aspirant lieutenant.

L’attaque gare Ménilmontant

Sa nouvelle mission, avec seulement trois résistants sous ses ordres, consiste à l’attaque du train arrivant aux Buttes-Chaumont (gare de Ménilmontant) qui aurait pu prendre à revers les résistants, engagés dans les batailles parisiennes.

Lorsqu’ils arrivent sur place, le train est déjà là et ils prennent les caisses d’explosifs qui n’avaient pas encore été utilisées pour les combats de rue. Installés de part et d’autre de la voie, ils envoient l’ensemble d’un coup et lancent des fumigènes et des feux d’artifice dans le tunnel où le train se retranche. La garnison se rend ; elle contribue donc à la capture de 80 soldats allemands et récupère des fusils et des munitions. Nous sommes le 23 août 1944, jour où Madeleine Riffaud fête tout juste ses 20 ans.

 

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

 

Mais pour elle, pas de trêve : le 25 août, toujours à la tête de sa compagnie, elle mène l’assaut du tout dernier bastion allemand, la caserne de la place de la République.

Poétesse, écrivaine, journaliste, correspondante de guerre

Madeleine reçoit de l’État-major des FFI son brevet de lieutenant, mais son engagement s’arrête à la fin des combats pour la Libération de Paris, car l’armée régulière ne l’accepte pas comme femme et mineure. Ses camarades de la compagnie Saint-Just continueront la lutte contre les nazis au sein de la brigade Fabien jusqu’à la victoire finale. Madeleine reçoit alors une citation à l’ordre de l’armée signée De Gaulle.

Devenue majeure en 1945, elle épouse cette année-là Pierre Daix, chef de cabinet du ministre Charles Tillon, dont elle se séparera en 1947 puis divorcera en 1953.

Après 1945, elle travaille pour le quotidien communiste Ce Soir. Elle rencontre Hô Chi Minh, lors de sa visite officielle en France, en 1946, pour la conférence de Paix de Fontainebleau, avant de partir en reportage en Afrique du Sud et à Madagascar.

Madeleine Riffaud journaliste

Madeleine Riffaud avec l’homme d’Etat Vietnamien Hô Chi Minh

Elle reçoit ensuite régulièrement jusqu’en 1949, chez elle, rue Truffaut, Tran Ngoc Danh, membre de la délégation vietnamienne, et rêve d’y partir en reportage, désapprouvée par son mari qui la trouve « gauchiste ». Elle se déclare fermement « ouvriériste », en couvrant les grèves des mineurs, écrit des textes sur l’Indochine en 1948 et milite contre l’emprisonnement de Trân Ngoc Danh, député de la République démocratique du Viêtnam.

Elle passe à La Vie Ouvrière, organe de la CGT, avant les campagnes de l’Appel de Stockholm du 19 mars 1950. Cet hebdomadaire publie ses poèmes dès 1946, tout comme Les Lettres françaises, de 1945 à 1972. Très proche de Hô Chi Minh et du poète Nguyen Dinh Thi, qu’elle a rencontrés à Paris et à Berlin en 1945 puis 1951, elle couvre la guerre d’Indochine, épisode relaté dans Les Trois guerres de Madeleine Riffaud (film de Philippe Rostan, diffusé en 2010). Elle deviendra la compagne de Nguyen Dinh Thi, futur ministre de la Culture.

Grand reporter pour le journal L’Humanité, elle couvre la guerre d’Algérie, au cours de laquelle elle est gravement blessée dans un attentat organisé par l’OAS.

Aussitôt guérie, elle couvre la guerre du Viêt Nam pendant sept ans, dans les maquis du Viêt-Cong sous les bombardements américains. À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien, expérience dont elle tire son best-seller, Les Linges de la nuit.

Elle ne fera publiquement part de son engagement dans la Résistance qu’à partir de 1994, pour les 50 ans de la Libération, pour ne pas laisser tomber dans l’oubli ses « copains » morts dans les luttes qu’ils partagèrent.

Elle est titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme (citation à l’ordre de l’armée), décernée pour ses activités de résistance contre l’occupation nazie (6 août 1945), chevalier de la Légion d’honneur (avril 2001) et officier de l’ordre national du Mérite (2008).

Elle laisse une très riche œuvre publiée tant en poésies, contes qu’essais et de très nombreux reportages (Tunisie, Iran, maquis du Viêt-Cong et Nord-Viet Nam).

BD Madeleine résistante

BD Madeleine résistante, sortie le 20 août 2021. © Dominique Bertail Editions Dupuis.

Cette femme de caractère, dont la vie et l’action ont largement dépassé les limites de notre arrondissement, mérite que nos édiles se souviennent par un hommage public que Madeleine Riffaud y fit une des premières démonstrations de son courage et de sa détermination, à la Gare de Ménilmontant, un 23 août 1944, il y a 77 ans…

Pour en savoir plus :

Tombe d'Idir au Père Lachaise

 

Cet article inaugure une série en trois parties, toutes consacrées à l’histoire des kabyles dans le 20e. Vous pouvez y accéder directement  en cliquant directement sur les titres suivants ; Les kabyles en 1871, une histoire «Commune»  et L’arrivée des kabyles au XXème siècle.

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Idir et les kabyles dans le 20e

En hommage au chanteur Idir, le Conseil d’arrondissement du 20e a suivi le vœu du groupe « Paris en Commun ». Il a voté le 29 novembre dernier la dénomination de « square Idir » à la partie centrale de la place de Ménilmontant. Idir habitait Ménilmontant, il nous a quittés en 2020 et a été inhumé au Père-Lachaise.

 

À la mémoire de Idir

Idir, un hommage en forme de pochoir-ACB

Idir, de la Kabylie à Ménilmontant

Idir, ⵃⴰⵎⵉⴷ ⵛⴻⵔⵢⴰⵜ, en tifinagh, alphabet de la langue tamazight, est une légende de la chanson kabyle. Il nait en 1949 dans un village du Djurdjura, à 35 km de Tizi-Ouzou, capitale de la Grande-Kabylie.

Puis il vient en 1975 à Paris, et fait de Ménilmontant et de la rue des Maronites son « quartier général ». On pouvait l’y croiser presque tous les jours « Au Petit balcon » ou à « La Pétanque », des cafés du quartier. Il venait régulièrement rencontrer la communauté Kabyle, à l’ACB (Association de Culture Berbère).

Dans son dernier album, il laisse un message de ce que peut être l’ouverture dans un monde où tout semble être déterminé par le désir du repli, un message de laïcité et de citoyenneté.

Le 20e arrondissement compte une large population venue de Kabylie depuis déjà bien longtemps. Essayons d’en savoir plus.

La vie des kabyles dans le 20e

28 associations Kabyles à Paris sont notées sur le site Gralon, dont on voit ici la répartition et une concentration réelle sur et autour des 19e et 20e arrondissements de Paris.

Plan de Paris avec la localisation des 28 associations kabyles

Associations kabyles à Paris – Gralon

Depuis 1979, l’ACB (Association de Culture Berbère) est la pionnière des associations berbères à vocation socioculturelle.

L’ACB c’est déjà et un peu l’histoire de Ménilmontant, celle qui s’ouvre, peut-être, du côté du 45 boulevard de Ménilmontant avec la fraternité d’Eugène et d’Aziz. Il s’agit de l’ex-communard et le ci-devant insurgé kabyle de 1871. L’histoire se poursuit au Père Lachaise, là où repose le chanteur Idir et où se perpétue, pour l’éternité, son message de Kabyle inscrit dans l’universalité. Voilà du moins quelques-unes des figures tutélaires de cette association du 20e arrondissement.

L’originalité de cette association réside dans son action pour le rayonnement de la culture berbère. Elle propose également un accompagnement juridique, social et administratif.

L’ACB-Paris est agréée Jeunesse et Éducation populaire et, depuis 2017, elle est reconnue par la CAF comme Espace de Vie Sociale ou EVS. Elle a pour engagement la liberté de conscience, le respect du principe de non-discrimination, l’égalité femmes-hommes ou encore le souci des plus jeunes : elle met en place les outils pour pouvoir vivre et partager ses appartenances – et ressources – plurielles. 

Quelques autres associations locales

Citons parmi d’autres :

  • L’AKRED, Association des Kabyles des deux Rives Pour L’entraide Et le Développement,
  • Agir pour la Kabylie,
  • L’Association Matoub Lounès, qui transmet l’art de Matoub Lounès et promeut la culture berbère en France,
  • Kabylie équitable, association engagée dans le commerce équitable, productrice d’émissions de radio et de télévision.

Les cafetiers et la licence IV

Quant aux lieux de convivialité, les « bistrots » en particulier, remontons à la fin des années 50. A l’époque, les bougnats – nom donné aux Auvergnats montés à Paris – sont cafetiers et règnent sur un empire constitué d’hôtels, de restaurants et de bars de la capitale. Peu à peu, ils cèdent certaines affaires de l’est parisien aux Kabyles. L’indépendance de l’Algérie n’arrête en rien le processus. Avant 1962 et les accords d’Évian, seules les personnes de nationalité française pouvaient disposer de la licence IV, permettant de vendre de l’alcool à consommer sur place.

Licence IV, loide 1941

Licence IV, une législation datant de 1941-CHR

Pour éviter la perte de leur licence aux cafetiers déjà installés à Paris, des négociations amènent à ce que les ressortissants algériens soient exemptés de la condition de nationalité. C’est ainsi que les Kabyles commencent à acheter de plus en plus de cafés aux Auvergnats.

Pour la première génération d’hommes venus travailler à Paris, les cafés tenus par les Kabyles étaient des lieux de vie pour ces immigrés qui se retrouvaient isolés. Les ouvriers se retrouvaient dans ces bistrots après le travail, ou même ils habitaient dans l’hôtel au-dessus, ils pouvaient profiter du téléphone pour appeler les leurs en Algérie, ils y recevaient leur courrier, ils pouvaient bénéficier du soutien de personnes lettrées, sorte d’écrivain public, pour écrire à leur famille. Les arrière-salles servaient aussi à accueillir les « djeema », ces assemblées hebdomadaires qui les aidaient à supporter l’exil.

Chanter dans les cafés

Il ne faut pas oublier les chanteurs berbères et particulièrement kabyles qui viennent dans ces cafés pour resserrer le lien de ces immigrés avec leur terre natale, et conserver la culture kabyle. Cette production de la diaspora berbère ou amazighe est ainsi ancrée dans la langue vernaculaire des chanteurs, le tamazight ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ. Les auteurs utilisent et promeuvent la variation linguistique spécifique à leur région d’origine.

Si la critique sociale et la douleur de l’exil sont toujours présentes, notamment dans la production de la première génération des immigrés représentée par Slimane Azem, un grand nombre des chansons peuvent être qualifiées de « chansons de protestation ».

Chanter en kabyle contribue pour les musiciens kabyles au maintien de leur langue et participe à la résistance à l’arabisation imposée au Maghreb[1]. En France, les chanteurs de la diaspora kabyle sont nombreux : Slimane Azem, Idir, Lounis Aït Menguellet, Lounès Matoub, Ferhat Mehenni, Karima, Malika Domrane, le groupe Djurdjura et bien d’autres.  

Parmi les plus anciens cafés :

  • Le Berbère Café devenu Le Berbère Rock Café, au coin du passage Dagorno
  • Ighouraf, à l’angle des rues des Vignoles et Buzenval
  • La Cantine des Hommes libres, rue des Maronites
La Cantine des hommes libres - 6 rue des Maronites

La Cantine des hommes libres-extrait de Ménil’info

Cette première génération fait tourner de modestes affaires, alors que la génération suivante, qui a repris la main dans les années 1990-2000, développe des affaires beaucoup plus prospères, face à la gentrification du quartier. Dans le 20e, ces restaurants, bars et autres cafés tenus par des familles kabyles sont pléthore[2].

Elle reprend peu à peu des lieux mythiques en conservant leur âme historique, comme par exemple les Folies, anciennement les Folies-Belleville.

Ou bien, elle rénove les cafés de quartier pour en faire des lieux fréquentés par la nouvelle population du 20e arrondissement :

  • les Ours,
  • les Rigoles,
  • Mr Culbuto,
  • Les nouveaux sauvages,

… et bien d’autres !

Combien d’histoires cachées de ce Paris kabyle existent encore dans nos quartiers ? À suivre, dans nos deux prochains articles, en 1871 puis au XXème siècle.

 

Pour les membres de l’AHAV, un article long est disponible dans l’espace adhérent : Les Kabyles du XXe
(Merci de vous identifier dans Mon espace adhérent / Connexion avant de cliquer sur le lien pour y accéder)


[1] Voir La chanson kabyle en immigration : une rétrospective, Mehenna Mahfoufi, dans « Hommes & Migrations » 1994 n° 1179 pp. 32-39

[2] Lire : Une communauté aussi bien enracinée que mal connue, Avec les Kabyles de Ménilmontant, par Arezki Metref

Monument funéraire pour le cœur de Gambetta au Panthéon - Wikimedia Commons

 

Le destin posthume entre Gambetta et le soldat inconnu a été lié dans les années 1920. Ce 11 novembre 2023 correspond au centième anniversaire de la flamme du Soldat inconnu. Trois ans auparavant jour pour jour, une cérémonie en grande pompe avait eu lieu sous l’Arc de Triomphe pour y transférer le corps du Soldat … accompagné à cette occasion par le cœur de Gambetta.

Nous reproduisons ci-dessous notre article paru le 13 novembre 2021, année du dépôt réel des restes du Soldat inconnu. Une histoire peu connue, à rebondissements et d’ampleur nationale.

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100 ans de ravivage de la Flamme

Logo du centenaire de la Flamme sous l’Arc de Triomphe

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Gambetta et le Soldat Inconnu : destins croisés.

Entre le Panthéon et l’Arc de Triomphe

Nous sommes en 1920 et la IIIème République a officiellement 50 ans, depuis l’invasion de la France par les prussiens. Comme le pays vient à peine de sortir de la Grande Guerre contre l’Allemagne, les deux évènements se croisent cette année-là pour un même anniversaire voulu par nos parlementaires.

À l’initiative de plusieurs députés, allant du centre-gauche à la droite, une campagne de presse est organisée pour que ce 11 novembre Gambetta et le soldat inconnu puissent entrer ensemble au Panthéon.

L’objectif : rassembler les français sur des valeurs communes 

Dès le mois de juillet 1920 à la Chambre, un budget de 3,5 millions de francs est proposé pour fêter le cinquantenaire de la République. S’ajoutera un projet de loi pour transférer le cœur de Gambetta au Panthéon. Cette loi sera votée le 1er septembre 1920. 

Non sans mal puisque l’année précédente les passions politiques avaient divisé les personnes publiques sur ce projet : au camp des enthousiastes s’oppose celui du refus partiel ou total.

Glorification du Soldat Inconnu : transfert du Cœur de Gambetta. Le Défilé des Chars funèbres sous l'Arc de Triomphe. Cinquantenaire de la République. Anniversaire de l'Armistice, 11 Novembre 1927

Le char de Gambetta derrière celui du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe
Bibliothèque municipale de Nancy-Wikimedia

Controverse à propos du Panthéon pour le Soldat inconnu

Considérant le Panthéon comme inapproprié pour le soldat inconnu, le cardinal Amette a justifié sa position dès 1919 en écrivant :

Je suis bien désireux de favoriser tout ce qui pourrait être un légitime hommage à nos chers morts de la guerre, mais il ne m’est pas possible de m’associer à la pensée que vous m’avez communiquée. Le soldat inconnu dont vous voudriez faire porter les restes au Panthéon pourrait être un soldat catholique, et il ne serait pas conforme aux sentiments d’un soldat catholique ni de sa famille que sa dépouille fût portée dans une église désaffectée et dans une cérémonie qui ne pourrait avoir aucun caractère religieux.

Et dans son édition datée du 16 septembre 1919, L’Action française ajoute :

Les catholiques n’ont pas le droit d’oublier dans quelles conditions le Panthéon a été enlevé au culte.

L’opposition à voir entrer Gambetta au Panthéon

Quant à Gambetta, le directeur de L’Intransigeant -journal tiré à 400 000 exemplaires- écrit dans son édition du 25 octobre 1920 :

Personne ne se dissimule que la fête du 11 novembre promet d’être dépourvue à la fois d’éclat et d’émotion. On s’est battu les flancs pour inventer un symbole propre à regrouper les diverses classes de la population dans un sentiment commun. Ce n’est pas le transport du cœur de Gambetta qui saura réaliser ce but ».

Cérémonie de transfert de l'urne contenant le cœur de Léon Gambetta au Panthéon de Paris

Le cœur de Gambetta porté au Panthéon par un ancien combattant
Auteur inconnu-Wikimedia

Et dans la continuité, l’Action française va plus loin dans la polémique en traitant Gambetta d’« anticlérical patenté » et même de « métèque ».

L’idée du lieu pour le soldat inconnu et pour Gambetta est donc particulièrement controversée : le soldat inconnu sera finalement inhumé le même jour que Gambetta mais là où nous le connaissons aujourd’hui, à savoir au pied de l’Arc de Triomphe.

Gambetta au cœur de la République

Pourquoi seulement le cœur de Gambetta au Panthéon ? Gambetta est décédé le 31 décembre 1882 à la suite d’une blessure mystérieuse depuis la fin novembre.  Au cours de son autopsie, son cœur est placé dans un coffret à l’intérieur de sa maison des Jardies à Sèvres (92) acquise quatre ans avant sa mort. Avant lui, Honoré de Balzac avait habité cette même maison et celle-ci est devenue actuellement le musée Gambetta, propriété de l’État.

Une cérémonie commune en deux lieux

Le cœur de Gambetta et le corps du Soldat inconnu se rejoignent ce 11 novembre 1920 pour former un même cortège depuis la place Denfert-Rochereau, sous le Lion de Belfort, symbole de la guerre de 1870. Puis, direction le Panthéon.

Le cœur de Gambetta à Denfert-Rocherreau le 11 novembre 1920 - Les fêtes du cinquantenaire de la République - Carte postale ancienne 1920

Le cœur de Gambetta à Denfert-Rochereau, lieu de départ commun du cortège avec le Soldat Inconnu-Carte postale AP

Au Panthéon, Alexandre Millerand, président de la République, prononce un discours en l’honneur de Gambetta, du Soldat inconnu et de la République. Une fois le discours et la cérémonie au Panthéon terminés, le cœur de Gambetta n’y reste pas pour autant :  il repart pour accompagner le Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, lieu de la seconde cérémonie… où le Soldat inconnu ne sera par ailleurs réellement déposé qu’au mois de janvier 1921. Quant au cœur de Gambetta, il était retourné au Panthéon le jour-même de la cérémonie  de 1920.

 Gambetta et le 11 novembre 1920

Le char du cœur de Gambetta traversant Paris-Carte postale LL