Les Otages et l’îlot du Télégraphe

Visite animée par Jacques Benoist, prêtre et historien, membre de l’AHAV

 

Chaque année au mois de mai, nous avons l’occasion de nous rappeler les derniers combats de la Commune de Paris. Ils se sont terminés dans notre arrondissement et nous connaissons bien le Père Lachaise, le mur des Fédérés et sa plaque rappelant la semaine sanglante.

Mais nous connaissons beaucoup moins bien, rue Haxo, le massacre des Otages… et les importantes constructions immobilières qui ont suivi sur place et tout autour du lieu. Elles avaient en premier lieu une vocation religieuse et sociale, avant d’être transmises pour une grande partie en biens collectifs.

 

__________

 

Cette visite se situe dans le quadrilatère suivant : la rue Haxo, la rue du Borrégo, la rue du Télégraphe et la rue de Belleville. Un large héritage immobilier méconnu dans le 20e arrondissement, l’ensemble issu des années qui ont suivi la Commune de Paris, et inspiré en la mémoire du massacre des Otages.

Que reste-t-il du patrimoine lié à la Commune ? Bien sûr, l’église Notre-Dame des Otages au 85 rue Haxo, et -sûrement moins connu- son petit musée extérieur situé juste derrière elle et plus difficilement accessible.

Cette édification fait suite au drame qui s’est passé les tout derniers jours des combats de la Commune de Paris, très exactement le 26 mai 1871.
50 otages seront fusillés rue Haxo et parmi eux, 10 ecclésiastiques.

 

Photographie de la pelle Starck Villa des Otages Paris 20e arrondissement

Pelle Starck Villa des Otages – PG

 

Un îlot à vocation religieuse et sociale

L’année qui suit le massacre des Otages et à la fin de la Commune, des jésuites et des religieuses deviendront les initiateurs d’importantes acquisitions des terrains sur les lieux et autour de ces lieux. Leurs bâtisses appartenaient à des particuliers sous le Second Empire.

Au début de la IIIe République, ces propriétés privées seront affectées en tant que biens à usage religieux et social.

De 1872 à 1950, ces biens fonciers sont devenus, à divers titres, à différents moments, et sous le couvert de diverses SCI (Sociétés Civiles Immobilières), la propriété de la Compagnie de Jésus et de trois congrégations religieuses féminines qui se sont succédé.

Les jésuites céderont également à l’Association Diocésaine de Paris (ADP) l’église, plusieurs bâtiments, un terrain et un parking.

 

L’importance des biens collectifs offerts aux institutions républicaines

Ces institutions avaient donc collecté des fonds pour fonder des œuvres religieuses et sociales.

Puis dans les années 1970, les religieuses ont dévolu leurs biens à la Croix-Rouge et à la ville de Paris.

Dans les années 1960, les jésuites en ont fait autant au profit de la ville de Paris. Ils en ont fait de même en cédant leur patrimoine à des sociétés qui se sont par la suite regroupées sous diverses  bannières :
– « Antin résidence », pour la MJC et le FJT (foyer de jeunes travailleurs).
– « Villa des Hauts de Belleville », pour la barre du 47-49, rue du Borrégo.
– simple immeuble pour le 83 rue Haxo, avec parking, en copropriété particuliers et paroisse des Otages.

D’autres projets sont en cours dans cet îlot, l’aventure continue.

 

 

Samedi 17 mai à 14h30
15 personnes maxi
Date limite d’inscription : 6 mai

Les visites guidées sont réservées à nos adhérents ; le lieu de rendez-vous sera indiqué après inscription sur ahav.paris20@gmail.com.



« On va mettre Brassens à la poubelle ! »

Le cri d’alarme lancé par l’association Racines du 93

 

 

En 1957, Georges Brassens chantait Les lilas (album « Je me suis fait tout petit ») :

« Quand je vais chez la fleuriste, je n’achète que des lilas/

Si ma chanson chante triste, c’est que l’amour n’est plus là/

Comme j’étais en quelque sorte, amoureux de ces fleurs-là/

Je suis entré par la porte, par la porte des Lilas. »

 

Trois mosaïques en hommage à Georges Brassens

A la fin des années 1980, en hommage à l’artiste, disparu en 1981, et en clin d’œil à sa chanson, la RATP installait sur les quais de la station Porte des Lilas (ligne 11, direction Châtelet) trois panneaux de mosaïque en grès émaillé de 16 m², insérés dans les cadres de faïence dorée réservés aux anciennes affiches publicitaires. Les voyageurs du métro peuvent toujours les admirer… mais pour combien de temps encore ?

 

Porte des Lilas - quai avec mosaiques Georges Brassens

Quai de la station porte des Lilas sur la ligne 11 – VV

Ces panneaux représentent l’un le portrait de Georges Brassens, tel qu’en lui-même, avec sa moustache, son regard franc, sa fameuse pipe en bouche, l’air légèrement rieur, et les deux autres des branches de lilas en fleurs.

Les trois fresques sont l’œuvre des mosaïstes Pepsy, Michel L’Huillier et leur fille Mathilde L’Huillier. Elles rendent hommage à Georges Brassens et à son iconique chanson Les lilas. Elles rappellent aussi qu’il fut un temps pas si lointain où les espaces champêtres et les débits de boissons des Lilas attiraient les Parisiens en quête de distractions dominicales.

 

Mosaiques de Georges Brassens et de lilas à la station porte des Lilas

Georges Brassens, mosaïques de Pepsy, Michel L’Huillier et Mathilde L’Huillier – VV

 

Attention, travaux…

Dans le cadre du prolongement actuel de la ligne 11 du Métro, la réfection des murs de la station Porte des Lilas a été entreprise. Et les trois belles mosaïques représentant Georges Brassens et les bouquets de lilas sont en DANGER de disparition. Elles sont dégradées par des infiltrations et il semblerait que la réfection en cours n’inclut ni leur remise en état, ni même leur préservation. Pourtant, elles constituent un rare exemple de cette technique sur les murs du Métro parisien, associé au souvenir d’un chanteur et poète anarchiste qui fait aussi partie de notre patrimoine ! 

Alors, l’association Racines du 93, présidée par Sylvain Oerlemans, a décidé de réagir. Elle a lancé une pétition en ligne afin d’attirer l’attention sur cette œuvre patrimoniale et de la sauver de la destruction. Mise en ligne l’été dernier, la pétition récolte pour le moment plus de 7 600 signatures.

Georges Brassens avait un autre lien un peu oublié avec la porte des Lilas : en 1957, il avait accepté par amitié pour René Fallet, de faire l’acteur aux côtés de Henri Vidal, Pierre Brasseur et Dany Carrel dans le film de René Clair intitulé Porte des Lilas ; il y tenait le rôle de l’Artiste, guitariste et chanteur. Ce fut l’unique film auquel Brassens participa.

 

Affiche du film Porte des Lilas

Affiche du film Porte des Lilas (1957)

 

Mais il faut savoir que le film fut tourné aux Studios de Boulogne et qu’on n’y voit donc aucune image réelle du quartier de la porte des Lilas, ni de la fameuse Zone qui existait alors là où passe aujourd’hui le périphérique, ni de la station de métro Porte des Lilas, tels qu’ils étaient dans les années 1950. Et la chanson Les lilas n’y est pas chantée…

 

Pour signer la pétition, c’est par ici : Sauver les 3 mosaïques de Georges Brassens à la station Porte des Lilas

Pour en savoir plus sur l’œuvre des mosaïstes L’Huillier :  Du pixel à la mosaïque, la saga de la famille L’Huillier

Pour voir le reportage de France 3 Paris-Ile-de-France : Non au démontage de la fresque de Brassens

 



De Ménilmontant à Ménilmuche

 

Des trois quartiers qui forment maintenant le 20e arrondissement de Paris, longtemps Ménilmontant n’a pas eu d’existence administrative, au contraire de Belleville et Charonne qui étaient déjà des villages sous l’Ancien Régime.

Et pourtant une identité manifeste s’est élaborée peu à peu lorsque surgit, au XIXème siècle, de la campagne vinicole qui bordait l’Est de Paris, un quartier populaire densément peuplé. L’esprit frondeur de ce monde interlope chanté par Maurice Chevalier imprègne encore maintenant les bars qui s’égrènent à Ménilmuche, depuis la rue Oberkampf tout le long de la rue de Ménilmontant.

 

Rue de Ménilmontant

La rue de Ménilmontant

 

Cette conférence, présentée par Marie-Madeleine Massé, conservatrice honoraire du Patrimoine, s’articule autour de deux approches :

  • un parcours historique montre comment cet espace champêtre décrit par Jean-Jacques Rousseau au 18ème siècle, s’est urbanisé autour des châteaux et « folies » dont le Pavillon Carré de Baudouin reste le témoignage.
  • une découverte géographique en remontant la rue de Ménilmontant pour pointer les manifestations d’une vitalité actuelle remarquable, notamment dans le domaine des arts plastiques et de la scène, ainsi que les vestiges de son passé champêtre.

 

Elle a lieu :

📅  Jeudi 6 février 2025
🕡  À 20h00 précises
🪧  Au Dorothy, café-atelier associatif   85 bis Rue de Ménilmontant, 75020 Paris – bus 96 – métro Ménilmontant ou Gambetta

  Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

Le pavillon Carré de Baudouin

Pavillon Carré de Baudouin

 

Alfred Nakache le nageur olympique, le champion rescapé et son centre sportif

Le nom d’Alfred Nakache est gravé depuis cinq ans au panthéon mondial de la natation, un musée situé en Floride, à Fort Lauderdale.  Une consécration pour ce champion aux multiples médailles d’avant et après la guerre, arrêté par la Gestapo puis déporté.

Pourtant, peu de gens connaissent cet ancien champion français de natation. Son nom est malgré tout opportunément réapparu en cette année 2024, associé aux exploits olympiques de Léon Marchand.

Il est vrai qu’à ces jeux olympiques en France 2024, les victoires françaises aux épreuves de natation ont été impressionnantes. À sa tête, Léon Marchand quintuple médaillé devenu une star internationale. Au point que pour la deuxième année consécutive, le journal l’Équipe vient ce 26 décembre 2024 de l’élire champion de l’année.

Alfred Nakache et Léon Marchand

Or, cette même année, de nombreux médias ont fait le lien entre lui et Alfred Nakache un peu oublié. Il en était bien autrement au milieu du vingtième siècle, à propos de cet ancien champion de natation au parcours humain et sportif hors du commun. Son nom est revenu aujourd’hui au plan national et même international.

Parmi les médias français qui associent leurs noms, citons France bleu, le Figaro, le Monde, Le Point, le Parisien, le Midi-Libre, le Nouvel Obs, les différentes stations de Radio France… Ainsi dans sa partie magazine, l’article du Monde daté du 29 septembre dernier titrait : « D’Alfred Nakache à Léon Marchand, Toulouse, reine des bassins ».

______________

Léon Marchand et Alfred Nakache dans la presse 2024

Léon Marchand et Alfred Nakache-Extrait depuis Google

______________

Qu’ont-ils effectivement en commun ? Tout d’abord, ils ont fait partie du même club de natation, le Toulouse Olympique Employés Club (TOEC). Tous les deux se sont entraînés dans cette même piscine toulousaine, celle qui portera au moment de la guerre le nom d’Alfred Nakache.

La première piscine au nom d’Alfred Nakache 

Pourquoi cette décision de la dénommer ainsi dès le 9 octobre 1944 ? Il faut savoir qu’en août 1944, la presse vient d’annoncer son décès, et son club -qui a aussi aidé son champion durant cette période tragique- le croit mort. Alors en apprenant la nouvelle, le TOEC prend rapidement la décision d’attribuer son nom à la piscine.

Alfred Nakache donné comme mort

La mort annoncée d’Alfred Nakache-France-soir du 30 août 1944

Et puis, le 28 avril 1945 à la surprise de tous, Alfred Nakache est revenu d’Auschwitz. Il se trouve dans un triste état mais bien vivant. De 85 kilos avant la déportation, il en est revenu avec un poids de 41 kg et il découvre alors la piscine portant son nom. Puis sans attendre, il va reprendre son entrainement et dès l’année suivante, à la surprise de tous, il ira jusqu’à récolter de nouvelles médailles.

Champion de France, déporté juif 

Alfred Nakache est né à Constantine en 1915 dans une famille juive de 11 enfants. Qui peut imaginer ce que confiera son frère Robert, à savoir qu’Alfred tout jeune détestait l’eau. On connait la suite : dès 1935 il remporte le championnat de France en brasse papillon. Au total il obtiendra 21 médailles nationales.

Alfred Nakache aux JO de Berlin en 1936

Relais 4×200 aux JO de Berlin en 1936.  Au centre, Alfred Nakache-Musée National du Sport

 

En 1936, il figure parmi les membres de l’équipe de France aux JO de Berlin alors que les juifs allemands n’ont pas le droit de s’y présenter. En finale du relais 4×100 m nage libre, les français finissent quatrième. Pas de médaille donc pour eux, mais les allemands, chez eux, finissent juste derrière, à la cinquième place. Un échec sous l’Allemagne nazi.

Nakache aux Tourelles en 1938

Nakache aux Tourelles-Le Jour, 28 août 1938

Arrive le régime de Pétain et sa législation antisémite, il perd alors son poste de professeur d’éducation physique au lycée Janson de Sailly.

Et pourtant, ce champion français est vécu comme si indispensable qu’il peut exceptionnellement continuer à nager pendant les premières années de la guerre. Il ira jusqu’à battre le record du monde du 200m en 1941. Et en 1942 il cumule ses records au point de paraître cinq fois en tant que champion de France.

 

La déportation d’Alfred Nakache à Auschwitz

En décembre 1943, il sera finalement raflé. Sa déportation commencera en janvier 1944 à Auschwitz avec sa femme Paule et sa fille Annie âgée de deux ans. Elles finiront toutes les deux tuées sur place comme il l’apprendra plus tard.

Surnommé le nageur d’Auschwitz, les nazis le reconnaissent et il sera victime d’humiliations supplémentaires. Les officiers SS jetaient leurs poignards au fond d’un bassin de rétention d’eau et l’obligeaient à aller les chercher avec les dents. Mais lui, de son côté, en été 1944, allait effectuer en cachette quelques longueurs chaque dimanche dans le dos des SS, avec la complicité d’autres prisonniers qui faisaient le gué.

Livre le Nageur par Pierre Assouline

Le Nageur par Pierre Assouline, éditions Gallimard

Un héros ordinaire, un type bien comme le dit si aimablement l’historien Pierre Assouline. Il avait auparavant intégré la résistance juive à Toulouse avant finalement de se faire arrêter. De forts soupçons se sont alors porté sur son rival, le nageur Jacques Cartonnet, qui l’aurait livré, alors que lui est devenu milicien. Pour l’ensemble de ses faits pendant la guerre, Cartonnet sera condamné à mort par contumace comme milicien en 1945.

Les médailles de l’après-guerre

Dès son retour de déportation, Alfred Nakache revient à la compétition avec succès. Citons simplement sa performance le 8 août 1946 à la piscine des Tourelles. Ce jour-là, il est devenu champion de France et recordman du monde 3 × 100 m trois nages, avec Georges Vallerey -nouveau nom de la piscine des Tourelles– et Alex Jany.

Nakache, record d'Europe au 4x200m en 1946

Nakache et son record d’Europe avec les frères Vallerey-Combat, 25/09/1946

Au total aujourd’hui, la longue liste de ses exploits lui vaut à nouveau sa renommée, lui le spécialiste de la brasse papillon et de la nage libre, également prof de gym et même joueur olympique de water-polo.

En 1983, il meurt à 67 ans d’une crise cardiaque, simplement en nageant comme il le faisait chaque jour.

Yonathan Arfi, petit-neveu d’Alfred Nakache

Ce 4 mai 2024, France Culture a pour invité Yonathan Arfi. Il est le petit-neveu d’Alfred Nakache et actuel président du CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France, créé en juillet 1943.

Yonathan Arfi présente son institution comme l’équivalent du CNR pour la communauté juive croyante et non-croyante. Il tient la laïcité comme valeur fondamentale. En début d’émission, nous apprenons qu’il regarde chaque matin dans son bureau la photo de son grand-oncle, celle en couverture de Match datée du 21 juillet 1938.

La récente piscine rue Dénoyez

Quant à la piscine du bas Belleville qui porte son nom, elle a été construite relativement récemment. À l’initiative de la mairie du 20e arrondissement, le Conseil de Paris délibère en avril 2005. Les élus émettent ce vœu, à savoir que : « Le nom d’Alfred Nakache soit donné à la (future ) piscine située au 4-12 rue Dénoyez », avec comme objectif son ouverture en 2007.

Centre sportif Alfred Nakache au bas Belleville

Centre sportif Alfred Nakache-PG

Cette piscine innovante, construite par l’agence Berger et Anziutti, sera finalement inaugurée le 2 avril 2009 par le maire de Paris, Bertrand Delanoë. L’ouverture au public date du 11 avril suivant.

Sur son site, l’architecte Patrick Berger présente son œuvre en débutant ainsi

« Nager sur rue

La piscine est reliée à la rue d’un seul trait. Son volume parallélépipédique croise le volume parallélépipédique de la rue Dénoyez : dehors, on voit des lignes d’eau se diriger vers la chaussée ; dedans, en nageant, on se dirige vers les passants. La tête hors de l’eau est à un mètre au-dessus du niveau du trottoir, si bien que les plans aquatiques et le sol urbain se confondent presque, la natation est en ville. »

Centre sportif Alfred Nakache, dessin de l'architecte

Centre sportif Alfred Nakache, dessin de l’architecte-PB

Ce centre sportif au coût estimé à 28M€, dispose d’un bassin sportif de 25m, un bassin d’apprentissage de 12,50m et une pataugeoire pour les enfants.

L’actualité du centre sportif en 2024

Plus qu’une simple piscine, cet espace est aussi dédié à plusieurs activités sportives animées par des associations sportives locales. Dans une tribune insérée le 12 avril dernier dans Mon petit 20e , nous apprenons un litige en cours : la salle de danse occupe un espace en passe d’être affecté à une autre activité sportive

Une autre compétition en perspective.

Madeleine Riffaud nous a quittés à l’âge de 100 ans

Ce 6 novembre, nous apprenons  avec tristesse le décès de Madeleine Riffaud. Elle venait d’avoir 100 ans deux mois plus tôt. Durant sa vie elle s’est engagée jeune dans un parcours de résistante, puis de journaliste et poétesse. Un modèle exceptionnel de courage et d’engagement tout au long de sa vie et un exemple pour les femmes.
Sa vie est très étroitement liée à l’histoire du 20e arrondissement dans la Résistance. Comme nous le rapportions dans notre articcle ci-dessous, un de ses premiers faits d’armes a été d’intercepter, le jour de ses 20 ans,  un train allemand arrivant aux Buttes-Chaumont, via la gare de Ménilmontant. 
Sa vie a récemment fait l’objet d’un roman graphique en 2 volumes, sous forme de bande dessinée inspirée de ses souvenirs, La Rose dégoupillée et L’édredon rouge, par Jean-David Morvan, aux éditions Dupuis, en 2021 et 2023. Tout récemment, le jour de ses 100 ans, paraissait la troisième partie, Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate ».
Par un message daté d’hier, la maire de Paris, Anne Hidalgo, nous fait savoir qu’elle « lui rendra hommage et créera un prix Madeleine Riffaud de la Ville de Paris pour la mémoire des femmes résistantes ».
Ci-dessous notre article du 24 août 2024 complétant celui paru pour la première fois le 24 août 2021.

___________________________________________

Ce 23 août 2024, Madeleine Riffaud vient d’avoir 100 ans. Ce même jour et avec sa collaboration, les éditions Dupuis publient sous forme de bande dessinée la troisième partie de ses mémoires : « Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate »

La vie de Madeleine Riffaud en BD

BD sur Madeleine Riffaud « Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate »-éditions Dupuis

Autre anniversaire, ce 25 août 2024 lié à son action de résistante : les 80 ans de la libération de Paris. Dans le 20e, la commémoration a lieu à 12h30 devant le monument aux Morts de la mairie.

L’occasion de reproduire ci-dessous notre article paru pour la première fois le 24 août 2021 et mis à jour le 19 décembre 2023.

______________________

Madeleine Riffaud, victime mais toujours battante.

Ce 19 décembre 2023 doit avoir lieu le procès pour escroquerie contre l’aide-soignante de Madeleine Riffaud. Notre héroïne, âgée de 99 ans,  avait porté plainte le 7 février dernier.

Mais d’où vient toute l’énergie de Madeleine Riffaud malgré le temps qui passe ?

Déjà, Le 4 septembre 2022 elle avait écrit une lettre ouverte au directeur de l’AP-HP, affirmant être « restée 24 heures sur un brancard, sans rien manger, dans un no man’s land ».

Cette fois-ci, il s’agit de son aide à domicile de 66 ans qui est soupçonnée d’abus de confiance pour un préjudice de plus de 140 000 € (*). Il faut savoir que Madeleine Riffaud est devenue aveugle en 1962 victime d’un attentat à Oran, et est alitée depuis 12 ans.

L’accusée sera jugée au tribunal correctionnel de Paris, mais Madeleine Riffaud est dans l’incapacité de financer sa défense. Son entourage l’aide et a ouvert une cagnotte en ligne pour la soutenir

Soutien de Madeleine Riffaud en 2023

Madeleine Riffaud, l’appel à don sur leetchi.com-capture d’écran PG

Nous reproduisons ci-dessous notre article paru pour la première fois le 24 août 2021.

(*) Déclarée coupable le 18 janvier 2024, l’aide à domicile Myriam B , sera condamnée à huit mois de prison avec sursis et 13 000 € d’amende.

____________________________________________________________

Les mille vies de Madeleine Riffaud,

l’héroïne du 23 août 1944

Résistante à 18 ans, poétesse, reporter de guerre, militante anticolonialiste et pacifiste, amie d’Éluard, d’Aragon, de Picasso, de Vercors et de Hô Chi Minh, Madeleine Riffaud a vécu mille vies et a survécu à toutes.

Résistante à 18 ans

Née le 23 août 1924 dans la Somme, elle est encore mineure quand elle s’engage dans la Résistance à Paris, en 1942, sous le nom de code Rainer, « ce nom d’homme, de poète et d’Allemand », en hommage à Rainer Maria Rilke, et participe à plusieurs coups de main contre l’occupant nazi.

Responsable d’un triangle du Front national des étudiants du Quartier latin, elle entre dans les FTP en mars 1944. Elle obéit au mot d’ordre d’intensifier les actions armées en vue du soulèvement de Paris d’août 1944 : le 23 juillet 1944, en plein jour, elle abat de deux balles dans la tête un officier allemand sur le pont de Solférino.

« Neuf balles dans mon chargeur / Pour venger tous mes frères / Ça fait mal de tuer / C’est la première fois / Sept balles dans mon chargeur / C’était si simple / L’homme qui tirait l’autre nuit / C’était moi. »

Prenant la fuite à vélo, elle est rattrapée et emmenée au siège de la Gestapo, où elle est torturée. Elle garde le silence et est condamnée à mort. Promise à la déportation à laquelle elle échappe, sauvée par une femme qui la fait sauter du train, elle est à nouveau arrêtée et bénéficie finalement d’un échange de prisonniers pour être libérée, le 19 août 1944. Elle reprend alors immédiatement son combat dans la Résistance où elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d’aspirant lieutenant.

L’attaque gare Ménilmontant

Sa nouvelle mission, avec seulement trois résistants sous ses ordres, consiste à l’attaque du train arrivant aux Buttes-Chaumont (gare de Ménilmontant) qui aurait pu prendre à revers les résistants, engagés dans les batailles parisiennes.

Lorsqu’ils arrivent sur place, le train est déjà là et ils prennent les caisses d’explosifs qui n’avaient pas encore été utilisées pour les combats de rue. Installés de part et d’autre de la voie, ils envoient l’ensemble d’un coup et lancent des fumigènes et des feux d’artifice dans le tunnel où le train se retranche. La garnison se rend ; elle contribue donc à la capture de 80 soldats allemands et récupère des fusils et des munitions. Nous sommes le 23 août 1944, jour où Madeleine Riffaud fête tout juste ses 20 ans.

 

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

 

Mais pour elle, pas de trêve : le 25 août, toujours à la tête de sa compagnie, elle mène l’assaut du tout dernier bastion allemand, la caserne de la place de la République.

Poétesse, écrivaine, journaliste, correspondante de guerre

Madeleine reçoit de l’État-major des FFI son brevet de lieutenant, mais son engagement s’arrête à la fin des combats pour la Libération de Paris, car l’armée régulière ne l’accepte pas comme femme et mineure. Ses camarades de la compagnie Saint-Just continueront la lutte contre les nazis au sein de la brigade Fabien jusqu’à la victoire finale. Madeleine reçoit alors une citation à l’ordre de l’armée signée De Gaulle.

Devenue majeure en 1945, elle épouse cette année-là Pierre Daix, chef de cabinet du ministre Charles Tillon, dont elle se séparera en 1947 puis divorcera en 1953.

Après 1945, elle travaille pour le quotidien communiste Ce Soir. Elle rencontre Hô Chi Minh, lors de sa visite officielle en France, en 1946, pour la conférence de Paix de Fontainebleau, avant de partir en reportage en Afrique du Sud et à Madagascar.

Madeleine Riffaud journaliste

Madeleine Riffaud avec l’homme d’Etat Vietnamien Hô Chi Minh

Elle reçoit ensuite régulièrement jusqu’en 1949, chez elle, rue Truffaut, Tran Ngoc Danh, membre de la délégation vietnamienne, et rêve d’y partir en reportage, désapprouvée par son mari qui la trouve « gauchiste ». Elle se déclare fermement « ouvriériste », en couvrant les grèves des mineurs, écrit des textes sur l’Indochine en 1948 et milite contre l’emprisonnement de Trân Ngoc Danh, député de la République démocratique du Viêtnam.

Elle passe à La Vie Ouvrière, organe de la CGT, avant les campagnes de l’Appel de Stockholm du 19 mars 1950. Cet hebdomadaire publie ses poèmes dès 1946, tout comme Les Lettres françaises, de 1945 à 1972. Très proche de Hô Chi Minh et du poète Nguyen Dinh Thi, qu’elle a rencontrés à Paris et à Berlin en 1945 puis 1951, elle couvre la guerre d’Indochine, épisode relaté dans Les Trois guerres de Madeleine Riffaud (film de Philippe Rostan, diffusé en 2010). Elle deviendra la compagne de Nguyen Dinh Thi, futur ministre de la Culture.

Grand reporter pour le journal L’Humanité, elle couvre la guerre d’Algérie, au cours de laquelle elle est gravement blessée dans un attentat organisé par l’OAS.

Aussitôt guérie, elle couvre la guerre du Viêt Nam pendant sept ans, dans les maquis du Viêt-Cong sous les bombardements américains. À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien, expérience dont elle tire son best-seller, Les Linges de la nuit.

Elle ne fera publiquement part de son engagement dans la Résistance qu’à partir de 1994, pour les 50 ans de la Libération, pour ne pas laisser tomber dans l’oubli ses « copains » morts dans les luttes qu’ils partagèrent.

Elle est titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme (citation à l’ordre de l’armée), décernée pour ses activités de résistance contre l’occupation nazie (6 août 1945), chevalier de la Légion d’honneur (avril 2001) et officier de l’ordre national du Mérite (2008).

Elle laisse une très riche œuvre publiée tant en poésies, contes qu’essais et de très nombreux reportages (Tunisie, Iran, maquis du Viêt-Cong et Nord-Viet Nam).

BD Madeleine résistante

BD Madeleine résistante, sortie le 20 août 2021. © Dominique Bertail Editions Dupuis.

Cette femme de caractère, dont la vie et l’action ont largement dépassé les limites de notre arrondissement, mérite que nos édiles se souviennent par un hommage public que Madeleine Riffaud y fit une des premières démonstrations de son courage et de sa détermination, à la Gare de Ménilmontant, un 23 août 1944, il y a 77 ans…

Pour en savoir plus :



1860… Paris annexe ses faubourgs – L’exemple de Belleville et de Charonne


Bulletin n°82

 

1860 représente un moment capital dans l’histoire de Paris : la ville, à l’étroit depuis la fin du XVIIIème siècle dans le corset de son Mur des Fermiers généraux, étend ses limites administratives et fiscales jusqu’à ses fortifications militaires édifiées vers 1840, et de ce fait elle absorbe l’intégralité des onze communes administrativement autonomes de sa proche banlieue et des portions plus ou moins étendues de treize autres communes.

Par cette mesure, la superficie de Paris passe d’environ 3 300 hectares à 7 000 hectares et la ville gagne 600 000 habitants nouveaux, soit une augmentation de 55% de sa population. C’est l’acte de naissance officiel du Paris actuel et des 20 arrondissements que nous connaissons aujourd’hui.

La banlieue annexée à Paris est encore plutôt rurale et peu peuplée, à l’exception de Belleville qui compte alors 65 000 habitants – c’est la deuxième ville du département de la Seine juste après Paris. Cette mesure bouleverse la figure de la capitale et bien sûr la vie des Parisiens, anciens et nouveaux.

On promet de faire de ce Paris agrandi une ville harmonieuse et confortable, dotée d’une voirie moderne, et riche. Après l’haussmannisation du centre de la capitale, spéculation, construction et industrialisation vont s’emparer de ces nouveaux territoires parisiens.

Le 20e arrondissement, qui a été créé sur les anciennes communes de Charonne et de Belleville (en partie), va subir le sort commun, à cette différence toutefois que le territoire de Belleville est partagé entre deux arrondissements, les 19e et 20e. Belleville est la seule commune annexée à connaître ce sort.

Christiane Demeulenaere-Douyère, vice-présidente de l’AHAV, nous avait présenté, lors d’une conférence le 15 février 2024 à la mairie du 20e, l’histoire de cette grande mutation et les réactions des habitants de l’Est parisien qui ont été, au fil du temps, de trois ordres : d’abord inquiétudes, ensuite espérances, puis insatisfactions.

Retrouvez cette histoire dans notre nouveau bulletin qui vient de paraître.

Les bulletins sont envoyés gratuitement sous format papier à nos adhérents au fur et à mesure de leur parution.
Vous pouvez commander en ligne ce bulletin et tous les bulletins déjà parus, sous format imprimé ou sous format pdf téléchargeable.




Les eaux nouvelles et anciennes du 20e

 

Nous vous proposons une visite sur Les eaux nouvelles et anciennes du 20e

📅 Dimanche 27 octobre 2024

🕙 À 10h

⏳ Durée environ 2h30mn – 3,5km

Cette visite guidée par Jacques Paulic est réservée à nos adhérents sur inscription à notre courriel : ahav.paris20@gmail.com
Le lieu de rendez-vous sera précisé en retour.

 

L’alimentation en eau potable de Paris partage une longue histoire avec le 20e arrondissement.
Dans ce parcours original, nous évoquerons en premier lieu l’approvisionnement en eau, récent et présent.
Puis nous remonterons dans le temps pour découvrir des captages historiques des Sources du Nord.

Portrait d'Eugène Belgrand

Eugène Belgrand

Une personne a bien connu les eaux nouvelles et anciennes au 19ème  siècle : il s’agit du grand ingénieur Eugène Belgrand.

Il a conçu une grande partie du réseau moderne et actuel de Paris. Il avait aussi étudié les réseaux anciens et écrivait en 1877 :

« Lorsque j’aurai disparu avec trois ou quatre collaborateurs et autant d’anciens serviteurs qui surveillent les tronçons d’aqueducs comme une chose sacrée, qui en jaugent l’eau comme si elle était encore indispensable à Paris, il ne restera pas même un souvenir de ces vieilles choses ».

Venez voir !

Châteaux d'eau du réservoir de Ménilmontant

Châteaux d’eau rue du Télégraphe-PG

Août 1944, la libération de Belleville

 

Ce dimanche 25 août 2024, la mairie du 20e commémore la Libération de Paris et de l’arrondissement. Il s’agit cette année de son 80ème anniversaire et l’événement a lieu à 12h30 dans le hall d’entrée, devant le monument aux Morts. À cette occasion, nous reproduisons notre article  paru le 24 août 2022.

________________________

Maurice Arnoult, le bottier de Belleville… nous raconte la libération de Belleville

Sur notre site, vous avez pu lire ici un article consacré à la « bataille du rail » de la gare de Ménilmontant, héroïquement menée, le 23 août 1944, par Madeleine Riffaut à la tête d’une poignée de résistants.

Un autre Bellevillois nous a laissé un témoignage sur cette période mouvementée. Maurice ARNOULT (1908-2010) a passé presque toute sa vie dans le quartier de Belleville ; il y est arrivé en 1922, s’y est formé et y a travaillé comme artisan bottier, pendant plusieurs décennies, pour les grandes maisons de couture parisiennes. Dans son modeste atelier de la rue de Belleville, il a observé la vie quotidienne de son quartier, particulièrement pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a donc vécu la guerre, avec les horreurs de l’Occupation, les restrictions, le marché noir, la collaboration et les déportations…

Maurice Arnoult résistant du 20e

Maurice Arnoult après la guerre, bottier à Belleville dans son atelier

Lui, il a protégé et caché plusieurs familles juives de son quartier menacées par les rafles[1]Il témoigne aussi de l’excitation et de la pagaille joyeuse qui s’emparent du quartier quand les troupes américaines, lancées aux trousses des Allemands, le traversent, au matin du 30 août 1944… Autant de souvenirs qu’il consigne au soir de sa vie dans son livre, Moi, Maurice, bottier à Belleville. Souvenirs d’une vie, écrit avec Michel Bloit et publié chez L’Harmattan en 1993.

Passons la parole à Maurice ARNOULT 

La 2division blindée à Paris

« Avec le mois d’août [1944], chaque jour apporte son cortège de rumeurs sur l’arrivée des troupes alliées. Enfin, le 25 août c’est sûr ; les premiers éléments de la 2e division blindée du général Leclerc |…] roule vers l’Hôtel de ville et la préfecture de police. Des combats d’arrière-garde ont lieu dans tous les quartiers entre les Alliés et les résistants d’un côté et les troupes allemandes de l’autre. La confusion la plus extrême règne faute d’informations précises.»

Les barricades des bellevillois

« Le bruit court qu’il faut partout élever des barricades. Le jeudi 28 août, je me joins aux groupes qui se forment au carrefour de la rue des Pyrénées et de la rue de Belleville. Armé d’une barre de fer j’arrache les petits pavés parisiens en granit gris, à quelques mètres de mon atelier. Des dizaines d’hommes et de femmes du quartier sont là, heureux, après 4 ans d’oppression, de faire quelque chose de défendu, tout en regardant si les Frisés comme on les appelle, ne risquent pas d’arriver. Des troupes ennemies étaient, disait-on, massées dans les banlieues nord.

Dépavement pour barricade

Du 22 au 24 août 1944, des enfants préparant une barricade. Musée Carnavalet

À 3h de l’après-midi, la barricade a fière allure. Les enfants grimpent dessus. Un agent de police, porteur d’un brassard tricolore, y plante un drapeau français. Tout le monde applaudit.

« Le lendemain, 29 août […], il faut l’enlever au plus vite car une division américaine doit passer par Belleville dans les heures qui viennent, à la poursuite des Allemands qui, regroupés dans le nord et l’est de Paris, préparent une contre-attaque. Je me rends aussitôt au carrefour de la rue des Pyrénées qui a servi de point de ralliement pendant la construction de la barricade et où des groupes nombreux commentent les événements. Je leur annonce la nouvelle et n’ai pas trop de mal à les convaincre qu’il faut démolir aujourd’hui ce qu’on a construit hier. […] La barricade est plus vite démolie que construite ; c’est moins excitant et tout le monde est vaguement inquiet. Et si c’était une fausse nouvelle et si c’était une division allemande qui arrivait ? »

Les américains entrent dans Belleville

« Le lendemain matin, vers 6h, le quartier est réveillé par un roulement énorme et continu. Ce sont des chars américains facilement reconnaissables à leur grande étoile blanche. […] Nous nous habillons rapidement et voyons les premiers blindés remonter la rue de Belleville dans un fracas étourdissant. Après les tanks, ce sont des jeeps, des camions, des voitures dépanneuses, de gigantesques remorques, porteuses de pontons pour traverser les rivières. La colonne avance par secousses, s’arrête cinq minutes puis repart.

« Les trottoirs sont maintenant noirs de monde : les enfants en pyjamas, les femmes en chemises de nuit et peignoirs, les hommes en pantalons et tricots de corps. Dès que les chars s’arrêtent, on monte dessus pour embrasser les soldats américains qui vident les verres de vin qu’on leur tend. […] Jamais on n’avait vu une telle armée. Pas un homme à pied ; tout le monde sur des roues, et quelles roues ! On comprend que l’armée allemande ait été complètement enfoncée par de tels engins.

« […] Au café de la rue des Pyrénées, on vide toutes les bouteilles dans les quarts des Américains qui, en échange, jettent à la foule des paquets de cigarettes, de vraies américaines comme on n’en avait pas vu depuis 4 ans. A midi, passent les dernières jeeps. On crie et on chante : good bye, good bye, vive la France. »

Aout 1944, le 20e libéré

Soldats de la 4e division d’infanterie américaine devant la mairie du 20e. Henri Guérard, Paris Musée

______________________

[1] https://www.cercleshoah.org/spip.php?article740. Il a été reconnu Juste parmi les Nations en 1994. 

JO 2024 : la piscine Georges Vallerey fait peau neuve

Dans un mois, les jeux olympiques à Paris. L’an dernier, notre vice-présidente Christiane Demeulenaere-Douyère avait été interrogée par FR3 sur le passé de l’ancienne piscine des Tourelles et l’histoire de son emplacement.

L’occasion pour nous de visionner son intervention en cliquant ici et de mettre en ligne notre article paru pour la première fois le 4 avril 2023.

_____________________

Fermée depuis l’été dernier, la piscine Georges Vallerey, 148 avenue Gambetta, connaît de gros travaux afin de servir de piscine d’entraînement pour les athlètes olympiques et paralympiques des JO d’été de Paris en 2024.

C’est en 1924, pour les JO d’été à Paris, que le « stade aquatique des Tourelles » est construit près de la porte des Lilas.

La piscine Vallerey a 100 ans

Création de la piscine des Tourelles-Excelsior 5 juin 1924

Il est le théâtre des exploits du nageur américain Johnny Weissmuller*, reparti avec cinq médailles d’or dont le 100 mètres nage libre et le 400 mètres nage libre masculins.

100 m nage libre en moins d'1mn

Record olympique du 100m en 1924 par J Weissmuller-extrait de wikipedia

Ensuite, le stade devient le siège de la Fédération française de natation et accueille de nombreux championnats de France.

Rebaptisé en 1959 « piscine Georges Vallerey », du nom d’un jeune nageur prometteur mort très jeune**, l’équipement est rénové en 1986-1989 sur des plans de l’architecte Roger Taillibert***. Il comprend un bassin de dimensions olympiques (50 × 21 m) et peut accueillir jusqu’à 1 500 spectateurs.

En 2017, le Comité International Olympique (CIO) donne son accord pour que les anneaux olympiques soient apposés sur sa façade, mettant en valeur ce patrimoine olympique parisien.

Entrée de la piscine Valerey

Les anneaux olympiques sur la façade de la Piscine Georges Vallerey-VdP

Une nouvelle charpente et un nouveau toit ouvrant

A l’occasion des JO de Paris 2024, la piscine Vallerey va faire peau neuve. Le projet, conduit sous la maîtrise d’ouvrage de la Ville de Paris, prévoit la rénovation complète du bâtiment et de ses équipements afin de permettre les entraînements des athlètes pendant les JO.

Piscine en cours de travaux

Installation de la toiture en bois de la piscine Vallerey-Photo Clement Dorval pour la Ville de Paris

Place notamment à une nouvelle toiture mobile composée d’une charpente bois maillée et de panneaux polycarbonates permettant à la transparence du ciel de pénétrer au sein du bassin.

Un chantier en pointe sur le sujet du réemploi

Pour les JO 2024, la Ville de Paris innove techniquement à tous les niveaux et les chantiers menés répondent à des normes environnementales strictes. Le chantier de la piscine Vallerey est l’occasion de privilégier le réemploi et le recyclage des matériaux. Plus de 90 % des déchets produits (fer, gravats, etc.) sont réemployés ou recyclés grâce à des filières spécifiques. Et 13 % de ces déchets de chantier sont réemployés, dont le bois de la charpente.

Une partie de la charpente va connaître une nouvelle vie grâce à l’association Extramuros. Six mètres cubes de bois ont été donnés par la Ville à cette « menuiserie solidaire, sociale et écologique », implantée rue de Ménilmontant et spécialisée dans le réemploi des matériaux, dont le bois.

Ce bois sera notamment réutilisé pour le nouvel équipement. L’entreprise Bonnardel, implantée en Seine-et-Marne, fabriquera le nouveau mobilier : le comptoir d’accueil de la piscine, mais aussi les bancs, des meubles pour la zone de déchaussage des nageurs et près de 1 400 petites pièces de signalétique de la nouvelle piscine.

Et la nouvelle charpente ? Le bois utilisé, issu de forêts françaises écocertifiées, sera du pin Douglas, provenant des forêts du Jura et des Vosges.

D’autres innovations visent à améliorer les performances énergétiques de l’équipement : raccordement à un réseau chaleur, nouveau système de ventilation, modernisation de l’éclairage…, et accessibilité universelle pour les personnes en situation de handicap.

Réouverture annoncée en janvier 2024 !

Maquette de la piscine Georges Vallerey 2024-VdP

______________________

*Johnny Weissmuller, né János Péter Weissmüller (1904-1984), d’origine roumaine, est un nageur olympique américain cinq fois médaillé d’or aux Jeux olympiques et longtemps recordman du 100 m nage libre. Il a aussi été un acteur de cinéma célèbre pour avoir incarné le personnage d’Edgar Rice Burroughs, Tarzan, à douze reprises dans les années 1930-1940.

**Georges Vallerey (1927-1954) bat, entre 1945 et 1949, sept records d’Europe, et devient, en 1946, recordman du monde du 3 × 100 m trois nages, puis des 4 × 100 nage libre et 4 × 200 nage libre. Aux JO d’été de 1948, il remporte le bronze sur 100 m dos. Il est alors repéré par un entraîneur américain, mais meurt prématurément.

***Roger Taillibert (1926-2019) est l’architecte, entre autres, du nouveau stade du Parc des Princes à Paris (1969-1972) et du stade olympique de Montréal (Canada), construit pour les JO de 1976.

 

Rue Haxo, les otages et l’église

Entretien avec Jacques Benoist, prêtre et historien

 

Nous sommes le 26 mai 1871, soit deux jours avant la fin de la Commune de Paris. Dans le 20e, la colère est forte et malgré l’opposition de plusieurs responsables de la Commune, 50 otages seront fusillés au 85 rue Haxo.  Parmi eux, dix ecclésiastiques. Aujourd’hui en mémoire de ce drame, il nous reste sur place une église et un véritable petit musée extérieur dans le jardin attenant.

Plus de 150 ans après, le sujet reste toujours sensible, voire clivant. Si la Commune est commémorée chaque année au Père Lachaise, cette fois-ci le 29 mai 2021, le diocèse de Paris avait organisé une « marche des otages martyrs de la rue Haxo » jusqu’à la paroisse Notre-Dame des otages.

Ce jour-là, les participants ont été violemment pris à partie au point que l’un d’entre eux sera blessé à la tête. Un agresseur sera condamné à 10 mois de prison avec sursis.

Le spécialiste des lieux

Nous avons rencontré un passionné de cette période et de ces lieux, Jacques Benoist. Lui-même est à la fois prêtre et docteur en histoire des religions de l’université Paris IV Sorbonne, et diplômé de l’École Pratique des Hautes Études. Il fait partie de notre association, très certainement par solidarité.

 

Notre Dame des Otages - Jacques Benoist, prêtre historien

Jacques Benoist devant ND des Otages-PG

 

D’une approche particulièrement conviviale, Jacques Benoist est aussi une tête chercheuse permanente, et cela depuis plus de 40 ans. Il continue de s’épanouir et de faire son petit bonhomme de chemin en marchant allègrement sur ses deux pieds : l’histoire et la religion… Et réciproquement.

Actuellement prêtre de la paroisse Notre-Dame-des-Otages, rue Haxo, il a mené plus particulièrement ses recherches sur trois axes et en trois volumes : Le Sacré-Cœur de Montmartre, paru en 1992 aux éditions de l’Atelier, les communards et les otages de la rue Haxo.

Il a bien voulu nous recevoir sur place rue Haxo, nous faire pleinement visiter les lieux et partager le fruit de ses recherches.

_____________________________

Entretien avec Jacques Benoist

Q : Dans l’hebdomadaire La Vie daté du 28 mai 2021, à l’occasion du 150ème anniversaire de la Commune, la journaliste vous décrit comme « toujours un peu en marge des activités paroissiales et tenant fermement à son indépendance »…

R : En fait, je suis indépendant dans mes recherches historiques que je poursuis depuis 45 ans, et suis statutairement directement rattaché sous l’autorité de l‘évêque. Indépendant donc par rapport aux paroisses locales, mais disponible pour elles en permanence en cas de besoin.

Q : En tant qu’historien, après avoir présenté une thèse sur l’église de Montmartre, vous avez effectué une recherche approfondie sur les évènements qui ont conduit au massacre de la rue Haxo…

R : Tout d’abord, j’applique les règles universitaires avec les méthodes de recherche historique aboutissant à leur validation. L’EPHE, -école dans laquelle j’avais soutenu ma thèse sur le Sacré Cœur de Montmartre- et la Sorbonne m’ont encouragé plus tard à poursuivre et présenter mes recherches sur notre sujet.

_________________________________________________________ 

Les faits sur place, la Commune de Paris et le drame à la Rue Haxo

Le 26 mai 1871, 50 otages sont abattus sous la pression de la foule : 36 gendarmes, 1 policier, 3 civils considérés comme espions et 10 religieux.

Extrait du texte résumant en 2018 l’exécution des otages, écrit en équipe avec Jacques Benoist et à la disposition du public de Notre-Dame-des-Otages.

« Sur place, malgré les réticences de leur chef militaire et cédant à une foule qui hurle à la mort, les fédérés tirent à volonté durant un quart d’heure sur les otages, tous exterminés, devant un gros mur qui se trouvait rue du Borrégo, à la hauteur de l’actuel maison des jeunes ».

________________________________________________________

 

Q : Pourquoi avoir utilisé le mot otage et non prisonnier, puisqu’ils ont tout d’abord été enfermés à la prison de la Roquette ?

R : En fait, prisonnier veut dire prisonnier de guerre, on utilise alors ce mot lorsqu’il s’agit globalement de militaires arrêtés. Là, il s’agit d’environ 200 personnes civiles emprisonnées simplement par la Commune pour servir de monnaie d’échange.

Celle-ci veut ainsi stopper les exécutions sommaires du gouvernement versaillais en place. Et le 5 avril 1871, elle légifère dans ce sens : avec le décret dit des otages, il est prévu qu’à chaque prisonnier communard exécuté sous la responsabilité de Thiers, en retour, les communards pourront exécuter trois otages.

Environ 200 otages seront arrêtés

Décret sur les otages du 6 avril 1871-Archives de Paris

En fait, ce décret sera peu appliqué sauf les derniers jours de la Commune, notamment pour l’exécution de Monseigneur Darboy à la suite d’une proposition d’échange contre Auguste Blanqui (au PL) restée sans succès.

Q : Ce 26 mai, quelques responsables de la Commune ont tenté sans succès de s’opposer au massacre, comme Eugène Varlin, Zéphirin Camelinat, Jules Vallès (au PL) et Eugène Protot : pourquoi ces responsables communards n’ont-ils pas été écoutés ?

R : Il y a eu une réunion quelques jours avant, à Notre-Dame de Ménilmontant, l’église étant transformée en club sous la Commune. Jules Vallès est présent au moment du vote. Question : doivent-ils être exécutés ou pas ? Le oui l’emporte. Ensuite, les autorités dont ceux que vous citez se sont réfugiées ici. Ils n’ont pas voulu les fusiller et souhaité apaiser les passions. Sans succès.

 

Notre Dame de la Croix, lieu du vote de l'exécution des otages.

Pelle Stark Notre Dame de la Croix -photo Carlotta Olmez, wikipédia. Texte rédigé par Christiane Demeulenaere-Douyere, vice-présidente de l’AHAV

Rue Haxo, rue du Borrégo… rue Planchat

Q : Qu’en est-il de la rue Haxo et de la vocation du terrain autour du n°85 ?

R : La rue Haxo, est une ancienne allée du parc du château de Ménilmontant, devenue une voie militaire le long des fortifs : à l’époque Il n’y avait pas encore les boulevards des maréchaux. Quant à notre lieu lui-même et à sa destination finale, il y a eu bien du flottement sur ses propriétaires dans les années 1870.

Q : Juste en face de Notre-Dame des Otages, cette ancienne chapelle devenue église, vous m’avez fait découvrir le domicile où Gabriel Ranvier -maire de Belleville en 1870- meurt en 1879 au 2 rue des Tourelles, juste à l’angle de la rue Haxo.

Lui-même blanquiste, communard et franc-maçon… il était aussi surnommé le « Christ de Belleville ». Pourquoi ce surnom paradoxal ? Y a-t-il eu une relation entre lui et le massacre de la rue Haxo ?

R : Oui, le « Christ de Belleville », c’est le titre du livre d’Alain Dalotel. Était-il lui-même présent ce jour-là ? Ce n’est pas clairement explicité encore aujourd’hui, même par Alain Dalotel.

Rue Haxo - Gabriel Ranvier

Gabriel Ranvier Le Christ de Belleville, par Alain Dalotel

En tout cas, il reçoit les communards à la Mairie (anciennement près du métro Jourdain) et tente de les convaincre pour que l’exécution n’ait pas lieu… en tout cas pour le moins « pas de ça ici ! » puisqu’il ne peut pas s’opposer frontalement à la décision votée antérieurement. Le groupe avec les otages finira donc par quitter la Mairie pour se diriger rue Haxo. La suite est connue et Alain Dalotel a fait un excellent travail de référence à ce sujet.

Q : Un an plus tard, en mars 1872, un conseil de guerre de Versailles va avoir lieu sur ce drame…

R : En fait, le meneur ou la meneuse n’a pas pu être identifié. Au total, peu d’acquittement, quelques condamnations à mort, aux travaux forcés et beaucoup de condamnations à la déportation.

Q : Après la Commune, la construction de l’église de Montmartre fait toujours polémique quant à son interprétation. Elle est érigée sur le lieu même où a débuté la Commune. Par contre, Notre-Dame des Otages est passée sous les radars.

R : La construction de l’église de Montmartre a une vocation expiatoire par rapport à la globalité des péchés de la France. Il faut se rappeler qu’elle était déjà prévue avant la Commune. Pour l’Église et dans la même logique, les événements de la Commune viennent ici simplement s’y ajouter.

C’est donc l’ensemble de ce dispositif qui est mis en place et dans lequel vient s’insérer Notre-Dame des Otages. Il existe par ailleurs une plaque commémorative au cimetière de Belleville.

Q : En 1872, des catholiques fondent ici l’Œuvre expiatoire du massacre des otages.

R : Il faut dire qu’après une période de flottement sur les lieux eux-mêmes, leur acquisition, leurs différents propriétaires… les jésuites et des religieuses arrivent finalement à acquérir les lieux. En fait, l’œuvre expiatoire est une association qui durera peu de temps et plus tard sera créée La société des otages de la Commune.

Les jésuites vont construire une petite chapelle en 1894, puis une chapelle plus grande quatre ans plus tard. Enfin en 1938 sur ce même emplacement, l’église actuelle remplacera l’ancienne chapelle.

Q : Côté jardin, à l’arrière de l’édifice, le musée extérieur. En libre accès ?

: Oui, et en libre d’accès par le 81 rue Haxo, mais c’est un véritable petit  jeu de piste pour y accéder.

L’ Abbé Planchat, l’otage qui a sa rue dans le 20e

 

Rue Planchat, abbé fusillé sous la Commune

Rue Planchat donnant rue de Bagnolet-wikipédia

Q : Henri Planchat fait partie des 10 otages religieux fusillés. Le 22 avril 2023, il est béatifié à l’église Saint-Sulpice avec quatre autres prêtres. Au total cinq béatifiés sur dix religieux.

Pourquoi le père Henri Planchat a été mis en avant par rapport aux autres ? Et pourquoi 5 au lieu de lui-seul ou de tous les 10 ?

R : Beaucoup de congrégations religieuses sont concernées dans cette affaire. Le temps a passé et finalement ce sont les plus motivées d’entre elles, les Religieux de Saint-Vincent de Paul et ceux de Picpus, qui ont fini par obtenir ces béatifications dans ces conditions.

L’histoire aura donc poursuivi sa route pour en arriver jusqu’en 2023.