Escalier donnant sur commerce

2022… c’est l’année Perec dans le 20!

Cette année 2022 marque le 40e anniversaire de la mort de l’écrivain Georges Perec, dont une partie de la vie (courte) et une part de l’œuvre (plus importante) sont intimement liées au 20e arrondissement où il vécut enfant.

Georges Perec- Wikipédia.

Perec, de la rue de l’Atlas à Ivry… en passant par la rue Vilin

Georges Perec naît le 7 mars 1936, au 6 rue de l’Atlas (19e arr.), du mariage de Icek Judko Perec (1909-1940) et de Cyrla Szulewicz (1913-1943), juifs d’origine polonaise. Il passe sa petite enfance au 24 rue Vilin, à Belleville, où sa mère tient un salon de coiffure jusqu’en 1942, dont le souvenir occupe une place importante dans son œuvre.

Rue Vilin en 1959

Gamins de Belleville sous l’escalier de la rue Vilin, Paris, 1959. Médiathèque du Patrimoine, donation W. Ronis

Engagé volontaire contre l’Allemagne, son père est tué dès juin 1940. Sa mère envoie son fils en zone libre, à Villard-de-Lans, où il passe le reste de la guerre auprès de son oncle et de sa tante Bienenfeld, tandis que Cyrla est arrêtée et déportée à Auschwitz en février 1943. En 1945, Georges rentre à Paris et est adopté par les Bienenfeld.

Il devient documentaliste au CNRS et entame en même temps une carrière d’écrivain. En 1965, son premier roman Les Choses remporte le prix Renaudot. En juin 1967, il est coopté pour entrer à l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), cooptation qui marque un point important dans son œuvre littéraire puisque désormais ses textes suivront en général des contraintes de type oulipien. Perec est, avec Raymond Queneau et Italo Calvino, un des membres de l’Ouvroir dont les ouvrages ont eu le plus de succès.

Oulipo, écriture innovante

Basile Morin, ambigramme de l’Oulipo

En 1969, il publie La Disparition, son premier roman oulipien, 300 pages écrites sans utiliser la lettre « e ». Au-delà de cette prouesse lexicographique, Perec reprend aussi sa thématique de l’absence et la douleur qu’elle engendre. Il inverse ensuite la contrainte lipogrammatique dans Les Revenentes, où il n’utilise que la voyelle « e » à l’exclusion de toutes les autres, même au prix de libertés orthographiques.

Ensuite il achève W ou le souvenir d’enfance, qui paraît en 1975. Très estimé, ce grand roman moderne obtient un succès critique qui place Perec parmi les meilleurs de son temps. L’alternance binaire d’une fiction fascisante et d’une écriture autobiographique fragmentaire adosse une histoire collective fantasmée au destin singulier de l’orphelin qu’est l’auteur.

À partir de 1976, il publie des mots croisés dans Le Point, soit un total de 135 grilles jusqu’en 1982.

Perec dessiné par la Poste

Timbre-poste en hommage à G. Pérec, 2002.

Perec atteint la consécration en 1978 avec la publication de La Vie mode d’emploi, qui obtient le prix Médicis et un grand succès public, qui permet à son auteur d’abandonner son travail de documentaliste et de se consacrer à l’écriture. Il y explore de façon méthodique la vie des différents habitants d’un immeuble, selon une contrainte de circulation : la polygraphie du cavalier. À cette première contrainte s’ajoutent de nombreuses autres, ordonnées selon un bi-carré latin orthogonal d’ordre.

Le 3 mars 1982, Georges Perec meurt, à 45 ans, d’un cancer du poumon, à Ivry-sur-Seine, quelques mois seulement après avoir publié « 25 choses à faire avant de mourir »[1]. Ses cendres ont été déposées au columbarium du cimetière du Père-Lachaise (case 382).

Inédit de Perec

Couverture de Lieux, ouvrage inédit de G. Perec publié en 2022 au Seuil.

Et… Surprise !!… En cette présente année 2022, 40 ans après sa mort, vient de paraitre au Seuil un « nouveau » Perec. Il s’agit d’un recueil de 133 textes restés inédits, intitulé Lieux, dans lequel l’auteur explore « douze lieux, des rues, des places, des carrefours, liés à des souvenirs, à des événements ou à des moments importants de mon existence » sur six années, entre descriptions et souvenirs[2].

« En remontant la rue Vilin »

En 1969, date de la publication de La Disparition, Georges Perec se lance le défi de documenter, année après année, la destruction de la rue Vilin, la rue de son enfance qui serpente sur les coteaux escarpés de Belleville.

Rue Vilin, 20e populaire

Georges Pérec rue Vilin-DR.

L’écrivain projette d’y revenir régulièrement pendant douze ans, ainsi que sur onze autres lieux parisiens, pour conserver la trace d’un triple vieillissement, « celui des lieux eux-mêmes, celui de mes souvenirs et celui de mon écriture » (Espèces d’espaces, 1974). Abandonné en cours de route, ce travail provisoirement intitulé Lieux n’aboutira jamais. Et, le 4 mars 1982, au lendemain de sa mort, les démolisseurs s’attaquaient aux dernières masures de la rue. Ce jour-là tombe le nº 24, la maison où Perec avait vécu avec ses parents.

Escalier donnant sur commerce

La rue Vilin, années 1950 – photo Henri Guérard

Ouverte en 1846 et classée en 1863, puis déclarée îlot insalubre un siècle plus tard, la rue Vilin a disparu dans la réalisation du Parc de Belleville. À l’origine, elle partait de la rue des Couronnes, se poursuivait en ligne droite vers le nord-est, en pente douce, sur 200 mètres environ, avant de se terminer par un escalier d’une cinquantaine de marches qui rejoignait la rue Piat. La chaussée était pavée, les trottoirs étroits, sans arbre. La circulation y était peu importante, du fait de l’escalier au bout, qui la rendait quasiment semblable à une impasse. C’était un terrain de jeu idéal pour les enfants qui aimaient dévaler l’escalier ou jouer tranquillement au ballon dans la rue.

Film de de Robert Bober

En remontant la rue Vilin, de Robert Bober, montage

De la rue Vilin, il ne reste guère que les photos prises par des photographes et les textes de Georges Perec. Le cinéaste Robert Bober s’en est emparé et a reconstitué comme dans un puzzle cette rue disparue. Le film est tout à la fois la reconquête d’un espace, une réflexion sur le regard et un hommage rendu à son ami Perec[3].

Et qui donc est ce M. Vilin qui a donné son nom à la rue Vilin ?

Sans doute un ancien propriétaire des terrains sur lesquels la rue fut ouverte : Pierre Augustin Vilin, né à Paris, section de Popincourt, le 22 juillet 1793 et décédé le 18 mars 1857, à Belleville. Issu d’une famille de tisserands d’Amiens, il fut d’abord vérificateur des bâtiments, tout en étudiant l’architecture à l’École des Beaux-arts de Paris. Il fit une carrière d’architecte et mena des opérations de spéculation foncière qui lui rapportèrent, semble-t-il, une confortable aisance.

Bas de la rue Vilin

9 – Angle de la rue des Couronnes et de la rue Vilin, début du XXe siècle. Carte postale.

Il fut aussi maire de Belleville de la Révolution de février 1848, époque à laquelle il était adjoint, jusqu’aux événements de juin 1848. Il semble être encore conseiller municipal de Belleville en juillet 1853, date à laquelle la sous-préfecture de Saint-Denis le signale comme n’ayant pas prêté serment à l’Empereur.

En 2022, Georges Perec fait encore l’actualité avec le festival Du haut des cimes de Ménilmontant

Printemps de la poésie dans le 20e

Affiche du festival Du Haut des Cimes, édition 2022

Le festival Du haut des cimes de Ménilmontant (6-19 juin 2022) rendra hommage « à l’enfant du quartier, Georges Perec, anniversaire des 40 ans de sa disparition »

le samedi 18 juin, avec 2 spectacles solo, l’un à 18h : L’Encyclopédiste (Conception Encyclopédie de la parole. Texte et interprétation Frédéric Danos) et l’autre à 20h : Beaux présents dorés, ou le voyage dans l’alphabet extraordinaire de Jude Call Mirann (Compagnie belles absentes. Texte et interprétation Julien Marcland) à la MJC des Hauts de Belleville, 43 rue du Borrego.

-le dimanche 19 juin, avec une promenade poétique « Sur les pas de Georges Pérec » avec Stéphane Bouquet et les poétesses Molly Lo Freemann (USA) et Anna Maligon (Ukraine), précédée de la rencontre « Qu’est-ce que tu fabriques ? », avec Stéphane Bouquet (15h-18h). RV entrée du Père-Lachaise, rue des Rondeaux, en face de l’avenue du Père-Lachaise, puis à l’amphithéâtre de verdure du Conservatoire Georges Bizet, 3 place Carmen, rue des Cendriers.

Et, en ouverture du festival, le lundi 6 juin, de 15 à 17h, l’AHAV participera à une visite des poètes du Père-Lachaise. Pour l’AHAV, sortie réservée à ses adhérents et sur inscription.

Rue Vilin et son terrain vague

« Au repos de la Montagne », 53-55 rue Vilin. Image tirée du film « En remontant la rue Vilin » réalisé par Robert Bober en 1992

 

Pour en savoir plus :

Sur Georges Perec et son œuvre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Perec.

Sur l’Oulipo : https://www.bing.com/search?q=Oulipo%20wikipedia&form=WIKIRE.

Sur le festival Du haut des cimes de Ménilmontant : https://www.facebook.com/festivalduhautdescimes.

____________

[1] https://www.youtube.com/watch?v=Gh81fubFMEw. On trouve beaucoup d’interviews de G. Perec en ligne sur Internet.

[2] L’ouvrage est accessible gratuitement sur https://www.seuil.com/ouvrage/lieux-georges-perec/9782021114096

[3] Film documentaire réalisé par Robert Bober,1992, 48 min, couleur ; nombreux extraits sur Internet.

Échaffaudage du crématorium

Quoi de neuf du côté du crématorium du Père-Lachaise ?

Les habitués du Père-Lachaise ont certainement remarqué l’« emballage » récent du crématorium du cimetière. Non, que les touristes nombreux au Père-Lachaise se rassurent… il ne s’agit pas d’une nouvelle œuvre posthume de Christo !… mais plutôt de l’annonce de grands travaux.

Travaux en 2022 du crématorium du Père-Lachaise

Le crématorium du Père-Lachaise « emballé » en avril 2022 dans l’attente des travaux-CD

Une petite histoire de la crémation en France

Elle se confond avec celle des civilisations depuis la préhistoire jusqu’à l’Antiquité et au début de notre ère (en Grèce, à Rome, en Gaule…). L’Europe a abandonné la crémation au fur et à mesure qu’elle s’est convertie au christianisme, dont les adeptes souhaitaient être inhumés « à l’image du Christ ». Charlemagne, dans un capitulaire de 789, interdit la crémation dans son Empire. Et jusqu’au XIXe siècle, il n’en a plus été question en France.

Et vint la IIIe République… En 1880, la première Société pour la propagation de la crémation est créée en France et, un an plus tard, elle compte 420 membres parmi lesquels de nombreux noms illustres, dont Gambetta, Nobel, Paul Bert, De Lesseps, Schoelcher, l’astronome Flammarion, et un jeune député qui allait devenir une figure éminente de la IIIe République, Edouard Herriot… La crémation a alors pour partisans des esprits éclairés, des scientifiques soucieux de l’hygiène et du respect de l’individu, et des Francs-maçons et des Libres penseurs.

Après bien des vicissitudes et des débats parlementaires acharnés, le 29 octobre 1887, est adoptée la loi portant sur la liberté des funérailles : elle autorise les citoyens à choisir un mode de sépulture autre que l’inhumation. La pratique de la crémation commence à se développer.

Introduction dans le four crématoire

Le 1er four crématoire du Père Lachaise. Le Figaro, 13 novembre 1893.

Mais elle se heurte encore longtemps à l’hostilité de Rome qui dénonce ses promoteurs comme « des hommes de foi douteuse ou liés à la secte maçonnique qui travaille activement à rétablir l’usage païen de brûler les cadavres humains ». C’est seulement en 1963 qu’est publié, dans la foulée du Concile de Vatican II, un décret pontifical indiquant « que l’incinération du corps n’affecte pas l’âme… Il ne s’agit pas d’une pratique intrinsèquement mauvaise ou, de soi, hostile à la religion chrétienne » (5 juillet 1963).

Les esprits et les mœurs évoluent lentement, mais, aujourd’hui, la crémation tend à devenir un phénomène de société. En 1980, 1% des obsèques faisait l’objet d’une crémation en France, en 2010, c’était 30% ! Selon le CREDOC, cette tendance s’affirme : on compte 50% d’intentions de crémation. Et cela continuera à progresser, du fait d’une baisse de la pratique religieuse, mais aussi pour des critères sociaux (décider de son devenir après la mort, ne pas être une charge pour ses proches, pas d’entretien des tombes), écologiques (protection de l’environnement, hygiénisme, moindre occupation de l’espace, surtout en milieu urbain), économiques (une crémation est moins coûteuse)…

Le crématorium du Père-Lachaise : un pionnier dans son domaine

Le crématorium du cimetière du Père-Lachaise est le premier de France et jusqu’à maintenant l’unique à Paris. Ouvert à la fin du XIXe siècle, il a réalisé, après des essais sur des animaux, sa première crémation le 30 janvier 1889.

Depuis, cet équipement arrive à saturation. Avec ses cinq fours crématoires, il assure 6 500 crémations par an (45 % des funérailles) alors qu’on en attend près du double dans un avenir proche. Son columbarium qui compte 40 800 cases sur quatre niveaux est aussi saturé.

Une architecture originale et exotique

Crématorium du Père-Lachaise

Le crématorium du Père-Lachaise, vue extérieure. Wikipedia

Entouré des quatre ailes du columbarium, le crématorium a des allures de mausolée antique. Il est implanté dans la partie Est du cimetière du Père-Lachaise sur une superficie de 4 900 m2 (87e div.). Son architecture est de style néo-byzantin, marqué par sa chapelle en appareil polychrome de pierres blanches et noires disposées en bandes horizontales et son toit composé d’un vaste dôme de briques et de grès, de trois petites demi-coupoles et de deux cheminées.

Le Crématorium du Père-Lachaise du projet à aujourd'hui

Le Crématorium du Père-Lachaise, façade postérieure (projet Formigé) et aspect actuel-AHAV

C’est l’œuvre de Jean-Camille Formigé (1845-1926), par ailleurs architecte de plusieurs palais de l’Exposition universelle de 1889, de la grande serre des jardins d’Auteuil (1898-1901) et de monuments au sein même du cimetière (tombe du peintre Guillaume Dubufe (1853-1909) en 1909 (10e div.), chapelle de l’industriel Emile Bariquand (1842-1904) (2e div.) et monument aux Victimes du Bazar de la Charité (92e div.). Le crématorium est décoré de vitraux colorés des verriers Maumejean, posés en 1920.

L’ensemble a été agrandi à plusieurs reprises depuis sa mise en service. Les derniers travaux datent de 2007-2008. Il est classé Monument historique depuis 1995.

Père Lachaise crématorium

Crématorium et columbarium du PL. Vue aérienne.

Dans la salle Landowski, on remarque une statue monumentale, Le Retour Éternel (1954), due au sculpteur Paul Landowski (1875-1961), un artiste internationalement connu pour être, entre autres, le sculpteur de la Sainte Geneviève du pont de la Tournelle à Paris (1928), du Christ Rédempteur de Corcovado à Rio de Janeiro (1931) et des fontaines de la porte de Saint-Cloud (1936).

Espace Landowski au Père Lachaise

Crematorium PL Le Retour Éternel par Landowski (1954)

Après la crémation ?

Rappelons que la crémation est une pratique funéraire qui consiste à incinérer le corps d’un défunt en vue de le réduire en cendres. Le cercueil est introduit dans un four préchauffé à 850-900°C environ, et la crémation dure 90 minutes environ. Une fois achevée, les restes du défunt (os) sont réduits pour obtenir les cendres funéraires, placées dans une urne remise à la famille.

Les cendres peuvent être dispersées dans un jardin du souvenir ou un site cinéraire aménagé dans un cimetière, ou dispersées en pleine nature (loin de la voie publique). L’urne peut aussi être déposée dans un columbarium, scellée sur un monument funéraire ou inhumée dans une sépulture familiale.

Un deuxième crématorium en projet à Paris

Crématorium dans le 19e en 2024

Entrée principale et vue aérienne du futur parc funéraire de Paris, dans le 19e arrondissement (AAVP Architecture)

Il devrait voir le jour en 2024 sur une parcelle de 3 000 m2 située à la porte de la Villette (19e arr.). Bucoliquement baptisée L’Orée, le bâtiment sera en grande partie souterrain, laissant place en surface à un parc planté d’arbres qui ressemblera à une colline arborée.

L’exploitation en sera confiée à une société privée. Selon Le JDD, le projet de la Société des crémations de France (SCF, filiale du leader du secteur Funecap) a été retenu dans le cadre d’un appel d’offres.

Cette opération à 40 M€ comprend également la rénovation du crématorium historique du Père-Lachaise et la gestion des deux sites pour 30 ans.

Doté de quatre fours, le futur « parc funéraire » de la Villette sera « écoresponsable », limitant ses rejets dans l’atmosphère, et « à énergie positive ».

 

Pour en savoir plus :

Les maréchaux d'empire

Les maréchaux d’Empire et Paris, conférence

Au cimetière du Père Lachaise il existe un lieu d’enterrement bien particulier qui a aidé à la notoriété du cimetière. On l’appelle communément la colline des maréchaux, le coin des maréchaux, le quartier des maréchaux, ou même le carré des maréchaux.

Ce lieu nous fait immédiatement penser à Napoléon et ses boulevards des Maréchaux, plus spécialement ceux qui bordent l’est de notre arrondissement. 

Les maréchaux au Père Lachaise

Sépulture du maréchal Davout situé au « quartier des maréchaux » du Père Lachaise-PG

Mais qui sont-ils plus précisément et qu’ont-ils fait notamment pour la défense de Paris en 1814 face aux troupes coalisées de Prusse et de Russie ?

Pour en savoir davantage, l’AHAV et le Souvenir Français (Comité Paris XX) vous invitent à assister à la conférence

Les maréchaux d’Empire et Paris

de la Cour impériale aux combats pour la défense de la capitale en 1814 

 

par Walter Bruyère-Ostells, professeur d’histoire à Sciences Po Aix,

directeur scientifique du service historique de la Défense

 

Jeudi 21 avril 2022 à 18H30

À la Mairie du 20e

Les maréchaux d'empire, conférence

Les maréchaux d’empire, par Walter Bruyère-Ostells

Entrée gratuite dans la limite des places disponibles.

Inscription préalable obligatoire par mail : souvenir.français.paris@gmail.com

ou ahav.paris20@gmail.com

1962, de Charonne au Père Lachaise

60 ans se sont passés depuis les accords d’Évian du 18 mars 1962 qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, prélude à son indépendance. La France était alors plongée dans une série d’attentats et de manifestations.

Le mois précédent ces accords, un drame devenu tristement célèbre a eu lieu au métro Charonne : le 8 février 1962, 250 manifestants sont blessés et neuf tués -dont un journaliste de l’Humanité- par la police sous les ordres du préfet Papon. Les neuf victimes ont été étouffées contre les grilles fermées du métro.

Les 9 morts du métro Charonne

Une pleine page sur les victimes du 8 février 1962

Plusieurs organisations politiques et syndicales viennent de commémorer le 60ème anniversaire de cette tragédie. À Paris, il s’agit principalement du PCF (huit militants sur les 9 morts étaient communistes), de la CGT (tous les 9 en étaient membres), du PS et de la Ligue des Droits de l’Homme. Une exposition lui est également dédiée devant la mairie du 11e arrondissement.

60ème anniversaire de Charonne

Présentation de l’exposition Charonne devant la mirie du 11e. PG

Par ailleurs, le préfet de police, Didier Lallement, est venu officiellement fleurir la sépulture collective du Père-Lachaise au nom du président de la République. « C’est la première fois qu’un président de la République rend hommage aux victimes de Charonne » souligne l’historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d’Algérie.

 

Tombe des victimes de Charonne

Tombe des victimes de Charonne le 22 février 2022. PG

Gerbe pour la tombe des victimes de Charonne en 2022

Gerbe du président de la République le 8 février 2022. Site de l’Élysée

Le 8 février 1962 au métro Charonne

La manifestation de « défense républicaine » du 8 février a été organisée en réaction à une série d’attentats commis la veille par l’OAS (180 plasticages en deux mois) et qui bouleversent les parisiens. Cette manifestation est interdite comme les précédentes et se termine par une « tuerie », mot repris plus tard par Alain Dewerpe, lui qui avait 10 ans au moment où sa mère Fanny Dewerpe est tuée sur place ce jour-là.

Alain Dewerpe est devenu historien et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). À l’issue de nombreuses recherches documentaires (fonds du ministère de l’Intérieur et de la préfecture de police), il en arrive à conclure que les morts du métro Charonne ne sont pas le résultat d’une « bavure » ou d’un « dysfonctionnement ». D’où le titre explicite de son livre : « Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État ».

Enterrement des victimes de Charonne en 1962

13 février 1962, le cortège à l’enterrement au Père Lachaise. Photo prise à l’angle du boulevard de Ménilmontant et de l’avenue de la République

Les obsèques des neuf victimes au Père Lachaise

Le 10 février 1962, le journal Le Monde titrera : Le plus sanglant affrontement entre policiers et manifestants depuis le 6 février 1934.

Le 13 février 1962, une grève générale de protestation et de solidarité avec les familles des victimes paralyse le pays. Les obsèques des 9 victimes ont lieu ce jour-là au Père Lachaise, avec un cortège évalué en centaines de milliers de personnes. Sur la pierre tombale, le nom des morts y est gravé, surmonté de l’inscription suivante : « À la mémoire des victimes du 8 février 1962 ».

3 Plaques du groupe Manoukian dans le 20e

Manouchian : une rue, un monument, une cérémonie

 

Depuis 1996, le 21 février donne lieu à une commémoration annuelle dans notre arrondissement. À cette date en 1944, 23 membres du groupe FTP-MOI ont été fusillés par l’Allemagne nazie.

Ce groupe a été appelé groupe Manouchian depuis la création de « l’Affiche rouge » apposée dans Paris. Le 20e en garde la mémoire avec le nom d’une rue, une fresque murale et un monument au Père Lachaise.

Rue du groupe Manouchian

Rue du groupe Manouchian, cérémonie du 21 février 2022 devant les trois plaques commémoratives. La plaque à la mémoire des membres du groupe sera inaugurée en 1999 par Michel Charzat, sénateur-maire du 20e. PG

À l’origine des FTP-MOI

Dès 1924, le Parti Communiste choisit de créer un organisme spécifique « permettant de développer l’action solidaire des travailleurs français et immigrés » (1).

Cette section s’est d’abord appelée la « section de Main-d’Oeuvre Étrangère », la MOE, qui deviendra en 1936 la MOI, « section de Main d’Œuvre Immigrée », période où beaucoup d’entre eux sont partis rejoindre les Brigades internationales en Espagne.

Les FTP-MOI étaient composés de communistes et sympathisants d’origine immigré -avec la section communiste juive-  en relation étroite avec la direction des FTP français.

Le récit de ce mouvement de résistance a été diffusé sur France 3 : il fait partie de l’excellente série documentaire produite par Patrick Rotman en 1994 « les brûlures de l’histoire ». En fin d’émission, l’historien Stéphane Courtois, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du mouvement communiste, nous affirme à l’appui des derniers documents connus que « le groupe n’a pas été trahi. Ni par la direction communiste, ni par des responsables communistes ».

Procès du groupe Manouchian dans la presse

La une du Matin daté du 20 février 1944

Sur les 24 accusés qui font face au tribunal militaire allemand, 1 accusé est transféré devant une juridiction française. Les 23 autres sont condamnés à mort sans possibilité d’appel, et 22 sont fusillés le 21 février, au fort du Mont-Valérien ; la 23ème, Olga Bancic voit sa condamnation suspendue pour supplément d’enquête. Elle sera rejugée le 10 mai 1944 à Stuttgart et exécutée par décapitation le jour de ses 32 ans.

Les lieux mémoriels du groupe Manouchian dans le 20e

Au Père Lachaise, un large espace appelé parfois « le panthéon des communistes » s’étire près du mur des Fédérés. C’est à cet endroit que le monument (cénotaphe) des FTP MOI a été érigé, entre la tombe de Waldeck-Rochet et le caveau du PCF.

La mosaïque posée sur la stèle est l’œuvre du mosaïste Verdiano Marzi ; sur la pierre tombale nous pouvons lire un extrait du poème d’Aragon écrit en 1956 qui leur est dédié. Ces vers seront mis en musiques et chantées en 1959 par Léo Ferré sous le titre « l’Affiche Rouge »,puis repris par Marc Ogeret, Leny Escudero et Bernard Lavilliers.

Monument FTP MOI groupe Manouchian

Monument FTP-MOI au Père Lachaise. PG

Ce monument à l’initiative du Parti communiste français a été inauguré le 20 mai 1989 par Georges Marchais, secrétaire du PCF et Henri Rol-Tanguy, entourés de la direction du parti et Mélinée, la veuve de Missak Manouchian.

Henri ROL-TANGUY, responsable des FFI de la région parisienne, a pris la parole pour notamment rappeler les faits sur les derniers jours de leur vie :

… Les nazis vont alors reprendre l’idée d’un procès public ; dans l’impossibilité de détruire la Résistance, ils vont tenter de la diviser. Ce sera le procès dit de l’Affiche rouge. La Résistance focalisée sur les étrangers et les juifs…

Procès Manouchian par la presse

La une de Paris Soir daté du 21 février 1944

Le 17 février 1944, à l’Hôtel Continental à Paris, vingt-trois FTP-MOI ayant participé à cent cinquante actions, de janvier à novembre 1943, défiaient la cour martiale.

Le 21 février, ils tomberont au Mont-Valérien… L’Affiche rouge se couvrit d’inscriptions : « martyrs », « Morts pour la France ».

L'affiche rouge, verso du tract

L’Affiche Rouge a été décliné sous form de  tract. Ci-dessus le texte imprimé au verso  « L’armée du crime »  . Wikipédia

 

En plus du cénotaphe au Père Lachaise, vous pouvez lire notre article sur la rue du groupe Manouchian, son histoire, son projet en cours et sa fresque toute proche qui lui est dédiée.

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(1) Extrait du discours de Georges Marchais le 20 mai 1989 au Père Lachaise.

1921 devant la tombe de Thiers

La Toussaint à Paris en 1921

Jour férié catholique devenu légal, la Toussaint fête ces 120 ans en 1921. À l’origine de cette décision, le Concordat signé en 1801 à l’initiative de Bonaparte qui souhaitait pacifier les relations entre l’État français et la Papauté.

Et cette année-là, la Toussaint tombe un mardi. Conséquence à Paris, les administrations publiques et la grande majorité des établissements privés ont donné congé à leur personnel. Les parisiens concernés peuvent ainsi faire « le pont », expression déjà courante à cette époque.

Ce jour-là, la mémoire de la « grande guerre » 1914-1918 est toujours bien vivante : les représentants du Conseil municipal de Paris, du Conseil général de la Seine, ainsi que ceux de la préfecture de la Seine et de la préfecture de police se sont rendus dans les grands cimetières parisiens et de son côté, le président Millerand s’est rendu sur la tombe du Soldat inconnu.

Millerand place de l'Étoile

Le président Alexandre Millerand, le 1er novembre 1921 devant la tombe du soldat inconnu. Gallica

La Toussaint au Père-Lachaise en 1921

À l’entrée du Père-Lachaise, un grand marché aux fleurs s’est installé et dans Le Gaulois daté du 2 novembre 1921, on peut lire :

HENRI KARCHER, maire du 20e arrondissement, a prononcé, devant le monument aux morts (Victimes du devoir) un discours préconisant l’institution d’une cérémonie annuelle qui aurait lieu le même jour, chez nos alliés et chez nous, pour témoigner la dette de reconnaissance de l’humanité envers ceux qui furent les artisans héroïques et glorieux de la victoire. Beaucoup de sociétés patriotiques, anciens combattants, mutilée, travailleurs municipaux, sapeurs-pompiers, etc., ont également rendu visite, dans les cimetières, aux tombes et aux monuments des morts pour la patrie.

Les cimetières parisiens en ce jour de la Toussaint 

À propos de ce jour-là, la Préfecture de Police communique à la presse la fréquentation dans les cimetières parisiens:

    • Père-Lachaise 86.759,
    • Montmartre 16.860,
    • Montparnasse 52.405,
    • Saint-Ouen nouveau 50.483,
    • Saint-Ouen ancien 5.720,
    • Ivry parisien 46.480,
    • Ivry ancien 40.400,
    • Pantin parisien 108.517,
    • Passy 4.630,
    • La Chapelle 8.000,
    • Saint-Pierre de Montmartre 1.560,
    • La Villette 1.670,
    • Bagneux parisien 58.000. 

Comment la Préfecture a-t-elle pu réaliser un chiffrage aussi précis ? Mystère.

Les 40 ans du TGV et le rail au Père Lachaise

 

La SNCF vient de célébrer le 17 septembre les 40 ans du TGV à la Gare de Lyon. Le président de la République Emmanuel Macron était présent et, à l’occasion de cet anniversaire, a pu dévoiler le TGV du futur, le « TGV M ».

Le train le plus rapide du monde

 

En France dès 1955, le record du monde de vitesse sur rail est monté jusqu’à 331 km/h. En 1981, ce record est battu avec le TGV qui va atteindre les 380 km/h. Le projet était à l’étude depuis 1967 et François Mitterrand, à peine élu, viendra inaugurer son lancement. D’autres records de vitesse suivront par la suite : 482,4 km/h le 5 décembre 1989, puis 515,3 km/h, le 18 mai 1990.

 

 Rame TGV - premier modèle de TGV - turbine à gaz - sncf

Essais en ligne de la rame TGV-001 entre Vesoul et Belfort, premier modèle de TGV roulant avec une turbine à gaz. Archive SNCF

 

L’exploit du 22 septembre 1981 est d’importance nationale : sur Antenne 2, le journaliste Patrick Poivre D’arvor débute son journal de 20 heures sur l’inauguration du TGV Paris-Lyon :

Madame, Messieurs, Bonsoir ! Dans la grande histoire des chemins de fer, une naissance et un baptême aujourd’hui, ceux du TGV. Ce train, super rapide, dont les premiers pas sur le papier remontent à déjà 13 ans. TGV, Train à Grande Vitesse, en effet 2h40 pour relier Lyon et Paris, 2h dans moins de 2 ans. Songez qu’au début du siècle, il en fallait 7 heures et demi.

Grâce à cette nouvelle génération de train conçue par la SNCF et Alstom -et la construction d’une nouvelle ligne de rails plus droite- les voyageurs peuvent désormais circuler à 260 km/h de moyenne.

Le résultat commercial ne se fait pas attendre et dès l’année suivante, la ligne Sud-Est affiche un excédent brut de 478 millions de francs. Avec cette performance, la clientèle d’affaires reviendra progressivement vers le train, à un tel point qu’en dix ans sa fréquentation aura augmenté de 105 %.

L’origine du chemin de fer en France

 

La première ligne de chemin de fer française date de 1827. Elle est longue de 21 km et sert à transporter le charbon des mines de Saint-Étienne à la Loire, le tout tiré par des chevaux.

Par la suite, cinq grandes compagnies ferroviaires privées vont naître et se développer. Elles seront fusionnées le 1er janvier 1938 en application du décret-loi de 1937 qui nationalise leur activité : la SNCF est née avec ses 515 000 cheminots et 42 700 km de voies. À la création de cette toute nouvelle entreprise publique, 51 % du capital appartient à l’État. Aujourd’hui, la Société Nationale lui appartient à 100%.,

Chemin de fer et SNCF au Père Lachaise

 

En 1938, le premier président de la SNCF Pierre Guinand a été premier président à la Cour des comptes. Il sera démis de ses fonctions à la SNCF sous le régime de Vichy en 1940.

À la SNCF, il y a ceux qui la président et ceux, moins connus, qui la dirigent.

Ainsi, Robert Le Besnerais devient premier directeur général de la SNCF après avoir été le dernier directeur général de la Compagnie du Nord. Né en 1893, c’est un polytechnicien formé à l’École des Mines.

 

Le Besnerais au Père Lachaise

Sépulture Jules Loebnitz et Robert Le Besnerais. PG

pierre tombale de Robert Le Besnerais

Détail de la pierre tombale de Robert Le Besnerais : sur la croix, « fondateur de la SNCF ». PG

En 1948 Robert Le Besnerais deviendra délégué général du CNPF après avoir été président de la Fédération des minerais et métaux bruts. Il décède la même année et sur sa pierre tombale, on peut lire : « Robert Le Besnerais, fondateur de la SNCF ».

À son sujet, Georges RIBEILL, directeur de recherches à l’École nationale des Ponts et Chaussées, a écrit :

Le Besnerais n’était pas aimé des syndicats car c’était avant tout un homme de dossiers, froid et méthodique. Il n’était pas assez présent sur le terrain, et la CGT a donc tenu a le faire renvoyer à la Libération. Il n’a pas été possible d’accéder aux dossiers officiels de l’épuration et d’avoir confirmation des motifs retenus contre LE BESNERAIS.

Sa tombe est commune à celle de Jules LOEBNITZ (1836-1895), célèbre céramiste et faïencier.

Gilbert Morard, de la RATP au TGV

 

Sur la stèle de Gilbert Morard figure le dessin du TGV. Lui-même est représenté sous forme d’un médaillon sculpté, son profil tourné vers le train. Quant à sa biographie, elle reste visiblement discrète : suivant le très petit nombre de sources différentes qui existent, on le désigne en tant que « dirigeant de la SNCF-train » voire même « patron de la SNCF » ou tout simplement « a participé au développement de la SNCF ».

Reste son titre énigmatique gravé sur sa stèle, effacé par le temps, et qui nous rappelle par son intitulé la nature de la Société d’État : « fonctionnaire supérieur SNCF ». Sous son portrait figure un panneau de signalisation ferroviaire, également au ¾ effacé.

Une chose est sure : Gilbert Morard était bien aux commandes lors de la création du TGV, après avoir eu la paternité de la modernisation du métro parisien. D’où en reconnaissance, tous ces tickets de métro qui décorent en nombre sa sépulture.

Gilbert Morard au Père Lachaise

Tombe de Gilbert Morard avec les tickets RATP

À propos de la RATP, signalons au Père Lachaise la tombe de Fulgence Bienvenüe, l’ingénieur qui réalise en 1900 la première ligne de métro à l’occasion de l’Exposition universelle. Lui aura eu plus de chance en termes de visibilité, avec l’ancienne station Maine, renommée Bienvenüe de son vivant en 1933.

Nous connaissons aujourd’hui cette station sous le nom de Montparnasse-Bienvenüe, rebaptisée ainsi en 1942 après la transformation des lignes de correspondance.

Tombe de Fulgence Bienvenüe - Cimetière Père Lachaise

Tombe de Fulgence Bienvenüe. PG

Napoléon et le Père-Lachaise

 

2021, c’est aussi l’année où l’on commémore en France le 200e anniversaire de la mort de Napoléon Ier, le 5 mai 1821, sur l’île de Sainte-Hélène. Mais pourquoi parler de Napoléon Ier à propos du 20e arrondissement ?… Eh bien, parce que sans lui, nous n’aurions sans doute pas le cimetière du Père-Lachaise, ses 75 000 sépultures et ses 3 millions de visiteurs par an qui en font le cimetière le plus visité du monde…

 

L’empreinte de Napoléon sur Paris

Paris porte l’empreinte profonde de Napoléon Ier qui rêvait d’en faire « la nouvelle Rome ». Mais les monuments majestueux qu’on peut encore admirer : la Colonne Vendôme, faite du bronze de centaines des canons autrichiens et russes sur le modèle de la colonne Trajane, La Madeleine, temple à la gloire des armées, l’Arc de Triomphe de l’Etoile qu’il ne verra jamais achevé, etc. – autant de clins d’œil à l’Italie – sont plutôt implantés dans l’Ouest parisien.

Napoléon a fait aussi œuvre d’urbaniste. Paris, dont la monarchie s’était peu occupée à la fin de l’Ancien Régime et qui a perdu près de 150 000 habitants après 1789, regagne à partir de 1805 des habitants, atteignant la densité de plus de 40 000 personnes au km2. Une population plus nombreuse pose des problèmes cruciaux comme celui de l’approvisionnement en eau, auquel il répond par le chantier pharaonique du percement d’un canal de 108 km depuis Mareuil-sur-Ourcq (Oise). Les canaux Saint-Denis et Saint-Martin permettent de mettre en œuvre dans la capitale un programme ambitieux de fontaines publiques.

Une autre facette de l’œuvre d’assainissement public de Napoléon a directement influé sur l’organisation et le paysage d’un petit village rural de l’Est parisien, Charonne (600 habitants en 1800).

Vue du Père-Lachaise à sa création

Vue du Père-Lachaise depuis l’entrée, par Courvoisier

Et c’est ainsi que le Père Lachaise a été créé

Dans la suite des réflexions hygiénistes de la fin du XVIIIe siècle et de la fermeture du cimetière des Innocents le 1er décembre 1780, Napoléon prend la décision d’exclure les cimetières de Paris. Un premier décret du consul Bonaparte prescrit que « chaque citoyen a le droit d’être enterré quelle que soit sa race ou sa religion ». Puis, le 12 juin 1804, un décret impérial sur les sépultures fixe définitivement les règles à appliquer pour l’emplacement et l’organisation des cimetières.

Nicolas Frochot et Alexandre Brongniart en charge de la mise en place

Chargé de mettre en œuvre ces décisions, le préfet de la Seine Nicolas Frochot (1761-1828) décide d’affecter à la création du « cimetière de l’Est », le premier envisagé, les 17 hectares de l’ancien domaine de Mont-Louis. Il s’agit de la maison de repos et de convalescence des Jésuites de Paris jusqu’à leur expulsion, en 1762, et la demeure entre autres du Père François de la Chaize d’Aix (1624-1709), confesseur du roi Louis XIV.

Alexandre Brongniart architecte créateur du Père Lachaise

Alexandre Théodore Brongniart par Béranger

En 1804, c’est Alexandre-Théodore Brongniart (1739-1813), par ailleurs auteur de la Bourse de Paris, qui est chargé de la conception du nouveau cimetière. Cet architecte reconnu, inspecteur général en chef de la deuxième section des travaux publics du département de la Seine et de la Ville de Paris, dessine les grands axes du cimetière sous la forme, pour la première fois, d’un immense jardin à l’anglaise, aux allées accidentées, bordées de diverses essences d’arbres et de plantes et de sépultures sculptées. Brongniart crée un parc tout en courbes, exploitant les dénivelés du terrain, ménageant les surprises et les vues sur la capitale. Il opte pour un style néoclassique très en vogue à l’époque, riche d’éléments gréco-romains et se caractérisant par une grande sobriété des formes pouvant s’accompagner de discrets décors sculptés.

Le nouveau « cimetière de l’Est » est ouvert aux inhumations le 21 mai 1804, et la première personne inhumée en « fosse temporaire individuelle » est une petite fille de cinq ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve.

Les premières années difficiles

Mais l’engouement pour le nouveau cimetière n’est pas immédiat. Les Parisiens hésitent à faire ensevelir leurs défunts si loin de Paris. Il faudra se livrer à une véritable campagne de promotion pour redorer l’image du cimetière : en 1825, les pouvoirs publics organisent le transfert des dépouilles d’Héloïse et d’Abélard, ainsi que de Molière et La Fontaine.

Dans les années suivantes, cette politique sera poursuivie par la Restauration avec la création de plusieurs nouveaux cimetières hors des limites de la capitale : à l’ouest, le cimetière de Passy (vers 1820), le cimetière du Montparnasse au sud (1824) et le cimetière de Montmartre au nord (1825).

 

Le cimetière du Père Lachaise en 1813

Plan du cimetière Mont-Louis en 1813 par Brongniart

 

Pour en savoir plus :

Le site Internet « Père-Lachaise 1804-1824. Naissance du cimetière moderne » (notamment, https://perelachaisehistoire.fr/que-reste-t-il-du-mont-louis/ et https://perelachaisehistoire.fr/la-premiere-inhumation/).

Le renard du Père Lachaise un an après

 

En mai 2020 sur notre site, nous vous avions informés de l’apparition des quatre renardeaux au Père Lachaise. Nous étions alors en tout début de période de confinement dû au covid, le cimetière était fermé au public et la nature reprenait ses droits .

Cette information pour le moins originale avait alors obtenu un retentissement national. Et puis dans un deuxième temps, la question s’était posée, à savoir : fallait-il dans l’intérêt général les laisser sur le lieu de leur enfance ou valait-il mieux les remettre dans la nature ?

Finalement, après avis contradictoires, la décision a été prise : les renardeaux resteront au Père Lachaise.

Un an a passé depuis cette décision, et aujourd’hui que sont-ils devenus ? Sur sa page Facebook, le site d’information locale « Ménil info » nous a donné hier de leur nouvelles : voici donc la photo d’un de nos renards devenu adulte, photographié le 23 avril 2021 à 21h00 par Benoît GALLOT, conservateur du Père-Lachaise.

L’aventure continue !

HUBERTINE AUCLERT son journal retrouvé

Le journal d’Hubertine Auclert retrouvé

« Du 151 de la rue du de la Roquette au Père-Lachaise, le trajet est court » nous écrit le 10 avril 1914 le journaliste des Nouvelles. En effet, Hubertine Auclert vient de décéder deux jours plus tôt. Sa tombe se trouve en face de celle de Balzac, sur le chemin des derniers combats de la Commune, lors de la Semaine sanglante.

Le Monde daté du 16 avril 2021 nous informe que l’historienne Nicole Cadène a retrouvé son journal et vient de faire paraître le livre qui lui est consacré.

 

Le féminisme, ou le vote au féminin

Féministe, comme elle se définit elle-même, Hubertine Auclert -par ailleurs une des premières franc-maçonnes- va consacrer sa vie à lutter pour le droit des femmes. Elle préfère commencer par le droit de vote et le droit de se présenter aux élections, objectif prioritaire et plus pérenne à ses yeux que militer l’égalité des droits sociaux.

Au printemps 1877, elle lance un appel aux femmes de France. Le Gaulois du 30 septembre 1877 en fera un article polémique avec en titre : « Le Manifeste de ces dames« . Son rédacteur écrit en introduction : « je reçois aujourd’hui de cette indépendante dame un manifeste électoral, dont la galanterie française m’interdit de refuser l’insertion. ».

Badge "lutte des femmes"

Tombe d’Hubertine Auclert en mars 2023-PG

Et de son côté, Hubertine Auclert en appelle aux électeurs masculins, puisqu’à cette époque eux seuls ont le droit de voter :

 

« Citoyens,

Au moment où s’ouvre la période électorale, laissez-nous vous confier une mission solennelle : celle de voter pour nous…Ces neuf millions de femmes sont assujetties aux mêmes lois répressives que les hommes, aux mêmes contributions ; cependant elles ne délèguent aucun mandataire pour prendre leurs intérêts dans la confection des lois et des budgets… »

 

Droit de vote des femmes

Affiche la Société pour l’amélioration du sort de la femme en 1925-BnF

 

Trois ans plus tard, elle écrit une lettre qui sera rendue publique :

« Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon argent, je ne veux plus en donner. … Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges ; je ne vote pas, je ne paye pas. »

Droit de vote par ordonnance et postérité

Nous savons ensuite que la route sera longue après sa mort pour accéder enfin à ce que nous considérons aujourd’hui comme un droit fondamental : les femmes auront encore attendu trente ans après son décès le droit de pouvoir voter, grâce à une ordonnance datée du 29 avril 1944.

Hubetine Auclert dans le 11e arrondissement

Hubetine Auclert, plaque rue de la Roquette où elle a habité-PG

Quant à sa postérité, une plaque commémorative sera posée en 1924 sur le mur de la maison où elle est morte : au 151, rue de la Roquette. Plusieurs rues en France et une place dans le 11e arrondissement porteront le nom d’Hubertine Auclert.

Enfin en 2009, son nom sera également donné au Centre francilien pour l’égalité femmes–hommes.

Le 7 novembre 2011, la vie engagée d’Hubertine Auclert a fait l’objet d’une conférence à deux voix, à la BnF. À voir en cliquant sur le lien ci-dessous.