Georges Kiejman, l’enfant prodige de Belleville
Georges Kiejman, un gamin de Belleville
Nous connaissons bien Georges Kiejman, l’avocat et figure emblématique du monde judidiciaire au parcours exceptionnel. Il a été le défenseur de nombreuses personnalités médiatiques. Il vient de nous quitter le 9 mai 2023 à l’âge de 90 ans et il est utile de nous rappeler la carrière du célèbre avocat.
Georges Kiejman a également joué un rôle politique en tant que proche collaborateur de Pierre Mendès-France et en a été un de ses secrétaires. Il a plus modestement assuré une carrière ministérielle, avec trois portefeuilles différents en deux ans, entre 1990 et 1993..

Georges Kiejman travaillant avec Pierre Mendes-France-extrait LCP
Jeunesse et origines modestes à Belleville
Fils d’une famille juive polonaise, il est né à Paris et a passé une partie de sa jeunesse dans nos quartiers. Il se présente lui-même comme un enfant de Belleville.
Sa biographie a été écrite avec lui par Vanessa Schneider L’homme qui voulait être aimé. Elle a été co-signée et publiée deux ans avant sa mort. Son témoignage direct se trouve également très facilement accessible sur les sites internet habituels.
Issu d’une famille de prolétaires immigrés
Ses parents, arrivés en France en 1931, étaient des immigrants de la région de Varsovie, et c’est l’année suivante que va naître à Paris le petit Georges. Son père exerçait un ou plusieurs métiers inconnus, dont il n’a jamais révélé les détails à la famille. La mère est illettrée et il la décrit comme « incapable d’instinct maternel ».
Malheureusement, le père quitte le foyer familial avant la guerre, lorsque Georges avait 3 ou 4 ans, et si Georges l’a peu connu, il dit malgré tout l’avoir beaucoup aimé. Il en apprendra sa mort seulement en 1945, gazé à Auschwitz deux ans plus tôt.
Dans ses récits, Georges Kiejman partage une anecdote révélatrice de sa situation : « J’ai toujours porté les vêtements des autres ». Dès l’âge de 4 ans, il a appris à lire grâce aux livres empruntés à ses deux sœurs. Sa jeunesse a été marquée par des grandes difficultés financières, un challenge à relever pour nourrir ses grandes ambitions.
Les racines juives en héritage
Bien que ses parents étaient juifs, ils n’étaient pas pratiquants, et Georges Kiejman n’a pas été élevé dans la tradition religieuse. Lui se considère comme un « petit juif » immigré, mais la véritable conscience de son identité juive s’est surtout développée en réaction à la Shoah. Il se décrit lui-même comme étant à la fois profondément laïque et viscéralement juif.
Le gamin de Belleville
« Je suis né près de la rue des Rosiers que je n’ai pas fréquentée. J’ai vécu à Belleville beaucoup plus tard… Je suis un enfant de Belleville »

Georges Kiejman avec sa mère-extrait LCP
« Avant la guerre, j’ai vécu dans une toute petite pièce avec ma mère, une petite pièce que je retrouverai après la guerre, qui était une chambre d’hôtel de passe reconverti en immeuble dit d’habitation. Et j’allais à l’école du boulevard de Belleville »
Avant la guerre, à la suite des démarches de ses parents, il a pu acquérir la nationalité française.
Comme son père avait déjà quitté sa mère et, en 1939, s’était engagé en tant qu’étranger dans l’armée française, sa mère accepte de suivre la décision administrative de partir avec leur fils et ses deux sœurs dans le Berry… où le petit Georges deviendra même très brièvement enfant de chœur ; il retrouvera sa mère à Paris en 1946, pour habiter à nouveau dans cette minuscule chambre de Belleville du 11e arrondissement, très précisément au 13 rue de la Présentation. Il entrera quelques années plus tard au lycée Voltaire en classe de première.

Georges Kiejman au lycée Voltaire-extrait LCP
À l’époque où il vit seul avec sa mère, ses deux sœurs habitent au 94 rue de Charonne, dans l’immeuble du Palais de la Femme géré par l’Armée du Salut.
Lorsque le jeune Georges est devenu étudiant, il donne à sa mère l’argent qu’il gagne et une fois adulte, il s’en occupera jusqu’à la mort de celle-ci en 1974
Modifier son nom à double sens
Le nom paternel Kiejzman s’écrit à l’origine avec un « z » après le « j ». Il faut savoir que dans l’alphabet polonais, il existe une lettre double qui s’appelle le « jz ». Alors une fois devenu tout jeune avocat, il souhaite supprimer le « z » de son nom. Il le justifie ainsi :
« Ce « z » avait fait l’objet de beaucoup d’éclat de rire auprès de mes petits camarades quand j’épelais mon nom ».
Il relate cette anecdote à Pierre Assouline qui l’interroge un an avant sa mort : l’historien -ici en tant qu’animateur de l’émission d’Akadem TV- rebondit complaisamment sur le sujet. Pierre Assouline lui propose une formulation donnant un sens plus profond à cette modification du nom : « vous l’avez dépolonisé, mais vous ne l’avez pas déjudaïsé ».
Georges Kiejman en apprécie immédiatement l’idée, au point de se l’approprier en le répétant avec un sourire complice.
Sa vocation d’avocat
Au début de sa jeunesse, il a dû exercer plusieurs petits métiers pour pouvoir vivre. Mais à l’heure du choix de sa carrière, en quoi le métier d’avocat correspond-il à sa vocation ? Il y répond très simplement :
« Je n’avais pas conscience ni connaissance du droit, mais on me disait : il cause bien le petit Georges, il sera avocat, et cette idée m’est restée en tête. »
Et c’est ainsi qu’en décembre 1953, Georges Kiejman prête serment au barreau de Paris, alors qu’il a seulement 21 ans, et dès l’année suivante il obtient la coupe d’éloquence des jeunes avocats. Tout cela se passait il y a tout juste 70 ans, une longue carrière s’en est suivie. Elle se terminera à l’âge de 90 ans.
Au Père Lachaise, les différentes personnalités qu’il a représentées

Montand et Signoret au Père Lachaise-PG

Charlie Hebdo, Tignous au Père Lachaise

Stèle de Malik Oussekine au Père Lachaise-PG

Pierre Goldman au Père Lachaise-PG

Marie Trintignant au Père Lachaise-PG
Georges Kiejman, l’enfant prodige de Belleville
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