Georges Kiejman, l’enfant pauvre de Belleville
Georges Kiejman nous a quittés le 9 mai 2023 à l’âge de 90 ans. Bien-sûr nous saluons aujourd’hui la carrière du célèbre avocat, celui qui a défendu tant de personnalités médiatiques en leur temps. Celui qui par ailleurs a eu un bref parcours politique, lui qui était si proche de Pierre Mendès-France et en a été un de ses secrétaires.

Kiejman travaillant avec Mendes-France
Fils d’une famille juive polonaise, il est né à Paris et a passé une partie de sa jeunesse dans nos quartiers. Il se présente lui-même comme un enfant de Belleville.
À travers le livre L’homme qui voulait être aimé, écrit deux ans plus tôt par la journaliste Vanessa Schneider, la presse et surtout son témoignage direct dans de nombreuses émissions audiovisuelles, nous avons pu retracer sa jeunesse, moins bien connue par rapport au brillant parcours qui a suivi. Un parcours parti de si bas pour arriver si haut.
Issu d’une famille de prolétaires immigrés
Ses deux parents polonais viennent de la région de Varsovie et arriveront en France en 1931, un an avant sa naissance. La mère est illettrée et il la décrit comme « incapable d’instinct maternel ». Son père vit d’un métier « improbable ». En fait, il dit ne pas savoir comment son père gagne sa vie.
Quoiqu’il en soit, son père a abandonné sa mère alors que lui avait 3 ou 4 ans, et si le petit Georges l’a peu connu, il l’a beaucoup aimé. Il en apprendra sa mort seulement en 1945, gazé à Auschwitz deux ans plus tôt.
Toute sa jeunesse, Georges Kiejman vit avec sa mère dans un milieu d’extrême pauvreté. Il nous confie en passant, et comme une simple anecdote : « j’ai toujours porté les vêtements des autres ». À l’âge de 4 ans, le petit Georges apprend à lire avec les livres prêtés par ses deux sœurs.
Les racines juives en héritage
Si ses parents sont juifs, ils ne sont pas pour autant pratiquants et lui, le « petit juif » immigré, n’a pas été élevé dans cet héritage de tradition et de religion. « S’il n’y avait pas eu la shoah, je pense que je ne me sentirais pas à ce point juif ». « Je ne sais pas ce que c’est d’être juif à part être solidaire de tous les autres juifs »
Lui-même se définit comme « profondément laïque et viscéralement juif ».
Le gamin de Belleville
« Je suis né près de la rue des Rosiers que je n’ai pas fréquenté. J’ai vécu à Belleville beaucoup plus tard… Je suis un enfant de Belleville »

Georges Kiejman avec sa mère-extrait LCP
« Avant la guerre, j’ai vécu dans une toute petite pièce avec ma mère, une petite pièce que je retrouverai après la guerre, qui était une chambre d’hôtel de passe reconverti en immeuble dit d’habitation. Et j’allais à l’école du boulevard de Belleville »
Avant la guerre, à la suite des démarches de ses parents, il a pu acquérir la nationalité française.
Comme son père avait déjà quitté sa mère et en 1939 s’était engagé en tant qu’étranger dans l’armée française, sa mère accepte de suivre la décision administrative de partir avec leur fils et ses deux sœurs dans le Berry… où le petit Georges deviendra même très brièvement enfant de chœur ; il retrouvera sa mère à Paris en 1946, pour habiter à nouveau dans cette minuscule chambre de Belleville du 11e arrondissement, très précisément au 13 rue de la Présentation. Il entrera quelques années plus tard au lycée Voltaire en classe de première.

Georges Kiejman au lycée Voltaire-extrait LCP
À l’époque où il vit seul avec sa mère, ses deux sœurs habitent au 94 rue de Charonne, dans l’immeuble du Palais de la Femme géré par l’Armée du Salut.
Modifier son nom à double sens
Le nom paternel Kiejzman s’écrit à l’origine avec un « z » après le « j ». Il faut savoir que dans l’alphabet polonais, il existe une lettre double qui s’appelle le « jz ». Alors une fois devenu tout jeune avocat, il souhaite supprimer le « z » de son nom. Il le justifie ainsi :
« Ce « z » avait fait l’objet de beaucoup d’éclat de rire auprès de mes petits camarades quand j’épelais mon nom ».
Il relate cette anecdote à Pierre Assouline qui l’interroge un an avant sa mort : l’historien -ici en tant qu’animateur de l’émission d’Akadem TV- rebondit complaisamment sur le sujet. Pierre Assouline lui propose une formulation donnant un sens plus profond à cette modification du nom : « vous l’avez dépolonisé, mais vous ne l’avez pas déjudaïsé ».
Georges Kiejman en apprécie immédiatement l’idée, au point de se l’approprier en le répétant avec un sourire complice.
Sa vocation d’avocat
Au début de sa jeunesse, il a dû exercer plusieurs petits métiers pour pouvoir vivre. Mais à l’heure du choix de sa carrière, en quoi le métier d’avocat correspond-il à sa vocation ? Il y répond très simplement :
« Je n’avais pas conscience ni connaissance du droit, mais on me disait : il cause bien le petit Georges, il sera avocat, et cette idée m’est restée en tête. »
Et c’est ainsi qu’en décembre 1953, Georges Kiejman prête serment au barreau de Paris, alors qu’il a seulement 21 ans, et dès l’année suivante il obtient la coupe d’éloquence des jeunes avocats. Tout cela se passait il y a tout juste 70 ans, une longue carrière s’en est suivie. Elle se terminera à l’âge de 90 ans.
Au Père Lachaise, les différentes personnalités qu’il a représentées

Montand et Signoret au Père Lachaise-PG

Charlie Hebdo, Tignous au Père Lachaise

Stèle de Malik Oussekine au Père Lachaise-PG

Pierre Goldman au Père Lachaise-PG

Marie Trintignant au Père Lachaise-PG
Georges Kiejman gamin de Belleville