Histoire de la protection du patrimoine et des restes archéologiques à Paris
Comme chaque année et ce depuis 39 ans, les 17 et 18 septembre 2022 ont eu lieu les Journées Européennes du Patrimoine. Parmi toutes les richesses patrimoniales mises en avant ces jours-là, les vestiges archéologiques restent une option d’entrée moins visible, plus discrète à aborder. D’où notre choix de présenter l’archéologie locale à travers une série d’articles sur le thème « patrimoine et archéologie ».
Dans un premier temps, cet article rapporte l’origine et la protection de nos richesses patrimoniales. Les prochains articles porteront plus précisément sur la connaissance archéologique dans le 20e .
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À l’origine de la préservation du patrimoine
Pendant des siècles on s’intéressait peu aux vestiges archéologiques et aux anciens bâtiments. On détruisait sans vergogne un temple grec pour construire une église romane transformée quelque temps plus tard en église de style gothique.
La découverte des villes ensevelies d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748), en Italie, suscite en France un grand intérêt, mais, pendant la Révolution française, on a voulu effacer les traces de l’Ancien Régime et cela a conduit à la destruction de nombreux édifices et des œuvres qui le symbolisaient.
Sous la Restauration et la monarchie de Juillet, on veut donner aux Parisiens « de l’eau, de l’air et de l’ombre ». Les préoccupations hygiénistes condamnent les quartiers anciens insalubres, où les épidémies sont meurtrières. Les premiers grands travaux à Paris sont entrepris. Des journalistes, des poètes, des historiens et des écrivains s’émeuvent de voir disparaître une partie du vieux Paris. En 1830 Guizot crée l’inspection générale des monuments historiques, mais les démolitions continuent.
Le pamphlet de Victor Hugo
En mars 1832 Victor Hugo écrit un pamphlet «contre les démolisseurs, pour le patrimoine» dont voici quelques extraits :
À Paris le vandalisme fleurit et prospère sous nos yeux. Le vandalisme est architecte(…) Tous les jours il démolit quelque chose qui nous reste de cet admirable vieux Paris (…) le vandalisme a badigeonné Notre-Dame, le vandalisme a retouché les tours du Palais de Justice, le vandalisme a rasé Saint-Magloire, le vandalisme a détruit le cloître des Jacobins…
S’il faut une loi, répétons-le, qu’on la fasse (…) Une loi pour l’histoire, une loi pour l’irréparable qu’on détruit, une loi pour ce qu’une nation a de plus sacré après l’avenir, une loi pour le passé.
Il n’est pas le seul à lutter pour la préservation du Vieux Paris, d’autres comme Eugène Viollet-le-Duc ou Ernest Renan s’indignent de la disparition du patrimoine parisien sous les coups de pioches.
Les premières actions sur les anciens édifices
Prosper Mérimée est nommé inspecteur général des Monuments historiques en 1834. L’archéologie française bénéficie alors pour la première fois d’une véritable attention des pouvoirs publics. Mérimée recense les grands monuments de la préhistoire, de l’antiquité gallo-romaine et du Moyen Âge, et, pendant 26 ans, il parcourt la France pour sensibiliser les populations, répertorier et sauver des édifices.
En 1849, 3000 monuments étaient classés, mais la commission a peu de pouvoirs pour faire valoir ses recommandations de préservation ; il faudra attendre 38 ans pour que le statut de « monument classé » acquière une portée juridique garantissant une véritable protection.
En 1861, Napoléon III appuie personnellement le début des fouilles archéologiques à Alésia.
Les premières lois de conservation des monuments
Les importantes démolitions du Vieux Paris causées par les grands travaux du baron Haussmann créent un choc dans l’opinion publique.
La loi du 30 mars 1887, pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique, donne enfin une portée juridique au classement d’un monument alors qu’il n’avait précédemment qu’une valeur indicative. La loi établit une procédure de classement pour les bâtiments et les objets jugés d’intérêt national, et assortit ce statut de droits et devoirs pour le propriétaire. La loi pose comme principes fondateurs qu’un immeuble classé ne peut pas être détruit et que toute intervention sur l’ouvrage doit être soumise à accord ministériel.
La Commission du Vieux Paris est créée par arrêté préfectoral le 18 décembre 1897. Selon les termes de cet arrêté : « Cette Commission sera chargée de rechercher les vestiges du Vieux Paris, de constater leur état actuel, de veiller, dans la mesure du possible, à leur conservation, de suivre, au jour le jour, les fouilles qui pourront être entreprises et les transformations jugées indispensables, et d’en conserver des preuves authentiques. »
Elle suit les demandes de démolition et les découvertes archéologiques mais son rôle n’est pas décisionnel mais seulement consultatif.
Arrive ensuite la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État : les édifices religieux seront intégrés aux autres monuments que doit gérer le service créé par Guizot, puis les « objets historiques », les sites naturels, et enfin les abords de ces monuments
De nouvelles lois à partir de 1913
Tirant les conséquences des insuffisances de la loi de 1897, un nouveau projet est préparé dès 1907. Adoptée par la Chambre des députés le 20 novembre, la loi relative aux monuments historiques est promulguée le 31 décembre 1913 par Raymond Poincaré, président de la République.
Cette loi, l’une des plus anciennes en ce domaine dans le monde, souvent prise pour modèle, a été peu transformée jusqu’à son intégration dans le code du patrimoine, en février 2004, et à l’ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés. Elle maintient un subtil équilibre entre respect du droit de propriété et intérêt général et régit l’ensemble des dispositions relatives à la protection et à la conservation du patrimoine monumental français, qu’il s’agisse d’immeubles ou d’objets mobiliers.
La loi de 1913 sur les monuments historiques est le fondement de la politique de protection du patrimoine d’intérêt national, et permet de classer un monument sans l’approbation de son propriétaire. Depuis 1913 environ 30 lois, ordonnances et décrets complètent la loi de 1913. L’une des plus importante est celle du 7 juillet 2016, loi LCAP, créant la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture.
Le XXe siècle a ainsi fait de nouveaux progrès dans la mise en place d’une politique de préservation efficace. Ainsi, différents niveaux de protection ont été créés, l’appellation « secteur sauvegardé » a vu le jour, les catégories de monuments à préserver se sont élargies : on trouve maintenant des jardins, immeubles, du patrimoine industriel, etc.
Il existe aujourd’hui environ 45 000 monuments historiques protégés en France.
Vestiges archéologiques
Il a fallu attendre 1941 pour qu’une première loi protégeant les vestiges archéologiques voie le jour. Cette loi subordonne la possibilité d’entreprendre des fouilles à l’autorisation de l’État et rend obligatoire la déclaration des découvertes fortuites.
En 1986, un décret généralise la réalisation des fouilles préventives dans une zone de risques archéologiques.
Le Département d’Histoire de l’Architecture et d’Archéologie de Paris (DHAAP) a été créé en 2004 au sein des services municipaux de la Ville de Paris.
Depuis cette date, il réalise des diagnostics et des fouilles archéologiques préventives sur le territoire parisien ; il a également pour mission la conservation, l’étude et la valorisation des sites et objets découverts à Paris, et assure le secrétariat permanent de la Commission du vieux Paris.
Prochain article : Les recherches archéologiques dans le 20e
L’archéologie dans le patrimoine parisien