Les plaques commémoratives du 20e arrondissemznt

 

Quand les murs racontent l’histoire de la guerre 

Bulletin n°80 – Les plaques commémoratives du 20e arrondissement

 

Le 25 août 1944 marque la fin de l’occupation de Paris par les troupes allemandes commandées par le régime nazi. Depuis l’arrivée de l’occupant le 14 juin 1940, Paris a été le théâtre de nombreux drames dont les murs témoignent.

Riche d’environ 150 plaques commémoratives, le 20e arrondissement continue largement à raconter cette histoire : mémoire de la Résistance, notamment communiste, mémoire de la persécution des populations juives implantées dans cet arrondissement populaire, en particulier des enfants, mais aussi traces de l’insurrection pour la libération de Paris.

Céline LARGIER VIÉ, Maître de conférences en linguistique allemande et française à Sorbonne Nouvelle, nous avait présenté l’histoire de cette période, à travers ce que nous disent les plaques, et l’histoire de ces dernières, lors d’une conférence le 19 janvier 2023 à la mairie du 20e.

Retrouvez cette histoire dans notre nouveau bulletin qui vient de paraître.

Les bulletins sont envoyés gratuitement sous format papier à nos adhérents au fur et à mesure de leur parution.
Vous pouvez commander en ligne ce bulletin et tous les bulletins déjà parus,
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Pavillon de l’Ermitage, lieu à restaurer

Pavillon de l’Ermitage, du sauvetage aux projets

Entretien avec Claire Goffaux-Espejo

 

Les 16 et 17 septembre 2023, ont lieu les Journées européennes du patrimoine, et cette année pour le 20e, le Pavillon de l’Ermitage est en pleine actualité. Claire Goffaux-Espejo nous en parle.

 

Claire Goffaux-Espejo, vous êtes déléguée auprès du maire du 20e en charge du tourisme et du patrimoine. Vos deux missions sont liées mais plus précisément de quelle manière ?

Nous travaillons actuellement à faire connaître différemment nos quartiers, le Père Lachaise et certains autres points du 20e, comme le Pavillon Carré de Baudouin… et ce fameux Pavillon de l’Ermitage que l’on cherche à restaurer, l’unique pavillon de l’époque Régence de Paris.

En ce qui concerne mes délégations, le regroupement du patrimoine et du tourisme dans une même délégation est une nouveauté bienvenue, à l’initiative du maire.

Claire GOFFAUX déléguée au patrimoine

Claire GOFFAUX dans son bureau en août 2023-PG

Le 20e dispose d’un patrimoine modeste si on le compare aux arrondissements du centre de Paris. Pas facile de le valoriser pour faire venir les touristes ?

C’est vrai au niveau du bâti par exemple. Mais de notre côté, nous avons une offre différente à proposer et ma tâche c’est de valoriser notre originalité, à l’intérieur de cette jonction de plusieurs anciens villages. Deux exemples à propos de nos lieux : nous savons proposer une autre approche du Père Lachaise à travers sa biodiversité et nous disposons de l’une des plus belles vues de Paris au niveau du belvédère du parc de Belleville.

À nous ensuite de le faire savoir, en proposant en plus des circuits touristiques. C’est le cas tout récemment avec « Le temps des cerises », un choix de plusieurs parcours autour de la Commune de 1871, rassemblés sous forme d’un bulletin tout récent et disponible notamment à l’accueil de la Mairie.

À propos de notre patrimoine local, quelles missions vous ont été plus spécialement confiées ?

Tout d’abord et dès mon arrivée, notre maire m’a demandé de m’occuper de la restauration du pavillon de l’Ermitage et de l’utiliser dans le cadre d’un projet d’activités.

Et puis d’une manière générale, j’ai pour mission de développer le tourisme en donnant une image différente du 20e. Il s’agit dans notre patrimoine, non seulement du bâti mais aussi de ceux  qui l’ont construit à travers l’histoire. Les hommes mais aussi les femmes (d’où le titre : Journées du matrimoine et du patrimoine dans le 20e) dont l’importance a souvent été oubliée dans le passé. D’ailleurs actuellement, des projets de balades sont à l’étude dans tous les arrondissements pour raconter l’histoire de Paris à travers les femmes.

Vous intervenez actuellement pour préserver le pavillon de l’Ermitage. Quelle est l’importance à vos yeux de ce pavillon dans l’arrondissement ?

Franchement j’en suis devenue amoureuse, au point d’y vouer une véritable passion. Il faut dire que ce pavillon dispose de plusieurs atouts dans sa manche : il s’agit bien sûr de l’histoire du 20e, ce qui reste du château de Bagnolet, mais il fait aussi partie de l’histoire de France à travers ce dernier bâtiment Régence de Paris. Tous ceux qui viennent le voir sont charmés, il est unique en son genre et bien situé dans le parc public particulièrement fréquenté. Et à l’intérieur, nous pouvons y admirer plusieurs anciennes peintures murales.

Votez pour sauver le pavillon de l'Ermitage

Flyer pour le vote participatif en faveur du Pavillon de l’Ermitage

Quelles sont les étapes à franchir pour la réussite de votre mission au pavillon de l’Ermitage, et où en sommes-nous actuellement ?

En premier lieu, il faut savoir que pour l’instant ce pavillon appartient au Centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP). Cela dit, même si aujourd’hui elle n’en est pas légalement propriétaire, la mairie peut déjà intervenir – à l’initiative de l’Hôtel de Ville – pour faire effectuer des premiers travaux de sauvegarde. Le pavillon est actuellement fermé et n’est pas sécurisé pour le faire visiter.

Au niveau financement, on attend le résultat du budget participatif. Nous espérons un vote positif en nombre : son résultat est particulièrement important dans la validation de ce projet, non seulement par l’apport financier qu’il propose bien sûr mais surtout à travers le nombre de votants, l’importance de l’attachement exprimé par les habitants.

En attendant, une première somme a été mise à notre disposition, et l’architecte de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville est venu plusieurs fois contrôler l’évolution de son «état de santé». Le pavillon continue de se dégrader lentement et nous avons pu en faire lister le coût des travaux, estimé actuellement à deux millions d’euros.

Parallèlement, nous arrivons à la fin d’une longue négociation avec le CASVP pour pouvoir acquérir le Pavillon au nom des habitants du 20e. Avec l’Hôtel de Ville comme troisième interlocuteur.

Dans quel délai pensez-vous finaliser votre action ?

Une fois la négociation de transfert de propriété terminée et le résultat du vote participatif, si tout va bien donc, les travaux pourront commencer dans un an. Mais sans attendre, nous avons déjà préparé la suite, un projet où les enfants pourront entrer avec des propositions qui répondent à leurs curiosités, et où tout sera gratuit.

Ils pourront venir depuis le parc et choisir de voir une expo, un reportage… Nous mettrons à disposition ce que l’on appelle les « micro-folies », une réalisation conçue et supervisée par La Villette à partir des choix de la mairie.

Le catalogue de La Villette est riche de 3000 propositions et notre responsable du pavillon Carré de Baudouin s’est déjà chargé des acquisitions. Pour l’instant, nos « micro-folies » sont itinérantes, et prêtées actuellement au centre Louis Lumière.

Concrètement, chacun pourra choisir son sujet, consultable à l’aide de projections vidéo, de tablettes et de casques de réalité virtuelle.

Ajoutons dans nos projets, une buvette mobile, un atelier d’artistes au premier étage. En résumé, un lieu dédié à l’art, la culture et le divertissement. Un lieu interactif et familial.

Y a-t-il d’autres actions liées au patrimoine, engagées dans nos quartiers ?

Un comité de réflexion travaille actuellement sur la signalétique du Père Lachaise qui va être entièrement refaite, en accord avec le conservateur et validée par l’Hôtel de Ville.

Nous travaillons aussi sur d’autres circuits thématiques, des balades spécifiques sur le patrimoine du 20e. Elles seront ensuite consultables sur le site de la Mairie.

Enfin, une carte interactive est en cours de réalisation. Vous êtes dans la rue, vous pourrez cliquer sur un lien et découvrir tout ce qui existe aux alentours, qu’il s’agisse de commerces, ou de lieux remarquables.

Tramway parisien ligne 89

L’aller-retour du tramway parisien

Nos transports en commun sont à l’ordre du jour depuis quelques mois avec notamment les travaux d’extension du métro pour les tous prochains jeux olympiques. Ils viennent également de faire l’objet, en urgence,  de décisions politiques du fait des toutes récentes émeutes à Paris : ce 4 juillet 2023, tout le trafic RATP a dû être interrompu dès 22h.

Il en a été ainsi ce jour-là de notre tramway qui, depuis 2006, roule sur le boulevard des Maréchaux avec un grand succès. L’occasion de revenir sur l’histoire plus générale du tramway parisien.

L‘origine des premiers tramways

Les premiers tramways, alors tractés par des chevaux, sont apparus aux États-Unis. La première ligne est ouverte par John Stephenson en 1832, à New York, entre Manhattan et Harlem.
Pour cette raison, le mot anglais « tramway », qui signifie tout simplement « ligne de pièces de bois guidant les roues des chariots des mines et voies », sera utilisé en France. Vingt ans plus tard, en 1855, une première ligne de tramway est mise en service à Paris entre le rond-point de Boulogne et le pont de l’Alma. Le tramway va ensuite se développer très rapidement.

Tramway hippomobile Gare du Nord – Bd de Vaugirard. CGO

Le cheval pour tracter les tramways

En 1880, on compte des milliers de chevaux à Paris pour tracter les tramways. Tous les soirs, les chevaux rejoignent leurs dépôts parisiens qui servent de greniers à fourrage, de remises de voitures, d’écuries et d’ateliers. Une multitude de métiers (palefreniers, cochers, bourreliers, maréchaux-ferrants etc.) travaillent autour de ce mode de locomotion. Très vite on se rend compte des inconvénients de la traction animale, le crottin dans les rues, le coût élevé de l’exploitation, la nécessité d’avoir des étables dans la ville, et on recherche d’autres solutions. La traction animale des tramways prend fin vers 1914.

De la traction animale à la traction mécanique

Pour remplacer la traction animale, dès 1873, on essaye la traction à vapeur, puis à air comprimé et enfin la traction électrique à partir de 1881 (présentation de la traction électrique par Siemens à l’Exposition Internationale d’Electricité de Paris).

La traction électrique des tramways est finalement retenue, de loin la plus souple et la plus économique, mais la grande difficulté réside toutefois dans l’alimentation électrique des moteurs.

Courte vie du tramway à air comprimé

Tramway à air comprimé Gare de l’Est vers 1900-wikipedia

L’alimentation par catenaire et fil aérien apparait comme la plus simple et la plus économique en installation et en utilisation. Elle est utilisée en banlieue parisienne mais refusée à Paris pour des questions d’esthétique, car les fils d’alimentation se situent à la hauteur du premier étage des immeubles.
L’alimentation par batteries est aussi essayée, mais elle ne donne pas non plus entière satisfaction à cause du poids des batteries, de leur puissance insuffisante et de la longue durée du rechargement.
La solution retenue consiste à faire passer le courant par des rails électrifiés encastrés dans le sol. Bien entendu, il faut en conséquence éliminer le risque d’électrocution des piétons ; le système Diatto à plots, donc sans catenaire, est utilisé sur certaines lignes à Paris.

Tramway à catenaire, ligne de Saint-Denis

Tramway à catenaire-Wikipedia

Il consiste en un ensemble de plots, installés entre les rails et alimentant le tramway. Ces plots se lèvent verticalement de quelques centimètres au passage du tramway et sont en contact avec la prise de courant située sous le tramway. Le système Diatto disparaît vers 1905, à la suite de dysfonctionnements et de la lourde infrastructure qu’il exige.

Les tramways parisiens à leur apogée

À la fin du 19ème siècle, la région parisienne est desservie par neuf compagnies, chacune ayant sa billetterie et des modes de transport différents.
On trouve de la traction à vapeur, à accumulateur, animale, avec catenaire, à air comprimé etc.

En 1890, le tramway a transporté 72 millions de voyageurs sur 17 lignes.
Vers 1910, une fusion s’impose entre toutes ces compagnies d’autant plus que le métro, est venu faire son apparition, ainsi que les autobus.

En 1925, on compte 122 lignes transportant des centaines de millions de voyageurs.
Ce sera le point culminant du tramway parisien.

122 lignes de tramway en 1923

plan des tramways dans le 20e en 1923- extrait STCRP

 

Le tramway funiculaire de Belleville

Un tramway particulier a été créé à la fin du 19ème siècle, celui aboutissant à Belleville.
Il avait pour but de desservir le quartier grâce à une ligne tirée par un câble. La tête de ligne se situe place de la République et doit affronter les pentes de la colline atteignant près de 8% par endroit.

Maquette avec câbles

Le funiculaire de Belleville, coupe

Le tram emprunte la rue du Faubourg du Temple et finit à l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. La ligne a une longueur de 2000m à voie unique, compte tenu de l’étroitesse de la rue de Belleville.

Il s’agit-là d’un système hybride entre le tramway et le funiculaire, similaire au célèbre « cable car » de San Francisco. Le « tramway funiculaire » est mis en service en 1891 et il devient rapidement un succès. En 1902 il a transporté plus de 5 millions de voyageurs et il fonctionnera jusqu’en 1924.

La fin des tramways parisiens

À partir des années 1920, la voiture prend une place de plus en plus importante et les lignes de tramway constituent une gêne pour les automobilistes. Les autobus, beaucoup plus souples d’utilisation, ainsi que la concurrence du métro, conduit à partir des années 1930 à décider le remplacement des tramways parisiens par des autobus.

Embouteillage parisien début 20e siècle

Encombrement de tramways place du Châtelet vers 1920-Wikimedia

En huit années, de 1930 à 1938, ce sera chose faite : dans Paris et sa banlieue, des centaines de kilomètres de lignes de tramway disparaissent et le dernier tramway parisien arrêtera son service le 14 mars 1937.
Les dépôts de tramways sont alors transformés en dépôts d’autobus et c’est la fin provisoire du tramway à Paris.

Le renouveau du tramway à Paris

La politique du tout automobile triomphe dans les années1960-1970, au point que la ville envisage dans un premier temps de construire une autoroute nord–sud en empruntant le tracé du canal Saint Martin.

L’accroissement constant du nombre d’automobiles crée des problèmes de stationnement et de circulation insolubles. Face à cela, la politique d’élargissement des rues et la création de parkings souterrains n‘a pas suffisamment permis de faciliter la fluidité dans les rues. Bien au contraire, ces divers aménagements ont entrainé l’arrivée de plus en plus de véhicules et la circulation -pour les autobus comme pour les voitures- est devenue très difficile. Pour les bus, la mise en place des premiers couloirs réservés parviendra à leur faire obtenir quelques résultats significatifs.

D’une manière générale, lorsque le choc pétrolier de 1973 arrive en France, il entraîne une réflexion générale sur la politique des transports. Le maire de Paris, Jean Tiberi, appuyé par les Verts, défend l’idée du retour du tramway.

La concrétisation du projet

Tout d’abord, la ville envisage d’utiliser la voie de la « petite ceinture », et puis après beaucoup de débats cette solution va finalement être abandonnée.

Il faut attendre janvier 2001 pour que le Conseil de Paris valide le lancement d’une concertation préalable en faveur de la réalisation du tramway que nous connaissons, celui mis en place sur les boulevards des Maréchaux.  L’avantage de la largeur des boulevards permet aux tramways de leur créer deux voies centrales réservées, avec une alimentation par catenaire et fil.

Et dans la continuité, le nouvel exécutif parisien élu en mars 2001 autour du maire Bertrand Delanoë, reprend à son compte le projet : la concertation préalable se déroule entre mai et juillet. L’enquête publique entre février à avril 2003 aboutit deux mois plus tard à un avis favorable. Les travaux débutent en 2003 et les aménagements s’achèvent en octobre 2006.

Un mois plus tard, après soixante-neuf ans d’absence, la ligne T3 marque le grand retour du tramway à Paris. Elle est inaugurée le 16 décembre 2006 par Bertrand Delanoë. Elle sera, six ans plus tard, prolongée et scindée en deux lignes, T3a et T3b.

Le succès de fréquentation

Le nombre de passagers atteindra un niveau très supérieur aux prévisions, mais avec par ailleurs deux points noirs : la vitesse moyenne de circulation qui était prévue de 20km /heure n’est pas atteinte et sa régularité n’est pas encore jugée satisfaisante.

Actuellement, le prolongement du tramway T3 est envisagé pour aller de la Porte de Vincennes à la place de la Nation. Ce prolongement pourrait offrir une correspondance avec des lignes de métro ainsi qu’avec la A du RER.

Signalons enfin qu’un passager en tramway consomme, à trajet égal, environ 15 fois moins d’énergie qu’un passager dans une voiture ce qui, compte tenu du réchauffement climatique, n’est pas négligeable.

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Pour en savoir plus :

https://trainconsultant.com/2021/02/28/quand-paris-avait-vraiment-beaucoup-de-tramways/

https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2007-1-page-11.htm

 

 

Rafle du Vel d'hiv dans le 20e

La rafle du Vel d’hiv dans le 20e en 1942

Comme tous les ans, la « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France »  a été commémorée ce dimanche 16 juillet 2023 dans notre arrondissement.

Une vingtaine de personnes y participait, une fréquentation plus modeste que l’an dernier évidemment due, au même moment cette année, à la cérémonie nationale  devant le monument de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Nous reproduisons ci-dessous notre article sur les 80 ans de cette rafle, paru le 18 juillet 2022.

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Comme chaque année, ce samedi 16 juillet 2022 a eu lieu la cérémonie rappelant à notre mémoire la rafle du Vel d’hiv des 16 et 17 juillet 1942. Il s’agit de trois endroits de nos quartiers où ont été arrêtés et regroupés les juifs par la police française sous l’occupation.

Leurs plaques commémoratives ont été successivement fleuries après la prise de parole des survivants qui se souviennent de ces jours-là.

Une cinquantaine de personnes était rassemblée à la Métairie, puis à la Bellevilloise et enfin devant l’ancien commissariat intégré dans le bâtiment de la Mairie du 20e. Par ailleurs la cérémonie finira square Édouard Vaillant où un large panneau nous rappelle la longue liste des enfants qui n’en sont jamais revenus.

Cérémonie du Cel d'hivernal dans le 20e

La cour de la Métaierie devant la plaque mémorielle de la rafle de 1942. 16 juillet 2022-PG

Lieux de drame, lieux de mémoire

Devant la cour de la Métairie, lieu de mémoire tout près du métro Pyrénées, nous pouvons voir sur la photo ci-dessus le maire du 20e, Éric Pliez avec de dos à sa droite Jean-Michel Rosenfeld notre ancien maire adjoint . Jean-Michel Rosenfeld -lui-même survivant de la Shoah- a toujours gardé sur lui son étoile jaune ; cette étoile, il finira par nous la montrer en la sortant de sa poche -lentement et dignement- au cours de cette matinée, après nous avoir rapporté ce qu’il a vécu. Il a 8 ans lorsqu’il va vivre et survivre à cette rafle, alors que moins de deux mois avant cette date, le port de l’étoile venait de devenir obligatoire dès l’âge de 6 ans.

 

port de l'étoile juive dès 6 ans

Ordonnance du chef suprême des SS sur le port étoile juive dès 6 ans, extrait du 28 mai 1942- PG

Simplement parce qu’ils étaient juifs

Déjà en 1941 à Paris, une grande rafle avait été effectuée du 20 au 24 août, au cours de laquelle 4 232 hommes juifs ont été arrêtés. Simplement parce qu’ils étaient juifs.

Mais en juillet 1942, les autorités allemandes ordonnent plus largement l’arrestation d’hommes et de femmes juifs en âge de travailler, c’est-à-dire âgés de 16 à 60 ans (55 ans pour les femmes). La France de Vichy va plus loin encore dès le 13 juillet : dans la circulaire d’application de la Préfecture de Police n°173-42 -dactylographiée « secret »- elle va prendre l’initiative d’ajouter cette courte phrase dans un nouveau paragraphe :

« les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents ».

Pas un seul soldat allemand n’a pris part à cette rafle, seule la police française était à la manœuvre sous l’autorité du régime de Vichy. Nos témoins survivants seront victimes de cette circulaire, ils avaient alors bien moins de 16 ans.

De la Bellevilloise jusqu’au square Édouard Vaillant

Ainsi, devant la Bellevilloise, Rachel Jedinak -rescapée à l’âge de 8 ans- se souvient devant nous de ce qu’elle a vécu :

« À la Bellevilloise, « nous étions peut-être plusieurs centaines. Nous étions serrés comme des sardines ». Elle souligne ce qui l’a marqué à vie : « ma mère m’a demandé de partir, je voulais rester avec elle, et elle a fini par me gifler… sur le coup je n’ai pas compris mais plus tard j’ai su que par cette gifle, elle m’avait sauvé la vie ».

Rachel Jedinak témoigne devant la Bellevilloise

Les témoignages de Rachel Jedinak et Ginette Kolinka à sa droite, devant La Bellevilloise le 16 juillet 2022-PG

Puis dans l’ancien commissariat de la Mairie du 20e, Rachel sera enfermée dans la cave et elle nous montrera sur place d’un geste de la main le soupirail où elle se trouvait, cet endroit donnant sur le trottoir fermé par des barreaux.

Ses mots sont simples, sa voix posée appuyant doucement et bien distinctement sur chacun d’entre eux, l’ensemble de ses paroles décrit très précisément les faits, comme le témoignage d’une enfant abordant calmement et intensément ce qu’elle venait de subir. Rachel tient d’ailleurs chaque année à témoigner régulièrement devant les élèves des écoles, tout comme à ses côtés Ginette Kolinka survivante du camp d’Auschwitz-Birkenau et passeuse de mémoire.

Et puis derrière la Mairie, la dernière étape de cette matinée : à l’intérieur du square Édouard Vaillant un grand panneau de novembre 2004 rappelle  la liste des jeunes victimes avec en préambule ce texte en majuscules :

 

Arrêtés par la police du gouvernement de Vichy, complice de l’occupant nazi – Plus de 11 000 enfants furent déportés de France de 1942 à 1944 – Et assassinés à Auschwitz parce qu’ils étaient nés juifs – Plus de 1000 de ses enfants vivaient dans le 20e arrondissement – Parmi eux 133 tout-petits n’ont pas eu le temps de fréquenter une école – Passant, lis leur nom, ta mémoire est leur unique sépulture. Ne les oublions jamais.

suivent les noms de chaque enfant avec leur âge

Stèle des enfants déportés derrière la Mairie du 20e

Square Edouard Vaillant à la mémoire des enfants juifs déportés du 20e – PG

« Ils n’avaient pas de sépulture mais un nom et un âge » rappelle Pascal Joseph, chargé de la Mémoire du 20et du Monde Combattant, avant que chaque volontaire lise chacun successivement cinq noms d’enfants, jusqu’à la fin de la liste.

Enfin plus globalement à l’échelle de notre arrondissement, l’historien Michel Dreyfus présente ainsi dans les Cahiers de la mémoire vivante du 20e datée de 2002, le bilan macabre de ce génocide.

« Le 16 juillet 1942 la plaque dans l’entrée de la mairie le rappelle, 3500 habitants du 20e, dont 1000 enfants, ont été « raflés », par la police parisienne. Déportés, la quasi-totalité d’entre eux n’est jamais revenu, n’ayant pas dépassé, à la fin des trois jours d’un terrible voyage en wagons à bestiaux, le quai des sélections de Birkenau, camp de la mort. Au lycée Hélène Boucher a été inauguré, il y a quelques années, une des premières plaques posées dans un établissement scolaire parisien. Elle porte le nom de 14 lycéennes juives déportées. Le souvenir des enfants est commémoré sur les murs de plusieurs écoles. »

  • À écouter également  le témoignage d’Esther SENOT sur le site de la ville de Paris, une jeune fille de 14 ans qui habitait passage Ronce, dans le 20e avec sa famille et sa communauté d’immigrés polonais. Elle a échappé à la Rafle mais a été prise et déportée quelques mois plus tard à Birkenau, dont elle est malgré tout revenue (lire ici les marches de la mort).

Elle a écrit un livre de souvenirs, « la Petite fille du passage Ronce » (Editions Grasset). 

 

Témoignage d'Esther Senot

Esther Senot, rescapée de la rafle du Vél d’Hiv, témoigne-Photo Ville de Paris

https://www.paris.fr/pages/80-ans-apres-la-rafle-du-vel-d-hiv-le-temoignage-d-esther-senot-21524

https://memoiresdesdeportations.org/personne/senot-esther

Façade de la Bellevilloise rénovée en 1977

La Source des coops dans le 20e

Dans le 20e, les initiatives sociales perpétuent une tradition de 150 ans de partage et de solidarité.

Il en est ainsi aujourd’hui notamment de l’épicerie coopérative la Source. Elle a pour vocation d’offrir aux habitants au faible pouvoir d’achat une gamme de produits sains et durables, à moindre coût. Son modèle économique s’appuie sur le travail bénévole des membres qui assurent en rotation les tâches quotidiennes.

Ouverte il y a deux ans, elle compte plus de 900 sympathisants et 150 adhérents. Actuellement en grande difficulté financière, elle risque de fermer ses portes définitivement. Endettée à hauteur de 37 000 euros, son unique salariée dit attendre au moins une partie des 300 000 € obtenus en 2021 en tant que lauréate du budget participatif municipal.

Cette «Épicerie Participative Autogérée» comme elle se définit elle-même, se situe aujourd’hui au 4 rue Félix Terrier. Un beau projet selon la mairie du 20e, mais finalement mal situé selon elle… pour être viable, en rappelant qu’une première subvention de 70 000 € lui a déjà été versée. Son avenir dépend maintenant de l’Hôtel de ville. L’occasion pour nous de rappeler que dans le passé, notre arrondissement a été riche de ces implantations, une réponse aux crises économiques qui se sont succédé.

Les coop, une longue tradition de l’Est Parisien

Dans l’Est parisien notamment, aux lendemains de la Commune, dans les XIXe et XXe arrondissements de Paris encore meurtris par la répression, les coopératives existent déjà en grand nombre. Elles se proposent d’acheter au meilleur compte et de revendre au prix coûtant l’alimentation, les vêtements et les produits nécessaires au chauffage qui sont indispensables pour vivre. La clientèle de ces institutions était composée des ouvriers du fer, du bois, du bâtiment qui descendaient chaque jour à leur travail dans le centre de Paris.

S’il fallait définir l’entreprise coopérative en un seul principe, il s’agirait de celui de « un homme, une voix ». Issue des penseurs socialistes du XIXᵉ siècle, Saint-Simon (au Père Lachaise) et Charles Fourier entre autres, et plus précisément du Britannique Robert Owen.

Les bénéfices qui ne sont pas investis sont partagés entre les sociétaires. Ce mode coopératif, pour la consommation ou la production, a alors le vent en poupe dans un mouvement ouvrier qui « souffle lui-même sa propre forge » contre un modèle capitaliste qu’il dénonce et concurrence. Il ne s’agit donc pas seulement de « nourrir la classe ouvrière », mais aussi de porter un « projet émancipateur » en lui offrant les bases d’une éducation populaire par des cours, des formations, des cercles de discussion voire des bibliothèques.

Pour en savoir +

Petite histoire des coop’ en France

Les premières « associations ouvrières » naissent dans la clandestinité au début du XIXe siècle, les ouvriers cherchant à défendre leur droit au travail et leur autonomie. Elles sont créées de façon clandestine, la loi Le Chapelier de 1791 interdisant toute association entre personnes d’un même métier et « toute coalition ouvrière ».

Pendant la Commune de Paris, des coopératives ouvrières rouvrent dans les ateliers abandonnés par leurs patrons, mais cette reprise ne dure que le temps de la Commune.

En 1879, le Congrès Ouvrier est défavorable aux coopératives. Et en 1884, l’appartenance aux « associations ouvrières » est à nouveau abandonnée à cause d’une loi interdisant aux associations d’avoir une activité commerciale. Les coopératives qui se constituent sont presque toutes animées par des militants syndicalistes. Une vingtaine de sociétés coopératives cherchent à se regrouper et à se faire reconnaître publiquement.

Dans la foulée, l’École de Nîmes (sous la houlette de Charles Gide) voit le jour. Elle constitue pendant des dizaines d’années le haut lieu de la pensée coopérative en France.

Dans le 20e … La Bellevilloise

L’AHAV a publié un bulletin à ce sujet.

Fondée en 1877 aux lendemains de la Commune, La Bellevilloise a pour projet de permettre aux gens modestes, outre l’accès aux besoins de base, l’accès à l’éducation politique et à la culture. De 1910 à 1949, la Bellevilloise joue un rôle de premier plan dans la vie économique et culturelle de l’Est Parisien.

C’est en janvier 1877 que tout commence. Vingt ouvriers, parmi lesquels dix-huit mécaniciens, fondent la troisième coopérative de Belleville, un petit dépôt d’épiceries ouvert deux soirs par semaine et où, à tour de rôle, après leur journée de travail, ils assurent la vente.

A la veille de la Grande Guerre, avec ses 9 000 sociétaires, elle fait figure de modèle national. A cette époque, dans « La maison du Peuple de la Bellevilloise », tandis que Jean Jaurès tient des rassemblements politiques au 1er étage, on expérimente au rez-de-chaussée la première version du « commerce équitable » suivant les principes de Joseph Proudhon, s’appuyant sur une devise qui allait marquer l’histoire des échanges : « du producteur au consommateur ».

La majeure partie du bâtiment est affectée à des salles de réunion, les activités commerciales se limitant à la boutique en façade et au café contigu.

En 1906, pic du nombre de grèves du début du siècle, 10 000 kilos de pain et 2 000 litres de lait sont distribués aux grévistes. Mais ce n’est pas tout ! L’association se préoccupe aussi de la santé des travailleurs, elle ouvre une pharmacie et offre des consultations médicales gratuites dans son dispensaire.

Vers 1910, en plus d’une dizaine de magasins (qui désormais salarient du personnel), la Bellevilloise compte une chorale (la Muse Bellevilloise), un patronage pour les enfants des sociétaires, une bibliothèque riche de plus de 5 000 titres, une université populaire (la Semaille). On peut aussi y suivre des cours de théâtre, de musique, d’espéranto. Une caisse de solidarité est créée pour fournir des secours aux accidentés du travail, aux veuves et aux orphelins.

Salle du café de la coopérative "La Bellevilloise" vers 1905

Le café de la Bellevilloise, vers 1905. (Photo Coll. Kharbine-Tapabor)

Pour en savoir +

Aujourd’hui dans le quartier …

Dans cette continuité, d’autres initiatives ont vu le jour et continuent à fleurir. Un autre exemple du quartier :

Saveurs en partage, situé au 38 boulevard Mortier. Relativement récent, Saveurs en partage a ouvert ses portes en juin 2020.

Comme exprimé sur la page « projet » de leur site, Saveurs en Partage est une initiative portée par un collectif de femmes entrepreneures et offre une double-tarification qui permet aux personnes à bas revenus de bénéficier de 70% de réduction sur tous les produits du magasin. L’épicerie est « locavore », c’est à dire qu’elle se fournit en produits locaux comme ceux de la ferme urbaine de Charonne soutenue entre autres par Le Paysan Urbain, située rue Stendhal

C’est aussi un lieu de rencontres et de mixité sociale avec à des ateliers participatifs.

Autre coopérative aux mêmes vocations : les Marmoulins de Ménil’, créée en 2015 et également engagée dans les enjeux d’inégalités sociales et les problématiques environnementales. Les Marmoulins sont répartis sur trois lieux : « Le local »  au 4 rue Place Henry Matisse, « L’équipe de Belleville » à la Maison du Bas Belleville, 5 rue de Tourtille, et à la boutique BMG, « le comptoir du vélo »  au 10 rue Sorbier.

Cet article est collaboratif 

Venez contribuer en faisant connaitre les coopératives et lieux de partage que vous connaissez, nous les ajouterons au fur et à mesure.

 

L'enceinte de Thiers (Paris)- la muraille, le fossé, le talus de défense, et des petits zonards faisant paître leurs chèvres

 

Du périph vers une ceinture verte

 

« Une ceinture grise que nous voudrions voir transformer en ceinture verte ». C’est ainsi que le 18 mai 2023 Anne Hidalgo, maire de Paris, a présenté son projet de mutation du périphérique parisien. Rappelons qu’actuellement un million de voitures et camions y circule à 35 km/h en moyenne chaque jour.

La maire de Paris (PS) propose de réserver l’une des voies aux bus, taxis et autres transports en commun; face aux nécessités exprimées de davantage de nature, elle envisage également de faire planter environ 50 000 arbres sur le terre plein central, sur les bretelles et partout où cela est possible.

L’ensemble du projet avec en ligne de mire les jeux olympiques de 2024, avec temporairement une « voie olympique » réservée aux participants. Il est vrai que l’approche de ces jeux olympiques accélère le passage de l’idée de transformation d’un ouvrage, face aux nombreux projets mis sur la table depuis tellement d’années.

La mairie de Paris envisage ainsi de revenir, très modestement, à l’idée qu’avait eue en 1880 Adolphe Alphand de transformer par une ceinture verte les terrains de l’enceinte de Thiers.

 

Future ceinture verte incluant une zone de 500 mètres de part et d'autre du Périph'

Projet 2023 de ceinture verte élargie du Périph – Apur

Histoires avortées d’une ceinture verte

 

Il faut dire que l’intérêt de l’enceinte de Thiers avait été déjà critiqué dès sa construction en 1840. Les progrès de l’artillerie vont dans ce sens et dès 1882, son inutilité pour la défense de Paris est devenue manifeste, au point d’y envisager son démantèlement. Finalement déclassées par la loi du 19 avril 1919, les fortifications seront progressivement détruites jusqu’en 1929.

Que faire de cet immense espace en bordure de Paris qui, dès 1890, est occupée par des barraques en bois servant de domicile à des miséreux ? Près de 30 000 personnes y vivent dans des conditions désastreuses.

Le projet d’Adolphe Alphand

 

 

Portrait d'Alphand en 1888, par Alfred Roll

Portrait d’Adolphe Alphand, 1888, par Alfred Roll – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

Adolphe Alphand (enterré au Père-Lachaise) a été appelé en 1855 par le baron Haussmann (également au Père-Lachaise) pour diriger le nouveau service municipal des Promenades et Plantations. C’est à lui que nous devons la création de nombreux parcs et squares à Paris. Il reste en service sous Thiers et aurait voulu réaliser une grande ceinture verte entourant Paris, avec des hôtels et des lieux d’amusement. Ce projet ne verra pas le jour.

De nombreux projets de ceinture verte

 

Enceinte de Thiers - Porte de Bagnolet

Porte de Bagnolet. Fortification. Enceinte de Thiers, 1919 – Musée Carnavalet

Plus tard, entre 1900 et 1914, de multiples projets ont été étudiés et discutés pour l’utilisation des terrains après le démantèlement de l’enceinte, nous n’en citerons que quelques-uns.

Dans un rapport de 1908 au conseil municipal, Ambroise Rendu écrit :

« Créer des parcs et des places de jeux devenues nécessaires dans les quartiers périphériques surpeuplés, les réunir par une suite non interrompue de promenades et de monuments, tel est le but qui doit guider l’État dans sa décision au sujet des terrains militaires des fortifications désaffectées ».

Il propose de

« créer dans un délai de cinq ans sur leur emplacement, neuf parcs d’une contenance moyenne de 15 hectares sans qu’aucun d’eux puisse être d’une surface inférieure à 10 hectares; d’aménager dans l’intervalle, des places de jeux ayant au moins un hectare et relier l’ensemble par une large avenue dont les dispositions pourront être variables, mais dont la largeur ne sera pas inférieure à 70 mètres ».

D’autres projets sont étudiés comme celui de Dausset qui veut transformer la zone en parcs et jardins, la grevant d’une servitude non plus « défensive » mais « hygiénique ». Pour créer un mouvement d’opinion à l’appui de son projet, Louis Dausset suscite la création d’une « ligue pour les espaces libres et les sports ».
Celle-ci préconise la création d’une ceinture verte de 210 hectares et d’un chapelet de onze parcs de 370 m de largeur moyenne.

Le projet de Louis Dausset en 1913 - Nord de Paris

Le projet de Louis Dausset en 1913 - Est de Paris

Projet d’espace vert sur les fortifications par Louis Dausset en 1913

 

Le 1er juillet 1908, Jules Siegfried propose la création de quatre grands parcs sur la Ceinture. Entre 1910 et 1912, Eugène Hénard présente un plan global d’aménagement en proposant, comme Jules Siegfried, des grands parcs au lieu d’une ceinture verte continue.

En Allemagne, le remplacement des fortifications de Francfort par un anneau de promenade est un sujet de discussions passionnées. Un journaliste, Jules Huret, ironise en 1907 sur l’amour de la nature des Français

« En France quand on démolit des remparts on cherche immédiatement à faire de l’argent avec le prix des terrains » alors qu’en Allemagne « on pense tout de suite à y tracer des promenades et à y planter des arbres et l’on bâtit plus loin ».

Tout ces projets avorteront.
Les problèmes de circulation à une époque où la voiture devient reine, le besoin de logements sociaux après la guerre de 14-18 feront que ces projets ne seront que très partiellement réalisés : on bétonnera la zone en construisant le boulevard des Maréchaux, puis une ceinture de logement en brique (les HBM) et enfin le boulevard périphérique.

Les projets de 2023 tournent en rond

Aujourd’hui, on est très loin des ambitions d’hier et les discussions sont animées entre, d’une part, la ville, qui veut construire des logements sociaux et des bureaux sur une partie des terrains disponibles, et, d’autre part, les écologistes qui refusent toute nouvelle construction.

Le projet de l’aménagement de la porte de Montreuil en est un exemple : la mairie propose un projet comprenant un chapelet de huit immeubles en bordure de la zone, avec, entre autres, des bureaux et un hôtel. Les écologistes présentent un contre-projet sans construction nouvelle.

Et les discussions animées restent toujours en cours.

Porte de Bagnolet éclairé

50 ans après, le périph parisien a-t-il encore un avenir ?


Il a un demi-siècle exactement, le 25 avril 1973, le boulevard périphérique parisien – vite rebaptisé en « périph » – bouclait la boucle (35 km) en signant la fin de près de vingt ans de travaux. Balayés « les fortifs » et « la zone »… et les rêves hygiénistes de la « ceinture verte ». En ce temps-là, la voiture toute puissante dominait tout et Pierre Messmer, premier ministre de Pompidou, saluait « la grande œuvre [qui devait] améliorer la circulation » des Parisiens et de leurs voisins. Mais, après l’euphorie des premiers temps, on déchanta vite… et aujourd’hui le périph parisien s’interroge sur son avenir.

Porte de Bagnolet - bretelle d'entrée du boulevard périphérique

Entrée du périphérique à la porte de Bagnolet

Un coup d’œil dans le rétro

Vers 1840-1843, le gouvernement de Thiers fait édifier tout autour de la « petite banlieue » mitoyenne de Paris, qui sera annexée en 1860, une enceinte militaire défensive destinée à protéger la capitale de toute menace d’invasion.

Faite de murailles imposantes, elle est doublée à l’intérieur d’une route militaire ou rue Militaire, large de 40 mètres, qui dessert les fortifications, et, à l’extérieur, côté banlieue, de fossés et d’un large glacis, zone non aedificandi de 250 mètres, sur laquelle sont strictement interdites toutes installations pérennes en dur. Ces fortifications créent une profonde rupture dans le tissu urbain entre Paris et sa banlieue. Mais, les techniques de la guerre évoluant, ces fortifications ne serviront jamais, sauf peut-être contre les Parisiens, pendant les sièges en 1870-1871.

Dans les années 1920, on en décide le démantèlement et on urbanise les terrains situés à l’extérieur des boulevards des Maréchaux. On y construit notamment les immeubles sociaux en briques rouge des « habitations à bon marché » (HBM) et des équipements publics, installations sportives et espaces verts, comme, dans l’Est parisien, le square Séverine ou le parc de la Butte du Chapeau Rouge.

Porte de Bagnolet vers 1900

Bagnolet, barrière et fortifications, vers 1900

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, alors même qu’il fête son demi-siècle, le périph est devenu synonyme d’embouteillages (1,1 million de véhicules l’empruntent quotidiennement) et de nuisances, de bruit et de pollution qui impactent la santé et les conditions de vie des milliers de Parisiens et de résidents de la métropole vivant à ses abords.

Une réflexion menée depuis 2019 par la Ville de Paris (APUR) sur le devenir du périphérique parisien a abouti à la rédaction d’un « Livre blanc » prônant 40 mesures qui visent à transformer cette autoroute urbaine en boulevard urbain à l’horizon de 2030. Objectifs : réduire la pollution sur l’ensemble de la métropole et permettre aux plus de 500 000 Franciliens concernés de vivre mieux et en meilleure santé. Les transformations se dérouleront en plusieurs phases, avec des échéances à 2024 puis à 2030.

Porte de Bagnolet en 1966, construction de l'échangeur

Porte de Bagnolet en 1966, construction de l’échangeur 

Déjà quelques aménagements ont été livrés, comme notamment la couverture du périph à la porte des Lilas.

Mais, à quelques mois de l’ouverture des JO 2024, dans la logistique desquels le périph est appelé à tenir une place déterminante, le mouvement s’accélère et déjà une concertation a été lancée autour de la pérennisation d’une voie du périph réservée au covoiturage/bus/taxis.

Et d’ici 2030, les choses vont s’intensifier avec la transformation de certaines portes de Paris en places vertes (22 au total), la végétalisation large des abords du périph et l’optimisation et la prolongation des réseaux de transports en commun.

Ainsi continue de s’écrire la longue histoire du périphérique parisien.

Porte de Bagnolet avec les Mercuriales au fond

Porte de Bagnolet avec les Mercuriales au fond. Wikimedia.

Pour en savoir plus :

https://www.paris.fr/pages/de-la-ceinture-grise-a-la-ceinture-verte-comment-le-peripherique-va-se-metamorphoser-21145

Animaux vivant au Père Lachaise

La place des animaux parisiens depuis le moyen-âge

 

Il suffit qu’un loup d’Eurasie soit percuté par une voiture en forêt de Fontainebleau (le 11 janvier 2023) pour que le Parisien aussi bien que la presse nationale s’empare du sujet.

Plus près de nous, des renards, des fouines, des hulottes, des chauves-souris et des hérissons se sont durablement installés au Père-Lachaise. Les poissons reviennent dans la Seine et, d’après la Mairie de Paris,nous devrions bientôt pouvoir nous baigner.

Mais en vingt ans 72% des moineaux ont disparu et, en réponses à ces nombreux signaux, les perspectives d’avenir tendent à l’intégration de la nature dans nos projets urbains. Celui de la porte de Montreuil devrait voir la construction de plusieurs bâtiments sur un espace à végétaliser, comme le demandent les écologistes parisiens.

L’exposition actuelle au pavillon de l’Arsenal, ouverte du 29 mars au 3 septembre 2023, nous retrace l’histoire de l’animal à Paris.

La vie urbaine des animaux au Moyen Âge

Au Moyen Âge, porcs et cochons se promenaient librement dans la ville.
En 1131, le prince Philippe , fils ainé du roi Louis VI « le Gros », meurt à Paris à cause d’une chute de cheval due à un cochon errant. Une mort à l’origine de l’interdiction de la « divagation », l’errance des porcs dans les rues de Paris… interdiction à l’exception de ceux appartenant au clergé.

Les volailles sont aussi très présentes et par ailleurs les parisiens apprécient les poissons de la Seine, en particulier les perches.

Plus dangereux : des meutes de loups s’aventurent dans la ville. Dans les années 1430, des dizaines de personnes succombent à des attaques de loups. Une meute particulièrement féroce, menée par un loup sans queue, que les Parisiens nomment « Courteau », sévit dans l’est parisien, il sera abattu en face de la cathédrale Notre-Dame.

Traire les vaches dans le 16e arrondissement

Vaches laitières, exploitation marchande près de la tour Eiffel, vers 1895-PHD

Quant aux vaches, si elles restent en périphérie de la ville, le cheval et l’âne sont eux largement utilisés en ville. Des rues nous rappellent ce passé, comme la rue de Bièvre, du gaulois « bebros » qui signifie le castor, et la rue aux Ours, « oes » en bas latin, qui signifie non pas ours mais « oie ».

Finalement par décision sous forme d’édits, en particulier l’édit royal de 1539 tel qu’enregistré au parlement de Paris, amèneront l’interdiction des animaux errants, source de nuisances et d’accidents.

Une ville aux 80 000 chevaux.

Au 19ème siècle, les cochons errants et les loups ont depuis longtemps disparu et le cheval a envahi la ville. En 1880, on en compte près de 80 000 appartenant à environ 9 800 propriétaires, dont environ un quart est utilisé par la Compagnie Générale des Omnibus.

Les chevaux exploités par la CGO

Un omnibus Madeleine-Bastille-PHD

À cette époque, le cheval est le moyen le plus répandu pour le transport des marchandises (maraîchage, matériaux, déchets etc.) et des humains. En 1907, Paris compte 60 000 véhicules hippomobiles et 45 lignes en fonctionnement. La rue des Pyrénées sera creusée en tranchée pour permettre la montée des hippomobiles.

Tous les soirs, les chevaux rejoignent leurs dépôts parisiens qui servent de greniers à fourrage, de remises de voitures, d’écuries et d’ateliers. Une multitude de métiers (palefreniers, cochers, bourreliers, maréchaux-ferrants etc.) travaillent autour de ce mode de locomotion.

Le cocher reçoit le chapeau pour son cheval

en aout 1901, la SPA offre des chapeaux pour chevaux, les protégeant soleil.

En 1914, le nombre d’automobiles correspond au double de celui des voitures hippomobiles qui bientôt auront complètement disparues.

60 espèces d’oiseaux

On trouve à Paris 60 espèces d’oiseaux. L’épervier s’y est installé ainsi que le faucon pèlerin. Le plus petit oiseau parisien est le roitelet huppé qui ne pèse que cinq grammes. Trois espèces de pigeons fréquentent Paris. Le biset aime les greniers, les halls de gare et les immeubles, le pigeon ramier niche dans les arbres, quant au pigeon colombin, très discret, il préfère les toits pour surveiller son territoire.

Le chant des oiseaux s’est adapté à l’environnement sonore urbain, les espèces qui se sont le mieux adaptées sont celles qui émettent leur chant à des fréquences élevées. Certaines espèces disparaissent comme le moineau domestique et le martinet. D’autres apparaissent comme la tourterelle turque qui, depuis 1952, colonise de vastes espaces.

À noter également, l’impact de la rénovation des façades qui entraîne la suppression d’anfractuosités permettant aux moineaux et aux mésanges de nicher… et auquel s’ajoute la prolifération des chats, une catastrophe pour beaucoup d’espèces d’oiseaux.

La nature en ville d’aujourd’hui

L’interdiction des insecticides est un grand progrès, ainsi que la volonté de créer une trame verte permettant aux animaux de se déplacer. La ville protège des havres de biodiversité comme le cimetière du Père Lachaise qui a vu naître des renardeaux.

Il en est de même dans les jardins, en ce qui concerne la conservation des souches d’arbres abattus permettant ainsi l’installation de la petite faune sauvage et laminaire. On végétalise quand c’est possible et on adapte l’architecture en créant des murs accueillant une biodiversité animale et végétale.

Action rurale dans Paris

Transhumance, action rurale organisée à la Vilette

Mais aujourd’hui, les seuls mammifères sauvages encore en nombre à Paris ce sont les rats qui, par millions, peuplent souterrains, caves et égouts et quelques rescapés dans des parcs et des cimetières.
Demain, après les rats, les animaux domestiques resteront de très loin les mammifères les plus nombreux. Mais gardons en mémoire au quotidien notre attachement aux animaux domestiques : 43% des parisiens déclarent avoir au moins un animal de compagnie, dont 37% un chien et/ou un chat.

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Nota : Les photos proviennent du catalogue de l’exposition.

Premier escalator à Paris

L’escalator du métro Père Lachaise, une première

le 14 mars 2023, La RATP « met en ligne » un service nouveau : la connaissance en direct de l’état des ascenseurs, des escalators et des trottoirs roulants : https://www.ratp.fr/node/3581

L’occasion de nous intéresser plus particulièrement au premier escalator installé dans le métro.

Le 25 février 1909, une grande première à la station Père Lachaise

La station Père Lachaise est en effet la première station du métro parisien à bénéficier d’un escalier mécanique, inauguré il y a 114 ans, et plus précisément le 25 février 1909.

Le Figaro daté de ce jour-là nous en restitue l’événement, en attribuant, pour le moins un peu rapidement, l’invention de l’escalator à l’ingénieur chargé de son installation :

Dans quelques jours on inaugurera, à la station métropolitaine du Père-Lachaise, un escalier mécanique qui recevra les voyageurs à la descente des trains et, sans secousse ni fatigue, les déposera à la sortie du métropolitain. Ce nouveau système est dû à M. Hocquart, ingénieur des arts et métiers et de l’École centrale. L’escalier, composé de 64 marches, dont 30 seulement sont apparentes, sera toujours en marche, fera gravir aux voyageurs deux étages en 25 secondes et pourra transporter 5000 voyageurs à l’heure.

Le préfet de police, M. Lépine, accompagné du directeur et des hauts fonctionnaires du métropolitain, ainsi que du commandant Cordier, du régiment des sapeurs-pompiers, s’est rendu à la station du Père-Lachaise et s’est fait transporter par le moyen du nouvel escalier, du fond du souterrain jusqu’à la sortie. M. Lépine a vivement félicité la Compagnie et M. Hocquart, dont l’invention rendra bientôt de singuliers services à la population parisienne.

Une invention datant de plus de 130 ans

 

Photo de Jesse W. Reno, inventeur de l’escalier mécanique

Quand il était étudiant à l’université de Lehigh, l’ingénieur américain Jesse Wilford Reno (1861-1947) devait monter 300 marches pour rejoindre le lieu d’une association dont il était membre.

D’un caractère très inventif, il imagine, en 1891, le premier escalator qu’il va appeler «l’ascenseur incliné». Il fait breveter son invention le 15 mars 1892 et la première construction est installée comme attraction dans le parc de Coney Island de New York.

 

Dessin de l'escalator en marche

Le premier escalator à Coney Island

Elle consiste alors en un escalier mobile qui élève les passagers sur un tapis roulant à un angle de 25 degrés. L’escalier mécanique, installé à l’Exposition de Paris de 1900, a remporté le premier prix.

Quant à l’escalator tel que nous le connaissons aujourd’hui, il a été conçu par un autre inventeur américain, Charles Seeberger (1857-1931). En collaboration avec la société Otis Elevator, le premier escalier mécanique commercial en 1899 est construit à l’usine New Yorkaise d’Otis.

Charles Seeberger a créé le nom « escalator » à partir du mot « scala », qui signifie marches en latin et du mot « ascenseur » ; en 1910, Charles Seeberger vend son brevet à la société Otis Elevator qui achète également l’année suivante le brevet de Jesse Reno. Otis domine alors, et pendant longtemps, la production des escaliers mécaniques et en améliore ses différents modèles.

inventeur du mot Escalator

Charles D. Seeberger

Confort et sécurité : la solution technique

À l’origine, les premiers modèles font massivement usage de bois. Toutefois, à l’occasion d‘un incendie dans le métro de Londres, on se rend compte que les escalators peuvent provoquer un embrasement général, ce qui va conduire à l’abandon de l’utilisation du bois.

Tout a été pensé pour le confort et la sécurité des utilisateurs et, sur certains modèles, les personnes transportées étaient assises, mais cette idée sera vite abandonnée.

Il est bon de souligner en pratique que grâce à son mécanisme constitué par des marches articulées, le départ d’un escalator est d’abord horizontal pour permettre une bonne stabilisation des passagers et de leurs bagages éventuels. Il va ensuite s’incliner en une courbe jusqu’à 30 degrés, avec deux rampes de maintien gauche et droite, appelée « main courante ».

Aujourd’hui, certains escalators sont dotés d’un détecteur de présence, permettant ainsi, en cas de non-utilisation, à ce que l’escalateur tourne au ralenti ou s’arrête, puis redémarre progressivement à l’arrivée d’un nouveau passager.

Le plus long escalier mécanique serait un escalier extérieur en quatre parties, situé dans un parc d’attraction à Hong Kong. Il mesure 227 mètres, pour un dénivelé de 115 mètres, soit l’équivalent de 38 étages.

Plan de l'Escalator

Escalator, le modèle présenté à l’Exposition universelle de 1900

 

Les escaliers mécaniques dans le métro parisien

A Paris, les escaliers mécaniques ont plus particulièrement été installés à partir des années 1970 quand les travaux étaient facilement réalisables, mais plus de cent stations de métro n’ont ni ascenseur ni escalator. L’accessibilité du métro de Paris reste donc médiocre ou impossible pour les personnes handicapées, les personnes avec une poussette ou chargées de bagages et les personnes âgées.

Seule la ligne 14 (9 stations) peut être empruntée par des personnes en fauteuil roulant. Par comparaison, l’accessibilité est assurée dans 71 des 270 stations du métro londonien. La loi de 2005 sur le handicap ne fixe aucune date limite pour l’accessibilité du métro du fait de travaux difficiles sur les lignes anciennes.

En fait, rendre les 309 stations du métro accessibles à tous reviendrait à plusieurs milliards d’euros et dans beaucoup de cas serait techniquement difficile, en conséquence la RATP ne se presse pas de faire ces travaux. L’accessibilité est en revanche pleinement intégrée aux critères de conception des nouvelles stations.

Paris reste donc l’une des grandes villes du monde où le réseau de métro est le moins accessible, loin derrière les modèles que sont Los Angeles ou Washington (100 % d’accessibilité) d’une construction pour autant plus récente.

Dans notre métro historique, « on ne peut pas faire en six ans et demi ce qui n’a pas été fait en 100 ans » souligne Lambis Konstantinidis, responsable des sujets paralympiques à Paris 2024.

Indispensable pour nous au quotidien, La RATP est aussi partie prenante d’une destination incontournable pour les touristes et les congrès.

Le métro par Hector Guimard

Le métro Père Lachaise en 2023-PG