Du périph vers une ceinture verte
Du périph vers une ceinture verte
« Une ceinture grise que nous voudrions voir transformer en ceinture verte ». C’est ainsi que le 18 mai 2023 Anne Hidalgo, maire de Paris, a présenté son projet de mutation du périphérique parisien. Rappelons qu’actuellement un million de voitures et camions y circule à 35 km/h en moyenne chaque jour.
La maire de Paris (PS) propose de réserver l’une des voies aux bus, taxis et autres transports en commun; face aux nécessités exprimées de davantage de nature, elle envisage également de faire planter environ 50 000 arbres sur le terre plein central, sur les bretelles et partout où cela est possible.
L’ensemble du projet avec en ligne de mire les jeux olympiques de 2024, avec temporairement une « voie olympique » réservée aux participants. Il est vrai que l’approche de ces jeux olympiques accélère le passage de l’idée de transformation d’un ouvrage, face aux nombreux projets mis sur la table depuis tellement d’années.
La mairie de Paris envisage ainsi de revenir, très modestement, à l’idée qu’avait eue en 1880 Adolphe Alphand de transformer par une ceinture verte les terrains de l’enceinte de Thiers.
Histoires avortées d’une ceinture verte
Il faut dire que l’intérêt de l’enceinte de Thiers avait été déjà critiqué dès sa construction en 1840. Les progrès de l’artillerie vont dans ce sens et dès 1882, son inutilité pour la défense de Paris est devenue manifeste, au point d’y envisager son démantèlement. Finalement déclassées par la loi du 19 avril 1919, les fortifications seront progressivement détruites jusqu’en 1929.
Que faire de cet immense espace en bordure de Paris qui, dès 1890, est occupée par des barraques en bois servant de domicile à des miséreux ? Près de 30 000 personnes y vivent dans des conditions désastreuses.
Le projet d’Adolphe Alphand
Adolphe Alphand (enterré au Père-Lachaise) a été appelé en 1855 par le baron Haussmann (également au Père-Lachaise) pour diriger le nouveau service municipal des Promenades et Plantations. C’est à lui que nous devons la création de nombreux parcs et squares à Paris. Il reste en service sous Thiers et aurait voulu réaliser une grande ceinture verte entourant Paris, avec des hôtels et des lieux d’amusement. Ce projet ne verra pas le jour.
De nombreux projets de ceinture verte
Plus tard, entre 1900 et 1914, de multiples projets ont été étudiés et discutés pour l’utilisation des terrains après le démantèlement de l’enceinte, nous n’en citerons que quelques-uns.
Dans un rapport de 1908 au conseil municipal, Ambroise Rendu écrit :
« Créer des parcs et des places de jeux devenues nécessaires dans les quartiers périphériques surpeuplés, les réunir par une suite non interrompue de promenades et de monuments, tel est le but qui doit guider l’État dans sa décision au sujet des terrains militaires des fortifications désaffectées ».
Il propose de
« créer dans un délai de cinq ans sur leur emplacement, neuf parcs d’une contenance moyenne de 15 hectares sans qu’aucun d’eux puisse être d’une surface inférieure à 10 hectares; d’aménager dans l’intervalle, des places de jeux ayant au moins un hectare et relier l’ensemble par une large avenue dont les dispositions pourront être variables, mais dont la largeur ne sera pas inférieure à 70 mètres ».
D’autres projets sont étudiés comme celui de Dausset qui veut transformer la zone en parcs et jardins, la grevant d’une servitude non plus « défensive » mais « hygiénique ». Pour créer un mouvement d’opinion à l’appui de son projet, Louis Dausset suscite la création d’une « ligue pour les espaces libres et les sports ».
Celle-ci préconise la création d’une ceinture verte de 210 hectares et d’un chapelet de onze parcs de 370 m de largeur moyenne.
Le 1er juillet 1908, Jules Siegfried propose la création de quatre grands parcs sur la Ceinture. Entre 1910 et 1912, Eugène Hénard présente un plan global d’aménagement en proposant, comme Jules Siegfried, des grands parcs au lieu d’une ceinture verte continue.
En Allemagne, le remplacement des fortifications de Francfort par un anneau de promenade est un sujet de discussions passionnées. Un journaliste, Jules Huret, ironise en 1907 sur l’amour de la nature des Français
« En France quand on démolit des remparts on cherche immédiatement à faire de l’argent avec le prix des terrains » alors qu’en Allemagne « on pense tout de suite à y tracer des promenades et à y planter des arbres et l’on bâtit plus loin ».
Tout ces projets avorteront.
Les problèmes de circulation à une époque où la voiture devient reine, le besoin de logements sociaux après la guerre de 14-18 feront que ces projets ne seront que très partiellement réalisés : on bétonnera la zone en construisant le boulevard des Maréchaux, puis une ceinture de logement en brique (les HBM) et enfin le boulevard périphérique.
Les projets de 2023 tournent en rond
Aujourd’hui, on est très loin des ambitions d’hier et les discussions sont animées entre, d’une part, la ville, qui veut construire des logements sociaux et des bureaux sur une partie des terrains disponibles, et, d’autre part, les écologistes qui refusent toute nouvelle construction.
Le projet de l’aménagement de la porte de Montreuil en est un exemple : la mairie propose un projet comprenant un chapelet de huit immeubles en bordure de la zone, avec, entre autres, des bureaux et un hôtel. Les écologistes présentent un contre-projet sans construction nouvelle.
Et les discussions animées restent toujours en cours.
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