La rafle du Vel d’hiv dans le 20e en 1942
La rafle du Vel d’hiv dans le 20e en 1942
Dans la cour de la Métairie (métro Pyrénées), la mairie de notre arrondissement commémore chaque 16 juillet la « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France ».
Ce 16 juillet 2024, Rachel Jedinak était à nouveau présente tout au long des quatre points du chemin, et en fin de parcours au square Édouard Vaillant (photo ci-dessous). Elle nous a rappelé les faits durant cette rafle à travers les moments terribles qu’elle a pu vivre.
Rachel Jedinak témoigne devant le panneau rappelant les enfants nés juifs du 20e assassinés-PG
Nous reproduisons ci-dessous notre article paru pour la première fois le 18 juillet 2022, à l’occasion des 80 ans de cette rafle dans nos quartiers, à destination du Vel d’hiv.
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Comme chaque année, ce samedi 16 juillet 2022 a eu lieu la cérémonie rappelant à notre mémoire la rafle du Vel d’hiv des 16 et 17 juillet 1942. Il s’agit de trois endroits de nos quartiers où ont été arrêtés et regroupés les juifs par la police française sous l’occupation.
Leurs plaques commémoratives ont été successivement fleuries après la prise de parole des survivants qui se souviennent de ces jours-là.
Une cinquantaine de personnes était rassemblée à la Métairie, puis à la Bellevilloise et enfin devant l’ancien commissariat intégré dans le bâtiment de la Mairie du 20e. Par ailleurs la cérémonie finira square Édouard Vaillant où un large panneau nous rappelle la longue liste des enfants qui n’en sont jamais revenus.
Lieux de drame, lieux de mémoire
Devant la cour de la Métairie, lieu de mémoire tout près du métro Pyrénées, nous pouvons voir sur la photo ci-dessus le maire du 20e, Éric Pliez avec de dos à sa droite Jean-Michel Rosenfeld notre ancien maire adjoint . Jean-Michel Rosenfeld -lui-même survivant de la Shoah- a toujours gardé sur lui son étoile jaune ; cette étoile, il finira par nous la montrer en la sortant de sa poche -lentement et dignement- au cours de cette matinée, après nous avoir rapporté ce qu’il a vécu. Il a 8 ans lorsqu’il va vivre et survivre à cette rafle, alors que moins de deux mois avant cette date, le port de l’étoile venait de devenir obligatoire dès l’âge de 6 ans.
Simplement parce qu’ils étaient juifs
Déjà en 1941 à Paris, une grande rafle avait été effectuée du 20 au 24 août, au cours de laquelle 4 232 hommes juifs ont été arrêtés. Simplement parce qu’ils étaient juifs.
Mais en juillet 1942, les autorités allemandes ordonnent plus largement l’arrestation d’hommes et de femmes juifs en âge de travailler, c’est-à-dire âgés de 16 à 60 ans (55 ans pour les femmes). La France de Vichy va plus loin encore dès le 13 juillet : dans la circulaire d’application de la Préfecture de Police n°173-42 -dactylographiée « secret »- elle va prendre l’initiative d’ajouter cette courte phrase dans un nouveau paragraphe :
« les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents ».
Pas un seul soldat allemand n’a pris part à cette rafle, seule la police française était à la manœuvre sous l’autorité du régime de Vichy. Nos témoins survivants seront victimes de cette circulaire, ils avaient alors bien moins de 16 ans.
De la Bellevilloise jusqu’au square Édouard Vaillant
Ainsi, devant la Bellevilloise, Rachel Jedinak -rescapée à l’âge de 8 ans- se souvient devant nous de ce qu’elle a vécu :
« À la Bellevilloise, « nous étions peut-être plusieurs centaines. Nous étions serrés comme des sardines ». Elle souligne ce qui l’a marqué à vie : « ma mère m’a demandé de partir, je voulais rester avec elle, et elle a fini par me gifler… sur le coup je n’ai pas compris mais plus tard j’ai su que par cette gifle, elle m’avait sauvé la vie ».
Puis dans l’ancien commissariat de la Mairie du 20e, Rachel sera enfermée dans la cave et elle nous montrera sur place d’un geste de la main le soupirail où elle se trouvait, cet endroit donnant sur le trottoir fermé par des barreaux.
Ses mots sont simples, sa voix posée appuyant doucement et bien distinctement sur chacun d’entre eux, l’ensemble de ses paroles décrit très précisément les faits, comme le témoignage d’une enfant abordant calmement et intensément ce qu’elle venait de subir. Rachel tient d’ailleurs chaque année à témoigner régulièrement devant les élèves des écoles, tout comme à ses côtés Ginette Kolinka survivante du camp d’Auschwitz-Birkenau et passeuse de mémoire.
Et puis derrière la Mairie, la dernière étape de cette matinée : à l’intérieur du square Édouard Vaillant un grand panneau de novembre 2004 rappelle la liste des jeunes victimes avec en préambule ce texte en majuscules :
Arrêtés par la police du gouvernement de Vichy, complice de l’occupant nazi – Plus de 11 000 enfants furent déportés de France de 1942 à 1944 – Et assassinés à Auschwitz parce qu’ils étaient nés juifs – Plus de 1000 de ses enfants vivaient dans le 20e arrondissement – Parmi eux 133 tout-petits n’ont pas eu le temps de fréquenter une école – Passant, lis leur nom, ta mémoire est leur unique sépulture. Ne les oublions jamais.
suivent les noms de chaque enfant avec leur âge
« Ils n’avaient pas de sépulture mais un nom et un âge » rappelle Pascal Joseph, chargé de la Mémoire du 20e et du Monde Combattant, avant que chaque volontaire lise chacun successivement cinq noms d’enfants, jusqu’à la fin de la liste.
Enfin plus globalement à l’échelle de notre arrondissement, l’historien Michel Dreyfus présente ainsi dans les Cahiers de la mémoire vivante du 20e datée de 2002, le bilan macabre de ce génocide.
« Le 16 juillet 1942 la plaque dans l’entrée de la mairie le rappelle, 3500 habitants du 20e, dont 1000 enfants, ont été « raflés », par la police parisienne. Déportés, la quasi-totalité d’entre eux n’est jamais revenu, n’ayant pas dépassé, à la fin des trois jours d’un terrible voyage en wagons à bestiaux, le quai des sélections de Birkenau, camp de la mort. Au lycée Hélène Boucher a été inauguré, il y a quelques années, une des premières plaques posées dans un établissement scolaire parisien. Elle porte le nom de 14 lycéennes juives déportées. Le souvenir des enfants est commémoré sur les murs de plusieurs écoles. »
- À écouter également le témoignage d’Esther SENOT sur le site de la ville de Paris, une jeune fille de 14 ans qui habitait passage Ronce, dans le 20e avec sa famille et sa communauté d’immigrés polonais. Elle a échappé à la Rafle mais a été prise et déportée quelques mois plus tard à Birkenau, dont elle est malgré tout revenue (lire ici les marches de la mort).
Elle a écrit un livre de souvenirs, « la Petite fille du passage Ronce » (Editions Grasset).
https://www.paris.fr/pages/80-ans-apres-la-rafle-du-vel-d-hiv-le-temoignage-d-esther-senot-21524
https://memoiresdesdeportations.org/personne/senot-esther
La rafle du Vel d’hiv dans le 20e en 1942
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