Le coup du père François

Casque d’or et le procès Manda

 

Le nom de Casque d’Or reste fortement attaché à notre arrondissement, avec celui des « apaches» de Belleville. Dans le 20e arrondissement, un jardin donnant rue des Vignoles lui a été dédié il y a tout juste 50 ans.

Casque d'Or dans le 20e

Jardin au nom de Casque d’Or en 1972, situé au 14 rue Michel de Bourges-Wikipédia

L’AHAV a déjà abordé l’histoire de Casque d’Or, cette « bad girl », surnommée également la reine des apaches. Cette jeune prostituée fait l’objet d’une rivalité amoureuse violente entre deux « chefs de gang » de nos quartiers, Manda et Leca (parfois écrit Lecca). Une histoire entre « apaches » qui finira par mal tourner.

En effet, il y a tout juste 120 ans, Manda chef des apaches de Belleville (la Courtille, les Orteaux) comparaissait devant la cour d’assise. Surnommé Manda, il s’appelle en réalité Joseph Pleigneur ; il est né en 1876 au 38 rue Ramponneau.

Le 2 février 1902, La police vient l’arrêter comme l’auteur de l’agression commise en plein jour contre Leca -chef de la bande de Charonne- à sa sortie de l’hôpital Tenon.

Manda 24 ans né rue Ramponneau

Photographie d’identité judiciaire de Joseph Pleigneur, dit Manda. le 13 juin 1900

L’arrestation de Manda

Le Matin daté du 3 février 1902 décrit ainsi son arrestation :

Ces jours derniers, Manda jugea prudent de se réfugier à Londres pour échapper aux brigadiers de la sûreté, Harfillard et Treillard, chargés de l’arrêter. Pour son malheur, il rentra en France samedi dernier et alla habiter dans un hôtel meublé situé route de Choisy, au lieu-dit « île Saint-Pierre- à Alfortville, où les policiers ne tardèrent pas à le découvrir.

 Hier après-midi, une cinquantaine d’agents cernèrent l’hôtel et les brigadiers Harfillard et Treillard pénétrèrent, revolver au poing, dans une salle du débit, située au rez-de-chaussée et où Manda jouait tranquillement aux cartes avec quelques amis. En apercevant les agents, il se leva, bondit à la fenêtre, l’ouvrit et sauta dans la cour en criant

À moi, mes enfants, ce sont les « flics » !

À leur tour cinq individus, qui se trouvaient dans le débit, sautèrent dans la cour, mais leur chef était déjà ligoté, et des agents le portaient dans une voiture qui attendait à la porte. Il a été immédiatement conduit au Dépôt et mis à la disposition de M. Le Poittevin, juge d’instruction.

Et c’est ainsi que deux mois plus tard, M. Le Poittevin va signer une ordonnance inculpant Manda de tentative d’assassinat, avec comme complice Louis Heil dit « le Boulanger » et Maurice Ponsard dit « le Petit-Rouquin ».

La criminalité des apaches, par dilettantisme

La médiatisation de ce règlement de comptes entre apaches va prendre une ampleur nationale. Mais d’où vient ce surnom d’apaches, phénomène parisien… pourtant aussi intemporel que national et international ?

Il faut savoir qu’au tout début du 20ème siècle, la mode est à l’américaine et la presse de la France entière surnomme ainsi nos bandes de jeunes délinquants des quartiers parisiens. Mieux encore pour la réputation de nos quartiers, l’écrivain journaliste Henry Fouquier les décrit ainsi dans le journal le Matin daté du 12 décembre 1902 : « Nous avons l’avantage de posséder, à Paris, une tribu d’Apaches dont les hauteurs de Ménilmontant sont les Montagnes rocheuses. »

Les apaches, un filon pour la presse

Paris aux apaches, in Les Faits divers illustrés 17 octobre 1907-BnF

Mais là plus précisément, il s’agit surtout d’une guerre interne pour savoir à qui « appartiendra » Casque d’Or : son souteneur historique Manda dont elle est amoureuse ou son nouvel amant Leca depuis qu’elle a su être trompée par Manda ?

Les rivaux sont tous les deux chefs de bande et en 1902, une confrontation violente et répétée va naître entre Manda de Belleville et Leca de la « bande des Popincs » (Popincourt dans le 11e). Manda va multiplier les tentatives d’assassinat contre Leca.

Celles-ci aboutiront le 5 janvier par une fusillade rue d’Avron devant la porte d’un bar. Leca blessé par deux balles va aller à l’hôpital Tenon faire soigner son bras et sa cuisse.

Le 9 janvier Leca sort de l’hôpital, et rue de Bagnolet un peu avant le croisement de la rue des Pyrénées, il subit une nouvelle agression au couteau par Manda et un de ses lieutenants  : le voilà à nouveau de retour à l’hôpital Tenon, dans la salle Montyon une heure à peine après l’avoir quittée. C’est cette dernière tentative d’assassinat qui va aboutir au procès.

Manda attaque Leca

Casque d’Or et le 9 janvier 1902, pelle Stark à l’angle des rues des Pyrénées et de Bagnolet

Le procès de Manda

Manda va comparaitre les 30 et 31 mai 1902 devant la 4ème cour d’assises de la Seine, sous l’inculpation de deux tentatives d’homicide, un procès assidument suivi par la presse nationale.

Au moment de son procès avec ses acolytes, Manda a déjà un casier judiciaire : il a été interné de 16 à 20 ans dans une maison de correction, puis une fois adulte il est condamné cinq fois pour vol et « vagabondage spécial », expression qui désigne le proxénétisme au 19ème siècle.

À l’écoute de ce rappel des faits, il répond :

— Ce sont des erreurs, huit jours de prison pour un sou que j’avais pris par mégarde, et quatre mois pour avoir rossé un agent… oui, mais jamais je n’ai vécu de la prostitution de ma maîtresse !

— Amélie, a-t-il murmuré, ne me donnait que vingt sous de temps en temps pour mon tabac. C’est pourtant pas défendu de vivre avec une fiIle.

— Non, a répondu le président ; ce qui est défendu, c’est de recevoir son argent. S’il fallait poursuivre tous ceux qui vivent avec des filles, ce ne serait pas possible, il y en aurait trop. (Éclats de rires.)

Il nie par ailleurs être un chef de bande.

Manda meurt en 1936

Le soir 13 octobre 1937, après la mort de Manda : les souvenirs du commissaire Lefevre

Le président— Quoi qu’il en soit, une haine mortelle est née entre Leca et vous. Vous avez pris la résolution de tuer votre rival. Et les hostilités ont commencé le 30 décembre 1901…

— Casque d’Or, dit le président, était allée chercher (Lecca) avec une voiture à l’hôpital…Tout à coup, vous paraissez, Manda, vous bondissez sur le marchepied ; votre bras armé d’un couteau entre dans la voiture et frappe : Lecca reçoit un coup en pleine poitrine qui lui traverse le poumon, et Herbs, qui était sur le strapontin, est blessé deux fois

Manda. — C’est le hasard qui a fait tout cela. Nous ne savions pas que Lecca allait sortir de l’hôpital à ce moment-là. Je ne suis pour rien dans ces coups de couteau.

Malheureusement, les faits sont là et s’ajoutent aux précédents : Lecca croit qu’il va mourir et a dit tout à son père.

—Il avait dit tout ça dans un mouvement de fièvre ! essaie de soutenir Manda.

— Non, fait le président ; il croyait qu’il allait mourir, à l’hôpital, et il a déclaré à son père : « Père, c’est Manda qui m’a tué. Il m’a tiré les deux coups de revolver et donné le coup de couteau. Venge-moi ! »

—Il a menti ! s’écrie Manda.

— Les autres auraient-ils tous menti ? Ils ont, au début de l’instruction, unanimement accusé Manda.

— Je le sais bien, reconnaît l’accusé, tout est contre moi, je l’avoue ! Mais ce n’est pas une raison pour que je l’aie frappé.

Casque d’Or à la barre

Au moment du procès, Manda a 26 ans et celle que tout le monde attend à la barre, c’est Amélie Élie dite « Casque d’Or », âgée alors d’à peine 24 ans ; elle se présente comme fleuriste.

Le Clairon, le Radical du 1er juin et le Réveil du 4 juin 1902 se complètent pour nous rapporter son témoignage devant le président du tribunal :

Les apaches devant le jury

Le Clairon du 1er juin 1902

—  Vous faisiez vivre Manda ? lui demande le président.

— C’est-à-dire, répond-elle, qu’il travaillait, que je travaillais ; nous mettions notre argent en commun.

— Pourtant, vous lui avez envoyé de l’argent quand il a été arrêté ?

— Je lui ai envoyé de l’argent, quand il était en prison, parce que je pensais qu’il était malheureux. Moi aussi, je suis malheureuse quand je suis en prison.

— À quoi travaillait-il ?

— À rien, murmure Casque d’Or.

 — Et vous, vous alliez dans les maisons de rendez-vous ?

— Oui.

— Vous payiez le loyer ? Vous lui donniez des pièces de cent sous, de quarante sous ?

— Oui.

— Dites-nous pourquoi et comment vous 1’avez quitté ?

Voilà, fait Casque d’Or, dont la voix s’éclaircit et la bouche sourit :

Lecca avait une maîtresse ; j’ai appris que Manda avait couché avec elle ; alors j’ai proposé à Lecca de venir avec moi. Et il est venu !

À l’issue de son procès qui passionne l’opinion publique, le 1er juin 1902 Manda est condamné à perpétuité au Bagne de la Guyane française. Sa peine est commuée à 20 années de réclusion. Il sera libéré en 1922 mais sans le droit de retourner en Europe. Il mourra sur place en 1936, à l’âge de 60 ans et sera enterré à Cayenne. Casque d’Or décédera à Bagnolet en 1933 à l’âge de 55ans.

1962, de Charonne au Père Lachaise

60 ans se sont passés depuis les accords d’Évian du 18 mars 1962 qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, prélude à son indépendance. La France était alors plongée dans une série d’attentats et de manifestations.

Le mois précédent ces accords, un drame devenu tristement célèbre a eu lieu au métro Charonne : le 8 février 1962, 250 manifestants sont blessés et neuf tués -dont un journaliste de l’Humanité- par la police sous les ordres du préfet Papon. Les neuf victimes ont été étouffées contre les grilles fermées du métro.

Les 9 morts du métro Charonne

Une pleine page sur les victimes du 8 février 1962

Plusieurs organisations politiques et syndicales viennent de commémorer le 60ème anniversaire de cette tragédie. À Paris, il s’agit principalement du PCF (huit militants sur les 9 morts étaient communistes), de la CGT (tous les 9 en étaient membres), du PS et de la Ligue des Droits de l’Homme. Une exposition lui est également dédiée devant la mairie du 11e arrondissement.

60ème anniversaire de Charonne

Présentation de l’exposition Charonne devant la mirie du 11e. PG

Par ailleurs, le préfet de police, Didier Lallement, est venu officiellement fleurir la sépulture collective du Père-Lachaise au nom du président de la République. « C’est la première fois qu’un président de la République rend hommage aux victimes de Charonne » souligne l’historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d’Algérie.

 

Tombe des victimes de Charonne

Tombe des victimes de Charonne le 22 février 2022. PG

Gerbe pour la tombe des victimes de Charonne en 2022

Gerbe du président de la République le 8 février 2022. Site de l’Élysée

Le 8 février 1962 au métro Charonne

La manifestation de « défense républicaine » du 8 février a été organisée en réaction à une série d’attentats commis la veille par l’OAS (180 plasticages en deux mois) et qui bouleversent les parisiens. Cette manifestation est interdite comme les précédentes et se termine par une « tuerie », mot repris plus tard par Alain Dewerpe, lui qui avait 10 ans au moment où sa mère Fanny Dewerpe est tuée sur place ce jour-là.

Alain Dewerpe est devenu historien et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). À l’issue de nombreuses recherches documentaires (fonds du ministère de l’Intérieur et de la préfecture de police), il en arrive à conclure que les morts du métro Charonne ne sont pas le résultat d’une « bavure » ou d’un « dysfonctionnement ». D’où le titre explicite de son livre : « Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État ».

Enterrement des victimes de Charonne en 1962

13 février 1962, le cortège à l’enterrement au Père Lachaise. Photo prise à l’angle du boulevard de Ménilmontant et de l’avenue de la République

Les obsèques des neuf victimes au Père Lachaise

Le 10 février 1962, le journal Le Monde titrera : Le plus sanglant affrontement entre policiers et manifestants depuis le 6 février 1934.

Le 13 février 1962, une grève générale de protestation et de solidarité avec les familles des victimes paralyse le pays. Les obsèques des 9 victimes ont lieu ce jour-là au Père Lachaise, avec un cortège évalué en centaines de milliers de personnes. Sur la pierre tombale, le nom des morts y est gravé, surmonté de l’inscription suivante : « À la mémoire des victimes du 8 février 1962 ».

 

Colloque sur Sainte-Geneviève, patronne de Paris

 

Avec un an de décalage du fait du Covid, Paris commémore le 16e centenaire de la naissance de sainte Geneviève, soit de 420 à 2020.

Sainte Geneviève et le 20e arrondissement

Sainte Geneviève est liée à l’histoire du 20e arrondissement : ce samedi 16 octobre 2021, à l’occasion de la visite guidée du village de Charonne, Philippe Dubuc (membre du Bureau de l’AHAV) nous l’a rappelé devant l’église Saint-Germain de Charonne.

La mémoire (ou la légende ?) nous rapporte cette rencontre de Germain l’auxerrois qui bénit Geneviève enfant à Charonne vers 430. Celle-ci deviendra plus tard la protectrice de Lutèce. Cet évènement nous laissera en héritage l’église Saint Germain de Charonne.

Sainte Geneviève en trois jours et trois lieux

À son sujet, le colloque proposé par le Comité d’histoire de la Ville de Paris et le diocèse a pour titre :

 

SAINTE GENEVIÈVE. HISTOIRE ET MÉMOIRE (420 – 2020)

 

Il a lieu les 3, 4 et 5 novembre 2021 sur différents espaces : à la Sorbonne, au Collège des Bernardins et à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avec la participation de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Toutes les précisions sur ce riche programme se trouvent en cliquant ici.

 

SAinte Geneviève et le 20e

Geneviève et Saint Germain l’auxerrois, illustration du colloque sur sainte Geneviève

Le village de Charonne, visite guidée

L’ancien territoire de Charonne est englobé dans le 20e arrondissement depuis 1860. Il a été très majoritairement transformé en un quartier populaire. Pourtant, de son histoire depuis le moyen-âge, il nous reste encore aujourd’hui bien des traces de sa vie passée. Les quelques maisons de campagne, l’église Saint-Germain, et le quartier St-Blaise en sont les témoins.

Philippe Dubuc, du Bureau de l’AHAV, vous montrera le chemin

  • samedi 16 octobre prochain à 15h

La rue Saint Blaise, avec au fond l’église Saint Germain de Charonne. PHD

Cette visite gratuite est réservée aux adhérent-e-s. Vous pouvez adhérer en ligne puis vous y inscrire en cliquant tout en bas à droite de cet article. Vous recevrez confirmation en retour, avec le lieu de rendez-vous.

  • Samedi 16 octobre 2021 à 15h00

 

Mairie 20e  réaménagement de Python Duvernois

La une du dossier de la Mairie 20e sur le réaménagement de Python Duvernois

 

Python-Duvernois, de son origine à son futur

 

Dans son dossier particulièrement bien détaillé du 9 septembre dernier, la mairie du 20e nous retrace l’ensemble du projet de réaménagement de la cité Python-Duvernois avec son chronomogie depuis 2010.

L’auteur nous rappelle que « le secteur est inscrit dans un Quartier Politique de la Ville depuis 2004 et est classé en Zone de Sécurité Prioritaire depuis 2013 ». Les travaux doivent débuter ces prochains mois pour se terminer en 2028, suivant un calendrier précis, découpé par année dans cet article.

L’occasion pour nous de rappeler notre article paru le 7 février dernier, : celui-ci en rappelle plus globalement la création de la cité Python-Duvernois et l’origine de son nom. Pour lire cet article, cliquez sur l’image ci-dessous.

Projet de rénovation de la cité Python-Duvernois

Projet de rénovation de la cité Python-Duvernois

Panneau opération immobilière

La Cour des Lyanes baisse le rideau

L’ancien village de Charonne vient de perdre peut-être la dernière de ses cours artisanales.

La Cour des Lyanes

Naguère encore, au 151 rue de Bagnolet, en face du parc Debrousse, on pouvait découvrir un témoin évocateur du passé industrieux de notre arrondissement. Derrière un portail de métal, de plus en plus rarement ouvert, il est vrai, au fur et à mesure que le temps passait, subsistait un site à la fois étonnant et étroitement inscrit dans le passé industriel ou semi-industriel du quartier, et même dans son histoire politique et sociale. Quand le portail était ouvert, la cour retenait l’œil du passant qui pouvait y accéder pour s’imprégner du charme du lieu…

Cour des Lyanes - rue de Bagnolet

Entrée, 151 rue de Bagnolet (état actuel). CDD.

Blottie derrière l’immeuble de briques rouge bordant la rue de Bagnolet, il y avait en effet une pittoresque cour pavée garnie d’un fouillis d’arbustes qui, au printemps, explosaient de fleurs. Pas de bâtiments industriels imposants, pas d’enseigne… juste une cour artisanale pavée et quelques appentis et hangars ne payant pas de mine, investis ces dernières années par des start-ups et des artistes…

Un grand comédien

En 2012, L’Ami du 20e évoquait les menaces qui pesaient sur cette cour artisanale, à l’occasion du décès du comédien Jean Topart (1922-2012), à Port-Marly (Yvelines). Ses héritiers cherchaient un acheteur pour ce lieu (qui s’ouvre aussi au 6 bis rue des Lyanes) qu’il tenait de son père.

Jean Topart propriétaire dans le 20e

Jean Topart. Wikipedia

On se souvient de Jean Topart et de sa voix si particulière pour l’avoir souvent vu jouer, dans les années 1950-1960, sur scène, avec le TNP. A la télévision aussi, il avait incarné le fameux Cyrano de Bergerac, de Claude Barma à Noël 1960, Sir Williams dans le feuilleton Rocambole de Jean-Pierre Decourt (1964-1965) et Emile Zola dans Emile Zola ou la Conscience humaine, de Stellio Lorenzi (1978). Sans parler de son abondante filmographie…

Mais qui savait qu’il était aussi propriétaire dans l’arrondissement[1] ? On s’étonna… puis on oublia…

Une nouvelle opération immobilière

Eh bien ! voilà !! la cour cachée avec ses pavés mal dégrossis et ses arbustes un peu fous, c’est fini…

Cour des Lyanes

Cour des Lyanes (avant travaux). JPD

En passant par-là maintenant, on lit un grand panneau de publicité immobilière annonçant, sous une accroche suggestive, « L’Insolite. Une nouvelle nature de ville », la prochaine mise en vente d’une « maison de 5 pièces avec cour privative », sans doute échappée à la démolition et restaurée dans un style « atypique », et d’une cinquantaine d’appartements neufs du 2 au 5 pièces… Un point fort est mis en avant par l’opérateur : « Serre et potager en rooftop » !

Le chantier bien sûr est interdit d’accès et le bref coup d’œil qu’on peut y jeter… est désolant.

Cour des Lyanes - rue des Lyanes

Panneau d’informations, rue des Lyanes. CDD

Notre quartier perd là une des dernières traces de son bâti à la fois rural et artisanal qui faisait le charme de l’ancien village de Charonne et qui mériterait des mesures conservatoires vigilantes au même titre que les architectures plus bourgeoises.

A cet égard, on ne peut que se féliciter de la belle réhabilitation de l’immeuble Art Déco de l’ancienne usine Goepfer, qui fabriquait des boutons de manchette au 5 rue Ramus, reconvertie aujourd’hui en appartements.

La Cour des Lyanes dans l’histoire

En plongeant le nez dans les archives, on constate que la Cour des Lyanes réunissait depuis le xixe siècle des artisans serruriers et ferronniers. Dans les années 1880, on y trouvait les ateliers des frères Topart, Pierre Hippolyte (1825-1879) et Edmond Louis (1830-ap. 1886). Fondée en 1853, donc avant le rattachement de Charonne à Paris, cette entreprise spécialisée dans l’imitation des perles fines, corail et pierres précieuses, employait d’abord une vingtaine, puis jusqu’à 800 à 1 000 ouvriers en 1886. Pour eux, en 1878, les frères Topart créèrent une caisse de retraite et furent récompensés par la Légion d’honneur.

Pierre Hippolyte Topart (1825-1879) a joué aussi un rôle politique dans l’arrondissement. Il fut conseiller municipal de Paris représentant le quartier de Charonne de 1871 à 1874, sous l’étiquette « Républicain conservateur », puis brièvement maire du 20e arrondissement (nommé en février 1879, peu de temps avant sa mort).

Cour des Lyanes - rue des Lyanes - Plaque

Plaque rue des Lyanes. Wikipedia

La rue… des Lyanes ?

 

La rue des Lyanes est ouverte vers la fin du XIXe siècle sous le nom de « rue Neuve » avant de prendre celui de « rue des Lyannes » (avec 2 n), puis de « rue des Lyanes » (avec 1 seul n). Elle est classée dans la voirie parisienne par un arrêté du 12 mars 1968.

L’origine de ce nom, un brin exotique, est inconnue.

Pour en savoir plus :

http://paris-bise-art.blogspot.com/2015/11/passage-industrieux-rue-de-bagnolet.html

http://sauv-derniere.over-blog.org/article-l-avenir-de-la-cour-des-lyanes-110976741.html

http://lafabriquedeparis.blogspot.com/2021/01/goepfer-un-siecle-de-boutons-lombre-du.html

________________________

[1] Jean Topart et sa sœur, la comédienne Lise Topart, tragiquement disparue en 1952 dans un accident d’avion à Nice, reposent tous deux au cimetière du Père-Lachaise, à Paris (division 57).

Disparition prochaine de l'atelier RATP

 

Sur le site de la RATP Belgrand, un projet urbain

En partenariat avec la Ville de Paris et la Mairie du 20e arrondissement, la RATP projette la réalisation d’un jardin, de logements et d’un établissement de santé dédié à l’enfance sur une partie du site des ateliers de maintenance des équipements (AME) Belgrand.

Le site RATP Belgrand

Situé le long des rues Belgrand, Pelleport et de la Py, en face de la place Édith Piaf, d’une superficie d’1,5 hectare, le site RATP Belgrand accueille aujourd’hui plusieurs fonctions liées aux activités du groupe RATP :

  • l’atelier de maintenance des trains des lignes de métro 3, 3bis et 7bis,
  • l’atelier de maintenance des équipements électroniques et électropneumatiques des métros, trams et RER,
  • le poste de commandes centralisées (PCC) et les équipes de direction des lignes 3 et 3 bis,
  • des logements.
 l'atelier RATP dans le 20e arrondissement

Entrée de l’atelier RATP rue Belgrand, PG

L’atelier dès la création du métro

La Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) est créée en 1899. Dès lors, elle a besoin d’ateliers de maintenance pour le matériel roulant, qui s’ouvrent au fur et à mesure des créations de lignes.

Ainsi, après l’atelier de Charonne conçu pour les lignes 1 et 2, le site RATP Belgrand accueille le deuxième atelier du métro parisien, construit en 1904 pour la ligne 3.

La ligne 3 est la troisième ligne du métropolitain parisien. Ouverte en octobre 1904 pour la section Villiers-Père-Lachaise, elle fait ensuite l’objet de plusieurs prolongations : jusqu’à Gambetta en 1905, Péreire en 1910, Porte de Champerret en 1911, Porte des Lilas en 1921, Pont de Levallois-Bécon en 1937.

En 1969, est ouverte la nouvelle station Gambetta, qui absorbe l’ancienne station Martin Nadaud dont les quais constituent désormais son prolongement et servent de sortie.

Création de la ligne RATP 3bis

Métro Gambetta en 1969

En 1971, la ligne 3 fait l’objet d’un remaniement important à l’est. Elle est prolongée jusqu’à Gallieni, tandis que son ancien tronçon terminal de Gambetta à Porte des Lilas est débranché et exploité séparément sous le nom de ligne 3 bis.

Longue de 11,665 kilomètres, la ligne 3 traverse Paris d’ouest en est sur la rive droite, et dessert les quartiers résidentiels du 17e arrondissement, la gare Saint-Lazare, les grands magasins, le quartier d’affaires autour de l’Opéra et l’est parisien. Elle a transporté 98 millions de voyageurs en 2009 (ligne 3 bis incluse) et se situe en neuvième position sur le réseau pour son trafic.

Périmètre du sIte RATP voué à la démolition - 20ème Arrondissement

Périmètre du site RATP voué à la démolition

Les ateliers du site Belgrand sont raccordés à la ligne 3 après son terminus Gambetta, sur l’arrière-gare de l’ancien terminus.

L’organisation initiale comprenait un atelier de petit entretien, des ateliers et une salle de peinture, une menuiserie, un hangar à bois ou encore des magasins, pour une superficie d’environ 12 000m2.

La ville s’est ensuite développée tout autour du site Belgrand, avec des grands ensembles et des rues étroites. Ce site industriel a été maintenu en milieu urbain dense pour répondre aux besoins liés à l’activité de transport.

Le projet en cours

Une partie du terrain RATP Belgrand va être libérée par le déménagement de l’Atelier de Maintenance des Equipements (AME) des réseaux métro, RER et tramways sur le site de Vaugirard dans le cadre du regroupement des fonctions de maintenance des réseaux ferrés gérés par la RATP. D’autre part, l’Atelier de Maintenance des Trains (AMT) doit être entièrement repensé et modernisé pour s’adapter à l’arrivée d’une nouvelle génération de trains sur les lignes 3, 3 bis et 7 bis. Ces nouveaux trains, appelés MF19, ont des caractéristiques différentes des trains actuels : ils sont équipés d’intercirculations qui permettent aux voyageurs de circuler entre les voitures et de ventilations réfrigérées en toitures pour un meilleur confort d’été.

Projet d'un immeuble RATP sur son site Belgrand

Projet d’un immeuble RATP sur son site Belgrand

La RATP, en partenariat avec la Ville de Paris et la Mairie du 20e et conformément au Plan local d’urbanisme (PLU), prévoit à la place la réalisation d’un jardin, de logements et d’un centre de santé pluridisciplinaire permettant l’accès aux soins des enfants et des adolescents.

La concertation avec les riverains

La RATP va mener une démarche de conception urbaine collaborative pendant la durée du projet, depuis les études jusqu’aux travaux et la livraison des futurs programmes, qui sera conduite par l’agence Res publica. Dès le lancement des études, d’avril à septembre 2021, elle organise une première séquence de concertation avec le public, riverains, habitants, associations, commerçants, élus, pour les associer à l’élaboration d’un diagnostic partagé et aux premiers scénarios d’aménagement de la parcelle.

Pour en savoir plus :

Ligne 3 du métro de Paris – Article Wikipedia

Le site RATP BELGRAND – Les composantes du futur projet

Pour participer à la concertation :

Site RATP BELGRAND – Concertation

L’architecte Henri Sauvage à l’honneur

 

Les grands magasins de la Samaritaine viennent de faire beaucoup parler d’eux dans les gazettes. Après 16 années de fermeture et une « rénovation haute couture », ils viennent de rouvrir leurs portes au public.

Un empire commercial au cœur de Paris

 

L’ensemble immobilier, fondé dans les années 1891-1932 par le couple de commerçants Ernest et Marie-Thérèse Cognacq-Jaÿ, par ailleurs philanthropes et collectionneurs d’art, était une suite de « grands magasins » où, selon une publicité très connue, « on trouvait tout ».

Il appartient aujourd’hui au groupe de luxe français LVMH, qui a réduit la taille du grand magasin emblématique par quatre pour laisser place à un palace de 72 chambres (en front de Seine), à des bureaux, une crèche et 96 logements sociaux. Une spectaculaire restauration qui remet aussi en valeur son escalier monumental, ses laves émaillées – c’est l’édifice qui en comporte le plus en France – et sa magnifique fresque des paons naguère repeinte en blanc. La nouveauté est, sur la rue de Rivoli, dans sa façade en verre ondulé de 25 m de haut, signée des architectes de l’agence Saana, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, lauréats du prix Pritzker 2010.

Nouvelle façade, prix Pritzker 2010

La Samaritaine d’aujourd’hui avec sa façade en verre

Si la plupart des bâtiments sont l’œuvre de l’architecte belge Frantz Jourdain (1847-1935), un des promoteurs de l’Art nouveau et de l’architecture du fer en France, entre 1891 et 1910, puis en 1930-1932, celui-ci s’est adjoint, en 1926-1928, la collaboration de l’architecte français Henri Sauvage (1873-1932), pour agrandir le bâtiment principal vers la Seine dans un magnifique style Art Déco.

Les « Sauvage » du 20e arrondissement

 

Le 20e arrondissement a aussi le privilège de posséder dans son patrimoine architectural deux édifices remarquables dus à Henri Sauvage, qui fut aussi, il faut le rappeler, l’architecte de la Villa Majorelle à Nancy (1902), de l’immeuble à gradins de la rue Vavin (6e arrondissement) (1912-1913) et de l’immeuble des Amiraux et de sa piscine (18e arrondissement) (1913-1930), entre bien d’autres.

Un de ces édifices est un ensemble d’habitations à Bon Marché (HBM), sis 1 rue de la Chine, construit par Henri Sauvage et Charles Sarazin en 1907-1908 pour la Société des logements hygiéniques, qu’ils avaient créée en 1903. Né au tout début du XXe siècle, le courant hygiéniste en architecture vise à lutter contre la tuberculose et l’insalubrité des logements. Les logements bon marché sont plus spacieux et doivent laisser entrer l’air et la lumière.

Une construction de l'architecte Sauvage dans le 20e

HBM de l’architecte Sauvage au 1 rue de la Chine

Sa façade en briques calco-fer produit une impression de grande austérité, tandis que les volumes des bow-windows surmontés de loggias animent un peu la façade. Cet immeuble de logements populaires s’inscrit alors dans les recherches de H. Sauvage pour produire un type de construction sociale alliant rentabilité et économie maximale. On peut le rapprocher des HBM construites en 1903-1904 par H. Sauvage rue de Trétaigne (18e arrondissement).

L’autre bâtiment est bien connu des habitants de l’arrondissement. C’est le cinéma MK2 Gambetta (ancien « Gambetta-Palace »), 6 rue Belgrand, construit par Henri Sauvage en 1920, à l’emplacement d’un ancien théâtre, dans un style très original conçu et dessiné par lui.

La devanture, à l’architecture très atypique, attire inévitablement le regard, avec sa rotondité et sa façade blanche et quasi aveugle qui évoquent immanquablement un écran de cinéma.

Le MK2 du 20e rénové

La façade du cInéma MK2 Gambetta

La façade est ornée d’un décor égyptisant ou japonisant en stuc, très stylisé, fait de masques de théâtre et de bas-reliefs à motifs végétaux peints à l’or. Les grands masques et marionnettes, disposés à l’origine sur la façade par le décorateur Hellé, ont malheureusement disparu dans les années 1950. A l’intérieur, la salle semi-circulaire était construite en béton et pouvait accueillir 1 500 personnes.

En 1928, la Société Gaumont fait l’acquisition du Gambetta-Palace. En 1970, le cinéma est divisé en trois salles, dénaturant le décor d’origine, et deux salles supplémentaires sont ajoutées en 1980. Depuis 1997, ce cinéma est la propriété du groupe MK2 et dispose de six salles. La devanture actuelle est classée aux monuments historiques depuis 2012.

 

Pour en savoir plus sur Henri Sauvage et son œuvre :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Sauvage