Charonne : le cimetière avant l’église
D’un cimetière carolingien à une église villageoise
Dans le prolongement des Journées Européennes du Patrimoine, nous terminons par ce troisième article notre approche sur L’archéologie dans le patrimoine parisien. Après avoir ensuite abordé Les fouilles du 20e arrondissement, cet article est cette fois-ci exclusivement consacré à l’église de Charonne avec ses richesses retrouvées.
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L’église de Charonne est située sur le flanc de la colline de Ménilmontant. Ses fondations n’étaient pas profondes et le sol marneux présentait une faible portance.
Des travaux de consolidation
L’église était donc instable, ce qui a nécessité des travaux de consolidation. Au XIXème siècle, deux contreforts ont été construits contre la façade sud du chœur pour remédier au “glissement” de l’édifice.
Malgré ces travaux de renforcement, des désordres sont constatés lors de la réfection de la toiture et, en 2007, la ville a commandé une étude approfondie comprenant des sondages géotechniques qui ont confirmé la faible assise des fondations.
Une étude de l’édifice menée par l’architecte en chef des Monuments Historiques Jean-François Lagneau ainsi que d’un premier diagnostic archéologique dirigé par Catherine Brut (DHAAP, Ville de Paris) est effectuée en 2012.
L’instabilité du bâtiment mettant celui-ci en danger, la ville a programmé une opération de consolidation pérenne des fondations de l’édifice.
Ces travaux de consolidation par la technique du « jet grouting » ont eu lieu durant le deuxième semestre 2014. Le procédé « jet grouting » consiste à forer le sol à l’aide d’un jet de fluide(s) à haute pression et à le mélanger avec un coulis de ciment permettant de le renforcer.
Puis par précaution, des fouilles complémentaires ont été décidées en 2014 car la technique du « jet grouting » est aussi par nature destructrice.
À l’origine, un cimetière villageois
L’opération de fouille du chœur de l’église Saint-Germain de Charonne a permis de trouver les premières traces d’occupation humaine sur le versant sud de la colline de Ménilmontant à l’époque carolingienne, c’est-à-dire à une période qui s’étend de 750 jusqu’au Xème siècle.
Les premières traces d’occupation du site se résument à deux tessons de céramique gallo-romaine, un fossé et des trous de poteaux qui datent IXème siècle. Les archéologues n’ont pas trouvé d’objets ou de traces d’occupation humaine plus ancienne. Il semblerait donc que la première installation humaine à cet endroit ait eu lieu au cours de l’époque carolingienne.
Les fouilles ont aussi fait découvrir une série de trente-deux sépultures ainsi qu’un mobilier céramique. Les structures funéraires sont proches les unes des autres ce qui semble exclure l’hypothèse d’un groupe d’inhumations isolées au sein de l’habitat.
En l’état actuel de nos connaissances, aucun édifice religieux n’existe alors à cette époque, il faut voir en ce groupe d’inhumations la naissance d’un cimetière villageois qui sera à l’origine de la première église.
La légende de sainte Geneviève
Cette église a également fait l’objet d’une légende attachée à Paris. Selon cette fameuse légende, saint Germain alors évêque d’Auxerre, aurait rencontré vers 430 après Jésus Christ, sur les coteaux de Charonne, une jeune fille qui deviendra sainte Geneviève, la future patronne de Paris. On raconte que l’église de Charonne aurait été érigée par les habitants du lieu à l’emplacement d’un petit oratoire en souvenir de cette rencontre.
Les recherches archéologiques montrent que c’est probablement inexact, il n’y a aucune trace d’un ancien oratoire à l’emplacement de l’église et aucun document n’atteste de sa présence.
La première église du village
Les archéologues datent la construction d’une première église au début du XIIème siècle. On trouve la première mention de Charonne dans un acte de Robert II à la fin du Xème siècle. La première mention d’une église à Charonne date de 1140. Elle nous est fournie par un acte de donation par l’évêque de Paris, Étienne de Senlis, au prieuré clunisien de Saint-Nicolas d’Acy. Cette donation est confirmée quelques années plus tard par une bulle du pape Eugène III
Les quelques traces retrouvées de cette première église montrent que nous sommes probablement en présence d’un édifice de type basilical à une nef de 7,50 m de largeur. À ce premier état de l’église de Charonne sont associées vingt sépultures qui sont creusées au pied du chevet, à l’extérieur de l’édifice. De ce premier état connu de l’église ne subsistent que les éléments à la base d’une pile. Aucune inhumation dans l’église n’a été repérée.
Quant à la construction du clocher, elle serait légèrement postérieure à celle de l’église puisqu’elle date de la fin du XIIIème siècle. La datation s’appuie sur l’étude stylistique de la sculpture qui est à rapprocher de celles des églises de Vitry, Chennevières, Arcueil ou Bagneux. Il semblerait qu’à l’origine un clocher latéral aurait été érigé au sud d’une nef primitive. La liaison du clocher au reste de l’édifice reste indéterminée.
L’église actuelle
C’est au XVème siècle que l’église est largement agrandie pour adopter la configuration que nous lui connaissons aujourd’hui, avec un vaisseau central flanqué de deux collatéraux. Deux inscriptions encadrent la chronologie de cette phase de reconstruction.
- La première, datée de 1428, est insérée dans l’une des piles soutenant le clocher. Elle rappelle l’octroi par l’évêque de Paris de quarante jours d’indulgences pour une collecte de fonds dont le but reste cependant incertain.
- La seconde célèbre la dédicace du nouvel édifice par l’évêque de Paris Guillaume Chartier (1449-1472), probablement en 1460. Rien ne permet de confirmer que les travaux étaient achevés à cette date puisqu’un autre texte stipule que trois autels avaient été consacrés en 1527.
Le présent article est extrait du rapport de fouilles de février 2016. Chargé de mission : Julien Avinain, Département d’Histoire de l’Architecture et d’Archéologie de la Ville de Paris (DHAAP).
Prochain article : un cimetière carolingien à Charonne.
Charonne : le cimetière avant l’église
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