Fouilles de l'église de Charonne

D’un cimetière carolingien à une église villageoise

Dans le prolongement des Journées Européennes du Patrimoine, nous terminons par ce troisième article notre approche sur L’archéologie dans le patrimoine parisien. Après avoir ensuite abordé Les fouilles du 20e arrondissementcet article est cette fois-ci exclusivement consacré à l’église de Charonne avec ses richesses retrouvées.

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L’église de Charonne rénovée-PHD

L’église de Charonne est située sur le flanc de la colline de Ménilmontant. Ses fondations n’étaient pas profondes et le sol marneux présentait une faible portance.

Des travaux de consolidation

L’église était donc instable, ce qui a nécessité des travaux de consolidation. Au XIXème siècle, deux contreforts ont été construits contre la façade sud du chœur pour remédier au “glissement” de l’édifice.

Malgré ces travaux de renforcement, des désordres sont constatés lors de la réfection de la toiture et, en 2007, la ville a commandé une étude approfondie comprenant des sondages géotechniques qui ont confirmé la faible assise des fondations.

Étai à l’intérieur de l’église de Charonne-MdP

Une étude de l’édifice menée par l’architecte en chef des Monuments Historiques Jean-François Lagneau ainsi que d’un premier diagnostic archéologique dirigé par Catherine Brut (DHAAP, Ville de Paris) est effectuée en 2012.

L’instabilité du bâtiment mettant celui-ci en danger, la ville a programmé une opération de consolidation pérenne des fondations de l’édifice.
Ces travaux de consolidation par la technique du « jet grouting » ont eu lieu durant le deuxième semestre 2014. Le procédé  « jet grouting » consiste à forer le sol à l’aide d’un jet de fluide(s) à haute pression et à le mélanger avec un coulis de ciment permettant de le renforcer.
Puis par précaution, des fouilles complémentaires ont été décidées en 2014 car la technique du « jet grouting » est aussi par nature destructrice.

À l’origine, un cimetière villageois

L’opération de fouille du chœur de l’église Saint-Germain de Charonne a permis de trouver les premières traces d’occupation humaine sur le versant sud de la colline de Ménilmontant à l’époque carolingienne, c’est-à-dire à une période qui s’étend de 750 jusqu’au Xème siècle.

Fouilles à l’intérieur de l’église de Charonne-MdP

Les premières traces d’occupation du site se résument à deux tessons de céramique gallo-romaine, un fossé et des trous de poteaux qui datent IXème siècle. Les archéologues n’ont pas trouvé d’objets ou de traces d’occupation humaine plus ancienne. Il semblerait donc que la première installation humaine à cet endroit ait eu lieu au cours de l’époque carolingienne.

Les fouilles ont aussi fait découvrir une série de trente-deux sépultures ainsi qu’un mobilier céramique. Les structures funéraires sont proches les unes des autres ce qui semble exclure l’hypothèse d’un groupe d’inhumations isolées au sein de l’habitat.

Un squelette à l’intérieur de l’église de Charonne-MdP

En l’état actuel de nos connaissances, aucun édifice religieux n’existe alors à cette époque, il faut voir en ce groupe d’inhumations la naissance d’un cimetière villageois qui sera à l’origine de la première église.

La légende de sainte Geneviève

Cette église a également fait l’objet d’une légende attachée à Paris. Selon cette fameuse légende, saint Germain alors évêque d’Auxerre, aurait rencontré vers 430 après Jésus Christ, sur les coteaux de Charonne, une jeune fille qui deviendra sainte Geneviève, la future patronne de Paris. On raconte que l’église de Charonne aurait été érigée par les habitants du lieu à l’emplacement d’un petit oratoire en souvenir de cette rencontre.

Les recherches archéologiques montrent que c’est probablement inexact, il n’y a aucune trace d’un ancien oratoire à l’emplacement de l’église et aucun document n’atteste de sa présence.

La première église du village

Les archéologues datent la construction d’une première église au début du XIIème siècle. On trouve la première mention de Charonne dans un acte de Robert II à la fin du Xème siècle. La première mention d’une église à Charonne date de 1140. Elle nous est fournie par un acte de donation par l’évêque de Paris, Étienne de Senlis, au prieuré clunisien de Saint-Nicolas d’Acy. Cette donation est confirmée quelques années plus tard par une bulle du pape Eugène III

Le village de Charonne – Paris

Les quelques traces retrouvées de cette première église montrent que nous sommes probablement en présence d’un édifice de type basilical à une nef de 7,50 m de largeur. À ce premier état de l’église de Charonne sont associées vingt sépultures qui sont creusées au pied du chevet, à l’extérieur de l’édifice. De ce premier état connu de l’église ne subsistent que les éléments à la base d’une pile. Aucune inhumation dans l’église n’a été repérée.

Quant à la construction du clocher, elle serait légèrement postérieure à celle de l’église puisqu’elle date de la fin du XIIIème siècle. La datation s’appuie sur l’étude stylistique de la sculpture qui est à rapprocher de celles des églises de Vitry, Chennevières, Arcueil ou Bagneux. Il semblerait qu’à l’origine un clocher latéral aurait été érigé au sud d’une nef primitive. La liaison du clocher au reste de l’édifice reste indéterminée.

L’église actuelle
C’est au XVème siècle que l’église est largement agrandie pour adopter la configuration que nous lui connaissons aujourd’hui, avec un vaisseau central flanqué de deux collatéraux. Deux inscriptions encadrent la chronologie de cette phase de reconstruction.

  • La première, datée de 1428, est insérée dans l’une des piles soutenant le clocher. Elle rappelle l’octroi par l’évêque de Paris de quarante jours d’indulgences pour une collecte de fonds dont le but reste cependant incertain.
  • La seconde célèbre la dédicace du nouvel édifice par l’évêque de Paris Guillaume Chartier (1449-1472), probablement en 1460. Rien ne permet de confirmer que les travaux étaient achevés à cette date puisqu’un autre texte stipule que trois autels avaient été consacrés en 1527.

Le présent article est extrait du rapport de fouilles de février 2016. Chargé de mission : Julien Avinain, Département d’Histoire de l’Architecture et d’Archéologie de la Ville de Paris (DHAAP).

Prochain article :  un cimetière carolingien à Charonne.

Les services secrets français

 

La DGSE va quitter « la Piscine » pour Vincennes

 

À l’occasion de l’exposition actuelle de la DGSE en mairie du 20e « Le service secret français et le 20e arrondissement », nous rééditons cet article paru pour la première fois le 17 août 2021. L’exposition se termine le 5 novembre prochain.

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Le 20e continue de se transformer. Les agents de la DGSE vont quitter leur quartier général du boulevard Mortier, dans le 20e arrondissement, pour s’installer dans une toute nouvelle caserne aux installations ultra-modernes, en lisère du bois de Vincennes. Ce déménagement « hors norme » est prévu pour 2028.

Pourquoi la « Piscine » ?

 

Le quartier général historique des services français de renseignements extérieurs est installé depuis 1945, dans la « Centrale », une caserne jouxtant la piscine des Tourelles (aujourd’hui piscine Georges Vallerey), d’où son surnom de « la Piscine » popularisé par les films et les romans d’espionnage.

Piscine Georges-Vallerey

Piscine Georges-Vallerey (XXe) avec les anneaux olympiques

Depuis cette installation, les lieux ont été modernisés, notamment avec la construction d’une grande tour centrale dans les années 1970. En 1997, a été ajoutée une seconde parcelle, sise de l’autre côté du boulevard Mortier, reliée à l’immeuble de la DGSE par un long souterrain. Mais les lieux restent extrêmement contraints par l’architecture d’origine des bâtiments qui n’avaient pas été conçus pour abriter un grand service moderne, capable d’utiliser tous les moyens actuels de recueil et d’exploitation du renseignement.

Le nombre d’agents a doublé en 30 ans

 

Au fil des années, le nombre d’agents secrets a aussi beaucoup augmenté. En 1931, la DGSE comptait 3 500 officiers ; aujourd’hui, ils sont plus de 7 000. De plus, le travail s’est complexifié. Les missions d’aujourd’hui demandent d’intégrer systématiquement des capacités d’interception cyber. Les bureaux surpeuplés se sont multipliés, avec des fils et des branchements électriques anarchiques, ce qui ne pouvait plus durer.

Plus qu’un simple déménagement

 

L’idée présentée par le directeur général Bernard Emié est bien plus qu’un simple déménagement. Il s’agit en fait de doter la DGSE d’un outil de commandement à la hauteur de ses ambitions et, surtout, des menaces actuelles. Entre le terrorisme et la montée en puissance des nouveaux Etats comme la Turquie, la Chine, l’Iran ou la Russie, il faut mettre en place des structures puissantes, capables de fournir des accès techniques à toutes les autres agences de premier cercle de la communauté du renseignement : la DGSI à l’Intérieur, la Direction du Renseignement militaire (DRM), la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD) ou le Commandement cyber pour les Armées.

Le Fort-Neuf de Vincennes, futur siège de la DGSE.

Le Fort-Neuf de Vincennes, futur siège de la DGSE.

Le site de Vincennes s’étendra sur 20 hectares, soit deux fois la taille des bâtiments actuels. Il sera doté de capacités informatiques qui sont celles de l’avenir. Le montant du projet s’élève à 1,3 milliard d’euros.

Un peu d’histoire

 

La DGSE est actuellement installée sur l’emplacement de l’enceinte militaire construite en 1841-1844, à l’initiative de Thiers, pour protéger Paris contre une invasion ennemie comme en 1814. Englobant la totalité de la capitale, 33 km de long, l’enceinte de Thiers, détruite en 1919-1929, se situait entre les actuels boulevards des Maréchaux et le boulevard périphérique. En fait elle ne servit jamais, sauf pendant les deux sièges de Paris en 1870 (par les Prussiens) et 1871 (par les Versaillais).

La caserne Mortier, pavillon sous officiers, vers 1937

La caserne Mortier, pavillon sous officiers, vers 1937. Carte postale.

 

En octobre 1940, la caserne des Tourelles devint un camp d’internement pour les étrangers. Des Français y furent internés à partir de juillet 1941, avec l’ouverture d’une section pour les communistes. Un bâtiment était affecté aux hommes, un autre aux femmes, le troisième étant réservé d’abord au recrutement du STO, puis au service des œuvres pour les prisonniers de guerre (fin 1941).

 

Le camp d'internement des Tourelles, 1940-1944

Le camp d’internement des Tourelles, 1940-1944.

Le camp des Tourelles fut l’un des principaux lieux de détention parisiens des femmes juives, le camp de Drancy étant réservé aux hommes jusqu’à la mi-juillet 1942. En août 1942, un seul bâtiment était affecté à l’internement, visant non plus les Juifs (envoyés directement à Drancy), mais les étrangers, comme les républicains espagnols, et des politiques, puis des réfractaires au STO. Le bâtiment central devint une annexe des prisons de Fresnes et de la Santé. Le camp fut libéré le 17 août 1944 ; près de 8 000 personnes y ont été détenues entre octobre 1940 et août 1944.

Depuis 1945, la DGSE occupe deux anciennes casernes situées de part et d’autre du boulevard Mortier : la caserne des Tourelles (Centre administratif des Tourelles) et, depuis 1996, la caserne Mortier. Les membres de la DGSE les désigneraient sous le nom de « centrale » et de « Mortier ». Les médias ont surnommé la DGSE la « piscine » en raison de sa proximité avec l’ancienne piscine des Tourelles, alors que le surnom donné en interne serait plutôt « la boîte ». Le quartier général du service Action est au fort de Noisy, à Romainville.

Déjà, un projet de délocalisation, dit projet « Fort 2000 », lancé en 1992, envisageait de déménager le siège de la DGSE au fort de Noisy. Il échoua à cause du manque de finances. Malgré la baisse du budget, à la suite de l’opposition des riverains du fort qui craignaient des nuisances sonores et de mouvements écologistes, car la zone abrite une espèce rare de crapauds (le Bufo Calamita), le projet fut abandonné définitivement en mai 1996. A la place, la DGSE reçut la caserne Mortier.

Un nouveau projet de déménagement est maintenant annoncé pour le Fort-Neuf de Vincennes. Construit entre 1841 et 1844, c’est l’un des seize forts détachés de l’enceinte de Thiers. Les travaux commenceront en 2024 et le transfert devrait être achevé en 2028.

 

Un mot sur la piscine des Tourelles, actuellement piscine Georges Vallerey

 

La piscine des Tourelles a été construite à l’occasion des Jeux olympiques d’été de 1924 ; elle fut la piscine du siège de la Fédération française de natation et abrita de nombreux championnats de France de natation. C’est en 1959 qu’elle reçut le nom du célèbre nageur médaillé de bronze aux Jeux de Londres 1948 et détenteur de sept records d’Europe entre 1945 et 1949, Georges Vallerey (1927-1954). Pour la petite histoire, Johnny Weissmuller (le futur acteur de Tarzan !) qui prit part aux Jeux olympiques d’été de 1924, y remporta les médailles d’or des 100 et 400 mètres nage libre, et du relais 4×200 mètres nage libre.

Pour en savoir plus :

Sur la DGSE :

Sur l’enceinte de Thiers :

L'Enceinte de Thiers

Sur le Stade des Tourelles, puis piscine des Tourelles et piscine Georges Vallerey :

 

Piscine "habillée" pour 2024

Théâtre de la Colline

DAVOUT, un boulevard pour un maréchal

Au pied de la piscine Yvonne Godard, règne comme un air de vacances prolongées… Les chaises longues colorées du Théâtre de la Colline invitent à savourer les derniers rayons du soleil même s’ils sont parfois frisquets… Jusqu’au 16 octobre, dans le cadre de la programmation « hors les murs » du Pavillon Carré de Baudouin (en travaux jusqu’au début 2023), le Théâtre national de la Colline a donné mandat au Collectif OS’O de présenter un spectacle intitulé « Boulevard Davout ».

Horaires des représentations : du mercredi au vendredi à 18h30, samedi à 14h30 et 18h30 et dimanche à 11h et 15h. Durée estimée : 1h50

Ce spectacle original est inspiré par le 20e arrondissement et les légendes urbaines qui se sont imposées comme une matière racontant ce quartier. Ainsi, les spectateurs déambulent au cœur de contes mêlant l’intime au social et le fantastique au réel. À chaque fois, le merveilleux et l’étrange bousculent la vie des protagonistes loin des scénarios attendus.

Rassemblement avant diffférents départs

Colline hors les murs-chaises longues, lieu de départ du spectacle-photo PG.

Vous me direz : alors, quoi de commun entre cette déambulation théâtrale aux échos très contemporains, un brillant compagnon d’armes de Napoléon Ier et une portion du boulevard des Maréchaux qui s’étire depuis 1860 aux marges de notre arrondissement ? a priori rien… sauf notre imaginaire peut-être.

Un maréchal d’Empire invaincu

La partie des boulevards des Maréchaux comprise entre les portes de Vincennes et de Bagnolet, en bordure du 20e arrondissement, est dédiée au maréchal Louis Nicolas d’Avout puis Davout (1770-1823).

Issu d’une famille de petite noblesse d’épée, Davout fait ses premières armes sous l’Ancien Régime avant d’embrasser les idées révolutionnaires. Dès 1791, il est chef de bataillon des volontaires de l’Yonne et ne tarde pas à prendre du galon : général de brigade en juillet 1793, il participe à la campagne d’Egypte sous les ordres de Bonaparte et est promu général de division en 1800. Il inaugure son nouveau commandement en prenant la tête de la cavalerie de l’armée d’Italie. Devenu empereur, Napoléon élève Davout à la dignité de maréchal d’Empire en 1804.

Portrait du Maréchal Davout

Le maréchal Louis Nicolas Davout, duc d’Auerstaedt et prince d’Eckmühl, de Tito Marzocchi de Bellucci d’après Claude Gautherot, 1852, château de Versailles

Davout joue un rôle majeur sur les champs de bataille napoléoniens, notamment à Austerlitz en 1805 et à Auerstaedt en 1806, où il met en déroute la principale armée prussienne. Ensuite, il se distingue à la bataille d’Eylau (1807), avant d’être gouverneur général du duché de Varsovie. Commandant en chef de l’armée d’Allemagne en l’absence de l’Empereur, il participe brillamment à la campagne d’Allemagne et d’Autriche (1809) à l’issue de laquelle il reçoit le titre de prince d’Eckmühl. Employé en Russie, où il dirige le Ier corps, puis en Allemagne après la retraite des troupes françaises, il s’enferme dans Hambourg et parvient à résister aux attaques des armées alliées jusqu’à la chute du régime impérial. Pendant les Cents-Jours, il se rallie à Napoléon revenu de l’île d’Elbe, qui le nomme ministre de la Guerre. Il supervise les travaux de fortification de Paris avec le général Haxo, dont une rue de notre arrondissement porte aussi le nom, lorsqu’il apprend l’anéantissement de l’armée française à Waterloo. Le maréchal Davout meurt à 53 ans ; il repose au Père-Lachaise, dans le carré des maréchaux, non loin de Masséna, dans une tombe toute simple.

Tombe du maréchal DAVOUT au Père Lachaise-Photo PG

Considéré comme le meilleur tacticien de Napoléon, Davout est le seul maréchal de l’Empire resté invaincu tout au long de sa carrière militaire. D’un caractère difficile et exigeant envers ses officiers, il se montre particulièrement sévère sur l’entraînement et la discipline de ses troupes.

Une longue ceinture de boulevards autour de Paris : de la rue Militaire au Périphérique et au Tramway

Les boulevards des Maréchaux forment un ensemble continu ceinturant la capitale, à la limite de la ville, sur une longueur de 33,7 km. A leur création, la totalité de ces boulevards portaient les noms de maréchaux du Premier Empire, ce qui leur a donné leur nom collectif. Trois boulevards supplémentaires ont été ouverts ensuite, portant, l’un, le nom d’un amiral napoléonien (l’amiral Bruix) et deux, plus récents, les noms de généraux de la France libre (Jean Simon et Martial Valin).

Ces boulevards s’ouvrent à l’emplacement de l’ancienne route militaire ou rue Militaire qui longeait l’enceinte de Thiers, édifiée en 1840-1845, pour protéger Paris. En 1860, l’extension des limites de Paris étend la capitale jusqu’au pied de cette enceinte, qui avec son large glacis (zone non constructible de 250 mètres) marquait une profonde rupture dans le tissu urbain. En 1861, la création d’un boulevard de ceinture large de 40 mètres, à l’emplacement de la rue Militaire, permet de créer un ensemble de boulevards faisant le tour de la capitale qui prend son nom actuel de boulevard « des Maréchaux » en 1864.

titres du maréchal Davout

Plaque du Boulevard Davout

Dans les années 1920, le démantèlement des fortifications permet d’urbaniser les terrains situés à l’extérieur de la ceinture de boulevards. On y construit notamment des logements sociaux (Habitations à bon marché – HBM), des équipements publics comme le parc des expositions de la porte de Versailles, le stade Charléty ou le palais de la Porte Dorée, et des parcs et jardins comme le square Séverine, le parc de la Butte du Chapeau-Rouge ou la Cité internationale universitaire. Mais le projet de « ceinture verte » restera inabouti.

La voiture devient « reine » en ville, avec son cortège d’embouteillages et de pollution. Bientôt, naît l’idée de construire une seconde rocade périphérique, longue de 35 km, doublant extérieurement les boulevards militaires et qui serait traitée en autoroute. Le début des travaux de cet aménagement, qui deviendra le boulevard périphérique, est inscrit dès 1955 au programme 1956-1961.

Les travaux du Périphérique vont s’étaler jusqu’en 1973

A l’Est, la section comprise entre la porte Dorée et la porte de Pantin est la dernière entreprise ; elle comprend la réalisation des passages inférieurs des portes de Vincennes, de Montreuil, de Bagnolet, des Lilas, Chaumont, et du passage supérieur du Pré-Saint-Gervais. Le coût des travaux est estimé à 6 700 millions de francs et sa réalisation est programmée de 1959 à 1961. En décembre 1969, a lieu l’inaugurations de la section de la porte du Pré-Saint-Gervais à la porte de Montreuil.

Depuis 1971, on a pu mesurer les nombreuses nuisances générées par le Périphérique : bruit, rejets de gaz polluants ou de particules… la pollution de l’air est six fois supérieure aux recommandations de OMS (selon une campagne de mesures effectuées en 2020 par Airparif).

555 200 habitants, dont 307 200 Parisiens, habitent dans une bande de 500 m de part et d’autre du boulevard périphérique, soit 8 % de la population de la Métropole du Grand Paris, ou encore un habitant sur cinq de l’ensemble des communes bordant cette autoroute urbaine de 35 km. Pour remédier au bruit, un programme d’écrans antibruit est mis en œuvre de 1985 à 1994, puis, en 2000, est engagée la couverture de certaines sections comme à la porte des Lilas de 2005 à 2007…

Une évolution est donc d’autant plus nécessaire qu’avec l’essor des transports en commun en Île-de-France, l’alternative au transport individuel se développe. De 2020 à 2030, 169 gares et stations RER/métro/Tramway sont créées ou prévues, améliorant notamment les trajets inter-banlieues. À terme, 98 % des habitants de la Métropole du Grand Paris se trouveront à moins de 2 km d’une gare.

De la verdure sur le boulevard

Le tramway, un espace vert sur le boulevard Davout. photo CDD

Enfin, dernier acteur en date, le tramway… Depuis 2012, la ligne T3a du tramway d’Île-de-France emprunte les boulevards des Maréchaux, au sud et au sud-est (du pont du Garigliano à la porte de Vincennes) ; puis, elle est poursuivie, à l’est et au nord-est, par la ligne T3b (de la porte de Vincennes à la porte d’Asnières). Le Tramway a fait disparaître l’ancienne ligne de bus PC (Petite Ceinture), mise en service sur les boulevards des Maréchaux en 1934, suite à la fermeture de la ligne ferroviaire de Petite ceinture.

Une école va porter le nom d’Anne Sylvestre

Anne Sylvestre est décédée le 30 novembre 2020 à l’âge de 86 ans, des suites d’un AVC, et une école portera son nom dans le 20e arrondissement. Cette décision a été prise à la suite du vœu émis le 9 mars 2022 par le Conseil du 20e arrondissement, proposition qui a été ensuite adoptée deux semaines plus tard par le conseil de Paris.

Actuellement, l’école est en cours de construction au 73 boulevard Davout, à l’emplacement de l’ancien studio d’enregistrement Davout. Son ouverture est prévue en 2023.

Nouvelle école dans le 20e

Maquette de la future école et crèche au 73 bld Davout-Mairie 20e

L’occasion nous est ainsi faite de nous rappeler que plusieurs grandes chanteuses ont vécu dans notre arrondissement :

  • Edith Piaf y est née et a commencé sa carrière en chantant dans les rues de Ménilmontant,
  • Barbara a habité au 50 rue Vitruve et
  • Anne-Marie Beugras, dite Anne Sylvestre, a également vécu dans nos quartiers.

Anne Sylvestre est née le 20 juin 1934 à Lyon et passe toute son enfance dans la région lyonnaise, puis à Suresnes avant de venir à Paris. Après plusieurs déménagements, elle s’installe finalement dans le 20e.

L’artiste

Elle est une élève brillante, abonnée aux prix d’excellence, mais, dès qu’on lui a offert sa première guitare, elle abandonne ses études pour la chanson.
Elle fait ses débuts en 1957 dans différents cabarets dont « Les Trois Baudets », où elle chantera jusqu’en 1962.

Son premier disque sort en 1959 et elle se fait très vite remarquer pour son originalité et la grande qualité de ses textes. En 1962 elle chante en première partie à l’Olympia.

Brassens, à qui elle a été souvent comparée, dit d’elle : 
« On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important ».

 

Georges Brassens et Anne Sylvestre en 1962

Anne Sylvestre crée sa propre maison d’édition, publie de nombreux disques alternant des chansons pour enfants et des chansons pour adultes. Elle fera de nombreuses tournées en France et à l’international au cours d’une carrière qui durera plus de soixante ans. Aujourd’hui de nombreux chanteurs continuent à interpréter ses classiques.

La féministe

Elle a souffert du fait que son père avait été le bras droit de Jacques Doriot, fondateur du parti fasciste pro-allemand, puis condamné à la Libération.
Quand son père est sorti de prison, Anne-Sylvestre a quinze ans. Elle se souvient de cet âge-là et le confie dans un entretien au Monde, daté du 11 novembre 2018 :

A l’école, les élèves m’ont mise en quarantaine. Leurs parents leur ont interdit de me fréquenter. Alors, voyez-vous, dans cette [] volonté de revanche, il y a une résurgence de ce que j’ai pu éprouver à l’époque : « O.K., mon père est un traître. Mais je vous emmerde et je serai Prix d’excellence. » Et j’ai été Prix d’excellence.

Ce passé lourd à porter sera pour elle une des raisons de son refus de tout engagement politique.

Enfin pas tout-à-fait : féministe convaincue, elle a notamment lutté pour le droit à l’avortement. Son féminisme est pleinement assumé dans beaucoup de ses chansons, comme le montre en particulier le très beau texte de l’un de ses succès sortis en 1975, « une sorcière comme les autres »:

S’il vous plaît
Soyez comme le duvet
Soyez comme la plume d’oie des oreillers d’autrefois
J’aimerais ne pas être portefaix
S’il vous plaît faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger

Je vous ai porté vivant
Je vous ai porté enfant
Dieu comme vous étiez lourd
Pesant votre poids d’amour
Je vous ai porté encore
À l’heure de votre mort
Je vous ai porté des fleurs
Vous ai morcelé mon cœur

Quand vous jouiez à la guerre moi je gardais la maison
J’ai usé de mes prières les barreaux de vos prisons
Quand vous mouriez sous les bombes je vous cherchais en hurlant
Me voilà comme une tombe et tout le malheur dedans

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Celle qui parle ou qui se tait
Celle qui pleure ou qui est gaie
C’est Jeanne d’Arc ou bien Margot
Fille de vague ou de ruisseau

C’est mon cœur ou bien le leur
Et c’est la sœur ou l’inconnue
Celle qui n’est jamais venue
Celle qui est venue trop tard
Fille de rêve ou de hasard

Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres

Il vous faut
Être comme le ruisseau
Comme l’eau claire de l’étang
Qui reflète et qui attend
S’il vous plaît
Regardez-moi je suis vraie
Je vous prie, ne m’inventez pas
Vous l’avez tant fait déjà
Vous m’avez aimée servante
M’avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez
Vous m’avez aimée putain
Et couverte de satin
Vous m’avez faite statue
Et toujours je me suis tue

Quand j’étais vieille et trop laide, vous me jetiez au rebut
Vous me refusiez votre aide quand je ne vous servais plus
Quand j’étais belle et soumise vous m’adoriez à genoux
Me voilà comme une église toute la honte dessous

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Celle qui aime ou n’aime pas
Celle qui règne ou se débat
C’est Joséphine ou la Dupont
Fille de nacre ou de coton

C’est mon cœur
Ou bien le leur
Celle qui attend sur le port
Celle des monuments aux morts
Celle qui danse et qui en meurt
Fille bitume ou fille fleur

Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres

S’il vous plaît, soyez comme je vous ai
Vous ai rêvé depuis longtemps
Libre et fort comme le vent
Libre aussi, regardez je suis ainsi
Apprenez-moi n’ayez pas peur
Pour moi je vous sais par cœur

J’étais celle qui attend
Mais je peux marcher devant
J’étais la bûche et le feu
L’incendie aussi je peux
J’étais la déesse mère
Mais je n’étais que poussière
J’étais le sol sous vos pas
Et je ne le savais pas

Mais un jour la terre s’ouvre
Et le volcan n’en peux plus
Le sol se rompt, on découvre des richesses inconnues
La mer à son tour divague de violence inemployée
Me voilà comme une vague vous ne serez pas noyé

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Et c’est l’ancêtre ou c’est l’enfant
Celle qui cède ou se défend
C’est Gabrielle ou bien Eva
Fille d’amour ou de combat

Et’ c’est mon cœur
Ou bien le leur
Celle qui est dans son printemps
Celle que personne n’attend
Et c’est la moche ou c’est la belle
Fille de brume ou de plein ciel

Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres

S’il vous plaît, s’il vous plaît faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger

 

Quelques années avant la fin de la vie,  Anne Sylvestre fut attristée par la mort de son petit-fils assassiné au Bataclan le 12 novembre 2015. Il s’appelait Baptiste Chevreau, il avait 24 ans, et c’était un musicien.

Le coup du père François

Casque d’or et le procès Manda

 

Le nom de Casque d’Or reste fortement attaché à notre arrondissement, avec celui des « apaches» de Belleville. Dans le 20e arrondissement, un jardin donnant rue des Vignoles lui a été dédié il y a tout juste 50 ans.

Casque d'Or dans le 20e

Jardin au nom de Casque d’Or en 1972, situé au 14 rue Michel de Bourges-Wikipédia

L’AHAV a déjà abordé l’histoire de Casque d’Or, cette « bad girl », surnommée également la reine des apaches. Cette jeune prostituée fait l’objet d’une rivalité amoureuse violente entre deux « chefs de gang » de nos quartiers, Manda et Leca (parfois écrit Lecca). Une histoire entre « apaches » qui finira par mal tourner.

En effet, il y a tout juste 120 ans, Manda chef des apaches de Belleville (la Courtille, les Orteaux) comparaissait devant la cour d’assise. Surnommé Manda, il s’appelle en réalité Joseph Pleigneur ; il est né en 1876 au 38 rue Ramponneau.

Le 2 février 1902, La police vient l’arrêter comme l’auteur de l’agression commise en plein jour contre Leca -chef de la bande de Charonne- à sa sortie de l’hôpital Tenon.

Manda 24 ans né rue Ramponneau

Photographie d’identité judiciaire de Joseph Pleigneur, dit Manda. le 13 juin 1900

L’arrestation de Manda

Le Matin daté du 3 février 1902 décrit ainsi son arrestation :

Ces jours derniers, Manda jugea prudent de se réfugier à Londres pour échapper aux brigadiers de la sûreté, Harfillard et Treillard, chargés de l’arrêter. Pour son malheur, il rentra en France samedi dernier et alla habiter dans un hôtel meublé situé route de Choisy, au lieu-dit « île Saint-Pierre- à Alfortville, où les policiers ne tardèrent pas à le découvrir.

 Hier après-midi, une cinquantaine d’agents cernèrent l’hôtel et les brigadiers Harfillard et Treillard pénétrèrent, revolver au poing, dans une salle du débit, située au rez-de-chaussée et où Manda jouait tranquillement aux cartes avec quelques amis. En apercevant les agents, il se leva, bondit à la fenêtre, l’ouvrit et sauta dans la cour en criant

À moi, mes enfants, ce sont les « flics » !

À leur tour cinq individus, qui se trouvaient dans le débit, sautèrent dans la cour, mais leur chef était déjà ligoté, et des agents le portaient dans une voiture qui attendait à la porte. Il a été immédiatement conduit au Dépôt et mis à la disposition de M. Le Poittevin, juge d’instruction.

Et c’est ainsi que deux mois plus tard, M. Le Poittevin va signer une ordonnance inculpant Manda de tentative d’assassinat, avec comme complice Louis Heil dit « le Boulanger » et Maurice Ponsard dit « le Petit-Rouquin ».

La criminalité des apaches, par dilettantisme

La médiatisation de ce règlement de comptes entre apaches va prendre une ampleur nationale. Mais d’où vient ce surnom d’apaches, phénomène parisien… pourtant aussi intemporel que national et international ?

Il faut savoir qu’au tout début du 20ème siècle, la mode est à l’américaine et la presse de la France entière surnomme ainsi nos bandes de jeunes délinquants des quartiers parisiens. Mieux encore pour la réputation de nos quartiers, l’écrivain journaliste Henry Fouquier les décrit ainsi dans le journal le Matin daté du 12 décembre 1902 : « Nous avons l’avantage de posséder, à Paris, une tribu d’Apaches dont les hauteurs de Ménilmontant sont les Montagnes rocheuses. »

Les apaches, un filon pour la presse

Paris aux apaches, in Les Faits divers illustrés 17 octobre 1907-BnF

Mais là plus précisément, il s’agit surtout d’une guerre interne pour savoir à qui « appartiendra » Casque d’Or : son souteneur historique Manda dont elle est amoureuse ou son nouvel amant Leca depuis qu’elle a su être trompée par Manda ?

Les rivaux sont tous les deux chefs de bande et en 1902, une confrontation violente et répétée va naître entre Manda de Belleville et Leca de la « bande des Popincs » (Popincourt dans le 11e). Manda va multiplier les tentatives d’assassinat contre Leca.

Celles-ci aboutiront le 5 janvier par une fusillade rue d’Avron devant la porte d’un bar. Leca blessé par deux balles va aller à l’hôpital Tenon faire soigner son bras et sa cuisse.

Le 9 janvier Leca sort de l’hôpital, et rue de Bagnolet un peu avant le croisement de la rue des Pyrénées, il subit une nouvelle agression au couteau par Manda et un de ses lieutenants  : le voilà à nouveau de retour à l’hôpital Tenon, dans la salle Montyon une heure à peine après l’avoir quittée. C’est cette dernière tentative d’assassinat qui va aboutir au procès.

Manda attaque Leca

Casque d’Or et le 9 janvier 1902, pelle Stark à l’angle des rues des Pyrénées et de Bagnolet

Le procès de Manda

Manda va comparaitre les 30 et 31 mai 1902 devant la 4ème cour d’assises de la Seine, sous l’inculpation de deux tentatives d’homicide, un procès assidument suivi par la presse nationale.

Au moment de son procès avec ses acolytes, Manda a déjà un casier judiciaire : il a été interné de 16 à 20 ans dans une maison de correction, puis une fois adulte il est condamné cinq fois pour vol et « vagabondage spécial », expression qui désigne le proxénétisme au 19ème siècle.

À l’écoute de ce rappel des faits, il répond :

— Ce sont des erreurs, huit jours de prison pour un sou que j’avais pris par mégarde, et quatre mois pour avoir rossé un agent… oui, mais jamais je n’ai vécu de la prostitution de ma maîtresse !

— Amélie, a-t-il murmuré, ne me donnait que vingt sous de temps en temps pour mon tabac. C’est pourtant pas défendu de vivre avec une fiIle.

— Non, a répondu le président ; ce qui est défendu, c’est de recevoir son argent. S’il fallait poursuivre tous ceux qui vivent avec des filles, ce ne serait pas possible, il y en aurait trop. (Éclats de rires.)

Il nie par ailleurs être un chef de bande.

Manda meurt en 1936

Le soir 13 octobre 1937, après la mort de Manda : les souvenirs du commissaire Lefevre

Le président— Quoi qu’il en soit, une haine mortelle est née entre Leca et vous. Vous avez pris la résolution de tuer votre rival. Et les hostilités ont commencé le 30 décembre 1901…

— Casque d’Or, dit le président, était allée chercher (Lecca) avec une voiture à l’hôpital…Tout à coup, vous paraissez, Manda, vous bondissez sur le marchepied ; votre bras armé d’un couteau entre dans la voiture et frappe : Lecca reçoit un coup en pleine poitrine qui lui traverse le poumon, et Herbs, qui était sur le strapontin, est blessé deux fois

Manda. — C’est le hasard qui a fait tout cela. Nous ne savions pas que Lecca allait sortir de l’hôpital à ce moment-là. Je ne suis pour rien dans ces coups de couteau.

Malheureusement, les faits sont là et s’ajoutent aux précédents : Lecca croit qu’il va mourir et a dit tout à son père.

—Il avait dit tout ça dans un mouvement de fièvre ! essaie de soutenir Manda.

— Non, fait le président ; il croyait qu’il allait mourir, à l’hôpital, et il a déclaré à son père : « Père, c’est Manda qui m’a tué. Il m’a tiré les deux coups de revolver et donné le coup de couteau. Venge-moi ! »

—Il a menti ! s’écrie Manda.

— Les autres auraient-ils tous menti ? Ils ont, au début de l’instruction, unanimement accusé Manda.

— Je le sais bien, reconnaît l’accusé, tout est contre moi, je l’avoue ! Mais ce n’est pas une raison pour que je l’aie frappé.

Casque d’Or à la barre

Au moment du procès, Manda a 26 ans et celle que tout le monde attend à la barre, c’est Amélie Élie dite « Casque d’Or », âgée alors d’à peine 24 ans ; elle se présente comme fleuriste.

Le Clairon, le Radical du 1er juin et le Réveil du 4 juin 1902 se complètent pour nous rapporter son témoignage devant le président du tribunal :

Les apaches devant le jury

Le Clairon du 1er juin 1902

—  Vous faisiez vivre Manda ? lui demande le président.

— C’est-à-dire, répond-elle, qu’il travaillait, que je travaillais ; nous mettions notre argent en commun.

— Pourtant, vous lui avez envoyé de l’argent quand il a été arrêté ?

— Je lui ai envoyé de l’argent, quand il était en prison, parce que je pensais qu’il était malheureux. Moi aussi, je suis malheureuse quand je suis en prison.

— À quoi travaillait-il ?

— À rien, murmure Casque d’Or.

 — Et vous, vous alliez dans les maisons de rendez-vous ?

— Oui.

— Vous payiez le loyer ? Vous lui donniez des pièces de cent sous, de quarante sous ?

— Oui.

— Dites-nous pourquoi et comment vous 1’avez quitté ?

Voilà, fait Casque d’Or, dont la voix s’éclaircit et la bouche sourit :

Lecca avait une maîtresse ; j’ai appris que Manda avait couché avec elle ; alors j’ai proposé à Lecca de venir avec moi. Et il est venu !

À l’issue de son procès qui passionne l’opinion publique, le 1er juin 1902 Manda est condamné à perpétuité au Bagne de la Guyane française. Sa peine est commuée à 20 années de réclusion. Il sera libéré en 1922 mais sans le droit de retourner en Europe. Il mourra sur place en 1936, à l’âge de 60 ans et sera enterré à Cayenne. Casque d’Or décédera à Bagnolet en 1933 à l’âge de 55ans.

1962, de Charonne au Père Lachaise

60 ans se sont passés depuis les accords d’Évian du 18 mars 1962 qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, prélude à son indépendance. La France était alors plongée dans une série d’attentats et de manifestations.

Le mois précédent ces accords, un drame devenu tristement célèbre a eu lieu au métro Charonne : le 8 février 1962, 250 manifestants sont blessés et neuf tués -dont un journaliste de l’Humanité- par la police sous les ordres du préfet Papon. Les neuf victimes ont été étouffées contre les grilles fermées du métro.

Les 9 morts du métro Charonne

Une pleine page sur les victimes du 8 février 1962

Plusieurs organisations politiques et syndicales viennent de commémorer le 60ème anniversaire de cette tragédie. À Paris, il s’agit principalement du PCF (huit militants sur les 9 morts étaient communistes), de la CGT (tous les 9 en étaient membres), du PS et de la Ligue des Droits de l’Homme. Une exposition lui est également dédiée devant la mairie du 11e arrondissement.

60ème anniversaire de Charonne

Présentation de l’exposition Charonne devant la mirie du 11e. PG

Par ailleurs, le préfet de police, Didier Lallement, est venu officiellement fleurir la sépulture collective du Père-Lachaise au nom du président de la République. « C’est la première fois qu’un président de la République rend hommage aux victimes de Charonne » souligne l’historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d’Algérie.

 

Tombe des victimes de Charonne

Tombe des victimes de Charonne le 22 février 2022. PG

Gerbe pour la tombe des victimes de Charonne en 2022

Gerbe du président de la République le 8 février 2022. Site de l’Élysée

Le 8 février 1962 au métro Charonne

La manifestation de « défense républicaine » du 8 février a été organisée en réaction à une série d’attentats commis la veille par l’OAS (180 plasticages en deux mois) et qui bouleversent les parisiens. Cette manifestation est interdite comme les précédentes et se termine par une « tuerie », mot repris plus tard par Alain Dewerpe, lui qui avait 10 ans au moment où sa mère Fanny Dewerpe est tuée sur place ce jour-là.

Alain Dewerpe est devenu historien et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). À l’issue de nombreuses recherches documentaires (fonds du ministère de l’Intérieur et de la préfecture de police), il en arrive à conclure que les morts du métro Charonne ne sont pas le résultat d’une « bavure » ou d’un « dysfonctionnement ». D’où le titre explicite de son livre : « Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État ».

Enterrement des victimes de Charonne en 1962

13 février 1962, le cortège à l’enterrement au Père Lachaise. Photo prise à l’angle du boulevard de Ménilmontant et de l’avenue de la République

Les obsèques des neuf victimes au Père Lachaise

Le 10 février 1962, le journal Le Monde titrera : Le plus sanglant affrontement entre policiers et manifestants depuis le 6 février 1934.

Le 13 février 1962, une grève générale de protestation et de solidarité avec les familles des victimes paralyse le pays. Les obsèques des 9 victimes ont lieu ce jour-là au Père Lachaise, avec un cortège évalué en centaines de milliers de personnes. Sur la pierre tombale, le nom des morts y est gravé, surmonté de l’inscription suivante : « À la mémoire des victimes du 8 février 1962 ».

 

Colloque sur Sainte-Geneviève, patronne de Paris

 

Avec un an de décalage du fait du Covid, Paris commémore le 16e centenaire de la naissance de sainte Geneviève, soit de 420 à 2020.

Sainte Geneviève et le 20e arrondissement

Sainte Geneviève est liée à l’histoire du 20e arrondissement : ce samedi 16 octobre 2021, à l’occasion de la visite guidée du village de Charonne, Philippe Dubuc (membre du Bureau de l’AHAV) nous l’a rappelé devant l’église Saint-Germain de Charonne.

La mémoire (ou la légende ?) nous rapporte cette rencontre de Germain l’auxerrois qui bénit Geneviève enfant à Charonne vers 430. Celle-ci deviendra plus tard la protectrice de Lutèce. Cet évènement nous laissera en héritage l’église Saint Germain de Charonne.

Sainte Geneviève en trois jours et trois lieux

À son sujet, le colloque proposé par le Comité d’histoire de la Ville de Paris et le diocèse a pour titre :

 

SAINTE GENEVIÈVE. HISTOIRE ET MÉMOIRE (420 – 2020)

 

Il a lieu les 3, 4 et 5 novembre 2021 sur différents espaces : à la Sorbonne, au Collège des Bernardins et à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avec la participation de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Toutes les précisions sur ce riche programme se trouvent en cliquant ici.

 

SAinte Geneviève et le 20e

Geneviève et Saint Germain l’auxerrois, illustration du colloque sur sainte Geneviève

Le village de Charonne, visite guidée

L’ancien territoire de Charonne est englobé dans le 20e arrondissement depuis 1860. Il a été très majoritairement transformé en un quartier populaire. Pourtant, de son histoire depuis le moyen-âge, il nous reste encore aujourd’hui bien des traces de sa vie passée. Les quelques maisons de campagne, l’église Saint-Germain, et le quartier St-Blaise en sont les témoins.

Philippe Dubuc, du Bureau de l’AHAV, vous montrera le chemin

  • samedi 16 octobre prochain à 15h

La rue Saint Blaise, avec au fond l’église Saint Germain de Charonne. PHD

Cette visite gratuite est réservée aux adhérent-e-s. Vous pouvez adhérer en ligne puis vous y inscrire en cliquant tout en bas à droite de cet article. Vous recevrez confirmation en retour, avec le lieu de rendez-vous.

  • Samedi 16 octobre 2021 à 15h00

 

Mairie 20e  réaménagement de Python Duvernois

La une du dossier de la Mairie 20e sur le réaménagement de Python Duvernois

 

Python-Duvernois, de son origine à son futur

 

Dans son dossier particulièrement bien détaillé du 9 septembre dernier, la mairie du 20e nous retrace l’ensemble du projet de réaménagement de la cité Python-Duvernois avec son chronomogie depuis 2010.

L’auteur nous rappelle que « le secteur est inscrit dans un Quartier Politique de la Ville depuis 2004 et est classé en Zone de Sécurité Prioritaire depuis 2013 ». Les travaux doivent débuter ces prochains mois pour se terminer en 2028, suivant un calendrier précis, découpé par année dans cet article.

L’occasion pour nous de rappeler notre article paru le 7 février dernier, : celui-ci en rappelle plus globalement la création de la cité Python-Duvernois et l’origine de son nom. Pour lire cet article, cliquez sur l’image ci-dessous.

Projet de rénovation de la cité Python-Duvernois

Projet de rénovation de la cité Python-Duvernois