Molière et ses statuettes

Cette année 2023 correspond au 450ème anniversaire de la mort de Molière, décédé le 17 février 1673 et enterré le 21 février suivant.

À cette occasion, nous reproduisons ci-dessous notre article paru le 19 janvier 2022, et qui aborde son parcours pour le moins mouvementé après sa mort.

__________________

Molière enterré, un parcours en 4 actes

 

400 ans après sa naissance, la mémoire de Molière -mort à 51 ans- est toujours bien présente dans notre vie publique. La Comédie-Française est appelée communément la Maison de Molière, l’ancien billet de 500 NF est à son effigie, chaque année les Molières récompensent le monde du théâtre… et actuellement la Poste et la Monnaie de Paris lui rendent hommage.

Molière sur le billet de banque

Molière sur le billet de 500 nouveaux francs en 1964

Aujourd’hui encore, avec celle de La Fontaine à ses côtés, la sépulture de Molière fait partie des tombes du Père Lachaise les plus visitées. Du point de vue patrimonial, sa tombe est protégée par un arrêté ministériel du 21 mars 1983, mais quel parcours avant d’en arriver là !

 

Le comédien et l’église

Tout d’abord au moment de sa mort, l’église entre en scène. Depuis le concile d’Elvire, en Espagne au IVe siècle, elle refuse aux comédiens le droit d’être enterré chrétiennement. Le concile mettait alors au même niveau l’acteur et la prostituée.

C’est dans ce contexte religieux toujours respecté en France que le 17 février 1673 à Paris, rue de Richelieu, Molière demande à ses proches un prêtre pour recevoir les derniers sacrements. Deux d’entre eux -les abbés Lenfant et Lechat- refusent de se déplacer pour un comédien et le troisième arrive trop tard, alors que vers 22h Molière vient de mourir.

Les conditions de l’enterrement de Molière

Pas de confession, pas de sacrement : quid de son enterrement ? Molière faisait partie de la paroisse Saint Eustache et son curé va refuser en conséquence son inhumation chrétienne. Alors sa veuve, Armande Béjart, intervient en écrivant à l’archevêque de Paris, puis en allant voir Louis XIV.

Molière, 1er lieu d'enterrement

Le cimetière rue du Croissant, premier lieu d’inhumation de Molière. Wikipédia

Elle finira par obtenir son enterrement dans le cimetière de la chapelle de Saint-Joseph (attachée à la paroisse Saint-Eustache) accompagné par deux prêtres, mais de nuit et sans cérémonie. Trois ecclésiastiques ont placé Molière dans une bière en bois et c’est ainsi que Molière sera enterré le 21 février 1673.

 

Les différents transferts du corps

À peine inhumé vers 21h, conformément aux vœux du roi et dans les conditions prescrites par l’archevêque, tout conduit à penser qu’ensuite son corps a été déplacé. Où exactement ? Dans la partie non consacrée du même cimetière, celle réservée aux suicidés et aux enfants mort-nés.

Marie-Christine Pénin, historienne et spécialiste des lieux de sépulture, nous en donne toutes les précisions dans son article sur la mort et les transferts de Molière. Elle nous rapporte ensuite plus particulièrement, l’aventure malheureuse en 1792 des restes supposés de Molière et La Fontaine. Il se trouve que les squelettes des deux personnages sont réunis au musée des Monuments français et :

« plusieurs éléments concordent pour penser qu’à un moment les deux squelettes, sortis de leur caisse, (ont été) réintégrés dans le désordre ».

Ils seront transférés ainsi 25 ans plus tard au cimetière du Père-Lachaise.

 

Tombe de Molière dessinée en 1875

La Fontaine et Molière au Père-Lachaise en 1875. Dessin de Deroy

 

L’arrivée au Père Lachaise

En effet, au moment où le musée des Monuments français doit fermer ses portes en 1816, notre cimetière de l’Est parisien (créé en 1804 hors de Paris), est en déficit de notoriété et surtout de fréquentation. L’opportunité est donc là pour le musée de se défaire des deux prestigieuses caisses et permettre au Père Lachaise de faire sa publicité en y intégrant nos deux célébrités.

Le Journal de Paris daté du 28 février 1817 transcrit ainsi cette décision :

S. Exc. le ministre de l’intérieur a chargé M. le préfet, de la Seine de faire retirer du jardin attenant à ces bâtimens les deux sarcophages qui renferment les restes de Lafontaine et de Molière, et de les transférer dans le cimetière qui a remplacé celui de Saint-Joseph. Le préfet a pris des dispositions pour que ce transport s’effectue avec tous les égards religieux dus à la mémoire de ces hommes célèbres. Ces monuments seront placés dans le cimetière du Père Lachaise, et dans l’endroit le plus convenable à recevoir les mausolées de deux de nos plus grands poètes.

 

L’endroit retenu se situe à la 25ème division, dans la partie romantique du cimetière. Cette partie sera ensuite classée comme site remarquable au titre de la loi du 2 mai 1930 sur les Monuments naturels et les sites, précisée plus tard par arrêté ministériel du 17 décembre 1962.

En 1817, nous sommes sous la Restauration, et avec Louis XVIII l’influence de l’Église est de retour. Dans cet esprit, on pouvait lire dans le journal La Quotidienne daté du 11 mars 1817 :

La translation des cendres de ce grand homme occupe tous les esprits jaloux de la gloire nationale, et ses restes enlevés à une sépulture profane vont recevoir dans le cimetière du père Lachaise les honneurs funèbres de l’église.

Et c’est ainsi que le dernier voyage d’outre-tombe de Molière a lieu le 6 mars 1817, avec sa place définitive le 2 mai 1817 telle que nous la connaissons aujourd’hui : sa sépulture réunie avec celle de La Fontaine et entretenue par les jardiniers de la Ville de Paris.

___________________________________________________________________

Sépulture de Molière au Père Lachaise en 2022

Sépulture de Molière en janvier 2022-PG

L’inscription sur son tombeau date de 1818

Ossa L.B. (JB) Poquelin Moliere Parisini, comoediae principis, hic translata et condita anno salutis MDCCCXVII curante urbis praefecto comite Guilberto Chabrol de Volvic. Obiit anno salutis MDCLXXIII aetatis LI

Traduction en français : les ossements de JB (Jean-Baptiste) Poquelin Molière de Paris, prince de la comédie, transférés et inhumés ici l’an du salut 1817 sous le préfet de la ville Gilbert comte Chabrol de Volvic. Il mourut l’année du salut 1673 à l’âge de 51 ans. 

 

Vrai et faux sur la fin de Molière

La mort de Molière, panneau de la BNF Richelieu, exposition jusqu’au 15 janvier 2023-PG

___________________________________________________________________

À écouter sur France Inter, l’émission L’INVITÉ DU WEEK-END du samedi 15 janvier 2022 :

400e anniversaire du baptême de Molière : « Il a été l’ancêtre des stand-uppers » selon Georges Forestier

23 mn avec Georges Forestier, historien de la littérature et biographe de Molière, Éric Ruf administrateur de la Comédie Française et et Philippe Collin, producteur des podcasts « Molière, le chien et le loup ».

Premier escalator à Paris

L’escalator du métro Père Lachaise, une première

le 14 mars 2023, La RATP « met en ligne » un service nouveau : la connaissance en direct de l’état des ascenseurs, des escalators et des trottoirs roulants : https://www.ratp.fr/node/3581

L’occasion de nous intéresser plus particulièrement au premier escalator installé dans le métro.

Le 25 février 1909, une grande première à la station Père Lachaise

La station Père Lachaise est en effet la première station du métro parisien à bénéficier d’un escalier mécanique, inauguré il y a 114 ans, et plus précisément le 25 février 1909.

Le Figaro daté de ce jour-là nous en restitue l’événement, en attribuant, pour le moins un peu rapidement, l’invention de l’escalator à l’ingénieur chargé de son installation :

Dans quelques jours on inaugurera, à la station métropolitaine du Père-Lachaise, un escalier mécanique qui recevra les voyageurs à la descente des trains et, sans secousse ni fatigue, les déposera à la sortie du métropolitain. Ce nouveau système est dû à M. Hocquart, ingénieur des arts et métiers et de l’École centrale. L’escalier, composé de 64 marches, dont 30 seulement sont apparentes, sera toujours en marche, fera gravir aux voyageurs deux étages en 25 secondes et pourra transporter 5000 voyageurs à l’heure.

Le préfet de police, M. Lépine, accompagné du directeur et des hauts fonctionnaires du métropolitain, ainsi que du commandant Cordier, du régiment des sapeurs-pompiers, s’est rendu à la station du Père-Lachaise et s’est fait transporter par le moyen du nouvel escalier, du fond du souterrain jusqu’à la sortie. M. Lépine a vivement félicité la Compagnie et M. Hocquart, dont l’invention rendra bientôt de singuliers services à la population parisienne.

Une invention datant de plus de 130 ans

 

Photo de Jesse W. Reno, inventeur de l’escalier mécanique

Quand il était étudiant à l’université de Lehigh, l’ingénieur américain Jesse Wilford Reno (1861-1947) devait monter 300 marches pour rejoindre le lieu d’une association dont il était membre.

D’un caractère très inventif, il imagine, en 1891, le premier escalator qu’il va appeler «l’ascenseur incliné». Il fait breveter son invention le 15 mars 1892 et la première construction est installée comme attraction dans le parc de Coney Island de New York.

 

Dessin de l'escalator en marche

Le premier escalator à Coney Island

Elle consiste alors en un escalier mobile qui élève les passagers sur un tapis roulant à un angle de 25 degrés. L’escalier mécanique, installé à l’Exposition de Paris de 1900, a remporté le premier prix.

Quant à l’escalator tel que nous le connaissons aujourd’hui, il a été conçu par un autre inventeur américain, Charles Seeberger (1857-1931). En collaboration avec la société Otis Elevator, le premier escalier mécanique commercial en 1899 est construit à l’usine New Yorkaise d’Otis.

Charles Seeberger a créé le nom « escalator » à partir du mot « scala », qui signifie marches en latin et du mot « ascenseur » ; en 1910, Charles Seeberger vend son brevet à la société Otis Elevator qui achète également l’année suivante le brevet de Jesse Reno. Otis domine alors, et pendant longtemps, la production des escaliers mécaniques et en améliore ses différents modèles.

inventeur du mot Escalator

Charles D. Seeberger

Confort et sécurité : la solution technique

À l’origine, les premiers modèles font massivement usage de bois. Toutefois, à l’occasion d‘un incendie dans le métro de Londres, on se rend compte que les escalators peuvent provoquer un embrasement général, ce qui va conduire à l’abandon de l’utilisation du bois.

Tout a été pensé pour le confort et la sécurité des utilisateurs et, sur certains modèles, les personnes transportées étaient assises, mais cette idée sera vite abandonnée.

Il est bon de souligner en pratique que grâce à son mécanisme constitué par des marches articulées, le départ d’un escalator est d’abord horizontal pour permettre une bonne stabilisation des passagers et de leurs bagages éventuels. Il va ensuite s’incliner en une courbe jusqu’à 30 degrés, avec deux rampes de maintien gauche et droite, appelée « main courante ».

Aujourd’hui, certains escalators sont dotés d’un détecteur de présence, permettant ainsi, en cas de non-utilisation, à ce que l’escalateur tourne au ralenti ou s’arrête, puis redémarre progressivement à l’arrivée d’un nouveau passager.

Le plus long escalier mécanique serait un escalier extérieur en quatre parties, situé dans un parc d’attraction à Hong Kong. Il mesure 227 mètres, pour un dénivelé de 115 mètres, soit l’équivalent de 38 étages.

Plan de l'Escalator

Escalator, le modèle présenté à l’Exposition universelle de 1900

 

Les escaliers mécaniques dans le métro parisien

A Paris, les escaliers mécaniques ont plus particulièrement été installés à partir des années 1970 quand les travaux étaient facilement réalisables, mais plus de cent stations de métro n’ont ni ascenseur ni escalator. L’accessibilité du métro de Paris reste donc médiocre ou impossible pour les personnes handicapées, les personnes avec une poussette ou chargées de bagages et les personnes âgées.

Seule la ligne 14 (9 stations) peut être empruntée par des personnes en fauteuil roulant. Par comparaison, l’accessibilité est assurée dans 71 des 270 stations du métro londonien. La loi de 2005 sur le handicap ne fixe aucune date limite pour l’accessibilité du métro du fait de travaux difficiles sur les lignes anciennes.

En fait, rendre les 309 stations du métro accessibles à tous reviendrait à plusieurs milliards d’euros et dans beaucoup de cas serait techniquement difficile, en conséquence la RATP ne se presse pas de faire ces travaux. L’accessibilité est en revanche pleinement intégrée aux critères de conception des nouvelles stations.

Paris reste donc l’une des grandes villes du monde où le réseau de métro est le moins accessible, loin derrière les modèles que sont Los Angeles ou Washington (100 % d’accessibilité) d’une construction pour autant plus récente.

Dans notre métro historique, « on ne peut pas faire en six ans et demi ce qui n’a pas été fait en 100 ans » souligne Lambis Konstantinidis, responsable des sujets paralympiques à Paris 2024.

Indispensable pour nous au quotidien, La RATP est aussi partie prenante d’une destination incontournable pour les touristes et les congrès.

Le métro par Hector Guimard

Le métro Père Lachaise en 2023-PG

Père-Lachaise avant le Panthéon ?

En ce 8 mars 2023, Emmanuel Macron doit présider à 14 heures au Palais de Justice un hommage national à Gisèle Halimi. Pour mémoire, sa pathéonisation reste  toujours  en suspend depuis ces deux dernières années. L’initiative actuelle du président de la République était prévue à l’origine dès 2020.  Elle avait été repoussée, mise en cause dans sa forme. Elle fait actuellement l’objet de divisions quant à l’opportunité du moment et les différents rebondissements qui l’ont précédé. 

 

L’article particulièrement documenté,  lisible sur Franceinfo ce 8 mars, nous en fournit toutes les précisions. L’occasion pour nous de reproduire notre article sur Gisèle Halimi et le procès de Bobigny, paru le 5 octobre 2022.

 

_______________

 Bobigny, automne 1972, le procès qui a tout changé

 

Au moment où la Cour Suprême des Etats-Unis, en révoquant le droit constitutionnel à l’IVG, nous rappelle que les droits des femmes ne sont jamais définitivement acquis, faisons retour sur le procès de Bobigny qui s’est tenu il y a tout juste 50 ans, à l’automne 1972.

Cinq femmes y ont été jugées pour pratique et complicité d’avortement. Ce procès, dont la défense fut brillamment assurée par l’avocate Gisèle Halimi (enterrée au Père-Lachaise), eut des retentissements énormes et contribua à faire considérablement évoluer les esprits.

Les faits

Marie-Claire, 16 ans, enceinte à la suite d’un viol, refuse de garder l’enfant et demande à sa mère de l’aider. Michèle Chevalier, qui élève seule ses trois filles, est une modeste employée de la RATP, qui gagne 1 500 francs par mois.

Un avortement pratiqué par un médecin français agissant « discrètement » coûte alors 4 500 francs, soit trois mois du salaire de Mme Chevalier. C’est hors de ses moyens et elle décide de recourir à ce qu’on appelait alors une « faiseuse d’anges ». Finalement, l’intervention est pratiquée clandestinement pour 1 200 francs.

Quelques semaines plus tard, le violeur de la jeune fille, soupçonné d’avoir participé à un vol de voitures, est arrêté par la police. Et, espérant se dédouaner, il dénonce Marie-Claire. La police se rend alors chez Mme Chevalier et la menace de prison pour elle et sa fille si elle n’avoue pas. Marie-Claire, sa mère et les trois femmes qui les ont aidées sont mises en examen.

Le procès de la loi de 1920

En ce début des années 1970, en matière d’avortement, la France vit encore sous le régime de la loi du 31 juillet 1920 qui désigne le crime d’avortement comme passible de la cour d’assises. Depuis 1967, avec l’adoption de la loi Neuwirth, la contraception, enfin autorisée, est sortie du champ répressif, mais l’avortement en revanche reste hors-la-loi. Même si les tribunaux se montrent plus cléments dans les peines prononcées, les procès demeurent monnaie courante.

L’avocate Gisèle Halimi accepte de défendre les cinq inculpées. Avec Simone de Beauvoir, alors présidente de l’association féministe Choisir la cause des femmes, elles décident de mener un procès politique dénonçant l’avortement, sa répression et l’injustice sociale découlant de celle-ci : loin de reconnaître une culpabilité, la défense attaquera l’injustice de la loi de 1920. Les Françaises aisées se font avorter à l’étranger, dans des pays où l’avortement est légal comme la Suisse ou la Grande-Bretagne, tandis que les autres doivent le faire en France dans le secret et dans des conditions mettant souvent leur santé en danger.

Conférence de presse Gisèle Halimi tribunal de Bobigny

Gisèle Halimi devant le tribunal de Bobigny

Marie-Claire étant mineure, elle est jugée devant le tribunal pour enfants de Bobigny, à huis clos, le 11 octobre 1972. Gisèle Halimi évoque la foule qui, alors qu’elle plaidait, scandait à l’extérieur des slogans comme « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres ! ». Une manifestation du Mouvement de libération des femmes (MLF) et de Choisir a été brutalement réprimée par la police quelques jours plus tôt. La presse, témoin des brutalités, lui donne un large écho et on commence à parler du procès de Bobigny.

343 "salopes" pétitionnaires

Le manifeste des 343, histoire d’un combat

Après le huis clos du procès, le jugement est rendu en audience publique. Marie-Claire est relaxée, comme ayant souffert de « contraintes d’ordre moral, social, familial, auxquelles elle n’avait pu résister ». Pour Gisèle Halimi, « c’était à la fois courageux, tout à fait nouveau sur le plan de la jurisprudence et suffisamment ambigu pour que tous les commentaires puissent aller leur train ».

Pour le second volet du procès (les adultes), l’audience se tient le 8 novembre 1972, toujours à Bobigny. Des centaines de manifestants, dont des célébrités aussi diverses qu’Agnès Varda ou Aimé Césaire, se pressent dehors. A la barre, c’est un défilé de personnalités : Simone de Beauvoir, le prix Nobel de médecine Jacques Monod… Le professeur Paul Milliez, médecin et catholique fervent, déclare que, dans une telle situation, « il n’y avait pas d’autre issue honnête ». Mais le clou, c’est la plaidoirie de Maître Halimi, une plaidoirie magistrale – souvent même qualifiée d’« historique ».

La victoire est éclatante. Michèle Chevalier est finalement condamnée à une amende de 500 francs avec sursis et les autres femmes sont relaxées.

Apparition des personnalités publiques

Procès de Bobigny au moment du verdict

Qu’a changé le procès de Bobigny ?

On s’en souvient, le procès de Bobigny a suscité de nombreux débats. Le lendemain du procès, France-Soir publie à sa « une » la photo du professeur Milliez avec en titre « J’aurais accepté d’avorter Marie-Claire… ». Des centaines d’articles, de flashes ou d’émissions sur les chaînes de radio et de télévision sont consacrées à l’affaire. Le greffe de Bobigny reçoit dans les jours qui précèdent le procès, des lettres, pétitions et télégrammes demandant la relaxe des inculpées. Le ministre de la Santé publique, ancien garde des Sceaux, le très rigoriste Jean Foyer, s’insurge dans Ouest France : « Si on admet que l’avortement est une chose normale et licite, il n’y a plus de raison de s’arrêter… et il n’y a pas de raison pour qu’on n’en arrive pas aux extrémités qu’avec juste raison on a considérées comme étant les plus odieuses sous le régime hitlérien. » Le Figaro fait sa « une » sur « l’avortement en question ».

Le 9 janvier 1973, le président de la République Georges Pompidou, questionné sur l’avortement lors d’une conférence de presse, admet, tout en déclarant que personnellement l’avortement le « révulse », que la législation en vigueur est dépassée. Il demande l’ouverture d’un débat sur la contraception et l’avortement avec les représentants de la société.

Le mouvement Choisir la cause des femmes publie juste après le procès, en édition de poche, Avortement. Une loi en procès. L’affaire de Bobigny. Ce livre est une transcription intégrale de l’audience. En quelques semaines et sans publicité, plus de 30 000 exemplaires sont vendus.

Le retentissement médiatique du procès de Bobigny est considérable. Il a contribué à accélérer l’évolution des mentalités et des mœurs qui aboutit, en France, à la loi du 17 janvier 1975, dite Loi Veil, sur l’interruption volontaire de grossesse.

Et l’avortement en France aujourd’hui : on en est où ?

Selon les données du ministère des Solidarités et de la Santé, en 2018, 224 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France, dont 209 500 auprès de femmes résidant en métropole.

Le taux de recours s’élève à 15 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans en métropole et à 27,8 dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), son niveau le plus élevé depuis 1990. Les femmes de 20 à 29 ans restent les plus concernées, avec 27 IVG pour 1 000 femmes sur l’ensemble du territoire. L’indice conjoncturel d’avortement atteint 0,56 IVG par femme en 2018.

"A qui appartient le ventre de cette femme ?"

Affiche du MLF vers 1971

Les écarts régionaux perdurent, les taux allant du simple au double selon les régions : de 10,9 IVG pour 1 000 femmes en Pays de la Loire à 22 IVG en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans les DROM, ils sont plus élevés et atteignent jusqu’à 38,5 en Guadeloupe. 55 800 IVG ont été réalisées hors d’une structure hospitalière, soit 25% du total des IVG. À l’hôpital, la part des IVG instrumentales continue de décroître et s’élève à 40%, soit 30% du total des IVG.

Gisèle Halimi, une figure de la lutte pour les droits des femmes

Née en 1927, à La Goulette (Tunisie), et décédée le 28 juillet 2020, à Paris, Gisèle Halimi a été avocate, militante féministe et femme politique. Elle a trouvé sa dernière demeure au cimetière du Père-Lachaise (49e division).

Avocate, à partir des années 1950, elle défend des militants de l’indépendance algérienne, dont des membres du Front de libération nationale (FLN). À partir de 1960, elle assure la défense de l’activiste et militante Djamila Boupacha, accusée de tentative d’assassinat puis torturée et violée en détention.

Gisèle Halimi au moment du procès de Bobigny

Figure du féminisme en France, elle est la seule avocate signataire du « Manifeste des 343 », publié par Le Nouvel Observateur en avril 1971, qui réunit des femmes, célèbres ou non, déclarant avoir déjà avorté et réclamant le libre accès à l’avortement. Dans la foulée, elle fonde le mouvement Choisir la cause des femmes, avec Simone de Beauvoir et Jean Rostand. En 1972, au procès de Bobigny, son action comme avocate de femmes accusées d’avortement illégal permet l’acquittement de trois des accusées et un sursis pour la quatrième, et contribue à l’évolution des esprits vers la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, en 1975.

De même, sa défense médiatisée de deux femmes victimes d’un viol collectif, jugé en 1978, contribue à l’adoption d’une nouvelle loi en 1980, distinguant clairement l’attentat à la pudeur et le viol et permettant de reconnaître ce dernier comme un crime (au lieu d’un délit comme il l’était auparavant en droit français).

Proche de François Mitterrand, elle est députée en 1981-1984. Militant pour la parité en politique, elle obtient en 1982 le vote d’un article de loi autorisant des quotas par sexe aux élections (annulé par le Conseil constitutionnel). Avec Robert Badinter, elle est à l’origine de la loi abrogeant la distinction de la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels. À partir de 1985, elle occupe plusieurs fonctions successives à l’UNESCO, puis à l’ONU. Elle est en outre l’une des fondatrices de l’association altermondialiste ATTAC, en 1998.

Pour en savoir plus :

Gisèle Halimi, préface de Simone de Beauvoir, Le procès de Bobigny : Choisir la cause des femmes, Gallimard, nouvelle édition 2006, avec un texte inédit de Marie-Claire Chevalier.

Jean-Yves Le Naour, Catherine Valenti, Histoire de l’avortement, XIXe-XXe siècle, Paris, Aubier, 2003.

Catherine Valenti, Bobigny : Le procès de l’avortement, Paris, Larousse, 2010.

Le Manifeste des 343 : https://www.nouvelobs.com/societe/20071127.OBS7018/le-manifeste-des-343-salopes-paru-dans-le-nouvel-obs-en-1971.html

Le 20e arrondissement en deuil de Jean-Michel Rosenfeld (1934-2023)

Jean-Michel Rosenfeld a quitté ce monde le 4 mars 2023, à la veille de son anniversaire. Par sa vie, son histoire personnelle, ses engagements et les valeurs morales et philosophiques auxquelles il croyait et qu’il défendait, il était étroitement lié à notre arrondissement et il restera dans nos mémoires.

Nous garderons de lui le souvenir d’un homme d’action, un homme engagé avant tout, et pourtant si simple, si proche des gens, toujours souriant et courtois, un homme modeste au regard des fonctions politiques qu’il a assumées : chargé de mission auprès du Premier ministre Pierre Mauroy (1981-1984), chef de cabinet adjoint du ministre du Travail Michel Delebarre (1984-1986)…

Pour nous, gens du 20e, il restera aussi le maire adjoint du 20e arrondissement (1984-2008), celui qui avait à cœur de se mobiliser pour soutenir la culture et le patrimoine de nos quartiers, y compris en appuyant notre association dans ses missions.

Soutien dans le 20e de Jean-Michel Rosenfeld présent

Vernissage à l’UDAC vers les années 2000. À gauche de JMR, le photographe Henri Guérard et sa femme. À droite, Florence Desserin, directrice de l’UDAC-FD

Concrètement, et en reprenant le titre de son livre Lumières de l’espoir : l’étoile, le triangle et la rose, paru en 2007, aux éditions La Bruyère :

L’étoile

Fils d’une famille juive originaire d’Europe centrale installée à Paris depuis 1907, il a perdu 38 membres de sa famille dans la Shoah. Né à Paris en 1934, il a connu la guerre, un père prisonnier, l’Occupation, les menaces de rafles, le port de l’étoile jaune, qui l’ont marqués à jamais.

Tout enfant, il a échappé à la rafle du Vel d’Hiv’ (juillet 1942), caché avec sa mère par la patronne de celle-ci. Toujours, il a conservé sur lui l’étoile juive qu’il avait dû porter alors et, lorsqu’il prenait la parole lors de certaines commémorations, il lui arrivait de la sortir de sa poche et son geste par surprise si émouvant augmentait encore l’intensité de son témoignage.

L'étoile juive dont il ne se sépare jamais.

Jean-Miche Rosenfeld lors d’un entretien avec une journaliste de The times of Israel. Il lui confie vouloir être enterré avec son étoile juive.

Cette étoile existe toujours aujourd’hui dans les têtes de l’extrême droite. Jean-Michel Rosenfeld a dû y faire face : au moment des élections régionales de 2004, il a dû porter plainte contre des militants du Front National pour l’avoir publiquement traité de «  youpin ».

Cette étoile, il l’a partagée avec notre association, à la mairie du 20e arrondissement, en 2000, dans une conférence sur La communauté juive dans le 20e arrondissement, de 1860 à nos jours, parue dans notre Bulletin n° 19 (disponible en ligne).

Le triangle

Jean-Michel Rosenfeld a toujours parlé très librement de son riche parcours dans la franc-maçonnerie au sein du Grand Orient de France.

En tant que président du congrès des loges de Paris et d’Île-de-France, c’est suite à son action que les différentes obédiences maçonniques se réunissent chaque année devant le Mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise.

La première fois, ce fut à l’occasion du centenaire de la Commune de Paris, le samedi 24 avril 1971, jour anniversaire de la tentative de médiation des francs-maçons auprès du gouvernement de Thiers. En 1871, leur demande de conciliation pour faire cesser les assauts contre les Parisiens a échoué et, devant l’intransigeance d’Adolphe Thiers, bon nombre de francs-maçons se sont ralliés à la Commune. Et depuis 1997, cette commémoration se reproduira chaque année, en hommage notamment à la mémoire de cent d’entre eux victimes de la répression versaillaise.

Et la rose

Dans son livre, Lumières de l’espoir : l’étoile, le triangle et la rose, qui se lit comme un témoignage vivant, Jean-Michel Rosenfeld s’ouvre en toute simplicité, tel qu’en lui-même, à livre ouvert. Inscrit à la SFIO à la fin des années 1960, il entre en 1979 dans l’équipe parisienne de Pierre Mauroy, auprès duquel il travaille longtemps et est notamment chargé des contacts avec la presse et avec diverses associations et communautés (Juifs, Arméniens, Maghrébins, LICRA, MRAP, Amnesty International, ainsi qu’avec des obédiences maçonniques).

Pierre Mauroy premier ministre

Jean-Michel Rosenfeld et Pierre Mauroy en juin 1981-FJJ

Puis, il rejoint le ministère du Travail dans le gouvernement Fabius. Ensuite, il devient membre de la section « Cadre de vie » au Conseil économique et social à deux reprises, et enfin sous-directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (1993-1998). Il restera un homme de confiance de Pierre Mauroy, qui en fera son conseiller spécial quand il créera la Fondation Jean-Jaurès en 1992. Totalement engagé pour la République mais libre dans ses paroles, il n’hésite pas à dire ses vérités sur son parcours des années Mitterrand, à parler de son Parti Socialiste, de sa vie privée depuis sa jeunesse, allant parfois même jusqu’à se critiquer lui-même.

Ouverture du PCB vers la rue de Ménilmontant

Pavillon Carré de Baudoin, dessin 2022 du projet de travaux-MdP

Avec son soutien, le sauvetage du Pavillon Carré de Baudouin

Enfin, cet homme de culture s’est toujours tenu aux côtés de l’AHAV quand il s’agissait de se battre pour sauvegarder le patrimoine de notre arrondissement. Quand, rue de Ménilmontant, le Pavillon Carré de Baudouin a été menacé par une opération immobilière imminente, il a su relayer l’action déjà initiée par l’AHAV et son président de l’époque,Thierry Halay. Notre président avait déjà commencé à alerter l’opinion et à faire les démarches nécessaires pour sauver ce patrimoine architectural rarissime dans le 20e. Jean-Michel Rosenfeld nous soutiendra en reprenant la préservation dans son programme électoral.

Le Pavillon Carré de Baudouin est prévu pour réouvrir ses portes fin mars 2023. Quand nous y retournerons pour voir une exposition ou écouter une conférence ou un concert, nous aurons une pensée affectueuse et reconnaissante pour Jean-Michel Rosenfeld. En tout cas, dans nos pensées, il restera toujours présent parmi nous.

Le Conseil d’administration de l’AHAV tient chaleureusement à s’associer à la peine de ses proches et particulièrement de sa fille et de ses petits-enfants à qui il était tant attaché.

L’Économie du cheval dans L’Est Parisien

par Anne Delaplace (1h02)

AU 19ème siècle, avec principalement la Compagnie Générale des Omnibus, les transports publics urbains ont d’abord été tractés par des chevaux. Circulation également des marchandises, importante notamment rue de Bagnolet. Toute une économie va se constituer autour de cette activité chevaline. Et pour assurer la circulation urbaine, préserver l’hygiène envers les habitants, une règlementation adaptée verra le jour.

Par Anne Delaplace, le 25 janvier 2018.

Maquette partielle de la Ville de Paris

Le réaménagement de la Porte de Montreuil… qui en a connus d’autres

 

Qu’est-ce qui se passe concrètement actuellement à la Porte de Montreuil ?

La semaine dernière encore, la bataille faisait rage contre le projet de réaménagement de la porte de Montreuil, entre les Verts et leurs alliés de la majorité municipale. À l’origine, ce projet avait été voté en 2019 à la quasi-unanimité du Conseil de Paris. Pour l’instant , l’ensemble des travaux est prévu pour se terminer en 2026.

La porte de Montreuil, entrée stratégique de l’Est Parisien, est aujourd’hui un rond-point routier important laissant peu de place à une vie de quartier. Avec l’ambition du Grand Paris, une volonté de rétablir les liaisons entre la ville même et les communes limitrophes, notamment Montreuil et Bagnolet, une étude a été lancée en 2016 par la Ville de Paris pour développer un projet d’aménagement sur l’ensemble des “Portes du 20ème ”.

Bureaux et espaces verts prévus

Le projet actuel d’aménagement de la Porte de Montreuil, prévu pour 2026

Les objectifs de ce projet urbain sont multiples : pacification de la circulation, restauration de la ceinture verte et des continuités entre Paris, Montreuil et Bagnolet, diversification du tissu urbain, réhumanisation de zones désertées entre Paris et sa proche banlieue.  Dans le détail, le projet prévoit une « esplanade trait d’union » entre Paris et Montreuil de 3,5 ha avec une circulation automobile déplacée, et un réaménagement du marché aux Puces actuel en une halle fermée. Le projet global mêle re-végétalisation du terre-plein central, et développement de 60 000 m² de bureaux, commerces, services et équipements sportifs.

Des fortifs …

Au commencement était Charonne… s’étendant, à l’Est, aux limites de la commune de Bagnolet et sur la commune de Montreuil, jusqu’à l’emplacement actuel des rues d’Alembert et Armand Carrel.

Entre 1841 et 1844, sous Louis-Philippe, l’enceinte de Thiers est construite coupant la commune en deux, la majeure partie de Charonne restant à Paris. Ce sont les fortifications. 3 portes y sont percées : la porte de Ménilmontant (rue du Surmelin), la porte de Bagnolet (rue de Bagnolet) et la porte de Montreuil. Caractérisées par une bande de terre située en avant des bastions : la zone de tir de canon que l’on appelle donc « la zone », de 200 à 400 mètres de large, désignée dans les règlements d’urbanisme de Paris « non ædificandi » (non constructible). Même les arbres y sont abattus afin de dégager la vue aux défenseurs.

Marché aux puces de Montreuil en 1906

Marché aux puces de Montreuil en 1906-Wikipedia

Dès 1871, une population pauvre, à laquelle on donnera tout d’abord le nom de « zoniers » commence à s’installer sur ces terrains en y construisant des cabanes en tout genre. Ce sont essentiellement des ouvriers parisiens chassés par les transformations de Paris sous le Second Empire, la spéculation immobilière et les grands travaux du baron Haussmann, ou des paysans chassés par l’exode rural. La Zone compte vite jusqu’à 30 000 habitants, montant jusqu’à 42 000 habitants, entre les deux guerres mondiales.

C’est ainsi que s’installe le marché dit « aux puces » de la Porte de Montreuil, l’un des plus anciens de Paris puisqu’il existe de façon informelle depuis 1860. Les chiffonniers, qui ramassent les vêtements usagés au pied des immeubles parisiens vont donc s’installer à la périphérie de la ville dans cette zone, où ils les revendent à bas prix. La première expression « marché aux puces » se trouve dans l’Écho de Paris du 23 juin 1891 à propos d’une rixe entre brocanteurs à la barrière d’octroi de Montreuil-sous-Bois.

Tramways à chevaux

La Porte de Montreuil et sa station de tramways. Carte postale de 1907-Wikipedia

… au périph’

Un décret sur la zone de servitude militaire du 19 mars 1925 prévoit le rattachement à Paris des territoires de l’ancienne zone. Et en 1939, la plupart des terrains de l’ancienne enceinte sont encore en jachère. Mais la Zone va ainsi peu à peu disparaître jusqu’en 1956, avant le premier coup de pioche du boulevard périphérique.

Tout d’abord, on retient l’idée d’y construire des logements sociaux, une « ceinture rouge » de 40 000 habitations à bon marché ou les HBM en briques, qui ceinturent Paris.

Les fortifications Porte de Montreuil

La porte d’Avron, passage des fortifications

Dès les années 1940 naît surtout l’idée de créer une route circulaire autour de Paris, pour décongestionner les grands boulevards, notamment ceux des Maréchaux, encombrés par les voitures de plus en plus nombreuses dans la capitale.

Après la Seconde Guerre mondiale, la démocratisation de l’automobile amplifie cette réflexion : il faut construire une nouvelle ceinture, cette fois-ci dédiée aux voitures, construit en grande partie sur le tracé des anciennes fortifications.

Le boulevard périphérique de Paris sera construit de 1956 à 1973, continuant de matérialiser et même accentuer la séparation entre Paris et sa banlieue.

Après les fortifs, le périph, viennent les manifs à cause de nouvelles modifs. Quelle va être la nouvelle Porte de Montreuil ?

Au XXIème siècle, la Porte de Montreuil continue d’écrire son histoire ….

Exposition du Pavillon Carré de Baudoin 2023

Notre Dame de la Croix de Ménilmontant et son architecte

la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, fondée en 1874, propose tout prochainement une conférence qui nous concerne plus particulièrement :

 

L’église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant

et son architecte, Louis Héret (1821-1899)

par Christiane DEMEULENAERE-DOUYÈRE, conservateur général (h) du patrimoine, vice-présidente de l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris

Cette conférence a lieu :

le mardi 14 mars 2023, à 15h30,

aux Archives de Paris, salle de conférences,

18 boulevard Sérurier, 75019 Paris,

Métro et Tram : Porte des Lilas

L’église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant, dans le 20e  arrondissement de Paris, est sans doute une des églises parisiennes les plus impressionnantes avec ses dimensions exceptionnelles, son grand escalier monumental et son style alliant les caractéristiques  des architectures romane et gothique. Édifiée dans la seconde moitié du XIXe siècle (1863-1880), elle n’a fait encore l’objet que de peu d’études et son architecte, Louis Héret, encore moins.

Sépulture familiale d'Héret

Chapelle où est enterré Louis Héret au Père Lachaise-PG

Pourtant cet édifice est particulièrement représentatif du style « éclectique », en vogue notamment dans l’architecture religieuse de la seconde moitié du XIXe siècle, et de la mise en œuvre de procédés « modernes » de construction, hérités de l’architecture des grandes expositions industrielles.

Par ailleurs, une micro-étude attentive de la carrière de l’architecte et de son environnement familial et social montre un bel exemple d’ascension sociale et permet de poser quelques éclairages sur le statut de l’architecte dans la société du XIXe siècle.

Inscription obligatoire au moins une semaine avant la conférence

sur : inscriptions@shpif.fr

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

Nouveau parc arboré à Charonne

Une ancienne gare de marchandises transformée en espace vert

Actuellement, des travaux sont en cours pour créer un espace arboré sur le tronçon de la Petite Ceinture situé entre le 56 rue du Volga et le 103 Cours de Vincennes.

La mairie appelle ce projet « forêt urbaine de Charonne ». L’opération s’étend sur 3,5 hectares d’espace vert, elle comprendra une prairie de 1200m2 et plus de 1000 arbres devraient être plantés. Ce projet est possible grâce au rachat par la Ville de Paris à la SNCF de la surlargeur le long des rails et à la récupération des zones servant de dépôt de bus pour la RATP.

Une part du futur espace vert

Le jardin actuel de la gare de Charonne-PHD

Ces travaux devraient être livrés au printemps 2024. Il s’agit-là d’un des rares espaces de la petite ceinture aménageable dans le 20e. En effet, la Petite Ceinture traverse un tunnel entre la rue de Bagnolet et les buttes Chaumont : elle passe sous la colline de Ménilmontant et n’est pas ouverte au public pour des questions de sécurité.

Un autre projet de même nature avait été créé dans le 20e arrondissement, à l’emplacement de l’ancienne gare de Ménilmontant. Il est implanté au creux d’un vallon encaissé et délimité par les deux tunnels qui traversent la colline de Ménilmontant. Ce tronçon de la Petite Ceinture situé rue de la Mare est l’un des rares de plain-pied permettant une liaison piétonne avec la rue. Une promenade de 200m de long y a été aménagée.

Tous ces travaux sont effectués dans le cadre de l’accord du 13 et 14 avril 2015, entre la SNCF et la Ville de Paris. « Concernant le devenir de la Petite Ceinture ferroviaire à Paris ». La Ville de Paris et la SNCF y confirment leur volonté que soit préservée la continuité de la Petite Ceinture et la réversibilité des aménagements qui pourraient y être réalisés, afin de ne pas compromettre d’éventuels futurs projets de transport

Un peu d’histoire

L’origine de la Petite Ceinture

La raison principale de la création de la Petite Ceinture, à double voie et longue de 32 kilomètres, était de relier les réseaux des compagnies de chemin de fer aboutissant à Paris pour permettre le transport de marchandises entre les différents réseaux. On voulait aussi faciliter le transport des troupes à l’intérieur des fortifications dites de Thiers.

Plan du chemin de fer parisien

Liaisons des gares à la Petite Ceinture, carte de 1930


La première section du chemin de fer de la Petite Ceinture a été concédée en 1851. Elle traverse notre arrondissement et le premier train a roulé en 1852. Au début il n’existait qu’un service de jour pour les marchandises et les militaires, puis en 1857 on commence à créer un service de nuit.

La création du service voyageur

En effet, à la suite du succès de cette ligne, les « quatre Compagnies anonymes concessionnaires des chemins de fer de Paris » réunies créent un service « voyageurs » qui débute petitement à l’aide de deux machines et de cinquante voitures à impériale. Il y avait un train toutes les deux heures l’hiver et toutes les heures l’été, mais seulement l’après-midi des dimanches et jours de fêtes.

Compte tenu l’afflux des voyageurs, la Compagnie se développe en ajoutant des compartiments de première classe et, à partir de 1864, en augmentant le nombre de trains, lesquels, à la fin du 19ème siècle, vont circuler toutes les demi-heures.

voyage gare du Nord/ Gare de Lyon

Ticket voyageur de la Petite Ceinture

Le trafic augmente jusqu’en 1900, année de l’Exposition Universelle, où il atteint trente-neuf millions de voyageurs. Pour transporter autant de voyageurs, la Petite Ceinture comportait vingt-neuf stations et un train circulait toutes les dix minutes dans chaque sens aux heures de pointe. Elle était également raccordée à toutes les voies ferrées pénétrant dans Paris.

Pour faire face à une grande affluence, la vitesse des trains augmente et la durée du tour de Paris, qui exigeait une heure et demie en 1900, en est réduite à 1h05 mn grâce à la mise en service de locomotives plus puissantes. La vitesse commerciale s’élevait à 29 km/h, soit une performance supérieure à celle du métro actuel dont la vitesse moyenne, aux heures de pointe, est de 25 km/h.

Un train normal comportait une locomotive à vapeur tractant cinq voitures de deuxième classe, une voiture de première classe et deux fourgons placés à chaque extrémité du train. Les fourgons servaient au transport des colis, des bagages et des chiens. 

La fin de la Petite Ceinture

Dans le dernier quart du XIXe siècle, il est envisagé à plusieurs reprises de prolonger la Petite Ceinture à l’intérieur de Paris pour en faire une sorte de métro. Mais la Ville de Paris décide finalement de mettre en service pour l’Exposition Universelle de 1900 un réseau de Métro indépendant de la Petite Ceinture. Alors, celle-ci n’a finalement pas pu supporter cette nouvelle concurrence, car les stations étaient anciennes, souvent mal aménagées et, surtout, sans possibilité de correspondance.

L'organisation et les prix du 1er métro

Premiers pas du métro au départ de Vincennes-Figaro 18 mai 1900

Quant au métro, avec ses stations confortables et ses prix compétitifs, son maillage lui permettant d’atteindre tous les quartiers de Paris, il est devenu très vite populaire, et de ce fait la Petite Ceinture sera progressivement délaissée.

Face à la décroissance rapide du trafic voyageur, le service ferroviaire sera remplacé par un service de bus à partir de 1934. Cette ligne de bus portait le nom de PC pour « Petite Ceinture ». Elle a été remplacée par le tramway, et notre T3 vient de fêter ses 10 ans.

Le quartier des Amandiers et sa réhabilitation 

par Pauline Rossi (58mn)

Ce territoire de Belleville se situe sur l’ancien vignoble des Panoyaux. Il sera  habité à la suite de la création du 20ème arrondissement. Dans quelles conditions ce grand ilot urbanisé  devenu insalubre sera-t-il réhabilité ? Les choix décidés par les autorités, puis lesconstructions faites jusqu’à notre période contemporaine nous sont ici présentés. Par Pauline Rossi, le 18 mars 2015.

Haxo station fantome

 

À Paris comme ailleurs ce 31 janvier 2023, une grève générale est annoncée et concerne le projet de réforme des retraites. La RATP sera–elle en première ligne ? En tout cas, l’occasion nous est donnée de republier cet article daté du 4 janvier 2022 et qui nous rappelle nos anciennes stations de métro, celles qui ont été définitivement fermées au public.

______________

Nous connaissons l’ancienne station Martin Nadeau (1815-1898). Ce député, maçon (et franc-maçon) est l’auteur de la fameuse expression « Quand le bâtiment va… tout va ! ». Son nom sur le quai du métro a disparu en 1971 avec le rattachement 235m plus loin à sa voisine Gambetta.

Mais il existe aussi dans nos quartiers deux stations fantômes, celles-ci bien fermées au public. Leur nom ? Porte des Lilas et Haxo.

Porte des Lilas, arrêt sur image

À l’origine, tout était prévu pour que le métro Porte des Lilas devienne une correspondance entre trois lignes : la première Porte des Lilas sur la ligne 3 est mise en service en tant que terminus le 27 novembre 1921. Elle termine la ligne 3bis depuis 1971.

L’autre terminus vient de Chatelet (ligne 11) ; il est inauguré le 28 avril 1935… avant que la ligne ne soit prolongée deux ans plus tard jusqu’à la Mairie des Lilas.

Porte des Lilas, terminus en 1935

Porte des Lilas ligne 11 Inauguration du 28 avril 1935. RATP

Quant-à la troisième station du même nom, elle reste bien moins connue et pour cause : elle correspond à un projet de ligne interrompu pour des raisons d’exploitation commerciale.

Elle a été également construite en 1921 pour servir de lien avec la branche Pré-Saint-Gervais de la ligne 7. Mais cet embranchement réalisé ne sera finalement jamais exploité comme prévu initialement : elle deviendra une simple navette « Pré-Saint-Gervais – Porte des Lilas » jusqu’en 1939 et n’utilisera que l’une des deux voies.

Mais si la ville finance les travaux, l’exploitant privé de l’époque ne croit pas en sa rentabilité commerciale. Cet échec se transforme en opportunité pour la RATP qui loue à la demande la station devenue ainsi fantôme aux professionnels de l’image et à d’autres événements.

 Porte des Lilas loué pour le cinéma, RATP

Station Porte des Lilas et cinéma, RATP

Cette partie définitivement fermée au public est dédiée principalement aux tournages publicitaires et au cinéma : de fausses plaques de stations l’habillent suivant les nécessités des films produits. Une production en moyenne de cinq films chaque année, comme en son temps par exemple « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ».

Métro Haxo, voie sans issue

Au départ, il s’agissait donc de relier la Porte des Lilas à la ligne 7 qui passe par le Pré Saint-Gervais. Entre les deux, une nouvelle station du nom du général Haxo, dont la rue toute proche nous rappelle un triste épisode à la fin de la Commune. À l’arrivée, la station Haxo construite sur la voie dite « voie des Fêtes » n’a jamais été ouverte au public.

Métro Haxo station fantome

Métro Haxo sans sortie

Pour avoir une vision d’ensemble du projet, il faut dire que la Ville est propriétaire du réseau métropolitain : elle assure la construction de l’infrastructure et concède son exploitation à deux sociétés privées. Les travaux qui lui reviennent sont donc exécutés conformément au projet qu’elle a voté.

CMP exploitant du métro

Logo de la CMP, Wikipédia

Conformément ou presque : il n’en a pas  été de même pour l’exploitant, la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) qui ne croit pas en une fréquentation suffisante pour devenir rentable. Conséquence pour le métro Haxo : les sorties menant des quais à la rue ne seront jamais creusées. Ainsi, dès sa naissance, la station est devenue fantôme, sans par ailleurs jamais avoir vu le jour.

 Haxo quai du métro

Haxo station en 2019, Wikimédia