Conférence du 21 novembre annulée




La conférence du jeudi 21 novembre 2024 « Des perles à la scène… Charonne, berceau de la famille Topart » est annulée.

Elle sera reportée à une date ultérieure.

 



Les 60 ans du Maitron

 

Qu’y a-t-il de commun entre Madeleine Riffaud, Ambroise Croizat, Missak Manouchian, Joséphine Baker, Jacques Delors ? Ils ont tous un lien avec le 20e arrondissement, nous en avons parlé sur notre site et leur parcours figure dans le Maitron.

Comme le Larousse, le Harrap’s ou le Gaffiot, le Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier Français a pris le nom de son créateur, l’historien Jean Maitron. C’est en 1964 que parait le premier tome d’une série qui comportera plus de 70 volumes dans sa version papier, dictionnaires thématiques et internationaux inclus.

Le Maitron 2e période tomes 4 à 9

Tomes 4 à 9 du Maitron    © Vu du bourbonnais

 

Jean Maitron, un historien militant d’origine populaire

Jean Maitron est né en 1910 dans la Nièvre, son grand-père était cordonnier, ses parents instituteurs. Il est lui-même instituteur jusqu’en 1955 dans la région parisienne, il enseigne ensuite pendant 3 ans dans un collège de Courbevoie, et ce n’est qu’à 48 ans qu’il obtient un détachement au CNRS. Militant communiste depuis 1930, après un aller-retour en 1934 il quitte définitivement le Parti Communiste en 1939 lors du pacte germano-soviétique qui est pour lui un grand choc et une trahison morale. Il décide alors de se consacrer à l’histoire sociale (« Je m’étais accroché à une bouée de sauvetage, l’histoire » écrit-il plus tard). Il entreprend après la guerre une thèse d’État sur l’histoire du mouvement anarchiste, il fonde le Centre d’histoire sociale et crée la revue l’Actualité de l’histoire qui deviendra le Mouvement social. Il est ainsi l’un des premiers introducteurs de l’histoire ouvrière à l’Université.

Photographie de Jean Maitron en 1981

Jean Maitron lors d’un entretien en 1981     © Maitron

 

La folle aventure du Maitron

Jean Maitron commence en 1954 la création des fiches biographiques qui constitueront le dictionnaire. Il lance en 1958 un appel en vue d’une collaboration à la réalisation d’un Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier Français et réunit ainsi une première équipe d’une centaine d’historiens pour bâtir cette œuvre collective ; pendant 60 ans, plus de 1 500 personnes contribuent ou ont contribué au dictionnaire en rédigeant des notices biographiques.

Le dictionnaire comprend aujourd’hui environ 220 000 notices. Il est découpé en cinq périodes :

  • 1789 – 1864 : De la Révolution française à la fondation de la première Internationale
  • 1864 – 1871 : De la fondation de la première Internationale à la Commune
  • 1871 – 1914 : De la Commune à la Grande Guerre
  • 1914 – 1939 : De la Première à la Seconde Guerre mondiale
  • 1940 – 1968 : De l’Occupation à Mai 68

Déjà couramment appelé le Maitron par ses utilisateurs, le dictionnaire prend officiellement le nom de son fondateur en 1981 à la demande de l’éditeur.

 

Notices de la 1ere période du Maitron représentées sur une carte de France par commune d'activité

Répartition géographique des notices de la 1ère période     © Maitron

 

Parallèlement, l’équipe du Maitron publie des dictionnaires biographiques internationaux (Autriche, Grande-Bretagne, Japon, Chine, Maroc, Komintern, La Sociale en Amérique, Algérie…) et thématiques (gaziers-électriciens, cheminots, anarchistes, enseignants et personnels de l’éducation, militants du Val-de-Marne, ouvriers du livre, du papier et du carton…)

 

Le Maitron après Jean Maitron

Claude Pennetier, son plus proche collaborateur, est associé à la direction de l’ensemble de l’œuvre à partir de 1984. Lorsque Jean Maitron décède en 1987, la 4e période 1914-1939 n’est pas encore achevée et Claude Pennetier reprend le flambeau.

A la fin des années 90, les quelques 70 volumes papier deviennent encombrants sur les étagères des bibliothèques, le Maitron prend alors le virage du numérique en éditant des CDRom, puis en créant un site internet à accès restreint. Depuis décembre 2018, le site du Maitron est ouvert gratuitement à tous, les 220 000 notices sont accessibles à tout public. Chaque mois, 100 000 internautes y naviguent.

Pour la 5e période, de l’Occupation à Mai 68, de nouvelles formes d’engagement militant (mouvements anticolonialistes, féministes, anti-nucléaires, …) sont intégrées et Claude Pennetier change l’intitulé de l’ouvrage qui devient Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social.

Si les femmes ne sont pas oubliées, elles représentent malheureusement une faible partie des notices (à peine 12 000 sur un total de 220 000), les sources les concernant étant très restreintes.

 

Statistiques sur les notices du Maitron en 2020

Répartition par période et dictionnaire thématique des 200 000 notices disponibles en ligne en 2020    © Maitron

 

Une œuvre collective plurielle

Depuis 1964, le Maitron est édité par les Éditions Ouvrières, à l’origine maison d’édition de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), devenues en 1993 les Éditions de l’Atelier. Profondément attaché à l’école laïque, Jean Maitron manifeste du respect pour l’apport du christianisme social au mouvement ouvrier ; dès le début, le directeur des Éditions Ouvrières soutient ce projet un peu fou et ils coopèrent donc sans état d’âme.

Jean Maitron a été un maître d’œuvre tenace dont l’autorité intellectuelle et morale a permis de réunir des historiens aux options politiques et sociales différentes (socialistes, communistes, anarchistes, libertaires, chrétiens, libéraux…) et aux formations diverses.

Dans l’avant-propos de la quatrième période, il écrit :

Certes il leur a été promis par moi, à l’aube de tout engagement, que leur serait effectué, lors de l’édition, le versement d’une quote-part de droits d’auteur, mais je leur suis reconnaissant de n’avoir jamais plus soulevé ce problème par la suite. Je tiendrai parole mais je suis cependant fondé à parler, en ce qui les concerne, de travail gratuit, de travail passionné et militant, ce qui en dit toute la valeur et une telle collaboration confère au Dictionnaire une qualité qu’aucun autre genre d’édition ne peut escompter…

 

« Doute et agis »

La dimension militante de l’ouvrage s’accompagne d’une qualité scientifique de renommée internationale.

La singularité de la démarche de Jean Maitron réside dans le choix historiographique de ne pas se contenter de faire figurer les grands dirigeants des organisations du mouvement ouvrier, les noms les plus connus, mais d’aller chercher les oubliés de l’histoire, « les obscurs, les sans-grade », comme il le disait, dont les notices sont parfois réduites à quelques mots, faute d’information disponible sur ces anonymes.

Pour lui, les « grands » et les « petits » ont autant d’importance et méritent leur place dans le dictionnaire. C’est aussi un choix politique dans la manière d’aborder le mouvement ouvrier que de refuser le culte des dirigeants.

Historien de gauche sans sectarisme, Jean Maitron a pris ses distances par rapport à une histoire hagiographique et a fait sienne la maxime « Doute et agis ».

Depuis 60 ans, la folle entreprise du Maitron est une œuvre collective monumentale toujours en construction.

 

Maitron papier 1984 : page d'Ambroise Croizat

Une page du Maitron en 1984    © Maitron

 

Le site Maitron en ligne - notices de personnalités liées au 20e et d'obscurs

Quelques exemples extraits du Maitron en ligne         © Maitron

À l’occasion de ce 11 novembre 2024, nous republions cet article paru le 8 novembre 2022. Retour sur 1934 au Père Lachaise,  devant le tout nouveau monument  « AUX GARIBALDIENS DE L’ARGONNE ET VOLONTAIRES ITALIENS». Pourquoi garibaldien ? Une explication et un acte criminel le jour de l’inauguration.

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Le maréchal Pétain présent à l’inauguration

le jour de l’attentat à la bombe derrière le monument 

Chaque 11 novembre, le maire du 20e dépose -avec d’autres institutions représentatives- une gerbe devant tous les monuments au Père Lachaise dédiés aux combattants étrangers morts pour la France.

Parmi eux se trouve celui à la mémoire des garibaldiens et des volontaires italiens de la Grande guerre. Il a été inauguré le 27 mai 1934 en présence du Maréchal Pétain, alors tout nouveau ministre de la Guerre depuis le 9 février 1934.

Première cérémonie militaire au Père Lachaise

Inauguration en 1934 du monument garibaldien-extrait du journal L’Illustration

Pétain à l’Hôtel de Ville la veille de l’inauguration

Entré pour la première fois dans un gouvernement, le maréchal Pétain est nommé ministre de la guerre le 9 février 1934.

Sa désignation fait suite aux émeutes sanglantes place de la Concorde le 6 février 1934, lors d’une manifestation de droite/extrême droite. Il acceptera ce portefeuille  en y mettant une condition : « Je suis à la disposition de la France. Mais je n’ai jamais fait de politique et je ne veux pas en faire »

Une contre-manifestation des partis de gauche  aura lieu le 12 février avec comme lieu de rendez-vous, l’angle de la rue des Pyrénées et du cours de Vincennes.. L’Excelsior nous en rend compte en première page :

1934 deux ans avant le front populaire

Manifestation de la Gauche en réaction à celle du 6 février-Excelsior 13 février 1934

Une partie de la colonne, désirant remonter vers Belleville et Ménilmontant, se dirigea vers la place Gambetta où, depuis de longues heures déjà, deux pelotons de gardes à cheval tournaient en rond afin d’empêcher tout rassemblement. A quelques centaines de mètres avant d’arriver à la place, les manifestants rencontrèrent un barrage d’agents et de gardes mobiles. Aucune bagarre ne se produisit cependant, grâce à la présence d’esprit des éléments du service d’ordre.

… Et pourtant Pétain en appelle au rapprochement des deux nations. Nous sommes alors le 26 mai 1934 à l’Hôtel de Ville, lors de la cérémonies anniversaire offerte en l’honneur des garibaldiens invités par la France, 

Mussolini est déjà à la tête de l’Italie depuis octobre 1922… et très exactement cent ans plus tard, son nom reste toujours d’actualité, comme la référence d’extrême droite revendiquée par Giorgia Meloni, sa toute nouvelle première ministre.

La cérémonie juste après l'attentat

L’inauguration. En bas, des garibaldiens à l’endroit de l’explosion et  le suspect, Ange Frascoya- Excelsior du 28 mai 1934

L’attentat au Père Lachaise juste avant la cérémonie

Ce 27 mai 1934 tout est prêt pour inaugurer le monument sur le terrain concédé par la ville de Paris

AUX GARIBALDIENS DE L’ARGONNE ET VOLONTAIRES ITALIENS

MORTS POUR LA FRANCE 1914 ET 1918

DANS TOUS LES COMBATS POUR LA LIBERTÉ

Et c’est alors que sur place juste avant la cérémonie, une bombe artisanale explose. Le journal La République daté du 28 mai 1934 nous fait part du témoignage d’un fossoyeur présent au moment de l’explosion :

Voici le récit qu’a fait de l’attentat un fossoyeur, M. Ange Perruche, qui, avec un de ses collègues, fut légèrement blessé par des éclats et des graviers :

« À 9 heures 30, ce matin, a déclaré M. Perruche, j’en avais terminé de mon travail, ainsi que plusieurs camarades — le dimanche d’ailleurs nous nous livrons à des travaux de cantonniers — et tranquillement nous nous dirigions vers la sortie du cimetière donnant du côté de la place Gambetta lorsque, soudain, au moment où nous approchions de l’estrade dressée pour la cérémonie et du monument qui lui fait face, nous fûmes arrêtés sur place, saisis, à demi étourdis, par une détonation semblable à un coup de canon.

Une fumée intense enveloppait le monument. Moi et mon camarade Robin étions atteints par plusieurs éclats de la bombe et par des graviers. En vérité, nous n’avions rien vu. Ce n’est qu’après que nous aperçûmes un homme qui s’enfuyait derrière un talus et un rideau de fusains »

Ange Perruche. âgé de 35 ans, demeurant 21, rue Carmen, à Bobigny, et Eugène Robin, âgé de 32 ans, domicilié 2. rue de la Sablière. à Drancy(…) ont pu, après pansement, regagner leur domicile.

L’enquête et l’arrestation du suspect

Après l’explosion de l’engin, très peu de dégâts matériels sont constatés : « quelques branches de fusains cassées, une petite excavation derrière le monument et des éclats dans les troncs d’arbres voisins. » selon le même journal.

Portrait du suspect

Ange Frascoya, le suspect de l’attentat

De son côté, le Matin daté du 28 mai 1934 nous apporte cette précision :  » Selon les enquêteurs du laboratoire municipal (…) l’appareil pensent-ils était muni d’un mouvement d’horlogerie, qui devait provoquer l’éclatement une heure plus tard, durant la cérémonie d’inauguration. »

Cela dit, huit fossoyeurs et jardiniers ont tout de même été blessés par l’explosion.

Enfin le jour-même, un suspect sera arrêté : Ange Frascoya, aide-monteur de son métier, lui-même né en Italie. Il sera conduit au commissariat du Père Lachaise place Gambetta, puis interrogé pendant 23 heures durant lesquelles il persistera à nier les faits :

« J’étais venu là en curieux, a-t-il déclaré aux enquêteurs, je n’avais aucune raison d’en vouloir aux garibaldiens. D’ailleurs, j’appartiens à une ligue fasciste et je ne lis aucun journal politique. »

Et finalement, nous n’en connaîtrons pas le mobile.

L’inauguration du monument garibaldien

À la suite de cet attentat heureusement sans trop de conséquences, le monument a pu être inauguré comme prévu, en présence du maréchal Pétain, et à ses côtés l’ambassadeur de Mussolini en France.

Monument vue d'angle gauche

Monument garibaldien avec à gauche une flamme avec la mention »Justitia »-PG

Rappelons la signification du monument dédié « AUX GARIBALDIENS DE L’ARGONNE ET VOLONTAIRES ITALIENS ». Dans le discours M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux anciens combattants nous remémore en 2015 les événements de 1915 en Argonne, région naturelle située près du département de la Meuse.

« Dès 1914, des volontaires italiens viennent combattre aux côtés de l’armée française. Parmi eux, 6 des petits fils de Giuseppe Garibaldi formeront alors le régiment des garibaldiens… En 1915, 2 200 soldats dont 1 800 volontaires garibaldiens sont engagés sous le commandement de Peppino Garibaldi (petit-fils de Giuseppe Garibaldi). L’Argonne nous raconte aussi l’histoire de tous ceux qui n’en revinrent pas. 590 Garibaldiens sont morts sur cette terre. »

Lors de la cérémonie, les représentants italiens ont fait le salut fasciste, y compris Ezio Garibaldi. Il faut dire qu’il existait alors trois associations garibaldiennes concurrentes, comme nous le rappelle Le Monde daté du 10 septembre 2014 :

« l’une fasciste, l’autre mémorielle et la troisième antifasciste. Cette dernière fournit de forts bataillons aux Républicains espagnols puis de nombreux Résistants. Cette mouvance était incarnée par un autre petit-fils de Garibaldi, Sante, qui se battit dans l’Argonne, s’engagea à nouveau dans l’armée française en 1940 puis devint résistant, fut déporté à Dachau et s’éteignit près de Bordeaux »

Cette cérémonie a lieu devant une troupe en armes, « une première dans un cimetière parisien » comme nous le précise le site de la ville de Paris.

Cérémonie annuelle au Père Lachaise

Devant le monument aux garibaldiens et italiens le 11 novembre 2022-PG

Le monument en lui-même

Il s’agit du monument en granit sculpté par Alberto Cappabianca,  un statuaire italien installé à Paris et qui a réalisé deux autres œuvres au Père Lachaise : celle du lieutenant d’escadrille Albert Rapilly, et du buste de la tombe Devé et Gautier.

Sur le socle au-dessus de l’épitaphe, un vers d’Edmond Rostand avait été gravé : LA FRANCE S’AGENOUILLE AUPRÈS DE LUI, REGARDE ET GRAVE, SE RELÈVE EN DISANT, IL MEURT BIEN

La sculpture elle-même représente un Garibaldien dévêtu, allongé et la tête posée sur les genoux d’une Marianne. Elle s’inspire de la pietà de Michel-Ange, à la basilique Saint-Pierre du Vatican, celle de la vierge Marie tenant le corps du Christ. La religion du Vatican liée à la laïcité française sans doute. 

Sur le socle du mémorial, nous pouvons également lire l’inscription « Justitia » à gauche et « Libertas » à droite.



Des perles à la scène… Charonne, berceau de la famille Topart

 

 

Le comédien Jean Topart (1922-2012) a eu une belle et longue carrière tant au théâtre qu’au cinéma dans la seconde moitié du XXème siècle. Il a été une figure éminente du Théâtre national populaire et une vedette des feuilletons télévisés appréciée du grand public. 

Mais on sait moins qu’il était un enfant de Charonne -où il est né- et qu’il repose maintenant au cimetière du Père-Lachaise.

Ses attaches familiales avec ce quartier sont plus anciennes. Il descend en effet d’une famille de mulquiniers (artisan tisserand et marchand de toiles) artésiens qui montent à Paris à la Révolution, puis se font fabricants de perles artificielles, à Charonne, sous le Second Empire.

Après 1860, des industriels parisiens, à l’étroit dans la capitale, y découvrent des espaces accueillants et une main-d’œuvre abondante et y installent des industries innovantes.

Entête 1900 des frères Topart

Il compte parmi ses ancêtres directs deux acteurs importants de l’histoire municipale du 20e arrondissement, Hippolyte Topart (1825-1879) et Henri Chassin (1840-1918) qui ont été, tous deux, maires de notre arrondissement avant 1914.

Cette conférence, présentée par Christiane Demeulenaere-Douyère, vice-présidente de l’AHAV, nous invite à découvrir cette histoire familiale peu connue. Elle nous conduira dans un Charonne bien éloigné de sa réalité actuelle, à mi-chemin entre le village rural qu’il a longtemps été, puis le faubourg industriel qu’il est devenu dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Elle a lieu :

📅 Jeudi 21 novembre 2024
🕡 À 18h30 précises
🪧 À la Mairie du 20e arrondissement, 6 place Gambetta, salle du Conseil

  Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

 

Madeleine Riffaud nous a quittés à l’âge de 100 ans

Ce 6 novembre, nous apprenons  avec tristesse le décès de Madeleine Riffaud. Elle venait d’avoir 100 ans deux mois plus tôt. Durant sa vie elle s’est engagée jeune dans un parcours de résistante, puis de journaliste et poétesse. Un modèle exceptionnel de courage et d’engagement tout au long de sa vie et un exemple pour les femmes.
Sa vie est très étroitement liée à l’histoire du 20e arrondissement dans la Résistance. Comme nous le rapportions dans notre articcle ci-dessous, un de ses premiers faits d’armes a été d’intercepter, le jour de ses 20 ans,  un train allemand arrivant aux Buttes-Chaumont, via la gare de Ménilmontant. 
Sa vie a récemment fait l’objet d’un roman graphique en 2 volumes, sous forme de bande dessinée inspirée de ses souvenirs, La Rose dégoupillée et L’édredon rouge, par Jean-David Morvan, aux éditions Dupuis, en 2021 et 2023. Tout récemment, le jour de ses 100 ans, paraissait la troisième partie, Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate ».
Par un message daté d’hier, la maire de Paris, Anne Hidalgo, nous fait savoir qu’elle « lui rendra hommage et créera un prix Madeleine Riffaud de la Ville de Paris pour la mémoire des femmes résistantes ».
Ci-dessous notre article du 24 août 2024 complétant celui paru pour la première fois le 24 août 2021.

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Ce 23 août 2024, Madeleine Riffaud vient d’avoir 100 ans. Ce même jour et avec sa collaboration, les éditions Dupuis publient sous forme de bande dessinée la troisième partie de ses mémoires : « Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate »

La vie de Madeleine Riffaud en BD

BD sur Madeleine Riffaud « Madeleine, résistante, les nouilles à la tomate »-éditions Dupuis

Autre anniversaire, ce 25 août 2024 lié à son action de résistante : les 80 ans de la libération de Paris. Dans le 20e, la commémoration a lieu à 12h30 devant le monument aux Morts de la mairie.

L’occasion de reproduire ci-dessous notre article paru pour la première fois le 24 août 2021 et mis à jour le 19 décembre 2023.

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Madeleine Riffaud, victime mais toujours battante.

Ce 19 décembre 2023 doit avoir lieu le procès pour escroquerie contre l’aide-soignante de Madeleine Riffaud. Notre héroïne, âgée de 99 ans,  avait porté plainte le 7 février dernier.

Mais d’où vient toute l’énergie de Madeleine Riffaud malgré le temps qui passe ?

Déjà, Le 4 septembre 2022 elle avait écrit une lettre ouverte au directeur de l’AP-HP, affirmant être « restée 24 heures sur un brancard, sans rien manger, dans un no man’s land ».

Cette fois-ci, il s’agit de son aide à domicile de 66 ans qui est soupçonnée d’abus de confiance pour un préjudice de plus de 140 000 € (*). Il faut savoir que Madeleine Riffaud est devenue aveugle en 1962 victime d’un attentat à Oran, et est alitée depuis 12 ans.

L’accusée sera jugée au tribunal correctionnel de Paris, mais Madeleine Riffaud est dans l’incapacité de financer sa défense. Son entourage l’aide et a ouvert une cagnotte en ligne pour la soutenir

Soutien de Madeleine Riffaud en 2023

Madeleine Riffaud, l’appel à don sur leetchi.com-capture d’écran PG

Nous reproduisons ci-dessous notre article paru pour la première fois le 24 août 2021.

(*) Déclarée coupable le 18 janvier 2024, l’aide à domicile Myriam B , sera condamnée à huit mois de prison avec sursis et 13 000 € d’amende.

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Les mille vies de Madeleine Riffaud,

l’héroïne du 23 août 1944

Résistante à 18 ans, poétesse, reporter de guerre, militante anticolonialiste et pacifiste, amie d’Éluard, d’Aragon, de Picasso, de Vercors et de Hô Chi Minh, Madeleine Riffaud a vécu mille vies et a survécu à toutes.

Résistante à 18 ans

Née le 23 août 1924 dans la Somme, elle est encore mineure quand elle s’engage dans la Résistance à Paris, en 1942, sous le nom de code Rainer, « ce nom d’homme, de poète et d’Allemand », en hommage à Rainer Maria Rilke, et participe à plusieurs coups de main contre l’occupant nazi.

Responsable d’un triangle du Front national des étudiants du Quartier latin, elle entre dans les FTP en mars 1944. Elle obéit au mot d’ordre d’intensifier les actions armées en vue du soulèvement de Paris d’août 1944 : le 23 juillet 1944, en plein jour, elle abat de deux balles dans la tête un officier allemand sur le pont de Solférino.

« Neuf balles dans mon chargeur / Pour venger tous mes frères / Ça fait mal de tuer / C’est la première fois / Sept balles dans mon chargeur / C’était si simple / L’homme qui tirait l’autre nuit / C’était moi. »

Prenant la fuite à vélo, elle est rattrapée et emmenée au siège de la Gestapo, où elle est torturée. Elle garde le silence et est condamnée à mort. Promise à la déportation à laquelle elle échappe, sauvée par une femme qui la fait sauter du train, elle est à nouveau arrêtée et bénéficie finalement d’un échange de prisonniers pour être libérée, le 19 août 1944. Elle reprend alors immédiatement son combat dans la Résistance où elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d’aspirant lieutenant.

L’attaque gare Ménilmontant

Sa nouvelle mission, avec seulement trois résistants sous ses ordres, consiste à l’attaque du train arrivant aux Buttes-Chaumont (gare de Ménilmontant) qui aurait pu prendre à revers les résistants, engagés dans les batailles parisiennes.

Lorsqu’ils arrivent sur place, le train est déjà là et ils prennent les caisses d’explosifs qui n’avaient pas encore été utilisées pour les combats de rue. Installés de part et d’autre de la voie, ils envoient l’ensemble d’un coup et lancent des fumigènes et des feux d’artifice dans le tunnel où le train se retranche. La garnison se rend ; elle contribue donc à la capture de 80 soldats allemands et récupère des fusils et des munitions. Nous sommes le 23 août 1944, jour où Madeleine Riffaud fête tout juste ses 20 ans.

 

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

Madeleine Riffaud toute jeune résistante

 

Mais pour elle, pas de trêve : le 25 août, toujours à la tête de sa compagnie, elle mène l’assaut du tout dernier bastion allemand, la caserne de la place de la République.

Poétesse, écrivaine, journaliste, correspondante de guerre

Madeleine reçoit de l’État-major des FFI son brevet de lieutenant, mais son engagement s’arrête à la fin des combats pour la Libération de Paris, car l’armée régulière ne l’accepte pas comme femme et mineure. Ses camarades de la compagnie Saint-Just continueront la lutte contre les nazis au sein de la brigade Fabien jusqu’à la victoire finale. Madeleine reçoit alors une citation à l’ordre de l’armée signée De Gaulle.

Devenue majeure en 1945, elle épouse cette année-là Pierre Daix, chef de cabinet du ministre Charles Tillon, dont elle se séparera en 1947 puis divorcera en 1953.

Après 1945, elle travaille pour le quotidien communiste Ce Soir. Elle rencontre Hô Chi Minh, lors de sa visite officielle en France, en 1946, pour la conférence de Paix de Fontainebleau, avant de partir en reportage en Afrique du Sud et à Madagascar.

Madeleine Riffaud journaliste

Madeleine Riffaud avec l’homme d’Etat Vietnamien Hô Chi Minh

Elle reçoit ensuite régulièrement jusqu’en 1949, chez elle, rue Truffaut, Tran Ngoc Danh, membre de la délégation vietnamienne, et rêve d’y partir en reportage, désapprouvée par son mari qui la trouve « gauchiste ». Elle se déclare fermement « ouvriériste », en couvrant les grèves des mineurs, écrit des textes sur l’Indochine en 1948 et milite contre l’emprisonnement de Trân Ngoc Danh, député de la République démocratique du Viêtnam.

Elle passe à La Vie Ouvrière, organe de la CGT, avant les campagnes de l’Appel de Stockholm du 19 mars 1950. Cet hebdomadaire publie ses poèmes dès 1946, tout comme Les Lettres françaises, de 1945 à 1972. Très proche de Hô Chi Minh et du poète Nguyen Dinh Thi, qu’elle a rencontrés à Paris et à Berlin en 1945 puis 1951, elle couvre la guerre d’Indochine, épisode relaté dans Les Trois guerres de Madeleine Riffaud (film de Philippe Rostan, diffusé en 2010). Elle deviendra la compagne de Nguyen Dinh Thi, futur ministre de la Culture.

Grand reporter pour le journal L’Humanité, elle couvre la guerre d’Algérie, au cours de laquelle elle est gravement blessée dans un attentat organisé par l’OAS.

Aussitôt guérie, elle couvre la guerre du Viêt Nam pendant sept ans, dans les maquis du Viêt-Cong sous les bombardements américains. À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien, expérience dont elle tire son best-seller, Les Linges de la nuit.

Elle ne fera publiquement part de son engagement dans la Résistance qu’à partir de 1994, pour les 50 ans de la Libération, pour ne pas laisser tomber dans l’oubli ses « copains » morts dans les luttes qu’ils partagèrent.

Elle est titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme (citation à l’ordre de l’armée), décernée pour ses activités de résistance contre l’occupation nazie (6 août 1945), chevalier de la Légion d’honneur (avril 2001) et officier de l’ordre national du Mérite (2008).

Elle laisse une très riche œuvre publiée tant en poésies, contes qu’essais et de très nombreux reportages (Tunisie, Iran, maquis du Viêt-Cong et Nord-Viet Nam).

BD Madeleine résistante

BD Madeleine résistante, sortie le 20 août 2021. © Dominique Bertail Editions Dupuis.

Cette femme de caractère, dont la vie et l’action ont largement dépassé les limites de notre arrondissement, mérite que nos édiles se souviennent par un hommage public que Madeleine Riffaud y fit une des premières démonstrations de son courage et de sa détermination, à la Gare de Ménilmontant, un 23 août 1944, il y a 77 ans…

Pour en savoir plus :

La Toussaint à Paris et au Père Lachaise en 1921

La Toussaint est devenue un jour férié depuis 1801. En 1921, la fin de la Première Guerre mondiale est encore bien vivante dans la mémoire de nos concitoyens. D’où l’importance de la fréquentation des cimetières parisiens en ce 1er novembre 1921, à l’occasion des 120 ans de ce jour devenu légal.

Les chiffres par cimetière communiqués par la Préfecture de Paris -dont le Père Lachaise- nous en donne plus précisément une évaluation officielle. Cet article ci-dessous a été publié le 1er novembre 2021.

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Jour férié catholique devenu légal, la Toussaint fête ces 120 ans en 1921. À l’origine de cette décision, le Concordat signé en 1801 à l’initiative de Bonaparte qui souhaitait pacifier les relations entre l’État français et la Papauté.

Et cette année-là, la Toussaint tombe un mardi. Conséquence à Paris, les administrations publiques et la grande majorité des établissements privés ont donné congé à leur personnel. Les parisiens concernés peuvent ainsi faire « le pont », expression déjà courante à cette époque.

Ce jour-là, la mémoire de la « grande guerre » 1914-1918 est toujours bien vivante : les représentants du Conseil municipal de Paris, du Conseil général de la Seine, ainsi que ceux de la préfecture de la Seine et de la préfecture de police se sont rendus dans les grands cimetières parisiens et de son côté, le président Millerand s’est rendu sur la tombe du Soldat inconnu.

Millerand place de l'Étoile

Le président Alexandre Millerand, le 1er novembre 1921 devant la tombe du soldat inconnu. Gallica

La Toussaint au Père-Lachaise en 1921

À l’entrée du Père-Lachaise, un grand marché aux fleurs s’est installé et dans Le Gaulois daté du 2 novembre 1921, on peut lire :

HENRI KARCHER, maire du 20e arrondissement, a prononcé, devant le monument aux morts (Victimes du devoir) un discours préconisant l’institution d’une cérémonie annuelle qui aurait lieu le même jour, chez nos alliés et chez nous, pour témoigner la dette de reconnaissance de l’humanité envers ceux qui furent les artisans héroïques et glorieux de la victoire. Beaucoup de sociétés patriotiques, anciens combattants, mutilée, travailleurs municipaux, sapeurs-pompiers, etc., ont également rendu visite, dans les cimetières, aux tombes et aux monuments des morts pour la patrie.

Les cimetières parisiens en ce jour de la Toussaint 

À propos de ce jour-là, la Préfecture de Police communique à la presse la fréquentation dans les cimetières parisiens:

    • Père-Lachaise 86.759,
    • Montmartre 16.860,
    • Montparnasse 52.405,
    • Saint-Ouen nouveau 50.483,
    • Saint-Ouen ancien 5.720,
    • Ivry parisien 46.480,
    • Ivry ancien 40.400,
    • Pantin parisien 108.517,
    • Passy 4.630,
    • La Chapelle 8.000,
    • Saint-Pierre de Montmartre 1.560,
    • La Villette 1.670,
    • Bagneux parisien 58.000. 

Comment la Préfecture a-t-elle pu réaliser un chiffrage aussi précis ? Mystère.



Savez-vous planter les choux à la mode de… Charonne ?

 

A l’heure où les Parisiens réinventent les « fermes urbaines » et se revendiquent « locavores », qui se souvient qu’une partie du 20e arrondissement fut longtemps une terre de jardinage et de maraîchage ? Pourtant, certains noms de rues et quelques bâtiments échappés à la pioche des démolisseurs peuvent nous mettre la puce à l’oreille. De quoi la rue des Maraîchers, la rue des Haies ou celle des Grands Champs… sont-elles le souvenir ?

 

Nourrir Paris en fruits et légumes frais

De tout temps, il a fallu fournir Paris en légumes, « herbages » et fruits frais. Dès le Moyen Âge, Paris est une ville dense et très peuplée : 250 000 habitants, en 1300, qui en font la capitale la plus peuplée d’Europe occidentale. Pour approvisionner les marchés, en ces temps où l’on ignore les transports à longue distance et le froid artificiel, des jardiniers professionnels cultivent à l’intérieur même de la ville des surfaces assez étendues de légumes (choux, salades, concombres, etc.), dont l’actuelle rue du Pont-aux-Choux (3e arr.) est un lointain souvenir.

Tout comme les biens connus « clos à pêches » du Haut Montreuil sont un vestige de la capitale internationale de la pêche de qualité et d’autres fruits, fraises et cerises, qu’a longtemps été ce village voisin de Paris. Au fur et à mesure de l’extension urbaine, ces jardins ont dû reculer, franchir les enceintes successives de Paris et gagner la banlieue proche pour finalement s’éloigner plus loin encore en région parisienne.

 

Estampe de Jacques Callot de 1628 - La vie de la Mère de Dieu représentée par des emblèmes : 9, Le jardinier

Jacques Callot, Le jardinier, 1628 © BnF, Gallica

 

Le travail du jardinier-maraîcher est différent de celui du cultivateur ou du laboureur. C’est un métier très qualifié qui requiert une bonne connaissance des espèces de légumes et de fleurs de coupe et des méthodes (amendement des terres, palissage des arbres, utilisation de serres, châssis ou cloches de verre…) nécessaires pour protéger les plantes, les « forcer » et les faire produire à la fois en quantité abondante et en qualité. Le travail est rude et les journées longues : tôt levés, tard couchés…

À Paris, dès la fin du Moyen Âge, il existe une corporation des « jardiniers, préoliers et maraîchers ». Elle apparaît dans l’ordonnance des Bannières de Louis XI (1467) et gagne ses statuts en 1473, complétés et approuvés par la monarchie à plusieurs reprises. En 1772, elle compte environ 1 200 maîtres jardiniers. Elle disparait avec la Révolution.

 

Une « petite banlieue » maraîchère

Mais ces jardiniers, dont beaucoup sont parisiens de longue date, restent en place, bientôt renforcés de nouveaux venus des campagnes proches. Les activités de jardinage et de maraîchage se poursuivent à Paris et dans sa banlieue proche ou lointaine pendant tout le XIXe siècle et une partie du XXe.

 

Carte postale illustrée - Maison de jardiniers, 17e siècle - 165 rue de Charonne

Ancienne maison de jardiniers, transformée en lavoir industriel, rue de Charonne, début du XXe siècle. Carte postale.

 

Au fur et à mesure que la ville grignote ses faubourgs, les zones jardinières se déplacent hors des limites, de Paris, puis encore au-delà. On se souvient qu’à la fin des années 1970, le choix de Bobigny comme chef-lieu du nouveau département de la Seine-Saint-Denis a entrainé le déménagement de ses maraîchers, partant avec la terre de leurs jardins qui était pour eux un outil de travail et un investissement de qualité.

Nombreux sont les jardiniers et maraîchers qui ont laissé leurs noms inscrits dans la voirie parisienne. Dans le 12e arrondissement voisin, il y a une rue des Jardiniers et une rue Dagorno, et de nombreux passages portent les noms de jardiniers aujourd’hui oubliés. Dans le 20e arrondissement, nous avons aussi le passage Josseaume et l’impasse Dagorno.

 

Qui sont ces gens ?

Dagorno ? Un patronyme qui pourrait bien être breton d’origine. Le premier Dagorneau repéré – la famille adoptera ensuite l’orthographe Dagorno – est Nicolas Dagorneau, décédé à Paris à la fin du XVIIIe siècle. Il est qualifié de jardinier, domicilié rue des Amandiers, dans la paroisse Sainte-Marguerite. On ne sait pas où il est né. Par son mariage, il est lié à des familles bellevilloises comme les Mouroy et les Auroux et certains de ses beaux-frères sont vignerons à Belleville.

Ce couple aura une descendance nombreuse qu’on retrouvera essaimée dans divers quartiers parisiens. Certains s’établissent dans l’actuel 12e arrondissement, rue de Picpus ou rue de Reuilly, ou encore près de la place la Nation ou rues de la Voûte et du Rendez-vous. D’autres s’installent à Charonne, particulièrement à proximité de la rue des Haies. Au début du XXe siècle, d’autres Dagorno iront plus loin en région parisienne (Maisons-Alfort, Alfortville…).

 

Culture sous cloche - Exposition Savez-vous planter les choux (2012) - Parc de Bagatelle, Paris, France

Culture de salades sous cloches en verre. DR.

 

Et les Jossaume ? Ils étaient originaires de l’Avranchin, dans la Manche, qu’ils quittent dans les années 1810. Le premier arrivé à Paris est probablement André Josseaume (1790-1871), qui se marie, en 1813, à Saint-Ambroise. Vers 1819, il est rejoint par un de ses frères, Jacques François Josseaume (ca 1787-1855), qui, en 1846, est jardinier au chemin de ronde de la barrière de Saint-Mandé ; il meurt à environ 68 ans, au 4 rue de la Cour-des-Noues, à Charonne, et est enterré dans le cimetière de Charonne.

Des Josseaume, on en trouve successivement dans l’ancien village de Bercy (vers 1853), rue et boulevard de Reuilly (en 1871) et à Charonne. Au début du XXe siècle, certains sont installés à Créteil (1914).

 

Carte photo ancienne des établissements A. Bernard, horticulteurs à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Maraichage à Saint-Denis (93), Ets A. Bernard, horticulteur, début du XXe siècle. Carte postale.

 

Au fil des générations, les Dagorno et les Josseaume se sont unis par mariage avec la plupart des grandes familles jardinières de Paris et de sa banlieue. C’est en effet une habitude bien ancrée dans ce métier : quand on est enfant de jardinier, on n’épouse qu’un fils ou une fille de jardiniers et, en cas de veuvage, on se remarie dans ce même milieu.

Ils participent ainsi d’une vaste communauté professionnelle qui pratique l’endogamie, partage ses savoirs de métier, travaille dans l’ensemble de la région francilienne et finit par constituer une sorte d’« aristocratie » jardinière et maraîchère. Ainsi, dans leur parentèle proche ou plus lointaine, les Dagorno ont des liens familiaux qui les relient à des familles de maîtres jardiniers déjà présentes à Paris au début du XVIIIe siècle, comme les Robert ou les Dulac.

 

 

Photo : 15-17 rue Florian, propositions de sites et bâtiments remarquables à protéger © Association Paris historique

15-17 rue Florian, propositions de sites et bâtiments remarquables à protéger © Association Paris historique

 

Pour mieux connaître le bâti faubourien du 20e arrondissement

L’Association d’Histoire et d’Archéologie du 20e arrondissement de Paris vous propose, le jeudi 24 octobre 2024, à 18h30, à la Mairie du 20e arrondissement, la conférence :

 

Le bâti faubourien de Charonne (1820-1920)

 

Présentée par Frédérique Gaudin, secrétaire générale de l’AHAV, et Delphine Lenicolais, dans le cadre de son master 2 Histoire, cette conférence vous permettra de découvrir un patrimoine bâti bien délaissé qui nous vient en grande partie de l’activité jardinière et maraîchère du quartier de Charonne, et les problématiques qui entourent aujourd’hui sa reconnaissance et sa préservation.

Donc… rendez-vous le jeudi 24 octobre 2024, à 18h30, à la Mairie du 20e arrondissement, salle du Conseil, 6 place Gambetta, 75020 Paris.



Serpollet pionnier de l’automobile

 

Du 14 au 20 octobre, la 90ème édition du « Mondial de l’Auto » se déroule à Paris, porte de Versailles. Les constructeurs automobiles y présentent leurs derniers modèles de véhicules électriques dont les performances rivalisent avec celles des voitures à moteur thermique.

On a un peu oublié les voitures à vapeur; heureusement, dans le 20e, la rue Serpollet nous rappelle qu’un record mondial de vitesse a été atteint par Léon Serpollet en 1902 au volant d’un véhicule à vapeur construit dans les usines de la rue Stendhal.

 

Les premières automobiles roulent à la vapeur

En 1770, Cugnot expérimente à l’intérieur de l’Arsenal de Paris un chariot sur trois roues, muni d’une chaudière à haute pression, destiné au transport de canons ou matériel d’artillerie, le fardier de Cugnot. Ses recherches s’arrêtent en 1771 lorsque son soutien, le duc de Choiseul, secrétaire d’État de la Guerre sous Louis XV, tombe en disgrâce.

En 1873, Amédée Bollée père construit le premier véhicule routier à vapeur, l’Obéissante, qui transporte 12 passagers jusqu’à 40km/h en pointe, puis toute une série d’automobiles à vapeur (La Mancelle, La Nouvelle, La Rapide…).  Ses deux fils Léon et Amédée vont ensuite abandonner la vapeur et se tourner vers les moteurs à essence.

 

Dessin de l'illustrateur Lapin représentant L’Obéissante

L’Obéissante     © Carnet d’inventions de l’illustrateur Lapin – Musée des Arts et Métiers

En 1883, la société De Dion, Bouton & Trépardoux, se lance à son tour dans les véhicules à vapeur ; en 1895, après le départ de Trépardoux, De Dion-Bouton va adopter les moteurs à essence.

 

Les frères Serpollet à Culoz, dans l’Ain

En 1879, dans l’atelier familial de menuiserie, Léon et Henri Serpollet inventent le générateur à vaporisation instantanée, un perfectionnement du moteur à vapeur, afin de faire fonctionner leurs machines à découper le bois.

Léon et Henri « montent » à Paris mais Henri ne supporte pas la vie dans la capitale et retourne rapidement à Culoz. Les deux frères vont poursuivre leur collaboration par correspondance pendant 25 ans pour perfectionner leur invention.

 

Serpollet et Larsonneau, rue des Cloys, Paris 18e

Léon s’associe en 1888 avec un homme d’affaires, Larsonneau : la Société des Moteurs Serpollet Frères commence la fabrication de moteurs à vapeur dans les ateliers de Larsonneau, rue des Cloys, et se lance dans la réalisation d’un tricycle à vapeur. Ce tricycle effectue le trajet de la rue des Cloys jusqu’à Enghien à la vitesse moyenne de 30km/h.

Serpollet et Peugeot présentent à l’Exposition Universelle de 1889 la Serpollet Peugeot, ou tricycle Peugeot type 1.

 

Le tricycle à vapeur Serpollet Peugeot ou Peugeot type 1 exposé au Musée des Arts et Métiers

Tricycle à vapeur Serpollet Peugeot – Musée des Arts et Métiers – Wikimedia Commons

 

En 1890, Serpollet part pour Lyon avec un nouveau tricycle ; il arrivera dix jours plus tard après quelques incidents techniques mais sous les ovations du public.

En 1891, il commercialise un quadricycle ; ses premiers clients sont prestigieux : l’industriel Gaston Menier, le comte de Greffulhe (tous deux au Père Lachaise), l’écrivain Robert de Montesquiou. Il profite du mariage de sa sœur à l’église Saint-Ambroise en janvier 1892 pour faire parader cinq de ses véhicules dans le cortège.

 

Page de couverture du Petit journal illustré du 21 mai 1933

La première voiture Serpollet, dite « voiture miracle » © Gallica BnF

 

Cependant ses modestes usines de la rue des Cloys ne peuvent rivaliser avec ses puissants concurrents, comme Panhard-Levassor et Peugeot, qui adoptent le moteur à essence : en 1893, il abandonne ses recherches sur l’automobile pour se consacrer à la propulsion des tramways et des trains.

De nombreuses compagnies de tramways européennes adoptent le moteur Serpollet. Dans les chemins de fer, les rames Serpollet circulent en France, en Allemagne et au Japon. Mais quand les tramways et les chemins de fer se tournent vers l’électrification, les commandes s’espacent et la situation de la société Serpollet devient catastrophique.

 

Serpollet et Gardner, rue Stendhal, Paris 20e

En 1898, Serpollet s’associe avec un magnat américain, Franck-Lacroix Gardner. La société Gardner-Serpollet s’installe rue Stendhal dans une usine louée par Léonard Paupier, fabricant d’instruments de pesage et de matériel de chemin de fer.

 

Bâtiments industriels en activité sur le site des usines Gardner-Serpollet : avant - Ateliers de Léonard Paupier / après - Imprimerie Henon

Bâtiments industriels en activité sur le site des usines Gardner-Serpollet
Avant (1898) Ateliers de Léonard Paupier – Wikimedia  –  Après (1913) Imprimerie Henon – Art et Industrie
© Delcampe                 –      © Gallica BnF

 

Serpollet revient à la construction automobile et à sa passion de la compétition. Ses automobiles à vapeur obtiennent la Médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1900. Gaston Menier lui remet en 1901 les insignes de chevalier de la Légion d’honneur.

 

Lithographie de Philippe Chapellier - Affiche pour les automobiles à vapeur Gardner-Serpollet - environ 1899

Affiche de Philippe Chapellier 1899 © Musée de l’automobiliste, Mougins

 

Il gagne trois années de suite la Coupe Rothschild. En 1902, à Nice, il est au volant de l’Œuf de Pâques, véhicule prototype qui doit son nom à sa forme aérodynamique et à la date de l’épreuve (13 avril 1902). En couvrant un kilomètre à 120 km/h, Serpollet bat de 15km/h le record de vitesse établi en 1899 par Camille Jenatzi sur son engin électrique, la Jamais-Contente.

 

Serpollet au volant de l’Œuf de Pâques sur la promenade des Anglais à Nice en 1902

Serpollet au volant de l’Œuf de Pâques à Nice en 1902 © Guy Dürrenmatt

Ses victoires en compétition stimulent la commercialisation de ses automobiles. Le roi d’Angleterre, le chah de Perse, Louis Lumière et le docteur Yersin au Vietnam roulent en Serpollet. Une usine de montage est inaugurée à Londres en 1903, une filiale italienne est créée à Milan en 1906.

 

Serpollet au volant du Torpilleur en 1903 à Nice, coupe Rothschild.

Serpollet au volant du Torpilleur en 1903  (*)
© Andrew Stewart / Bridgeman Images

Serpollet et Darracq, à Suresnes

Cependant la concurrence des voitures à essence provoque le déclin des commandes. En 1906, Gardner cède ses parts à Alexandre Darracq. Cet entrepreneur a investi les bénéfices de sa fabrique de cycles Gladiator dans une usine d’automobiles à Suresnes. Darracq est l’un des premiers constructeurs à fabriquer des véhicules « en série ». Il veut profiter de l’essor des transports en commun en s’associant avec Serpollet pour construire des véhicules commerciaux, fourgons, camions et omnibus.

Deux camions et un omnibus Darracq-Serpollet prennent les trois premières places de la course de poids-lourds Paris-Marseille-Paris, ce qui apporte des retombées financières et commerciales immédiates.

 

La dernière résistance des vaporistes

Atteint d’un cancer de la gorge, Léon Serpollet meurt en 1907 à 48 ans. Son discret frère Henri, avec qui il a mené toutes ses recherches et qui est toujours resté loin des milieux automobiles parisiens, assiste au triomphe du moteur à explosion avant de mourir en 1915.

Les usines Darracq continuent la fabrication de véhicules utilitaires à vapeur jusqu’en 1920.

Aux Etats-Unis, avec les frères Stanley, les voitures à vapeur résistent encore jusqu’en 1924. L’un des points faibles du moteur à vapeur était sans doute la complexité du processus de démarrage, comme en témoigne cette vidéo où un ingénieur passionné nous emmène sur les routes des Alpes-Maritimes avec sa voiture à vapeur de marque Stanley … après ¾ d’heure de mise en route.

 

La rue Serpollet

Les fortifications de Paris sont déclassées en 1919 et progressivement détruites jusqu’en 1929. Un décret de 1925 prévoit le rattachement à Paris des territoires de l’ancienne zone militaire non ædificandi. Cette annexion est réalisée en trois étapes dont la dernière ampute le territoire de Bagnolet de 17 ha en 1930.

A la demande d’Alphonse Loyau, conseiller municipal qui dans sa jeunesse a travaillé comme mécanicien chez Gardner-Serpollet, une rue – ouverte en 1933 dans la zone annexée de Bagnolet – porte le nom de Serpollet.

 

 

 

Panneau rue Serpollet

Rue Serpollet donnant vers le boulevard Davout – VV

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(*) Michelin House, 81 Fulham Road, à Londres, est le premier siège social de la filiale britannique de Michelin. Sur les façades de ce bâtiment Art Nouveau, 34 panneaux décoratifs montrent de célèbres voitures qui utilisaient des pneus Michelin. Cette céramique a été réalisée par Gilardoni fils et Cie de Paris d’après un dessin d’Ernest Montaut.

Bibliographie :
Dürrenmatt, Guy. Les frères Serpollet précurseurs de l’automobile : Éditions La Mirandole, 1997
Dubarry de Lasalle, Pierre. Le clos Serpollet :  Éditions Decoopman, 2023



1860… Paris annexe ses faubourgs – L’exemple de Belleville et de Charonne


Bulletin n°82

 

1860 représente un moment capital dans l’histoire de Paris : la ville, à l’étroit depuis la fin du XVIIIème siècle dans le corset de son Mur des Fermiers généraux, étend ses limites administratives et fiscales jusqu’à ses fortifications militaires édifiées vers 1840, et de ce fait elle absorbe l’intégralité des onze communes administrativement autonomes de sa proche banlieue et des portions plus ou moins étendues de treize autres communes.

Par cette mesure, la superficie de Paris passe d’environ 3 300 hectares à 7 000 hectares et la ville gagne 600 000 habitants nouveaux, soit une augmentation de 55% de sa population. C’est l’acte de naissance officiel du Paris actuel et des 20 arrondissements que nous connaissons aujourd’hui.

La banlieue annexée à Paris est encore plutôt rurale et peu peuplée, à l’exception de Belleville qui compte alors 65 000 habitants – c’est la deuxième ville du département de la Seine juste après Paris. Cette mesure bouleverse la figure de la capitale et bien sûr la vie des Parisiens, anciens et nouveaux.

On promet de faire de ce Paris agrandi une ville harmonieuse et confortable, dotée d’une voirie moderne, et riche. Après l’haussmannisation du centre de la capitale, spéculation, construction et industrialisation vont s’emparer de ces nouveaux territoires parisiens.

Le 20e arrondissement, qui a été créé sur les anciennes communes de Charonne et de Belleville (en partie), va subir le sort commun, à cette différence toutefois que le territoire de Belleville est partagé entre deux arrondissements, les 19e et 20e. Belleville est la seule commune annexée à connaître ce sort.

Christiane Demeulenaere-Douyère, vice-présidente de l’AHAV, nous avait présenté, lors d’une conférence le 15 février 2024 à la mairie du 20e, l’histoire de cette grande mutation et les réactions des habitants de l’Est parisien qui ont été, au fil du temps, de trois ordres : d’abord inquiétudes, ensuite espérances, puis insatisfactions.

Retrouvez cette histoire dans notre nouveau bulletin qui vient de paraître.

Les bulletins sont envoyés gratuitement sous format papier à nos adhérents au fur et à mesure de leur parution.
Vous pouvez commander en ligne ce bulletin et tous les bulletins déjà parus, sous format imprimé ou sous format pdf téléchargeable.


Le bâti faubourien de Charonne (1820-1920)

  

Vers les années 1820, l’urbanisation des territoires de l’Est parisien démarre, avec l’arrivée massive d’entreprises et de manufactures s’installant sur des terres peu peuplées jusque-là … Prolongement du faubourg Saint Antoine, Charonne écrit une histoire particulière dans le XXe arrondissement, avec un réseau de rues et de passages « en peigne » hérité des terres maraichères et des vignobles, donnant lieu à un urbanisme marqué par une forte concentration de maisons dites faubouriennes, un patrimoine ouvrier et artisan construit tout au long du XIXe siècle.

Cette conférence est présentée par Frédérique Gaudin, secrétaire générale de l’AHAV, et Delphine Lenicolais dans le cadre de son master 2 Histoire, Civilisations, Patrimoine, parcours Ville Architecture Patrimoine, à la Faculté Paris Cité, UFR Géographie, Histoire, Économie et Sociétés (GHES).

 

Elle a lieu :

📅 Jeudi 24 octobre 2024
🕡 À 18h30 précises
🪧 À la Mairie du 20e arrondissement, salle du Conseil

  Entrée libre dans la limite des places disponibles