Gambetta et le Soldat Inconnu : destins croisés
Gambetta et le Soldat Inconnu : destins croisés
Nous sommes en 1920 et la IIIe République a officiellement 50 ans, depuis l’invasion de la France par les prussiens. Comme le pays vient à peine de sortir de la Grande Guerre contre l’Allemagne, les deux évènements se croisent cette année-là pour un même anniversaire voulu par nos parlementaires.
À l’initiative de plusieurs députés, allant du centre-gauche à la droite, une campagne de presse est organisée pour que ce 11 novembre Gambetta et le soldat inconnu puissent entrer ensemble au Panthéon.
L’objectif : rassembler les français sur des valeurs communes
À la Chambre dès le mois de juillet de cette année-là, un budget de 3,5 millions de francs est proposé pour fêter le cinquantenaire de la République. s’ajoutera un projet de loi pour transférer le cœur de Gambetta au Panthéon. Cette loi sera votée le 1er septembre 1920.
Non sans mal puisque l’année précédente les passions politiques avaient divisé les personnes publiques sur ce projet : au camp des enthousiastes s’oppose celui du refus partiel ou total.

Le char de Gambetta derrière celui du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe
Controverse à propos du Panthéon pour le Soldat inconnu
Considérant le Panthéon comme inapproprié pour le soldat inconnu, le cardinal Amette a justifié sa position dès 1919 en écrivant :
Je suis bien désireux de favoriser tout ce qui pourrait être un. légitime hommage à nos chers morts de la guerre, mais il ne m’est pas possible de m’associer à la pensée que vous m’avez communiquée. Le soldat inconnu dont vous voudriez faire porter les restes au Panthéon pourrait être un soldat catholique, et il ne serait pas conforme aux sentiments d’un soldat catholique ni de sa famille que sa dépouille fût portée dans une église désaffectée et dans une cérémonie qui ne pourrait avoir aucun caractère religieux.
Et dans son édition datée du 16 septembre 1919, L’Action française ajoute :
Les catholiques n’ont pas le droit d’oublier dans quelles conditions le Panthéon a été enlevé au culte.
L’opposition à voir entrer Gambetta au Panthéon
Quant à Gambetta, le directeur de L’Intransigeant -journal tiré à 400 000 exemplaires- écrit dans son édition du 25 octobre 1920 :
Personne ne se dissimule que la fête du 11 novembre promet d’être dépourvue à la fois d’éclat et d’émotion. On s’est battu les flancs pour inventer un symbole propre à regrouper les diverses classes de la population dans un sentiment commun. Ce n’est pas le transport du cœur de Gambetta qui saura réaliser ce but ».

Le coeur de Gambetta porté au Panthéon par un ancien combattant, Wikipédia
Et dans la continuité, l’Action française va plus loin dans la polémique en traitant Gambetta d’« anticlérical patenté » et même de « métèque ».
L’idée du lieu pour le soldat inconnu et pour Gambetta sont donc particulièrement controversés : le soldat inconnu sera finalement inhumé le même jour que Gambetta mais là où nous le connaissons aujourd’hui : au pied de l’Arc de Triomphe.
Gambetta au cœur de la République
Pourquoi seulement le cœur de Gambetta au Panthéon ? Gambetta est décédé le 31 décembre 1882 à la suite d’une blessure mystérieuse depuis la fin novembre. Au cours de son autopsie, son cœur est placé dans un coffret à l’intérieur de sa maison des Jardies à Sèvres (92) acquise quatre ans avant sa mort. Avant lui, Honoré de Balzac avait habité cette même maison et celle-ci est devenue actuellement le musée Gambetta, propriété de l’État.
Une cérémonie commune en deux lieux
Le cœur de Gambetta et le corps du Soldat inconnu se rejoignent ce 11 novembre pour former un même cortège depuis la place Denfert-Rochereau, sous le Lion de Belfort, symbole de la guerre de 1870. Puis, direction le Panthéon.

Le coeur de Gambetta à Denfert-Rochereau, lieu de départ commun du cortège avec le Soldat Inconnu
Au Panthéon, Alexandre Millerand, président de la République, prononce un discours en l’honneur de Gambetta, du Soldat inconnu et de la République. Une fois le discours et la cérémonie au Panthéon terminés, le cœur de Gambetta n’y reste pas pour autant : il repart pour accompagner le Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, lieu de la seconde cérémonie… où le Soldat inconnu ne sera par ailleurs réellement enseveli qu’au mois de janvier 1921, alors que le cœur de Gambetta repartira le jour-même au Panthéon.

Le char du coeur de Gambetta traversant Paris
Gambetta et le Soldat Inconnu : destins croisés
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !