Transfert de la Taverne rue de Belleville

 

Et le 31 décembre, qu’est-ce qu’on fait ?

La Taverne du Bagne… ça vous dit ?

 

Discothèques et cabarets interdits en cette fin d’année 2021 ? Qu’importe… Belleville a toujours été un lieu de divertissements et de plaisirs. Alors, histoire de finir joyeusement l’année du 150e anniversaire de la Commune de Paris, nous vous proposons une soirée à la Taverne du Bagne.

En février 1884, est inauguré, au 12 rue de Belleville, à un jet de pierre des Folies-Belleville, un drôle de cabaret : La Taverne du Bagne et des Ratapoils.

« Le d’Artagnan de la Commune »

Le directeur en est Maxime Lisbonne, ancien colonel de la Commune, qu’un de ses biographes a surnommé pour son courage « le d’Artagnan de la Commune ». Cluseret disait de lui : « Qui ne se souvient de Lisbonne, caracolant sur son cheval arabe, vêtu mi-partie en garde national et mi-partie en je ne sais quoi de grenadier de Sambre et Meuse ? D’une bravoure hors ligne… ». Né à Paris, en 1839, il a d’abord connu la vie militaire, notamment en Crimée. Puis, en 1864, il s’est lancé dans le théâtre aux Folies-Saint-Antoine.

En 1871, il s’est engagé avec bravoure pour défendre la Commune. Il a été blessé, pris et condamné aux travaux forcés en Nouvelle-Calédonie, puis amnistié en 1880.

Lisbonne, fondateur de la Taverne du Bagne

Maxime Lisbonne, photo.

En 1880, la vie à Paris n’est pas facile pour qui revient de dix années de bagne à l’autre bout du monde. Heureusement, Lisbonne a de la ressource. Il reprend les Bouffes du Nord et monte des pièces militantes de Louise Michel, d’Emile Zola et de Victor Hugo. Chaque soir, son théâtre est le rendez-vous des vieux communards et des jeunes collectivistes. Il crée un journal, L’Ami du Peuple – Seul journal qui ose dire la vérité, qui ne dure pas. Comme il a de l’imagination et de l’humour à revendre, il se lance dans le cabaret, à Montmartre et à Belleville.

Forçats et Ratapoils

Rue de Belleville, sa Taverne du Bagne ne manque pas d’originalité. Son décor est directement inspiré d’une caserne de Nouméa. Au-dessus de la porte, une lanterne rouge. Sur la toiture, à droite et à gauche, deux canons. L’intérieur est d’un minable à faire fuir. Les murs sont décorés de scènes de bagne, de paysages de Nouvelle-Calédonie ou de portraits de forçats célèbres comme Henri Rochefort.

Le service est confié à des « forçats », ayant au pied une chaîne terminée par un boulet. Mais le boulet est creux, il s’accroche à la ceinture, s’ouvre et contient… la serviette avec laquelle le serveur essuie les tables. Le bock s’appelle un boulet et sont au menu « soupe canaque, gourgane de Toulon et Badinguet ». On ne sort de l’établissement qu’avec un « certificat de libération » attestant que « le Condamné a consommé et s’est bien conduit ».

Taverne du bagne, "certificat de libération"

Taverne du bagne, « certificat de libération »

A Belleville, Lisbonne ajoute une attraction supplémentaire : les Ratapoils, « beaux messieurs en redingote, ayant sur le chef un chapeau haut de forme. Au-dessus de celui-ci planait un aigle empaillé dont le bec tenait un morceau de lard ». Il y a aussi du spectacle : par moments, une dispute s’engage entre forçats et ratapoils. « Cinq ou six forçats se jetaient sur un ratapoil, s’en emparaient et le poussaient sur un petit théâtre simulant une forge. Ils le couchaient de force sur un banc et lui mettaient les fers aux pieds. C’était la revanche de l’opprimé ! » (C. Chincholle, Les Mémoires de Paris, 1889).

Déceptions et revers de fortune

Quand La Taverne du Bagne de Belleville doit fermer, Lisbonne lui donne une longue descendance d’autres cabarets tout aussi fantaisistes : La Taverne de la Révolution française, aux Halles (1886), Les Frites révolutionnaires, boulevard de Clichy, La Brioche politique, rue du faubourg-Montmartre (1893), ou encore Le Casino des Concierges (1894). En 1898, ce sera Le Jokey-Club de Montmartre, à l’inauguration duquel on sert des « maquereaux pêchés dans le bassin de la place Pigalle ».

Mais la fortune ne sourit pas à Maxime Lisbonne. Il finit sa vie, en 1905, dans l’oubli d’un bureau de tabac à la Ferté-Alais (Essonne), où il est enterré et où une rue porte son nom.

Maxime Lisbonne, portrait dans la rue. Taverne du Bagne

Maxime Lisbonne, par Morèje-République.

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Pour en savoir plus :

Charles Chincholle, « Les Fantaisies de Maxime Lisbonne », Les Mémoires de Paris, Paris, Librairie moderne, 1889, p. 61-79.

Marcel Cerf, Le D’Artagnan de la Commune (Le Colonel Maxime Lisbonne), Bienne, Editions du Panorama, 1967 ; rééd. Paris, Dittmar, 2014.

Sur Internet : https://www.lafertealais.com/les-personnages-de-la-ferte-alais-au-temps-des-cabarets/maxime-lisbonne/

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