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La Cour des Lyanes baisse le rideau

Panneau opération immobilière

La Cour des Lyanes baisse le rideau

L’ancien village de Charonne vient de perdre peut-être la dernière de ses cours artisanales.

La Cour des Lyanes

Naguère encore, au 151 rue de Bagnolet, en face du parc Debrousse, on pouvait découvrir un témoin évocateur du passé industrieux de notre arrondissement. Derrière un portail de métal, de plus en plus rarement ouvert, il est vrai, au fur et à mesure que le temps passait, subsistait un site à la fois étonnant et étroitement inscrit dans le passé industriel ou semi-industriel du quartier, et même dans son histoire politique et sociale. Quand le portail était ouvert, la cour retenait l’œil du passant qui pouvait y accéder pour s’imprégner du charme du lieu…

Cour des Lyanes - rue de Bagnolet

Entrée, 151 rue de Bagnolet (état actuel). CDD.

Blottie derrière l’immeuble de briques rouge bordant la rue de Bagnolet, il y avait en effet une pittoresque cour pavée garnie d’un fouillis d’arbustes qui, au printemps, explosaient de fleurs. Pas de bâtiments industriels imposants, pas d’enseigne… juste une cour artisanale pavée et quelques appentis et hangars ne payant pas de mine, investis ces dernières années par des start-ups et des artistes…

Un grand comédien

En 2012, L’Ami du 20e évoquait les menaces qui pesaient sur cette cour artisanale, à l’occasion du décès du comédien Jean Topart (1922-2012), à Port-Marly (Yvelines). Ses héritiers cherchaient un acheteur pour ce lieu (qui s’ouvre aussi au 6 bis rue des Lyanes) qu’il tenait de son père.

Jean Topart propriétaire dans le 20e

Jean Topart. Wikipedia

On se souvient de Jean Topart et de sa voix si particulière pour l’avoir souvent vu jouer, dans les années 1950-1960, sur scène, avec le TNP. A la télévision aussi, il avait incarné le fameux Cyrano de Bergerac, de Claude Barma à Noël 1960, Sir Williams dans le feuilleton Rocambole de Jean-Pierre Decourt (1964-1965) et Emile Zola dans Emile Zola ou la Conscience humaine, de Stellio Lorenzi (1978). Sans parler de son abondante filmographie…

Mais qui savait qu’il était aussi propriétaire dans l’arrondissement[1] ? On s’étonna… puis on oublia…

Une nouvelle opération immobilière

Eh bien ! voilà !! la cour cachée avec ses pavés mal dégrossis et ses arbustes un peu fous, c’est fini…

Cour des Lyanes

Cour des Lyanes (avant travaux). JPD

En passant par-là maintenant, on lit un grand panneau de publicité immobilière annonçant, sous une accroche suggestive, « L’Insolite. Une nouvelle nature de ville », la prochaine mise en vente d’une « maison de 5 pièces avec cour privative », sans doute échappée à la démolition et restaurée dans un style « atypique », et d’une cinquantaine d’appartements neufs du 2 au 5 pièces… Un point fort est mis en avant par l’opérateur : « Serre et potager en rooftop » !

Le chantier bien sûr est interdit d’accès et le bref coup d’œil qu’on peut y jeter… est désolant.

Cour des Lyanes - rue des Lyanes

Panneau d’informations, rue des Lyanes. CDD

Notre quartier perd là une des dernières traces de son bâti à la fois rural et artisanal qui faisait le charme de l’ancien village de Charonne et qui mériterait des mesures conservatoires vigilantes au même titre que les architectures plus bourgeoises.

A cet égard, on ne peut que se féliciter de la belle réhabilitation de l’immeuble Art Déco de l’ancienne usine Goepfer, qui fabriquait des boutons de manchette au 5 rue Ramus, reconvertie aujourd’hui en appartements.

La Cour des Lyanes dans l’histoire

En plongeant le nez dans les archives, on constate que la Cour des Lyanes réunissait depuis le xixe siècle des artisans serruriers et ferronniers. Dans les années 1880, on y trouvait les ateliers des frères Topart, Pierre Hippolyte (1825-1879) et Edmond Louis (1830-ap. 1886). Fondée en 1853, donc avant le rattachement de Charonne à Paris, cette entreprise spécialisée dans l’imitation des perles fines, corail et pierres précieuses, employait d’abord une vingtaine, puis jusqu’à 800 à 1 000 ouvriers en 1886. Pour eux, en 1878, les frères Topart créèrent une caisse de retraite et furent récompensés par la Légion d’honneur.

Pierre Hippolyte Topart (1825-1879) a joué aussi un rôle politique dans l’arrondissement. Il fut conseiller municipal de Paris représentant le quartier de Charonne de 1871 à 1874, sous l’étiquette « Républicain conservateur », puis brièvement maire du 20e arrondissement (nommé en février 1879, peu de temps avant sa mort).

Cour des Lyanes - rue des Lyanes - Plaque

Plaque rue des Lyanes. Wikipedia

La rue… des Lyanes ?

 

La rue des Lyanes est ouverte vers la fin du XIXe siècle sous le nom de « rue Neuve » avant de prendre celui de « rue des Lyannes » (avec 2 n), puis de « rue des Lyanes » (avec 1 seul n). Elle est classée dans la voirie parisienne par un arrêté du 12 mars 1968.

L’origine de ce nom, un brin exotique, est inconnue.

Pour en savoir plus :

http://paris-bise-art.blogspot.com/2015/11/passage-industrieux-rue-de-bagnolet.html

http://sauv-derniere.over-blog.org/article-l-avenir-de-la-cour-des-lyanes-110976741.html

http://lafabriquedeparis.blogspot.com/2021/01/goepfer-un-siecle-de-boutons-lombre-du.html

________________________

[1] Jean Topart et sa sœur, la comédienne Lise Topart, tragiquement disparue en 1952 dans un accident d’avion à Nice, reposent tous deux au cimetière du Père-Lachaise, à Paris (division 57).

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1 réponse
  1. TOURDES
    TOURDES dit :

    Bonjour
    J’ai vécu ma prime enfance au 151 rue de Bagnolet. Ma mère était alors au service du docteur Pierre Topart descendant, je le découvre, de Pierre Hypolite …..Effectivement, Jean topart DCD en 2012, laisse 2 filles derrière lui, qui ont vraissemblablement pris la décision de vendre cette cours hélas ….La famille Topart était propriétaire également d’une pension de famille rue des Lyanes…..disparue depuis longtemps….
    C’est assez étrange de retrouver toute cette histoire passée….

    Répondre

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