Juillet 1794, place de la Nation
Juillet 1794, place de la Nation
La place de la Nation il y a 230 ans, lieu d’un terrible spectacle
Pour les habitants du 20e, la place de la Nation est un lieu important. Du point de vue patrimonial bien-sûr, mais aussi bien pratique au quotidien : elle dispose d’excellentes interconnexions avec ses métros, bus, le RER, les taxis et cinq stations Vélib’.
Pourtant et contrairement à une idée répandue, elle ne figure pas à l’intérieur du périmètre de notre arrondissement. Elle le côtoie seulement.
Les 11e et 12e arrondissements ont eu sa préférence alors qu’elle constituait l’ancien axe royal depuis le château de Vincennes. Avec ses 255 mètres de diamètre, elle nous fait penser à la place de l’Étoile. Quant au cours de Vincennes lui-même – ancien lieu de la Foire du Trône depuis 1830 – il dépasse de 13 mètres la largeur de celle Champs Élysées.
Lieu historique sous la royauté, il deviendra le rendez-vous de manifestations, rassemblements notamment sous le Front populaire, et d’une manière générale de fin de parcours à caractère politique et syndical.
Mais revenons 230 ans en arrière, sous la Révolution avec ses victimes guillotinées sur place.
La France sous le régime de la Terreur
Depuis la loi du 10 juin 1794, les tribunaux révolutionnaires sont expéditifs contre « les ennemis du peuple ». Sans tarder, dès le 14 juin 1794 devant la place du Trône renversé, devenue place de la Nation, la guillotine est installée à côté d’un des deux pavillons construits par Nicolas Ledoux.
La guillotine en mouvement
Il faut savoir qu’auparavant, les premières victimes de la Terreur étaient guillotinées face au Louvre, sur la place du Carrousel. Puis la guillotine est déplacée pour s’installer place de la Révolution, aujourd’hui connue sous le nom de place de la Concorde, et ensuite sera démontée pour être posée à l’emplacement de l’ancienne forteresse de la Bastille.
Les raisons de ces déplacements ? Comme les habitants du voisinage sont mécontents à cause des odeurs qui en résultent, il est donc décidé de l’installer loin des habitations, à l’une des portes de Paris. Et c’est ainsi que la porte de la Nation sera choisie et les exécutions en nombre vont commencer sans tarder.
Les Victimes
Le 26 Prairial, c’est-à-dire le 14 juin 1794, 38 premières victimes sont exécutées : il s’agit des magistrats des parlements de Paris et de Strasbourg.
Le 17 juin, 61 nouvelles exécutions de condamnés, connus sous le nom de « chemises rouges ». On les avait vêtus de chemises rouges, les vêtements d’infamie d’alors réservés aux assassins.
Ensuite, les exécutions se poursuivent jusqu’au 27 juillet 1794, date de la dernière charrette. La guillotine sera démontée le soir-même et retournera dès le lendemain sur l’actuelle place de la Concorde… le jour-même où sur place Robespierre finira guillotiné.
Au total, du 14 juin au 27 juillet 1794, 1306 personnes âgées de 16 à 85 ans ont été exécutées place de la Nation : 1109 hommes, 197 femmes, 131 gens d’église dont 23 religieuses. À côté de familles nobles se trouvent en majorité des gens modestes : cochers, cuisiniers, couturières, journaliers, épiciers, boutonniers, etc.
La plupart ont été condamnés pour des motifs inexistants ou dérisoires, comme par exemple l’Abbesse Louise de Montmorency sourde et aveugle, accusée d’avoir comploté « sourdement et aveuglément ».
Ont péri entre autres le poète André de Chénier et 16 carmélites de Compiègne dont l’histoire inspirera « Le Dialogue des Carmélites » adapté sous la plume de Georges Bernanos.
Que faire des cadavres des personnes exécutées ?
À cette époque, il n’existe pas de cimetière près de la Place de la Nation, et les responsables vont rechercher un lieu proche et discret pour enterrer les cadavres.
À côté se trouve le couvent des Chanoinesses dont elles avaient été chassées et qui possède un grand jardin. Il a donc été décidé d’en réquisitionner une partie. Les corps y seront jetés sans cérémonie dans les fosses communes.
Des membres de la famille de La Fayette ont aussi été exécutés, et c’est la raison pour laquelle La Fayette sera enterré dans ce lieu qui deviendra le cimetière de Picpus.
Le cimetière de Picpus, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui
En 1795, le domaine est vendu. Seuls quelques officiels sont au courant de l’existence des fosses communes. La princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen acquiert la parcelle du terrain où se trouvent les deux fosses communes.
Un mur est édifié pour séparer cette parcelle contenant les fosses du reste du jardin. En 1802, Mme de Montagu et ses sœurs organisent une souscription qui permet d’acheter le couvent des chanoinesses et les terrains avoisinants. Un portail est construit pour relier le jardin des Chanoinesses du terrain contenant les fosses communes.
En 1805, une communauté religieuse s’installe dans les bâtiments.
Les familles de nobles exécutés fondent le comité de la Société de Picpus. Un cimetière est créé à côté des sinistres fosses communes – il en est juste séparé par une grille – destiné à accueillir les seuls descendants des familles des personnes exécutées pendant la Révolution. C’est toujours le cas aujourd’hui et constitue ainsi la singularité de ce cimetière.
En 1841, une église toujours existante remplace l’ancienne chapelle.
Dans le cimetière, parmi les tombes célèbres, on trouve celle de Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, général de l’armée américaine… dit La Fayette. Il repose à côté de son épouse. Son cercueil est recouvert avec de la terre ramenée des États-Unis et un drapeau américain flotte au-dessus de sa tombe. Chaque 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, l’ambassadeur des États-Unis vient lui rendre hommage, accompagné de représentants de la Ville de Paris, du Sénat et d’autres associations.
À noter que l’on trouve également dans le cimetière des plaques commémoratives en mémoire des membres des familles descendantes des personnes exécutées qui ont été déportés et sont morts dans les camps nazis durant la Seconde Guerre Mondiale.
Rappelons enfin que le cimetière situé au 35 rue de Picpus, dans le 12e arrondissement, peut être visité. Les informations du texte proviennent de la brochure éditée par le Cimetière de Picpus.
Juillet 1794, place de la Nation
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