Edgar Morin, un enfant de Ménilmontant
Edgar Morin, un enfant de Ménilmontant
Les hauteurs de Belleville conservent en bonne santé si l’on en croit Edgar Morin, né le 8 juillet 1921 et donc âgé aujourd’hui de plus de 101 ans.
Ce qui n’empêche pas ce sociologue, ce chercheur populaire particulièrement sollicité par la presse, d’accepter très régulièrement les invitations des différents médias généralistes et spécialisés. Et tout dernièrement encore sur France Inter où il aborde en passant -et en toute simplicité- sa vie d’aujourd’hui.
Et quand il parle de vivre, il sait de quoi il parle :
« Vivre est une navigation dans un océan d’incertitudes
avec quelques îlots de certitudes
pour s’orienter et se ravitailler. »
Retour rapide sur sa jeunesse, son passé militant et son apport intellectuel
La jeunesse d’ Edgar Morin
Ses parents, originaires de familles commerçantes juives de Salonique, venus en France au début des années 1910, s’étaient installés à Ménilmontant où vivait une importante communauté juive. Son père (Vidal Nahoum) tenait un commerce de bonneterie en gros.
Edgar Morin n’a reçu aucune éducation religieuse mais vivait au milieu d’une communauté de juifs saloniciens. Il se qualifie « d’incroyant radical ». En 1931, l’enfance d’Edgar Morin a été profondément bouleversée par la mort prématurée de sa mère. Après cette disparition brutale, il sera élevé par son père.
Il passe toute sa jeunesse à Ménilmontant ; dans une interview à France Inter le 14 juillet 2022, il nous raconte un 14 juillet à Ménilmontant :
« J’ai tout d’abord pensé au 14 juillet de ma jeunesse avant-guerre. Le 14 juillet, lors de l’avant-guerre, c’était une grande fête populaire, il y avait partout, dans tous les quartiers, des bals, notamment dans mon quartier Ménilmontant, et des drapeaux français à toutes les fenêtres. C’était la grande fête de l’année, Peut-être que cette fête a diminué en qualité populaire…
Pour moi le 14 juillet ce n’est pas seulement le 14 juillet 1789 mais c’est le 14 juillet 1790, la grande fête de la Fédération où les délégués de toutes les provinces de France ont voulu dire nous voulons faire partie de la grande union…
Je pense que la France dans son unité et sa diversité actuelle a été fondée là. Donc pour moi, j’adore le 14 juillet. »
Âgé de 101 ans, il dit ressentir « la poésie de vivre, de marcher au soleil ».
« J’ai perdu beaucoup d’amis, mais j’en ai encore. J’ai une relation d’amour avec mon épouse. J’ai encore beaucoup de sentiments, bien que beaucoup de choses soient rétrécies, dont mon audition, ma capacité de gambader avec mes jambes. Mon corps a diminué de ses capacités, mais mon esprit reste pareil. La vie continue à travailler en moi. »
Il reste l’un de nos grands intellectuels français après avoir été un militant engagé.
Le militant de gauche
En 1936, pendant la guerre d’Espagne, son premier acte politique est d’intégrer une organisation libertaire, pour préparer des colis à destination de l’Espagne républicaine. En 1938, il rejoint les rangs d’une petite formation de la gauche pacifiste et antifasciste.
Il entre en 1942 dans la Résistance communiste au sein des Forces unies de la jeunesse patriotique, change son nom en Edgar Morin et devient membre du Parti Communiste. Il est alors proche de nombreux intellectuels « compagnons de route » de ce parti, comme Georges Friedmann ou Jean-Paul Sartre. Il en sera exclu en 1951 à cause de son opposition au stalinisme. Politiquement, Il se situe maintenant dans une gauche républicaine et humaniste et a récemment déclaré. « J’ai toujours les mêmes convictions, mais j’ai perdu des illusions »
L’intellectuel
Son œuvre en tant que sociologue, chercheur, cinéaste, écrivain et enseignant est considérable.
Il a écrit plus de cent livres. À l’âge de 100 ans il a publié Leçons d’un siècle de vie, Paris, Éditions Denoël, et, en 2022, à l’âge de 101 ans, Réveillons-nous ! Paris, Éditions Denoël. Il a participé ou réalisé neuf films.
Il a beaucoup travaillé sur le concept de complexité, cette « pensée complexe » qui, selon lui, aide les dirigeants à mieux comprendre le monde qui les entoure. Si le mot complexité s’oppose apparemment à la simplicité, lui a le don de nous expliquer ici -en moins de 14mn agréables et pédagogiques- toute son utilité.
« Dans la vie, tout est lié » et il nous faut donc « relier ce qui est lié ». Une approche bien utile avant de prendre une bonne décision pour agir. Et dans cet entretien, son apparente simplicité conviviale et claire le rend accessible au grand public : elle fait à l’évidence de lui opportunément un bon « client » régulier pour les journalistes.
Terminons par une pensée d’Edgar Morin, toujours d’actualité : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence on oublie l’urgence de l’essentiel. »
Edgar Morin, un enfant de Ménilmontant
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