Affiche de l'exposition au Grand Palais - Le Paris de la modernité



La bombe du zeppelin LZ77



À l’exposition du Petit Palais « Le Paris de la modernité  1905-1925 », un curieux objet est exposé, avec un intitulé qui intrigue.

 

Bombe sphérique explosive de 60kg du zeppelin LZ77 exposée au Petit Palais - PG

Bombe sphérique explosive de 60kg du zeppelin LZ 77,
bombardement du 29 janvier 1916, 161 rue de Ménilmontant-PG.

Une bombe explosive qui n’a finalement pas explosé.

 

Que s’est-il passé ce jour-là sur le 20e arrondissement ?

 

Selon le Petit Parisien du jour suivant, on trouve l’explication… de dix bombes larguées sur Paris à « dix heures exactement ». Plusieurs morts, quelques blessés, et beaucoup de dégâts matériels !

 

L Humanité, 30 janvier 1916 - Bombardement du 29 janvier 1916 22h

L’Humanité, 30 janvier 1916

 

 

Le Musée de l’Armée, lui, est plus précis et donne des explications sur les raids effectués pendant la guerre 1914-1918 sur Paris :

… seuls deux raids [ndlr : de zeppelins] sont menés. Le premier, par quatre zeppelins, a lieu dans la nuit du 20 au 21 mars 1915. Sept bombes sont lâchées sur les 17e et 18e arrondissements de Paris, puis, pris à partie par la DCA, les zeppelins rebroussent chemin en se délestant de 58 bombes sur la banlieue (Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret, Asnières-sur-Seine, Gennevilliers, Courbevoie, La Garenne-Colombes, Saint-Gratien, Colombes, Bois-Colombes, Enghien, Argenteuil et Saint-Germain-en-Laye), blessant trois personnes.

Lors du second raid, dans la nuit du 29 au 30 janvier 1916, un zeppelin (le second zeppelin initialement prévu a dû rebrousser chemin avant d’atteindre l’Île-de-France) lâche dix-huit bombes sur le 20e arrondissement de Paris, tuant 23 personnes et en blessant 31 autres. Lors de son retour, il se déleste de 30 bombes au-dessus des communes de La Courneuve, Stains, Pierrefitte, Villetaneuse, Deuil et Montmorency, sans grands dégâts.

 

La Mairie de Paris pour sa part, indique 17 engins explosifs dans les quartiers de Belleville et de Ménilmontant, 26 morts et 38 blessés.

La suite du raid du zeppelin apparait sur le site 1jour.fr :

Le dirigeable ayant bombardé l’est parisien sera, néanmoins, sérieusement touché et s’écrasera en Belgique lors du trajet de retour.

Ce raid sera le dernier raid de zeppelins allemands contre la capitale. Les bombardements continueront tout de même, avec des Taubes (avions ressemblant à des pigeons par leur fuselage et leur empennage), des Gothas (bombardiers biplans allemands) et des Berthas (canons à longue portée). Ces armes sont à la fois moins coûteuses et plus efficaces et meurtrières.

 

Les photos des dégâts dans l’arrondissement

De nombreux clichés subsistent de ce bombardement de 1916 dans les quartiers Belleville et Ménilmontant.

Celui-ci :

Photographie du bombardement de 1916 à Belleville

Le 30 janvier 1916, dans le quartier de Ménilmontant à Paris, la foule observe le cratère produit par une bombe larguée d’un zeppelin allemand – BNF


Le négatif est légendé “Raid d’un zeppelin sur Paris, 100, rue de Ménilmontant”

Mais d’aucuns rectifient en situant le cliché vers la rue Sorbier, à la hauteur du 70, rue de Ménilmontant.

 

Et sur le site du Musée de l’Armée, qui possède dans ses collections la bombe exposée au Petit Palais, on trouve ceci avec cette photo :

Photographie de la visite de Raymond Poincarré au 87 rue Haxo le 29 janvier 1916

Raymond Poincaré, président de la République, visite les dégâts occasionnés par une bombe de zeppelin au 87 de la rue Haxo le 29 janvier 1916 – © Musée de l’Armée

 

La photo ci-dessous, portant une légende partisane très explicite, montre le cratère d’une des bombes larguées par le zeppelin qui a défoncé la voûte du métro, à savoir la ligne 2, entre les stations Couronnes et Ménilmontant (sous l’actuel boulevard de Belleville).

Photo du cratère d’une des bombes larguées par le zeppelin qui a défoncé la voûte du métro,

Les zeppelins sur Paris – La voûte du Métropolitain – Wikipedia

 

Sur le site de la Mairie de Paris, on retrouve plusieurs photos du 20e arrondissement dont celle ci-dessous, rue des Panoyaux, nous faisant entrer dans l’intimité des foyers du 20earrondissement en cette soirée du 29 janvier 1916. Comme celle d’une famille de sept personnes anéantie alors qu’ils étaient en train de diner, ou le cliché intime de la chambre de deux jeunes filles en train de dormir sauvées par « deux grands bahuts qui se trouvaient en face du lit ».

Dégats causés par les bombardements rue des Panoyaux

Paris, rue des Panoyaux, 29 janvier 1916
Sept personnes furent tuées à table. L’agent indique exactement le centre qu’occupait la table.
© Charles Lansiaux / BHVP / Roger-Viollet

 

 

Des bombardements qui vont toucher y compris le Père Lachaise, le 14 avril 1918.

Bombardement du Père Lachaise le 14 avril 1918

Bombardement de Paris par canon à longue portée.
Cimetière du Père-Lachaise – 66e division, 14 avril 1918
© Préfecture de Police / BHVP / Roger-Viollet

 

Si vous souhaitez voir l’objet qui a provoqué cet article, rendez-vous au Petit Palais.

L’exposition a lieu du 14 novembre 2023 au 14 avril 2024. Courez-y !

1860... Paris annexe ses faubourgs, conférence

1860… Paris annexe ses faubourgs

L’exemple de Charonne et de Belleville

 

La conférence est présentée par Christiane Demeulenaere-Douyère, vice-présidente de l’AHAV

Elle a lieu :

📅 Jeudi 15 février 2024
🕒 À 18h30 précises
📍 À la Mairie du 20e arrondissement, salle du Conseil

  Entrée libre dans la limite des places disponibles

1860 représente un moment capital dans l’histoire de Paris : la ville, à l’étroit depuis la fin du XVIIIe siècle dans le corset de son Mur des Fermiers généraux, étend ses limites administratives et fiscales jusqu’à ses fortifications militaires édifiées vers 1840, et de ce fait elle absorbe l’intégralité des onze communes administrativement autonomes de sa proche banlieue et des portions plus ou moins étendues de treize autres communes. Par cette mesure, la superficie de Paris passe d’environ 3 300 hectares à 7 000 hectares et la ville gagne 600 000 habitants nouveaux, soit une augmentation de 55% de sa population. C’est l’acte de naissance officiel du Paris actuel et des 20 arrondissements que nous connaissons aujourd’hui.

La banlieue annexée à Paris est encore plutôt rurale et peu peuplée, à l’exception de Belleville qui compte alors 65 000 habitants – c’est la deuxième ville du département de la Seine juste après Paris. Cette mesure bouleverse la figure de la capitale et bien sûr la vie des Parisiens, anciens et nouveaux. On promet de faire de ce Paris agrandi une ville harmonieuse et confortable, dotée d’une voirie moderne, et riche. Après l’haussmannisation du centre de la capitale, spéculation, construction et industrialisation vont s’emparer de ces nouveaux territoires parisiens.

Le 20e arrondissement, qui a été créé sur les anciennes communes de Charonne et de Belleville (en partie), va subir le sort commun, à cette différence toutefois que le territoire de Belleville est partagé entre deux arrondissements, les 19e et 20e. Belleville est la seule commune annexée à connaître ce sort.

C’est du côté des habitants de l’Est parisien que nous allons analyser cette grande mutation de 1860 et rendre compte de leurs réactions qui ont été, au fil du temps, de trois ordres : d’abord inquiétudes, ensuite espérances, puis insatisfactions.

 

Extension des limites de Paris - 1859 - Estampe par les Frères Avril. Paris, musée Carnavalet.

Extrait de la carte du département de la Seine indiquant les modifications territoriales nécessitées par l’extension des limites de Paris – 1859 – Musée Carnavalet.

Jacques Delors en conférence de presse lors d'une visite d’Édouard Balladur à Bruxelles en 1993



Enfant de Ménilmontant, Jacques Delors nous a quittés

 

Jacques Delors vient de mourir ce 27 décembre 2023 et la presse nationale et européenne s’en est émue. Elle a rappelé son parcours d’homme politique arrivé jusqu’à la présidence de la Commission européenne entre 1985 et 1995. Jacques Delors, le favori des sondages aux présidentielles de 1994 et qui a pourtant décidé de « ne pas y aller ».

Sans doute plus anciens, son engagement religieux et son action syndicale ont été moins abordés, et tout commence dans le 20e. Son engagement en tant que chrétien social l’a poussé à vouloir déconfessionnaliser la CFTC. Avec d’autres responsables, il a participé à la création de la CFDT en 1964, ainsi laïcisée, c’est-à-dire en toute indépendance de l’Église.

Le mensuel le Pèlerin cite son proche collaborateur, Jérôme Vignon, qui se souvient d’un échange à Bruxelles en 1985 entre Jacques Delors et le pape : « Le pape lui en a voulu de laisser tomber la CFTC. Pour lui, il fallait revendiquer de manière visible sa foi chrétienne ».

Un riche parcours européen et français, celui d’un jeune qui avait déjà commencé à s’engager  dans nos quartiers.

Le jeune catholique pratiquant dans le 20e

Plus localement donc, Jacques Delors est né à Paris en 1925 et c’est un enfant de Ménilmontant, là où habitaient ses parents. Ses grands parents tenaient un restaurant bar, maintenant disparu, dans le 20e.

Élève brillant d’une école du quartier, il obtient son certificat d’études avec la mention « très bien », et puis il poursuit ses études au lycée Voltaire.

Jacques Delors avec ses parents en 1933

Jacques Delors avec ses parents en 1933 – Institut Jacques Delors

Ses parents étaient des catholiques pratiquants et Jacques Delors allait à une église catholique située au 130 rue Pelleport, Notre-Dame-de-Lourdes. L’église qu’il fréquentait a été détruite pour raison de sécurité et à sa place, une nouvelle église sera construite et bénie en 1980. Comme beaucoup d’enfants du quartier, il allait au patronage les jeudis et dimanches.

 À cette époque, deux patronages catholiques se partagent la rue de Ménilmontant :

– La « Jeanne d’Arc de Ménilmontant » dans le haut de la rue, créée en 1899 et liée à la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes,

– Les « Ménilmontagnards » dans le bas de la rue, créée en 1898.

Ces patronages permettaient aux jeunes de pratiquer du sport et des activités culturelles.
Lui a fréquenté « La Jeanne d’Arc de Ménilmontant » et joué au basket. Il était considéré comme un bon joueur mais préférait le football, et allait, avec des camarades, taper le ballon dans les terrains vagues du 20e.

Sa jeune vie de cinéphile à Ménilmontant

L’une de ses passions était le cinéma ; il a créé le « Ciné-club de la Jeanne d’Arc » dans les locaux du patronage et, sous l’œil attentif du curé, projeté des films qui lui plaisaient. Il louait un projecteur de 16mm et un film. Lors de la séance, il présentait le film puis, après la projection, il animait une discussion. Ses préférences allaient aux films du néoréalisme Italien, aux films français comme « La règle du jeu » et au cinéma américain, en particulier les films d’Orson Wells et de John Houston dont la « philosophie de l’échec » l’intéressaient beaucoup. Sa mère l’a d’ailleurs inscrit à l’école du cinéma l’IDHEC, mais il cède finalement à la pression de son père et renonce à y aller. Dans une interview il disait « on devrait avoir plusieurs vies ».

Voilà pour sa jeunesse dans nos quartiers, mais sa modestie sans doute ne nous a pas permis d’en savoir davantage.

Livre "Jacques Delors" de Gabriel Milesi

Jacques Delors par Gabriel Milesi paru en 1985

Tombe d'Idir au Père Lachaise

 

Cet article inaugure une série en trois parties, toutes consacrées à l’histoire des kabyles dans le 20e. Vous pouvez y accéder directement  en cliquant directement sur les titres suivants ; Les kabyles en 1871, une histoire «Commune»  et L’arrivée des kabyles au XXème siècle.

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Idir et les kabyles dans le 20e

En hommage au chanteur Idir, le Conseil d’arrondissement du 20e a suivi le vœu du groupe « Paris en Commun ». Il a voté le 29 novembre dernier la dénomination de « square Idir » à la partie centrale de la place de Ménilmontant. Idir habitait Ménilmontant, il nous a quittés en 2020 et a été inhumé au Père-Lachaise.

 

À la mémoire de Idir

Idir, un hommage en forme de pochoir-ACB

Idir, de la Kabylie à Ménilmontant

Idir, ⵃⴰⵎⵉⴷ ⵛⴻⵔⵢⴰⵜ, en tifinagh, alphabet de la langue tamazight, est une légende de la chanson kabyle. Il nait en 1949 dans un village du Djurdjura, à 35 km de Tizi-Ouzou, capitale de la Grande-Kabylie.

Puis il vient en 1975 à Paris, et fait de Ménilmontant et de la rue des Maronites son « quartier général ». On pouvait l’y croiser presque tous les jours « Au Petit balcon » ou à « La Pétanque », des cafés du quartier. Il venait régulièrement rencontrer la communauté Kabyle, à l’ACB (Association de Culture Berbère).

Dans son dernier album, il laisse un message de ce que peut être l’ouverture dans un monde où tout semble être déterminé par le désir du repli, un message de laïcité et de citoyenneté.

Le 20e arrondissement compte une large population venue de Kabylie depuis déjà bien longtemps. Essayons d’en savoir plus.

La vie des kabyles dans le 20e

28 associations Kabyles à Paris sont notées sur le site Gralon, dont on voit ici la répartition et une concentration réelle sur et autour des 19e et 20e arrondissements de Paris.

Plan de Paris avec la localisation des 28 associations kabyles

Associations kabyles à Paris – Gralon

Depuis 1979, l’ACB (Association de Culture Berbère) est la pionnière des associations berbères à vocation socioculturelle.

L’ACB c’est déjà et un peu l’histoire de Ménilmontant, celle qui s’ouvre, peut-être, du côté du 45 boulevard de Ménilmontant avec la fraternité d’Eugène et d’Aziz. Il s’agit de l’ex-communard et le ci-devant insurgé kabyle de 1871. L’histoire se poursuit au Père Lachaise, là où repose le chanteur Idir et où se perpétue, pour l’éternité, son message de Kabyle inscrit dans l’universalité. Voilà du moins quelques-unes des figures tutélaires de cette association du 20e arrondissement.

L’originalité de cette association réside dans son action pour le rayonnement de la culture berbère. Elle propose également un accompagnement juridique, social et administratif.

L’ACB-Paris est agréée Jeunesse et Éducation populaire et, depuis 2017, elle est reconnue par la CAF comme Espace de Vie Sociale ou EVS. Elle a pour engagement la liberté de conscience, le respect du principe de non-discrimination, l’égalité femmes-hommes ou encore le souci des plus jeunes : elle met en place les outils pour pouvoir vivre et partager ses appartenances – et ressources – plurielles. 

Quelques autres associations locales

Citons parmi d’autres :

  • L’AKRED, Association des Kabyles des deux Rives Pour L’entraide Et le Développement,
  • Agir pour la Kabylie,
  • L’Association Matoub Lounès, qui transmet l’art de Matoub Lounès et promeut la culture berbère en France,
  • Kabylie équitable, association engagée dans le commerce équitable, productrice d’émissions de radio et de télévision.

Les cafetiers et la licence IV

Quant aux lieux de convivialité, les « bistrots » en particulier, remontons à la fin des années 50. A l’époque, les bougnats – nom donné aux Auvergnats montés à Paris – sont cafetiers et règnent sur un empire constitué d’hôtels, de restaurants et de bars de la capitale. Peu à peu, ils cèdent certaines affaires de l’est parisien aux Kabyles. L’indépendance de l’Algérie n’arrête en rien le processus. Avant 1962 et les accords d’Évian, seules les personnes de nationalité française pouvaient disposer de la licence IV, permettant de vendre de l’alcool à consommer sur place.

Licence IV, loide 1941

Licence IV, une législation datant de 1941-CHR

Pour éviter la perte de leur licence aux cafetiers déjà installés à Paris, des négociations amènent à ce que les ressortissants algériens soient exemptés de la condition de nationalité. C’est ainsi que les Kabyles commencent à acheter de plus en plus de cafés aux Auvergnats.

Pour la première génération d’hommes venus travailler à Paris, les cafés tenus par les Kabyles étaient des lieux de vie pour ces immigrés qui se retrouvaient isolés. Les ouvriers se retrouvaient dans ces bistrots après le travail, ou même ils habitaient dans l’hôtel au-dessus, ils pouvaient profiter du téléphone pour appeler les leurs en Algérie, ils y recevaient leur courrier, ils pouvaient bénéficier du soutien de personnes lettrées, sorte d’écrivain public, pour écrire à leur famille. Les arrière-salles servaient aussi à accueillir les « djeema », ces assemblées hebdomadaires qui les aidaient à supporter l’exil.

Chanter dans les cafés

Il ne faut pas oublier les chanteurs berbères et particulièrement kabyles qui viennent dans ces cafés pour resserrer le lien de ces immigrés avec leur terre natale, et conserver la culture kabyle. Cette production de la diaspora berbère ou amazighe est ainsi ancrée dans la langue vernaculaire des chanteurs, le tamazight ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ. Les auteurs utilisent et promeuvent la variation linguistique spécifique à leur région d’origine.

Si la critique sociale et la douleur de l’exil sont toujours présentes, notamment dans la production de la première génération des immigrés représentée par Slimane Azem, un grand nombre des chansons peuvent être qualifiées de « chansons de protestation ».

Chanter en kabyle contribue pour les musiciens kabyles au maintien de leur langue et participe à la résistance à l’arabisation imposée au Maghreb[1]. En France, les chanteurs de la diaspora kabyle sont nombreux : Slimane Azem, Idir, Lounis Aït Menguellet, Lounès Matoub, Ferhat Mehenni, Karima, Malika Domrane, le groupe Djurdjura et bien d’autres.  

Parmi les plus anciens cafés :

  • Le Berbère Café devenu Le Berbère Rock Café, au coin du passage Dagorno
  • Ighouraf, à l’angle des rues des Vignoles et Buzenval
  • La Cantine des Hommes libres, rue des Maronites
La Cantine des hommes libres - 6 rue des Maronites

La Cantine des hommes libres-extrait de Ménil’info

Cette première génération fait tourner de modestes affaires, alors que la génération suivante, qui a repris la main dans les années 1990-2000, développe des affaires beaucoup plus prospères, face à la gentrification du quartier. Dans le 20e, ces restaurants, bars et autres cafés tenus par des familles kabyles sont pléthore[2].

Elle reprend peu à peu des lieux mythiques en conservant leur âme historique, comme par exemple les Folies, anciennement les Folies-Belleville.

Ou bien, elle rénove les cafés de quartier pour en faire des lieux fréquentés par la nouvelle population du 20e arrondissement :

  • les Ours,
  • les Rigoles,
  • Mr Culbuto,
  • Les nouveaux sauvages,

… et bien d’autres !

Combien d’histoires cachées de ce Paris kabyle existent encore dans nos quartiers ? À suivre, dans nos deux prochains articles, en 1871 puis au XXème siècle.

 

Pour les membres de l’AHAV, un article long est disponible dans l’espace adhérent : Les Kabyles du XXe
(Merci de vous identifier dans Mon espace adhérent / Connexion avant de cliquer sur le lien pour y accéder)


[1] Voir La chanson kabyle en immigration : une rétrospective, Mehenna Mahfoufi, dans « Hommes & Migrations » 1994 n° 1179 pp. 32-39

[2] Lire : Une communauté aussi bien enracinée que mal connue, Avec les Kabyles de Ménilmontant, par Arezki Metref

Ancien siège de Bull

Une plaque mémorielle pour Bull, née dans le 20e arrondissement      

Ce 25 octobre 2023 à 14h30, une délégation de la FEB (Fédération des Équipes Bull) Région parisienne, et deux membres de l’AHAV ont procédé à la pose de la plaque à côté de celle indiquant le « 94 » avenue Gambetta.

Bull le premier employeur de l’arrondissement.

Bull a vécu dans le 20e de 1931 à 1993, date du départ de ses derniers collaborateurs. Il a été le premier employeur de l’arrondissement.  La Fédération des Équipes Bull (FEB) a mis près de vingt ans avant de pouvoir apposer une plaque souvenir destinée aux passants. Pourtant, c’est bien ici, dans ce bâtiment de l’avenue Gambetta, qu’est née l’informatique européenne avec la Compagnie des Machines Bull (CMB).

Inauguration du 25 octobre 2023

Sous la plaque Bull le jour de l’inauguration-FEB

C’est également dans ses ateliers que la première machine française à cartes perforées, la tabulatrice T30, a été fabriquée. Celle-ci est désormais classée monument historique.

Le T30 classé au patrimoine national

Le fameux T30 de Bull conservé par la FEB

Le 9 mars 1931, la Société EGLI-BULL est créée Avenue Gambetta

Débutant avec un effectif de 50 personnes en 1931, Bull va croître au fil des années jusqu’à un effectif de 15 600 personnes en 1964, réparties en France et dans le monde.

Cette entreprise si innovante, liée à l’indépendance nationale, a aussi vécu par la suite de nombreuses tourmentes financières : de Bull-General Electric, en passant par Honeywell-Bull, CII-Honeywell-Bull, puis à nouveau Bull pour finir actuellement chez Atos/Eviden.

 

L’inauguration de la plaque aboutissement d’un long parcours

L’initiative de cette plaque en revient uniquement à la FEB. Le chemin a été particulièrement long jusqu’à son succès d’aujourd’hui ; la réussite est due à la volonté et la détermination de cette fédération.

Plaque mémorielle Bull dans le 20e

Texte de la plaque commémorative de Bull Gambetta-FEB

En effet, son président Daniel Humblot en est le témoin principal :

«  pas facile d’obtenir l’autorisation d’apposer, en face du N° 94 de l’avenue. Gambetta une plaque souvenir de la Cie des Machines Bull, pourtant berceau de l’Informatique européenne. Il a fallu convaincre, pendant de longues années, la Mairie du XXème, puis les propriétaires des Murs (cinq depuis le départ en 1993 de Bull), puis les occupants des lieux (Rectorat de Paris, Carrefour Market, Publicis) ».

Cette plaque commémorative a effectivement une longue histoire. Déjà en 2005, un projet de plaque existait. Il a été reproduit dans le bulletin de l’AHAV dédié à Bull dans le 20e arrondissement. Ce bulletin écrit par François HOLVOET-VERMAUT (ancien dirigeant de Bull et membre de la FEB), faisait suite à sa conférence sur l’histoire de Bull, conférence que nous avions en son temps organisée à la mairie du 20e.

Pour sa part et loin d’être découragé par les lenteurs administratives, et après de nombreuses séances, l’ensemble du Bureau FEB a fini par réaliser et faire valider le projet. Au total, cinq propositions ont dû être soumises, avant d’aboutir à une validation définitive.

Et Daniel Humblot d’ajouter en conclusion

« Après de nombreux refus, des absences de réponse, puis des contraintes tatillonnes, puis des tentatives d’épuisement et de découragement… j’ai enfin abouti ! Le gros avantage du retraité, supporté par une bonne équipe, c’est -avec la détermination- le temps disponible »

Enfin en novembre 2022, l’autorisation a pu être accordée avec un engagement précis sur le cahier des charges de la plaque : matériau, dimensions, emplacement précis, coloris, police de caractères, mode de fixation, etc. 

À propos du 94 avenue Gambetta

Tout d’abord, un fait divers : un attentat à la bombe a lieu le dimanche 30 septembre 1990 vers 6h30, revendiqué par le groupe  » Gracchus Babeuf « . L’explosif a légèrement endommagé la façade du 94. Les dégâts ont été peu importants.

Plusieurs locaux autour du siège de Bull

Plan des locaux de Bull dans le 20e en 1983-FEB

Ensuite, que deviennent les locaux ? Le Rectorat de Paris vient s’y installer puis partira dans le 19e arrondissement.

  • En 2015, l’assureur Allianz vend le bâtiment à la multinationale américaine Cargill (135 Md de dollars de chiffre d’affaires)
  • En 2016, il est prévu un Carrefour Market de 1950 m2 ; rappelons qu’au total les locaux ont une superficie totale de 20 000 m2.
  • Le 12 mai 2017, Icade (société semi-publique) signe une promesse de rachat des 20 000 m² pour un montant de 137 millions d’euros. Le projet d’installation de Carrefour Market est contesté localement, il met en péril l’activité des petits commerçants.

L’affaire devient politique jusqu’à l’hôtel de ville. Après les écologistes, le groupe communiste/Front de Gauche demande également à ce que la Semaest (société d’économie mixte de la Ville de Paris, spécialisée dans l’animation économique des quartiers) se porte acquéreur de tout ou partie des locaux de l’ancien rectorat. Les choses en resteront là comme nous pouvons le voir ici.

La dernière ligne droite de Bull

Bull est entièrement privatisé en 1997, mais le 27 janvier 1998 Bull confie pour cinq ans la gestion de ses services de télécommunications en France à France Télécom,  actionnaire à 17 % de son capital.

Le 27 février 1999 sur Radio Classique, le PDG de Bull, Guy de Panafieu, annonce la suppression de 1 800 postes net en 1999. C’est le début d’une grande page qui se tourne.

Aujourd’hui il ne nous reste de Bull que le nom d’une gamme de serveurs «BullSequana» baptisée ainsi par son dernier acheteur, le groupe Atos. Sans oublier le musée Bull et de la mécanographie à Belfort, avec ses machines à cartes perforées toujours en état de fonctionnement. Ce musée est géré par la Fédération des Équipes Bull et France Bleue nous le fait découvrir.

Résumé de leur histoire
Ce drame lié à la République a eu lieu pendant la guerre d’Algérie, en juin 1957. Il nous revient en juin 2023. Il s’agit de la disparition de Maurice Audin, de la reconnaissance des faits et de l’action dans la durée de sa femme et ses deux enfants.

Au moment de la bataille d’Alger, Maurice Audin est arrêté, torturé puis assassiné par les parachutistes français. Son corps n’a pas été retrouvé, raison pour laquelle il sera officiellement déclaré mort le

En 2023, son fils Pierre -également mathématicien- meurt à l’âge de 66 ans, après avoir recherché activement toute la vérité sur les circonstances de la mort de son père.

Le 16 juin 2023, sa fille ainée âgée de 69 ans  -elle aussi mathématicienne- nous fait partager sur les ondes, dans l’émission Le Cours de l’histoire, sa passion pour l’histoire… et pas n’importe quelle histoire.

Et sur France Inter, l’émission Affaires sensibles du 18 septembre 2023 retrace sous forme de récit documentaire l’affaire Maurice Audin.

Nous reproduisons ici notre article paru pour la première fois le 8 septembre 2022, dans lequel sont également indiqués les lieux dédiés à leur mémoire près de chez nous.

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Rue de la Mare,  la fresque dédiée à Josette et Maurice Audin

 

L’inauguration de la fresque Josette et Maurice Audin -il a été torturé et assassiné pendant la guerre d’Algérie- a eu lieu cet été rue de la Mare. La date choisie correspond très exactement celle du soixantième anniversaire des accords d’Évian : le 5 juillet 1962, l’Algérie devenait indépendante.

Leurs lieux de mémoire à Paris

En France, une quinzaine de villes le garde en mémoire en attribuant son nom à une rue, une place ou plus modestement une plaque dans un jardin. Il existe également une place Audin à Alger.

À Paris, cette fresque est le dernier hommage en date à la mémoire de ce jeune et brillant mathématicien, militant du parti communiste algérien et favorable à son indépendance. Il fait suite au cénotaphe situé au Père Lachaise et par ailleurs au nom d’une place dans le 5e arrondissement.

Pour la petite histoire locale, il faut savoir qu’à l’origine le nom de sa rue devait remplacer celui de la rue des Tourelles, suivant une première décision du Conseil de Paris votée en 2001. Sans doute la proximité volontairement choisie du siège de l’ex SDECE -future DGSE et surnommée « la Piscine »- de cette rue du 20e a-t-elle finalement du poser problème par la suite.

À noter que le 25 janvier 2021 dans un parc de Bagnolet, une plaque leur rendant hommage a été vandalisée, avec l’inscription « OAS ».

Hommage rue de la Mare

Fresque Josette et Maurice Audin-PG

La fresque au nom du couple

Il reste que l’œuvre du graphiste Orel Ruys inaugurée cet été se situe bien dans le 20e, au tout début de la rue de la Mare, tout près de l’ancienne gare de Ménilmontant. Cette partie de la rue est devenue une voie piétonne. Elle reste accessible au public mais protégée dans ses deux entrées qui la délimitent, avec une barrière métallique servant de filtrage individuel : une solution pour préserver la quiétude des habitants des immeubles voisins.

Pour mémoire, la rue de la Mare existe en tant que chemin depuis 1672. Elle a été nommée ainsi parce qu’à l’origine elle était située près du lieu d’une ancienne mare de Belleville. Face au numéro 9, le mur est devenu l’endroit retenu pour y peindre cette fresque au nom du couple Audin ainsi symboliquement réunis.

Josette est ainsi pleinement reconnue aux côtés de Maurice, elle qui a consacré toute sa vie à se battre pour le rétablissement et la transparence de la vérité des faits criminels subis par son mari : les tortures, l’assassinat puis la disparition de son corps par l’armée française en 1957.

La reconnaissance tardive de la République

Finalement ce crime commis en Algérie sera reconnu officiellement en 2018 par le président Emmanuel Macron. Il aura fallu parcourir un très long chemin sinueux à Josette Audin, avec l’aide et le soutien de son entourage, pour arriver à obtenir cette reconnaissance officielle, 61 ans après les faits.

Remise de la décision officielle

Emmanuel Macron chez Josette Audin le 13 septembre 2018

Pour solenniser plus personnellement sa décision, le président de la République s’est rendu le 13 septembre 2018 à Bagnolet chez Josette Audin. Il a ainsi choisi de reconnaître les faits en sa présence et celle de ses invités, cités à nouveau par Le Monde daté du 2 septembre 2020 :

Entouré de la famille Audin, l’aînée, Michèle, et le fils, Pierre, de deux députés, Cédric Villani (LRM) et Sébastien Jumel (PCF), d’historiens, parmi lesquels Sylvie Thénault, Raphaëlle Branche et Benjamin Stora, de ceux qui, depuis tant d’années, œuvrent au sein de l’Association Maurice Audin.

Emmanuel Macron est là pour en finir avec un mensonge qui déshonore la République. « Une page s’ouvre aujourd’hui, l’ouverture de toutes les archives, le travail libéré des historiennes et des historiens. Cela va être une nouvelle ère pour nos mémoires et nos histoires avec l’Algérie », assure le président Macron.

La mémoire gravée dans le 20e

Josette Audin est morte le 2 février 2019, à l’âge de 87 ans, elle aura réussi de son vivant à gagner l’essentiel de son combat à la mémoire de son mari.

Et le 11 juin de la même année, un cénotaphe à la mémoire de Maurice Audin est inauguré au Père Lachaise, à la suite de la décision d’Anne Hidalgo maire de Paris.

Audin au Père Lachaise

Pierre Audin dévoile le monument dédié à son père Maurice Audin le 12 juin 2019

Trois mois plus tard, soit très exactement le 10 septembre 2019, un arrêté du Premier ministre permettra enfin d’accéder aux archives publiques relatives à Maurice Audin.

Et désormais aujourd’hui rue de la Mare, Josette  et Maurice se trouvent à nouveau réunis par cette fresque.

Rappelons en passant que le jeune couple a eu une fille née à Alger en 1954, Michèle Audin, Elle aussi est devenue mathématicienne, habite boulevard Voltaire et se passionne plus particulièrement pour la Commune de 1871.  Au point d’en devenir écrivaine avec notamment son livre sur « la semaine sanglante ».

20e Regard des Petites Rigoles

Les eaux nouvelles et anciennes du 20e

Dans le cadre des événements de l’AHAV, nous proposons une visite sur les eaux nouvelles et anciennes du 20e.

  • Dimanche 1er octobre à 10h – environ 2h30 de visite.

Cette visite guidée par Jacques Paulic est réservée à nos adhérents sur inscription à notre courriel : ahav.paris20@gmail.com. Le lieu de rendez-vous sera précisé en retour.

 

L’alimentation en eau potable de Paris partage une longue histoire avec le 20e arrondissement. Dans ce parcours original, nous évoquerons en premier lieu l’approvisionnement en eau, récent et présent. Puis nous remonterons dans le temps pour découvrir des captages historiques des Sources du Nord.

Portrait d'Eugène Belgrand

Eugène Belgrand

Une personne a bien connu les eaux nouvelles et anciennes au 19ème siècle : il s’agit du grand ingénieur Eugène Belgrand.

Il a conçu une grande partie du réseau moderne et actuel de Paris. Il avait aussi étudié les réseaux anciens et écrivait en 1877 : « lorsque j’aurai disparu avec trois ou quatre collaborateurs et autant d’anciens serviteurs qui surveillent les tronçons d’aqueducs comme une chose sacrée, qui en jaugent l’eau comme si elle était encore indispensable à Paris, il ne restera pas même un souvenir de ces vieilles choses ». Venez voir !

Châteaux d'eau du réservoir de Ménilmontant

Châteaux d’eau rue du Télégraphe-PG

Plaques rue du groupe Manouchian

Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon le 21 février 2024

 

C’est officiel depuis ce 18 juin 2023, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon le 21 février 2024.

Le 20e les garde également en mémoire dans plusieurs lieux : leur rue au nom du groupe Manouchian, une commémoration annuelle organisée par la Ville dans cette rue, la fresque rue du Surmelin et un monument au Père Lachaise.

Nous leur avions consacré trois articles dont celui-ci -daté du 28 février 2023-  incluant les deux autres sous forme de liens.

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Hommage aux membres du groupe Manouchian

 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant…

Le 21 février dernier, dans la lumière dorée d’un soleil d’hiver déclinant, le 20e arrondissement a commémoré le 79ème anniversaire de la mort de Missak Manouchian (1906-1944) et de ses camarades de l’organisation FTP – MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée), fusillés, le 21 février 1944, comme résistants au Mont-Valérien.

Les membres du groupe Manouchian

Réseau Manouchian, montage photo-Internet

Ce soir-là, la rue du Groupe Manouchian, la rue du Surmelin et leurs abords ont retenti des noms de ces 23 hommes et femme*, communistes, anarchistes, juifs, arméniens, polonais, hongrois, italien, espagnol, roumain… ces 23 étrangers « morts pour la France ».

Ils ont aussi retenti des vers du poète Louis Aragon, écrits en hommage aux résistants de « l’affiche rouge » et mis en musique par Léo Ferré**. Qu’on la fredonne doucement comme une chanson d’amour, ou qu’on la chante avec ardeur comme un chant révolutionnaire, cette chanson ne s’est jamais tue.

Les ombres de Missak et de Mélinée Manouchian étaient présents aussi parmi nous : leurs visages peints sur les deux magnifiques fresques murales que leur ont consacrées les street-artistes de Art Azoï veillaient avec bienveillance sur la réunion.

Fresque Manouchian dans le 20e arrondissement

Fresque représentant Mélinée Manouchian-CDD

Bien sûr, il y avait les drapeaux des Anciens Combattants, des gerbes de fleurs, des écharpes tricolores, des prises de parole officielles – Madame l’Ambassadrice d’Arménie à Paris, Madame Hidalgo, Maire de Paris, la municipalité du 20e arrondissement et d’autres –, et les bravos nourris d’un auditoire nombreux… Et aussi un grand sentiment réconfortant, celui d’appartenir à une vaste communauté rassemblée là, dans les valeurs de la République : la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.

L’année prochaine, comme tous les 21 février, nous nous retrouverons encore rue du Groupe Manouchian. Et peut-être même avant, à l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de sa compagne Mélinée… actuellement en discussion.

Rue du groupe Manouchian le 21 février 2023

Cérémonie dédiée au groupe Manouchian en 2023, vue générale-CDD

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*Le réseau Manouchian comptait une femme, Olga Bancic, roumaine, qui fut non pas fusillée avec ses camarades de lutte, mais transférée en Allemagne et guillotinée à la prison de Stuttgart, le 10 mai 1944.

**Le poème d’Aragon, Groupe Manouchian, paraît en une du journal L’Humanité et est publié un an plus tard sous le titre Strophes pour se souvenir dans Le Roman inachevé. II est mis en musique par Léo Ferré, en 1959, sous le titre L’Affiche Rouge ; la chanson restera censurée, interdite à la radio et la télévision françaises jusqu’en 1981.

Entretien avec Georges Kiejman

Georges Kiejman, un gamin de Belleville

Nous connaissons bien Georges Kiejman, l’avocat et figure emblématique du monde judidiciaire au parcours exceptionnel. Il a été le défenseur de nombreuses personnalités médiatiques. Il vient de nous quitter le 9 mai 2023 à l’âge de 90 ans et il est utile de nous rappeler la carrière du célèbre avocat. 

Georges Kiejman a également joué un rôle politique en tant que proche collaborateur de Pierre Mendès-France et en a été un de ses secrétaires. Il a plus modestement assuré une carrière ministérielle, avec trois portefeuilles différents en deux ans, entre 1990 et 1993..

Kiejman, un proche de Mendes-France

Georges Kiejman travaillant avec Pierre Mendes-France-extrait LCP

Jeunesse et origines modestes à Belleville

Fils d’une famille juive polonaise, il est né à Paris et a passé une partie de sa jeunesse dans nos quartiers. Il se présente lui-même comme un enfant de Belleville.

Sa biographie a été écrite avec lui par Vanessa Schneider  L’homme qui voulait être aimé. Elle a été co-signée et publiée deux ans avant sa mort. En audio et produit ici par l’INA et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, son témoignage direct -sous forme de quatre épisodes de 15 mn- se trouve également très facilement accessible sur plusieurs sites internet.

Issu d’une famille de prolétaires immigrés

Ses parents, arrivés en France en 1931, étaient des immigrants de la région de Varsovie, et c’est l’année suivante que va naître à Paris le petit Georges. Son père exerçait un ou plusieurs métiers inconnus, dont il n’a jamais révélé les détails à la famille. La mère est illettrée et il la décrit comme « incapable d’instinct maternel ». 

Malheureusement, le père quitte le foyer familial avant la guerre, lorsque Georges avait 3 ou 4 ans, et si Georges l’a peu connu, il dit malgré tout l’avoir beaucoup aimé. Il en apprendra sa mort seulement en 1945, gazé à Auschwitz deux ans plus tôt.

Dans ses récits, Georges Kiejman partage une anecdote révélatrice de sa situation : « J’ai toujours porté les vêtements des autres ». Dès l’âge de 4 ans, il a appris à lire grâce aux livres empruntés à ses deux sœurs. Sa jeunesse a été marquée par des grandes difficultés financières, un challenge à relever pour nourrir ses grandes ambitions.

 

Les racines juives en héritage

Bien que ses parents étaient juifs, ils n’étaient pas pratiquants, et Georges Kiejman n’a pas été élevé dans la tradition religieuse. Lui se considère comme un « petit juif » immigré, mais la véritable conscience de son identité juive s’est surtout développée en réaction à la Shoah. Il se décrit lui-même comme étant à la fois profondément laïque et viscéralement juif.

Le gamin de Belleville

« Je suis né près de la rue des Rosiers que je n’ai pas fréquentée. J’ai vécu à Belleville beaucoup plus tard… Je suis un enfant de Belleville »

Georges Kiejman enfant

Georges Kiejman avec sa mère-extrait LCP

« Avant la guerre, j’ai vécu dans une toute petite pièce avec ma mère, une petite pièce que je retrouverai après la guerre, qui était une chambre d’hôtel de passe reconverti en immeuble dit d’habitation. Et j’allais à l’école du boulevard de Belleville »

Avant la guerre, à la suite des démarches de ses parents, il a pu acquérir la nationalité française.

Comme son père avait déjà quitté sa mère et, en 1939, s’était engagé en tant qu’étranger dans l’armée française, sa mère accepte de suivre la décision administrative de partir avec leur fils et ses deux sœurs dans le Berry… où le petit Georges deviendra même très brièvement enfant de chœur ; il retrouvera sa mère à Paris en 1946, pour habiter à nouveau dans cette minuscule chambre de Belleville du 11e arrondissement, très précisément au 13 rue de la Présentation. Il entrera quelques années plus tard au lycée Voltaire en classe de première.

Georges Kiejman, photo de classe

Georges Kiejman au lycée Voltaire-extrait LCP

À l’époque où il vit seul avec sa mère, ses deux sœurs habitent au 94 rue de Charonne, dans l’immeuble du Palais de la Femme géré par l’Armée du Salut.

Lorsque le jeune Georges est devenu étudiant, il donne à sa mère l’argent qu’il gagne  et une fois adulte, il s’en occupera jusqu’à la mort de celle-ci en 1974

Modifier son nom à double sens

Le nom paternel Kiejzman s’écrit à l’origine avec un « z » après le « j ». Il faut savoir que dans l’alphabet polonais, il existe une lettre double qui s’appelle le « jz ». Alors une fois devenu tout jeune avocat, il souhaite supprimer le « z » de son nom. Il le justifie ainsi :

« Ce « z » avait fait l’objet de beaucoup d’éclat de rire auprès de mes petits camarades quand j’épelais mon nom ».

Il relate cette anecdote à Pierre Assouline qui l’interroge un an avant sa mort : l’historien -ici en tant qu’animateur de l’émission d’Akadem TV- rebondit complaisamment sur le sujet. Pierre Assouline lui propose une formulation donnant un sens plus profond à cette modification du nom : « vous l’avez dépolonisé, mais vous ne l’avez pas déjudaïsé ».

Georges Kiejman en apprécie immédiatement l’idée, au point de se l’approprier en le répétant avec un sourire complice.

Sa vocation d’avocat

Au début de sa jeunesse, il a dû exercer plusieurs petits métiers pour pouvoir vivre. Mais à l’heure du choix de sa carrière, en quoi le métier d’avocat correspond-il à sa vocation ? Il y répond très simplement :

« Je n’avais pas conscience ni connaissance du droit, mais on me disait : il cause bien le petit Georges, il sera avocat, et cette idée m’est restée en tête. »

Et c’est ainsi quen décembre 1953, Georges Kiejman prête serment au barreau de Paris, alors qu’il a seulement 21 ans, et dès l’année suivante il obtient la coupe d’éloquence des jeunes avocats. Tout cela se passait il y a tout juste 70 ans, une longue carrière s’en est suivie. Elle se terminera à l’âge de 90 ans.

Ci-dessous au Père Lachaise, les différentes personnalités qu’il a représentées

Tombe de Montand et Signoret au Père Lachaise-PG

Montand et Signoret au Père Lachaise-PG

 

Tombe de Tignous

Charlie Hebdo, Tignous au Père Lachaise

Tombe de Malik Oussekine

Stèle de Malik Oussekine au Père Lachaise-PG

Tombe de Pierre Goldman

Pierre Goldman au Père Lachaise-PG

Tombe de Marie Trintignant

Marie Trintignant au Père Lachaise-PG

 

 

Extension d'Haussmann

Quand Belleville et Charonne intègrent Paris

Conférence à l’occasion des 170 ans de la nomination d’Haussmann en tant que préfet de Paris

 

Dans le cadre des Mardis de l’histoire de Paris, cycle de manifestations consacrées cette année au préfet de la Seine Georges Haussmann, l’AHAV a été invitée à présenter, le mardi 2 mai 2023, à 18h30, une conférence consacrée à :

1860 – Paris annexe ses faubourgs, l’exemple de Belleville et de Charonne,

par  Christiane Demeulenaere-Douyère, vice-présidente de l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris .

 Cette présentation sera suivie d’une autre conférence, consacrée à :

Les transformations de l’île de la Cité sous Haussmann,

par  Christine Bru – La Cité, société historique et archéologique de Paris Centre

Elles auront lieu dans l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris (entrée 5, rue Lobau, Paris 4earr.). Entrée libre dans la limite des places disponibles, mais inscription obligatoire à Christine.gosse@paris.fr.

 

Les Mardis de l’histoire de Paris

Mme Karen Taïeb, Adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine, de l’histoire de Paris et des relations avec les cultes vous invite chaque premier mardi du mois, à 18h30 à l’Hôtel de Ville pour ce nouveau rendez-vous gratuit et ouvert à toutes et tous.

Ces conférences sont animées par les sociétés et associations d’histoire des arrondissements parisiens.Chaque année, elles aborderont un thème spécifique.

En 2023, elles s’inscrivent dans la programmation de l’année Haussmann ; en effet, en 1853, le baron Haussmann est nommé préfet de la Seine par Napoléon III. C’est à lui qu’ont été confiés les Grands travaux de Paris sous le Second Empire. À l’occasion du 170e anniversaire du lancement de ces travaux d’envergure, la Ville de Paris propose tout au long de 2023 de nombreux événements.

Plus d’informations sur paris.fr (https://www.paris.fr/evenements/mardis-de-l-histoire-un-cycle-de-conferences-sur-l-histoire-de-paris-32170 et https://www.paris.fr/pages/haussmann-l-homme-qui-a-transforme-paris-23091).

Annexion de Belleville et Charonne

Conférence à l’HdV sur Belleville et Charonne intègrant Paris, par Christiane Demeulenaere-Douyère