Belleville, du territoire au quartier
Belleville ne se résume pas simplement au 77ème quartier administratif de Paris du 20e arrondissement.
Dans la mémoire des Parisiens, le « quartier de Belleville » reste toujours plus vaste que cette seule partie annexée et découpée en 1860. L’ancienne commune de Belleville s’étendait alors de part et d’autre de l’actuelle rue de Belleville, à cheval sur les 10e, 11e, 19e et 20e arrondissements.
Les limites du quartier…
Administrativement, le quartier de Belleville est limité aujourd’hui par l’axe des rues de Belleville, Pixérécourt, de Ménilmontant, et du boulevard de Belleville. Ses limites actuelles correspondent à une partie de l’ancienne commune de Belleville, annexée par Paris en 1860, qui s’étendait sur la moitié nord de l’actuel 20e arrondissement, mais aussi -en bonne partie- sur la moitié sud de l’actuel 19e arrondissement.
Ménilmontant, la notoriété d’un ancien hameau
Si à l’origine Belleville est un village, Ménilmontant qui le côtoie en est un hameau, tout comme celui de la Courtille. Avec le temps, Ménilmontant a été assimilé à Belleville. Pourtant, Ménilmontant a également sa propre histoire, celle que nous partageons encore aujourd’hui à plusieurs titres. Territoire de Ménilmontant, google map Ainsi, au sommet de sa colline le château de Ménilmontant -ou de Saint-Fargeau du nom de son propriétaire- sera construit au 18ème siècle. Également sur son territoire, l’hôpital de Ménilmontant a été ouvert en 1879, celui que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’hôpital Tenon. Par ailleurs sur la Petite Ceinture, la première gare construite est celle de Ménilmontant, rue de la Mare, celle qui a inspiré la chanson mondialement connue de Maurice Chevalier. Bourvil mentionne également le nom de la rue dans sa célèbre chanson « les crayons ».
Et enfin, juste devant l’hôpital, la place Gambetta avec sa mairie d’arrondissement. Situé à la limite des deux territoires, cet emplacement a été choisi pour « raccorder » Charonne et Belleville… et sa limite sur Ménilmontant. En 1860, cet ensemble formera le XXe arrondissement.
Le télégraphe optique de Claude Chappe.
Télégraphe optique
Claude Chappe.
L’histoire…
Le quartier de Belleville correspond en partie à l’ancienne commune de Belleville. Son territoire s’étendait avant 1860 de part et d’autre de l’actuelle rue de Belleville.
Jusqu’en 1860, date de l’extension des limites de la Ville de Paris par le rattachement des communes suburbaines, Belleville est une paroisse puis devient une commune indépendante et autonome. Elle sera séparée de la capitale par le Mur des Fermiers Généraux, où se perçoit l’octroi de Paris (taxe sur le passage des marchandises) qui ne s’applique donc pas aux marchandises produites ou consommées à Belleville.
D’abord paroisse rurale, ses activités sont essentiellement agricoles. On y a aussi longtemps extrait le gypse qui a fourni le plâtre de Paris.
Dès le XIIème siècle au village de Belleville, les « sources du Nord » sont captées par les moines de Saint-Martin des Champs pour abreuver la capitale ; de cette activité restent aujourd’hui quatre remarquables « regards ».
Belleville et Ménilmontant sont aussi des lieux de détente et de villégiature pour les Parisiens : des aristocrates ou des bourgeois aisés s’y font construire des résidences de repos, comme le château de Saint-Fargeau ou le Pavillon Carré de Baudouin. Les plus modestes montent le dimanche à Belleville pour y boire le vin guinguet, servi à bas prix dans les guinguettes des barrières où l’on chante et l’on danse. Belleville est depuis longtemps un lieu de divertissements et de fêtes avec ses théâtres, ses cafés-concert, puis ses nombreux cinémas… Sa Descente de la Courtille qui clôt chaque année le Carnaval jusque dans les années 1830, est très célèbre.
L’industrialisation de Belleville, dès les dernières années du XVIIIème siècle, et l’accroissement régulier de la population y suscitent un essor continu de la construction, souvent des habitats de piètre qualité destinés aux ouvriers qui logent à Belleville et vont travailler à Paris, dans les arrondissements limitrophes. C’est au milieu du XIXème siècle que les architectes Jean-Baptiste Lassus et Louis Héret édifient les églises Saint-Jean-Baptiste de Belleville et Notre-Dame de la Croix de Ménilmontant, dans un style éclectique très caractéristique de l’époque.
Belleville à la veille de l’agrandissement
À la veille de l’agrandissement de Paris, en 1860, avec 65 000 habitants, Belleville est par sa démographie la 2ème ville du département de la Seine, juste après Paris.
L’annexion de Belleville à Paris, le 1er janvier 1860, est ressentie par les Bellevillois comme une atteinte à leur identité. En effet, la commune est partagée suivant la rue de Belleville pour constituer d’un côté, avec La Villette, le 19e arrondissement et de l’autre, avec Charonne, le 20e. Ce traumatisme est sans doute en partie à l’origine de l’engagement des Bellevillois dans la Commune de Paris en 1871, où ils jouent un rôle très actif jusqu’au dernier jour. Après la chute des dernières barricades, des combats très meurtriers ont lieu dans le cimetière du Père-Lachaise et nombre d’habitants sont les tués, déportés ou exilés.
Déjà, avec la rédaction du Programme de Belleville (1869) par Léon Gambetta, député de l’arrondissement jusqu’à sa mort, en 1882, Belleville est un fief démocratique, d’abord républicain, puis socialiste et communiste. C’est en 1877 qu’est créée dans ce quartier très populaire et pauvre la fameuse coopérative « La Bellevilloise », qui devient, au début des années 1900 et jusqu’à sa disparition en 1936, un centre d’animation politique, social et culturel, tandis que de nombreuses autres œuvres philanthropiques de toutes obédiences (Goutte de lait de Belleville, patronages divers…) voient le jour dans le quartier.
Peu à peu, Belleville s’intègre à la capitale avec l’ouverture de la rue des Pyrénées et de l’avenue Gambetta, la construction de la Mairie, celle de l’hôpital de Ménilmontant (ensuite Tenon), l’arrivée du funiculaire de Belleville puis des lignes de métropolitain (3, 3bis et 11), la naissance du quartier Gambetta avec l’ouverture au nord du Père-Lachaise, etc. Dans les années 1980, elle fera l’objet d’opérations de réhabilitation urbaine, malheureusement parfois très brutales, qui souvent se heurtent à la résistance de la population.
Le début du XXème siècle marque le début de l’arrivée par vagues successives d’étrangers persécutés dans leur pays d’origine ou poussés par la misère : Arméniens, Juifs d’Europe centrale, magrébins, juifs de Tunisie, Chinois, migrants…, faisant de ce quartier où les valeurs de solidarité et de tolérance sont toujours d’actualité un quartier arc-en-ciel, une vraie « ville-monde ».
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Le Dr Variot (1855-1930) et la Goutte de lait de Belleville
En juillet 1892, s’ouvre au 126 boulevard de Belleville, dans un ancien gymnase, un « dispensaire gratuit pour les enfants malades ». En 1894, il devient la « Goutte de lait de Belleville
L’initiateur en est le Docteur Gaston Variot, médecin des hôpitaux en pédiatrie. Préoccupé par la mortalité des enfants en bas âge dans les hôpitaux, son rapport entraine la création de trois hôpitaux modernes d’enfants : Bretonneau, Hérold et Trousseau.
Le docteur Variot s’attache ensuite aux troubles provoqués par des erreurs alimentaires. À Belleville, la mortalité des enfants de 0-1 an est proche de 25%, alors qu’elle n’est que de 10% dans le quartier des Champs-Élysées.
Il met en place des consultations où les nourrissons sont suivis régulièrement et les mères éduquées et bien conseillées. Il organise des grandes distributions de lait stérilisé, à prix réduit, pour l’allaitement artificiel des enfants.
Lors la Première Guerre mondiale où il perd ses deux fils, il reprend du service dans les hôpitaux militaires de Paris. En 1920, il cesse toute activité hospitalière, mais il conserve sa consultation de la Goutte de lait de Belleville. Il meurt à Paris le 25 février 1930.
Porte des Lilas, un jardin public lui est dédié.