Le PCB sauvé de la promotion immobilière
Le PCB sauvé de la promotion immobilière
Après les vacances d’été, c’est aussi la rentrée pour le Pavillon Carré de Baudouin (PCB) qui a rouvert ses portes le 30 août 2025. À partir du 18 septembre et dans le cadre de leur prochaine exposition, Pooya Abbasian et Noélie Bernard ont entrepris un travail de mémoire autour de l’histoire du PCB. Le lieu dans son ensemble hébergeait à l’origine un orphelinat, et par la suite un centre médico-social et un foyer de jeunes travailleurs.

Inscription au dessus de la porte de l’ancien orphelinat-PG
À cette occasion, le PCB fait appel au témoignage de toutes les personnes qui y ont vécu, travaillé ou séjourné.
https://www.pavilloncarredebaudouin.fr/collecte-de-temoignage-et-de-recits/
Le PCB tel que nous le connaissons aujourd’hui a pu être sauvé grâce à une forte mobilisation locale qui a duré plusieurs années. Celle-ci s’est opposée au projet d’achat par un promoteur en vue d’une importante opération immobilière. Ce projet n’a finalement pas pu aboutir.
L’AHAV est étroitement liée à la sauvegarde de ce bâtiment et nous avons demandé à Thierry Halay (*), à l’initiative de son sauvetage et à l’époque président de l’AHAV, de nous rappeler le déroulé de son intervention.
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Q : Thierry, tu as été le président de l’association l’histoire, son cofondateur et tu as assuré cette fonction pendant 25 ans.
TH : Oui exactement, depuis sa création en 1991 jusqu’en 2018.
Q : Nous sommes devant ce fameux pavillon du PCB et à l’intérieur de son jardin devenu public. Quelle impression as-tu aujourd’hui en retrouvant ces lieux ?
TH : Je trouve que c’est un magnifique ensemble qui a été très bien restauré, dans les règles de l’art et avec ce jardin qui s’appelle Jean-Michel Rosenfeld. On a vraiment un site complémentaire avec le jardin, c’est un lieu pour la création artistique et culturelle contemporaine mais aussi un lieu chargé d’histoire, donc, à mon avis l’un des lieux particulièrement remarquables dans le 20e arrondissement de Paris.
Q : Ce pavillon était destiné à la démolition et à la promotion immobilière avec en perspective une magnifique vue sur Paris. En tant que président de l’AHAV, tu as été à l’origine de sa sauvegarde. Quel est précisément l’intérêt patrimonial de ce lieu ?
TH : Tout d’abord, dans notre association d’histoire, nous connaissions depuis longtemps l’existence de ce pavillon. Il s’agit-là d’un des rares bâtiments du XVIIIe siècle pour l’essentiel et qui subsiste dans le 20e avec le pavillon de l’Ermitage, l’un des vestiges du château de Bagnolet. Quand nous avons appris qu’il était menacé par une opération immobilière, je suis intervenu avec d’autres personnes pour attirer l’attention des autorités compétentes sur son intérêt patrimonial et historique.
Il faut dire qu’en dehors de l’association d’histoire, il n’y avait pas grand monde qui connaissait l’importance de ce bâtiment. Ce n’était d’ailleurs pas un lieu ouvert au public puisqu’il appartenait à une congrégation religieuse -les Sœurs de la Charité- qui le louait à deux associations formant et hébergeant des jeunes en difficulté. La première action à engager était de faire connaître l’intérêt architectural et historique de ce lieu. Avec la volonté bien sûr de le préserver.

Thierry Halay devant la pelle Starck
Q : Comment as-tu connu le projet de vente du PCB par les Sœurs de la Charité ?
TH : Nous connaissions l’existence de ce pavillon depuis la création de notre association. Plusieurs ouvrages en faisaient aussi mention dans différents supports. On a pu d’ailleurs parfois l’appeler -à tort- le pavillon Pompadour alors que la marquise de Pompadour n’a rien à voir avec l’existence de ce site. Maxime Braquet, qui faisait aussi partie de nos membres, avait poursuivi des recherches dans différents fonds d’archives. Il nous a permis de les diffuser sous forme d’un bulletin consacré intégralement à ce bâtiment. Chose curieuse également, on a souvent oublié que les frères Goncourt avaient séjourné dans ces lieux.
Le projet immobilier est venu par la suite et les démarches que nous avons entreprises ont débuté vers 1997.
Q : Dans la perspective de ce projet immobilier, tout aurait-il pu être détruit ?
TH : En fait, le lieu était déjà en partie préservé depuis les années 1920, tout au moins sa seule façade de style néo-palladien inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1928. mais cela ne garantissait pas pour autant une protection totale. On aurait pu par exemple y faire simplement ce qu’on appelle du « façadisme », c’est-à-dire construire un immeuble moderne en conservant seulement cette façade, comme déjà réalisé dans d’autres bâtiments de Paris.
Q : Préserver le bâtiment, et ensuite que faire de ce lieu ?
TH : Notre premier objectif était de le conserver dans son intégralité, et de fil en aiguille on a évidemment réfléchi à l’utilisation des lieux : y installer un projet de musée historique, à l’image du musée de Montmartre par exemple. Rappelons qu’il n’existe pas de musée dans le 20e, c’est d’ailleurs le seul arrondissement sans musée, toutes spécialités confondues. Ce musée aurait notamment pu présenter la collection de Clément Lépidis à notre disposition, des objets et des photos qui racontent principalement l’histoire de Ménilmontant et de Charonne, complété par d’autres documents présentant l’histoire de l’arrondissement.
Cette proposition n’aura finalement pas abouti. Par contre, nous avons réussi à faire prendre en compte l’intérêt historique du bâtiment avec le soutien d’universitaires, de journalistes et bien sûr des responsables administratifs et politiques locaux et ceux de la mairie de Paris.
Q : Tu te souviens de quels soutiens ?
TH : Tout d’abord en interne, nous annoncions cette information et notre démarche au début de chacune de nos conférences. La Fédération des sociétés d’histoire d’Île-de-France était également derrière nous et a soutenu ce projet qui menaçait l’intégrité du site.
Et puis, l’Union Des artistes et des Associations Culturelles du 20e (UDAC) dont Philippe Gluck de l’AHAV, assurait la présidence au nom de notre association d’histoire. D’ailleurs, la première adresse du siège social de l’association se situait à l’UDAC… c’est-à-dire au 55 rue de la Mare. Et en tant que directrice de l’UDAC, Florence Desserin en assurait la permanence au quotidien et relayait aussi cette actualité.
Ensuite, il y a eu l’apport tout particulièrement important de Jean-Michel Rosenfeld, à l’époque l’adjoint au maire du 20e chargé du patrimoine. Il assistait par ailleurs très souvent à nos conférences et nous a même assuré une d’entre elles. Il a lui-même enrichi le dossier sur la préservation du PCB que nous lui avions transmis, puis soutenu jusqu’au bout son acquisition à auprès de l’Hôtel de Ville.

Plaque du square Jean-Michel Rosenfeld-PG
Il faut signaler aussi Edgard Barbuat du quartier Saint-Blaise : il publiait son journal local d‘annonces gratuit -qui n’existe plus aujourd’hui- et nous a soutenus grâce à son réseau de connaissances. Et très certainement L’Ami du 20e.
Dans l’ensemble, tous les soutiens associatifs et universitaires ont été pris en compte dans cette aventure, et finalement le bâtiment a pu être acquis en 2003 par la Ville de Paris.
Q : Dans quelle mesure imaginais-tu voir ton initiative aboutir ?
TH : Je pensais que notre action avait toutes les chances de réussir mais évidemment nous n’avions aucune garantie. L’Hôtel de Ville fait toujours un choix parmi des priorités, d’où le fait de regrouper le plus de monde possible autour de nous.
On se doutait quand même que le projet de sauvegarde du bâtiment avait davantage de chances d’aboutir que notre demande de musée dans ce lieu. Même si l’association était prête à s’y investir bénévolement avec sa base documentaire, un musée suppose un investissement important, des frais de fonctionnement et des frais de personnel. Plus tard, on a réorienté notre projet vers un espace historique plus modeste, sous forme d’une collection permanente au sein du PCB en coexistence avec sa vocation artistique et culturelle. Un projet toujours d’actualité.
Mais par ailleurs, la reconnaissance en tant que premier rôle moteur lié à la préservation du bâtiment (soutenue et relayée ensuite par les élus) a été reconnu : concrètement, grâce à la mairie du 20e nous disposons aujourd’hui d’un local sur place, et cela depuis le début de l’acquisition du lieu.
Q : On parle moins du jardin et de l’ancien bâtiment qui servait d’école dédié à l’orphelinat.
TH : Ils font effectivement partie de l’ensemble du site. Il existait en plus un bâtiment servant à héberger des apprentis du secteur privé. Pour notre part, notre intervention se limitait au Pavillon Carré de Baudouin… Mais on peut dire qu’indirectement l’association et ses soutiens ont participé à la sauvegarde de l’ensemble, qui faisait partie de la même propriété. Cela dit il est possible que le jardin en lui-même aurait été préservé grâce aux règles en matière d’urbanisme… au moins en partie.
Q : Enfin, d’où vient cette appellation « Carré de Baudouin » ?
TH : Elle vient du nom de Nicolas Carré de Baudouin qui avait hérité en 1770 de cette propriété. Le mot « carré » est souvent utilisé pour les lieux culturels. Une coïncidence heureuse pour l’appellation du PCB. De la même manière, on s’est souvent interrogé sur la façon d’écrire « Baudouin ». Avant la révolution et suivant les différents documents consultés, les noms de famille n’étaient pas stabilisés. Les personnes écrivaient suivant ce qu’elles entendaient, y compris parfois les hommes de loi et les administratifs. De plus, les gens qui tenaient les registres paroissiaux ou d’état civil n’écrivaient pas forcément très bien et donc ont été parfois mal relus. Finalement, on a retenu aujourd’hui « l’orthographe » devenue communément admise : le « Carré de Baudouin », attaché à son Pavillon.
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(*) Thierry Halay est président d’honneur de l’AHAV et directeur de la collection « Histoire de Paris » aux éditions L’Harmattan. Il a aussi écrit plusieurs ouvrages historiques chez cet éditeur : Le Mont-de-Piété des origines à nos jours, Paris et ses quartiers, Histoire des centenaires et de la longévité, et aux Éditions Parigramme : Mémoires des rues-Paris 20e arrondissement. Son dernier livre, Alain Decaux raconté (L’Harmattan), a fait l’objet d’une conférence à l’AHAV le 15 mai 2025.
Le PCB sauvé de la promotion immobilière


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