Il y a 80 ans, Fernande Onimus
Une pensée pour Fernande Onimus de la rue des Rondeaux
Nous gardons toujours en mémoire les résistantes de notre arrondissement, parfois moins connues mais qui disposent d’une plaque commémorative en leur nom, fleurie officiellement chaque année par la Ville.
Parmi elles, Fernande Onimus, née Phal le 9 octobre 1899 à Charenton-le-Pont. Elle est la fille d’un employé de chemin de fer et d’une institutrice. Elle habitait 88 rue des Rondeaux (n°84 actuellement) à Paris 20e, avec son mari Robert et leurs deux enfants.
Réseau et ligne Comète
En juillet 1943, elle devient, avec Odile Verhulst son amie du quartier, cheffe-hébergeuse du 20e pour Comète, un réseau de résistance créé par une jeune belge, Andrée de Jong, pour récupérer, héberger, accompagner et exfiltrer les aviateurs alliés tombés en Belgique ou en France, jusqu’en Espagne via la frontière basque, et leur permettre ensuite de rallier Gibraltar alors sous contrôle britannique [1].

Andrée de Jong, dirigeante du réseau Comète – Imperial War Museum London
Comète est financé par le MI9 britannique mais opère de manière indépendante. Environ 800 aviateurs alliés et de nombreux résistants emprunteront la ligne Comète de juillet 1941 à juin 1944.

Routes utilisées par le réseau Comète (en rouge), le réseau Pat O’Leary (en bleu), et le réseau Shelburn (en brun) – National museum of the US Air Force
Le réseau comporte des refuges clandestins pour quelques jours ou plusieurs semaines, où les militants logent, nourrissent et habillent en civil les pilotes. Avec d’autres, elles constituent un petit réseau de planques, notamment chez Odile Verhulst, rue du Cher, « la maison à quatre pattes » (il fallait se faufiler par une trappe).
Pour les faux papiers indispensables aux aviateurs, elles sont en lien avec Marguerite Cécile du bureau militaire de la mairie du 20e, sous-lieutenant dans un groupe résistant lié à Libération-Nord. Pour des raisons de sécurité, Robert et Fernande Onimus envoient alors leur fils à la campagne car à l’école Sorbier, il rêve de devenir pilote…

Blason du réseau Comète
En 1943, Fernande Onimus est connue dans la clandestinité sous divers pseudonymes : Rosa, ou parfois « Madame Françoise », ou encore décrite comme « The little lady in black« , car « elle mesure 1m40 et s’habille toujours en noir. On la rencontre dans tout le 20e arrondissement, serrant contre elle un grand sac noir ».[2]
À plusieurs reprises, les dirigeants et agents nationaux et parisiens du réseau Comète sont déjà « tombés », dénoncés par des agents infiltrés par l’Abwehr, le contre espionnage allemand. Le 18 janvier 1944, les Allemands arrêtent les membres parisiens du réseau dont Fernande Onimus et Odile Verhulst, mais aussi d’autres responsables parisiens ainsi que George Goldstein, un aviateur américain caché alors rue du Cher.

7 rue du Cher, domicile d’Odile Verhulst – PG
De Romainville à Ravensbrück
Fernande Onimus et ses camarades sont d’abord incarcérées dans les quartiers allemands, puis regroupées au camp de Romainville. Elles partent de la gare du Nord en wagons à bestiaux le 13 mai 1944, elles retrouvent les résistantes communistes des Comités féminins du 20e « libérées » par la Gestapo de la Centrale de Rennes [3].
Toutes sont déportées au camp de concentration de Ravensbrück, « l’Enfer des femmes », dans le cadre de la procédure NN, Nacht und Nebel (secret, pas de nouvelles ni contact avec l’extérieur).
Fernande Onimus meurt à 45 ans à Ravensbrück le 23 ou le 24 avril 1945. Mais il sera mentionné le 5 avril 1945 comme date fictive collective, comme c’est l’usage, avec mention portée à l’état civil du 20e arrondissement le 11 février 1947. L’état lui reconnaît le statut de militaire des forces combattantes : agent P2 de juin 1943 au 18 janvier 1944, « Morte pour la France » [4].

Plaque à la mémoire de Fernande Onimus – 84 rue des Rondeaux – PG
Une plaque commémorative honorant sa mémoire est apposée au bas de son immeuble, 84 rue des Rondeaux. Selon l’historienne Corinne Von List, l’aide à l’évasion a été la forme de résistance la plus mortelle : 51,2 % des femmes engagées dans cette forme de résistance ont succombé.
Par ailleurs, Odile Verhulst, 64 ans, est gazée à Ravensbrück le 20 février 1945, avec 18 autres femmes.[5]
Le dénonciateur infiltré belge travaillant pour l’Abwehr, Jean-Jacques Desoubrie, aurait participé à l’arrestation de plus de mille personnes. Arrêté en Allemagne en 1947 par les Américains, il est jugé puis fusillé en 1949 en France, en criant « Heil Hitler ! ».[6]
[1] Odile de Vasselot, Tombés du ciel, Histoire d’une ligne d’évasion, Le Félin, 2005, p139.
[2] https://evasioncomete.be/fgoldstgg.html
[3] Liste de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, I-212. : 552 femmes dont 77% rentreront.
[4] GR28 P4 256280 – 16P473803.
[5] www.bddm.org
[6] AN AJ72/45
Il y a 80 ans, Fernande Onimus
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