
1870, Paris assiégé s’adapte pour survivre
Décembre 1870, que la vie est dure à Belleville
Il y a 150 ans, tout juste trois mois avant le début de la Commune, Paris vivait déjà assiégé par l’armée prussienne qui encerclait la ville. Que se passait-il précisément en ce mois de décembre ? Quel était le quotidien des habitants ? Comment arrivaient-ils à survivre ?
À travers ce docu-fiction paru ce mois-ci dans L’Ami du 20ème, notre vice-présidente Christiane Demeulenaere-Douyère nous fait partager ici sous forme d’une lettre privée -légèrement modifiée par rapport à l’article- ces moments particulièrement intenses.
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Mes chers cousins
Le mois de décembre 1870 arrive à grands pas et la situation ici ne va pas en s’améliorant…
Depuis bientôt trois mois, c’est-à-dire depuis le 19 septembre, nous vivons assiégés, reclus par le système de fortifications mis en place par Thiers en 1843, des murs qui devaient nous protéger, qu’on nous avait dit, mais qui se sont finalement refermés sur nous comme un piège. Quant aux Prussiens, au début, ils ont laissé sortir les plus riches et les plus prévoyants qui couraient se réfugier à la campagne. Maintenant, ils attendent tranquillement, en fumant leurs pipes, que Paris tombe de lui-même, comme un fruit mûr…
Partout, les uniformes bleu et rouge de la Garde nationale ont fleuri car beaucoup de petites gens et d’ouvriers ont perdu leur travail. Mon patron, qui est laqueur sur bois, n’a plus de commandes et il m’a renvoyé. On s’est enrôlé chez les gardes nationaux pour toucher la maigre solde, le seul moyen de faire vivre la famille. Vivre ? plutôt survivre… car, 1 f 50 par jour, ça ne suffit pas à faire bouillir la marmite… d’autant que bientôt on sera six, Marie attend un petit pour mai… Mais peut-être que cette damnée guerre sera finie d’ici là, c’est ce que nous espérons…
Pendant le siège de Paris en 1870
L’étau se resserre et le ravitaillement n’entre plus depuis des semaines… Comme d’habitude certains en profitent pour spéculer… Mais, pour les plus pauvres – et on est nombreux –, la vie est de plus en plus dure malgré les efforts des commissions municipales nommées pour remplacer les autorités défaillantes. Le 6 octobre, on a ouvert des boucheries municipales, mais, faute d’approvisionnement, dès le 12, elles n’ont plus distribué que 100 gr de viande par personne, et encore après des heures et des heures d’attente ! Et, à la fin du mois, il ne restait que du suif sur les étals. Le 10 novembre, un boucher a commencé à vendre du chien… ensuite, on s’est rabattus sur les chevaux et les mulets, puis les chats, les rats, les moineaux qu’on mangeait en brochettes… bah ! pas très dodus, les moineaux de Paris, mais pas si mauvais, après tout !! Je les préfère aux rats.
Alimentation de Paris pendant le siège
Mon voisin m’a raconté qu’un marché aux rats où on va choisir sa bestiole, s’est ouvert devant l’Hôtel de Ville. Enfin moi ça me dégoûte ! On a aussi sacrifié les animaux du Jardin d’Acclimatation, qu’on ne pouvait plus nourrir, mais cette viande-là, elle est réservée aux bourses bien garnies… Inutile de vous préciser qu’à Belleville, on n’en a pas beaucoup vu, de viande de yacks ou de rennes ! On a gardé les deux éléphants du Jardin, Castor et Pollux, jusqu’à la fin du mois de novembre et puis, il y a quelques jours, on les a fusillés sans pitié ! A ce train-là, ce sera bientôt la famine… la livre de beurre coûtera 30 francs le kilo, la livre de chien 4 francs, le chat 20 francs, le corbeau 4 francs et le pain sera rationné…
Siège de PARIS, abattage de l’éléphant au jardin d’acclimatation
Et, en plus, l’hiver s’annonce rigoureux, c’est ce que les anciens prédisent… On redoute de manquer de charbon et de gaz pour cuisiner et se chauffer ; il faudra alors aller couper les arbres des boulevards.
Je me demande comment je vais vous faire parvenir ma lettre. Rien n’entre dans Paris, rien n’en sort, les Prussiens y veillent ! Les ballons montés sont réservés aux dépêches officielles… Avec un peu de chance, je trouverai bien un gars qui aura un pigeon voyageur…
Des fois, on est bien découragés, je vous assure, mes chers cousins… On se demande pourquoi endurer tant de privations ? Bien sûr parce qu’on l’aime, la France… la honte de la capitulation de Sedan nous a fait mal, et ces Prussiens, on finira bien par les avoir… Et bien sûr aussi parce qu’on l’aime, cette République, que nous avons espérée si longtemps… Mais le gouvernement de la Défense nationale nous a bien laissés tomber, nous autres pauvres Parisiens… De plus en plus, dans les files d’attente ou entre voisins, on entend dire : « Ils nous ont trahis »…
Marie et les mioches vont bien. On vous embrasse, en espérant vous revoir bientôt.
Est – ce qu’il existe un historique sur ce qu’on appelait ‘les anciennes écuries du Roi” rue Bisson presque au coin de la rue des Couronnes?