Affiche de la Commune datée du 2 avril 1871. Les versaillais bombardent près de Paris, les communards répliquent dès le lendemain.
3 avril 1871, 3 actions de la Commune
La veille, dimanche des Rameaux, Thiers a fait bombarder sans sommation Courbevoie. « Au bruit du canon, Paris s’arrêta. Personne ne croyait à une attaque, tant l’on vivait depuis le 18 mars dans une atmosphère de confiance » (P. O. Lissagaray).
Dans l’émotion, sans vraie décision politique ni préparation, les généraux de la Commune décident de riposter sans tarder par une attaque surprise qui se révélera catastrophique.
L’« offensive torrentielle » du 3 avril 1871
Le plan de la sortie est assez simple, mais l’armée de la Commune ne dispose plus d’un commandement expérimenté. Les généraux n’ont pas rédigé d’ordre du jour et, plus grave, n’ont pas pris avec eux assez de canons. Il n’y a pas d’éclaireurs, les Fédérés manquent de munitions et de vivres. Mais la plupart des soldats s’attendent, à la lecture des journaux, à une simple promenade militaire.
Le matin du 3 avril, vers 3h, Jules Bergeret part de Neuilly vers Rueil, avec 6 000 hommes et 8 canons. Vers 6h30, les Fédérés sont surpris par les tirs de la batterie versaillaise du Mont-Valérien. Même si elle ne dispose que de quelques pièces, les Fédérés qui pensent le Mont-Valérien aux mains des leurs, cèdent à la panique. Les tirs des Versaillais durent jusque vers 11h et de nombreux Fédérés, criant à la trahison, préfèrent rentrer à Paris. Seuls 1 200 hommes arrivent à Rueil. Puis, un millier d’hommes, menés par Gustave Flourens (enterré au Père Lachaise), arrive peu après et continue jusqu’à Chatou et Bougival.
L’armée ne déploie pas ses unités situées autour de Versailles avant 10h. La première contre-attaque est menée par le 114e régiment d’infanterie de ligne du colonel Boulanger, vers Bougival. Fort de 1 400 hommes, il est soutenu par le 113e régiment d’infanterie de ligne et une batterie d’artillerie. Bougival est facilement réoccupé et Boulanger y ordonne une répression sanglante. A Rueil, une poignée de Fédérés cherche à résister avant de battre en retraite. Désespéré par cet échec, Flourens se réfugie sur la rive gauche de la Seine où il est pris et tué.
Une autre colonne de Fédérés, sous le commandement du général Eudes (enterré au Père Lachaise), assisté de Ranvier et Avrial, dispose de 10 000 hommes, dont beaucoup de Bellevillois, et de 8 canons. Toutefois, la colonne est largement désorganisée. Les Gardes nationaux s’attendent à une promenade militaire et à la fraternisation avec l’armée versaillaise. Ils n’ont pas de réserves ni d’approvisionnements et leurs canons sont insuffisants en nombre. L’ordre du jour d’Eudes donne comme seul ordre de « marcher en avant ».
En face, la défense de Meudon a été confiée à un corps de gendarmes, environ un millier d’hommes retranchés dans le château, soutenus par une batterie d’artillerie. La bataille commence par un bombardement versaillais de la colonne fédérée à partir de la batterie de Meudon. Ce qui sème la pagaille au sein des Fédérés : l’arrière se replie précipitamment sur le fort d’Issy et l’avant entre au pas de charge dans Meudon. Là, sans commandement, les Fédérés ne peuvent profiter de leur supériorité numérique.
En début d’après-midi, le général versaillais La Mariouse arrive avec 9 000 hommes de renforts et parvient à reprendre le château. Les Fédérés se maintiennent dans le reste du village. Leur manque d’artillerie commence à se faire sentir et les nouvelles attaques parisiennes buttent contre les murs du village. Eudes commande alors un repli sur le fort d’Issy où Gabriel Ranvier est revenu installer de l’artillerie.
Quant à Victor Duval, à la tête d’une 3e colonne, il réussit à s’établir sur le plateau de Châtillon, avec 1 500 hommes. Mais, suite à la capture de Flourens, il se retrouve cerné et, les Versaillais ayant promis la vie sauve, ses troupes se rendent. Mais les Versaillais fusillent comme « déserteurs » tous ceux qui ont servi dans l’armée avant le 18 mars, et les autres sont menés vers les prisons de Versailles.
La sortie du 3 avril se solde donc par un véritable fiasco. Bilan : deux généraux de la Commune, Gustave Flourens et Victor Duval, tués pour le premier à Rueil, par le gendarme Desmarets qui lui défonce le crâne à coups de sabre, et le second fusillé au Petit-Clamart, le 4 avril, sur l’ordre du général Vinois ; et tous les Gardes nationaux tombés aux mains des Versaillais ont été fusillés comme « déserteurs » ou sont emprisonnés.
La « manifestation des femmes »
Le 3 avril 1871, semble aussi avoir lieu, à Paris, une manifestation de femmes, suite à un appel publié dans Le Cri du Peuple :
« Citoyennes !
Femmes de toutes les classes,
Allons à Versailles !
Allons dire à Versailles ce que c’est que la Révolution de Paris ;
Allons dire à Versailles que Paris a fait la Commune, parce que nous voulons rester libres ;
Allons dire à Versailles que Paris s’est mis en état de défense, parce qu’on l’a calomnié, parce qu’on l’a trompé, et qu’on a voulu le désarmer par surprise ;
Allons dire à Versailles que l’Assemblée est sortie du droit, et que Paris y est rentré ;
Allons dire à Versailles que le gouvernement est responsable du sang de nos frères, et que nous le chargerons de notre deuil devant la France entière.
Citoyennes, allons à Versailles, afin que Paris ait tenté la dernière chance de réconciliation. Pas le moindre retard.
Réunissons-nous aujourd’hui même à midi, place de la Concorde, et prenons cette importante détermination devant la statue de Strasbourg.
Une véritable citoyenne. »
La presse suit l’affaire. Le Rappel du 4 avril rapporte les faits suivants :
« Entre deux heures et trois heures passait dans la rue de Rivoli un cortège de plus de cinq cents femmes se tenant bras dessus bras dessous, agitant leurs mouchoirs au cri de « Vive la République », et se dirigeant sur la place de la Concorde. Tambours et clairons marchaient en tête. On assurait qu’elles allaient à Versailles.
Plus tard, vers quatre heures et demie, à l’extrémité du pont de Grenelle (rive droite), on a vu arriver du côté de Paris une longue file de jeunes femmes du peuple […], au moins une centaine, par quatre de front, avec un petit carré de drap rouge sur la poitrine. Une trentaine d’intrépides gamins d’une quinzaine d’années ouvrait la marche, chantant le Chant du départ. […]
– Où allez-vous ainsi, a demandé quelqu’un à une de ces vaillantes ?
– Nous allons à Versailles ! a-t-elle répondu du ton le plus simple et le plus naturel, rejoindre nos maris […]. »
Un journaliste du Siècle observe la bataille depuis le Trocadéro (numéro du 4 avril) :
« Vers trois heures et demie, nous apercevons une colonne précédée de bannières rouges qui vient par les quais de la place de la Concorde et paraît se diriger vers le Point du Jour. La colonne approche : en tête cinquante à soixante gamins qui chantent le Chant du départ.
À la suite, 250 à 300 femmes, ornées de rosettes rouges. Ces citoyennes annoncent qu’elles vont à Versailles sommer le gouvernement de cesser d’envoyer des bombes sur Paris. Elles invitent les dames qu’elles rencontrent à se joindre à elles. Ces invitations n’ont pas de succès. »
Mais le quotidien La Commune précise le 6 avril : « Quant à la manifestation organisée lundi par les femmes, elle n’a pu franchir l’enceinte de Paris. Les gardes nationaux de service aux fortifications n’ont pas voulu laisser sortir les citoyennes parisiennes, dans la crainte qu’elles ne fussent mitraillées. »
La séparation de l’Église et de l’État
Et ce même lundi 3 avril 1871, la Commune décrète, avec 34 ans d’avance sur le Petit Père Combes, la séparation de l’Église et de l’État.
Et l’on s’étonne qu’en aussi peu de jours (la Commune n’a duré que 72 jours…), elle ait pu semer les germes d’autant d’avancées sociales majeures…
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